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01/10/2014 | FRANCE | N°12-24626

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 octobre 2014, 12-24626


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 juin 2012), que les époux X... ont donné à bail rural à Mme Y..., par actes des 27 septembre et 4 octobre 1999 reçus par M. Z..., notaire, diverses parcelles de terre ; que ce bail comprenait une promesse de vente unilatérale à Mme Y... précisant que le prix de vente serait partiellement payé par compensation avec les loyers versés ; que cette vente a été régularisée par acte authentique du 8 août 2003 ; que, soutenant que le notaire ne l'avait pas avisée du projet, conformément aux dispositions de l'article R. 143-9 du code rural e

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 21 juin 2012), que les époux X... ont donné à bail rural à Mme Y..., par actes des 27 septembre et 4 octobre 1999 reçus par M. Z..., notaire, diverses parcelles de terre ; que ce bail comprenait une promesse de vente unilatérale à Mme Y... précisant que le prix de vente serait partiellement payé par compensation avec les loyers versés ; que cette vente a été régularisée par acte authentique du 8 août 2003 ; que, soutenant que le notaire ne l'avait pas avisée du projet, conformément aux dispositions de l'article R. 143-9 du code rural et de la pêche maritime, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Maine Océan (SAFER) a assigné les parties à l'acte et le notaire en nullité de la vente ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SAFER fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en nullité, alors, selon le moyen :
1°/ que les exemptions au droit de préemption de la SAFER lui sont inopposables en l'absence de notification régulière du projet de vente ; qu'en décidant au contraire que nonobstant le défaut avéré de notification du projet de vente à la SAFER Maine Océan, Mme Y... pouvait valablement faire échec au droit de préemption de la SAFER en se prévalant du bénéfice de l'exemption prévue à l'article L. 143-6 du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble les articles R. 143-9 et R. 143-20 du même code ;
2°/ que l'existence d'un bail rural suppose une contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres ; qu'en se bornant à retenir, pour considérer que Mme Y... pouvait se prévaloir d'un bail régulier de plus de trois ans primant à la date de la vente non notifiée à la SAFER le droit de préemption de celle-ci, que Mme Y... avait pris les terres à bail à compter du 1er novembre 1999 et les exploitait depuis cette date, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette mise à disposition n'avait pas été effectuée à titre gratuit dans la mesure où il avait été prévu que les loyers seraient in fine entièrement imputés sur le prix de vente ultérieur de l'immeuble et que cette déduction a effectivement été opérée par les partie lors de la vente non notifiée à la SAFER en août 2003, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 143-6, L. 411-1, R. 143-9 et R. 143-20 du code rural et de la pêche maritime ;
3°/ que le preneur en place ne bénéficie d'aucune exemption au droit de préemption de la SAFER s'il est propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois la superficie minimale d'installation prévue par l'article L. 312-6 du code rural ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces régulièrement versées aux débats par la SAFER Maine Océan et spécialement des arrêtés préfectoraux successivement applicables dans le département que la surface minimum d'installation avait toujours été fixée à 20 ha de sorte que le preneur en place ne pouvait bénéficier d'un droit de préemption sur le fondement de l'article L. 412-5 du code rural que pour autant que la superficie dont il dispose à la date de la vente soit inférieure à 60 ha ; que dans ses conclusions d'appel, la SAFER Maine Océan faisait valoir qu'il résultait des relevés parcellaires produits et de la décision administrative du 28 septembre 2001, que Mme Y... exploitait déjà 74 ha 83 a 24 ca avant de déclarer ensuite une superficie de 97 ha 41 a 36 ca ; que dès lors, en affirmant que le droit de préemption de la SAFER Maine Océan était primé par celui de Mme Y... sans vérifier si cette dernière remplissait effectivement les conditions cumulatives de l'article L. 412-5 du code rural lui permettant de bénéficier d'un droit de préemption faisant échec à celui de la SAFER, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 143-6 et L. 412-5 du code rural et de la pêche maritime ;
4°/ que le refus définitif de l'autorisation d'exploiter emporte la nullité du bail que la SAFER, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'en l'espèce, pour demander la nullité de la vente conclu le 8 août 2003 entre Mme Y... et les époux X..., la SAFER Maine Océan avait fait valoir que cet acte avait été passé au mépris de son droit de préemption ; que Mme Y... avait cependant cru pouvoir se prévaloir du contrat de bail conclu les 27 septembre et 4 octobre 1999 avec les époux X... pour faire valoir qu'elle bénéficiait d'une exemption au droit de préemption de la SAFER ; que la SAFER Maine Océan avait alors objecté que ce bail était entaché de nullité pour défaut d'autorisation d'exploiter ce qui avait été constaté par un arrêté du préfet de Loire Atlantique du 28 septembre 2001 ; qu'en affirmant que la SAFER Maine Océan ne pouvait pas, pour justifier de la régularité de sa préemption, exciper de la nullité du bail litigieux dès lors qu'il avait reçu exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ;
5°/ que l'exception de nullité peut être invoquée par un tiers afin de faire échec à la demande d'exécution d'un autre acte juridique que celui qui a été exécuté ; qu'en affirmant que l'exécution par Mme Y... et les époux X... du bail conclu les 27 septembre et 4 octobre 1999 interdisait à la SAFER Maine Océan d'exciper de sa nullité, pour demander l'annulation de la vente conclue le 8 août 2003 au mépris de son droit de préemption, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé à bon droit que la seule absence de la notification du projet d'aliénation par le notaire, exigée par l'article R. 143-9 du code rural et de la pêche maritime ne permettait pas à la SAFER d'agir en nullité de la vente dès lors qu'elle ne pouvait prétendre exercer son droit de préemption en présence d'un preneur en place depuis plus de trois ans, la cour d'appel qui a souverainement retenu que, le bail ayant été exécuté, le versement de loyers en constituait la contrepartie onéreuse, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant à bon droit retenu que l'exception de nullité du bail ne pouvait être soulevée que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte qui n'avait pas encore été exécuté, et relevé que le bail conclu en octobre 1999 avait reçu exécution, la cour d'appel en a exactement déduit que, ne pouvant remettre en cause la qualité de preneur en place de Mme Y..., la SAFER ne pouvait poursuivre la nullité de la vente ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la SAFER que celle-ci ait soutenu devant les juges du fond que Mme Y... ne remplissait pas les conditions exigées par le dernier alinéa de l'article L. 412-5 du code rural et de la pêche maritime ; que le moyen, en sa troisième branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit, et irrecevable ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article R. 143-9 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que pour rejeter la demande de condamnation in solidum du notaire, des consorts X... et de Mme Y... à des dommages-intérêts, la cour d'appel retient que l'omission par celui-ci de la notification à la SAFER du projet de vente constituait une faute, mais que cette faute était sans lien avec un préjudice indemnisable supporté par elle ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la SAFER n'avait pas subi un préjudice résultant de la seule omission par le notaire de la formalité de notification exigée par l'article R. 143-9 du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la SAFER de sa demande tendant à la condamnation in solidum du notaire, des époux X... et de Mme Y... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les époux X..., Mme Y... et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les époux X..., Mme Y... et M. Z... à payer à la SAFER une somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la SAFER Maine Océan.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la Safer Maine Océan de sa demande d'annulation de la vente du 8 août 2003 entre les époux X... et Mme Y... ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande d'annulation de la vente : les dispositions de l'article R 143-4 du code rural imposent au notaire en cas de vente portant sur un terrain agricole situé dans une zone où s'exerce le droit de préemption de la Safer de lui faire connaître deux mois avant la date prévue pour cette aliénation l'objet, les conditions et modalités de la vente, ainsi que les coordonnées du candidat acquéreur ; que cette déclaration est également attendue de sa part comme le précise l'article R 143-9 du même code en cas de vente au preneur en place qui bénéficie d'un droit qui prime le droit de la Safer par application de l'article L 143-6 du code rural ; que cependant contrairement à ce que prétend la Safer et comme l'a justement considéré le premier juge, l'absence de notification de l'aliénation par le notaire ne lui permet pas, sur le fondement de l'article R 143-15 dans sa rédaction applicable à l'époque et par référence aux articles L 412-10 et au troisième alinéa de l'article L 412-12, d'agir en nullité de la vente et en indemnisation ; qu'en effet, aux termes de cet article, la nullité de la vente ne peut être poursuivie qu'autant que la Safer peut prétendre exercer de manière effective son droit de préemption ; que par application de l'article L 143-6 du code rural, elle ne peut exercer son droit préemption contre un preneur en place qui en remplissant les conditions prévues par l'article L 412-5 exploite le bien concerné depuis trois ans ; qu'en l'espèce, il apparaît que Mme Y... a pris les terres à bail à compter du 1er novembre 1999, de sorte qu'à la date de la vente le 8 août 2003, elle les exploitait comme en attestent les relevés parcellaires produits aux débats, depuis un peu moins de quatre ans soit conformément aux exigences de l'article précité ; que pour dénier à Mme Y... la qualité de preneur en place, la Safer estime que le bail conclu en 1999 s'inscrit dans un montage fictif et frauduleux, de sorte qu'il ne lui est pas opposable et qu'en tout état de cause le bail doit être annulé le preneur ne disposant pas d'une autorisation d'exploiter ; que le contrat de bail souscrit en 1999 comprenait en page 7 une promesse unilatérale consentie par le bailleur de vendre au preneur les parcelles louées et organisait les modalités de levée d'option par le locataire ; que cependant contrairement à ce que soutient la Safer, l'insertion de cette promesse dans le contrat de bail ne suffit pas à démontrer que celui-ci était fictif et que l'opération masquait en réalité une vente différée frauduleuse ; qu'en effet, outre que les terres ont été effectivement exploitées par Mme Y... à compter du 1er novembre 1999 date d'effet de l'acte comme le montre les relevés parcellaires d'exploitation ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la Safer, il apparaît que la promesse, de par son caractère unilatéral engageait en fait seulement le vendeur et que de nombreux aléas pouvaient empêcher le preneur d'acquérir les parcelles à la date fixée pour lever l'option au bout de trois ans et de conclure la vente ; que dès lors n'est pas caractérisée une fraude organisée à l'avance par les parties pour faire échec au droit de préemption de la Safer ayant pour conséquence de lui rendre le bail inopposable ; que s'agissant de l'exception de nullité du bail également invoquée par la Safer celle-ci ne peut, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal être accueilli puisqu'une telle exception ne peut être soulevée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté ; qu'il n'est pas contesté que le bail conclu en octobre 1999 a été régulièrement exécuté ; qu'il se déduit de ces éléments qui ne pouvant remettre en cause la qualité de preneur en place de Mme Y..., la Safer ne peut poursuivre la nullité de la vente du 8 août 2003 ; que le jugement sera réformé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS QUE (...) il est justifié de ce que Mme Y... s'est vu refuser l'autorisation d'exploiter les terres par un arrêté du 28 septembre 2001 au visa des textes issus de la loi du 9 juillet 1999 (...) ;
1) ALORS QUE les exemptions au droit de préemption de la Safer lui sont inopposables en l'absence de notification régulière du projet de vente ; qu'en décidant au contraire que nonobstant le défaut avéré de notification du projet de vente à la Safer Maine Océan, Mme Y... pouvait valablement faire échec au droit de préemption de la Safer en se prévalant du bénéfice de l'exemption prévue à l'article L 143-6 du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble les articles R 143-9 et R 143-20 du même code ;
2) ALORS subsidiairement QUE l'existence d'un bail rural suppose une contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres ; qu'en se bornant à retenir, pour considérer que Mme Y... pouvait se prévaloir d'un bail régulier de plus de trois ans primant à la date de la vente non notifiée à la Safer le droit de préemption de celle-ci, que Mme Y... avait pris les terres à bail à compter du 1er novembre 1999 et les exploitait depuis cette date, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette mise à disposition n'avait pas été effectuée à titre gratuit dans la mesure où il avait été prévu que les loyers seraient in fine entièrement imputés sur le prix de vente ultérieur de l'immeuble et que cette déduction a effectivement été opérée par les partie lors de la vente non notifiée à la Safer en août 2003, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L 143-6, L 411-1, R 143-9 et R 143-20 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE le preneur en place ne bénéficie d'aucune exemption au droit de préemption de la Safer s'il est propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois la superficie minimale d'installation prévue par l'article L. 312-6 du code rural ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces régulièrement versées aux débats par la Safer Maine Océan et spécialement des arrêtés préfectoraux successivement applicables dans le département que la surface minimum d'installation avait toujours été fixée à 20 ha de sorte que le preneur en place ne pouvait bénéficier d'un droit de préemption sur le fondement de l'article L 412-5 du code rural que pour autant que la superficie dont il dispose à la date de la vente soit inférieure à 60 ha ; que dans ses conclusions d'appel, la Safer Maine Océan faisait valoir que qu'il résultait des relevés parcellaires produits et de la décision administrative du 28 septembre 2001, que Mme Y... exploitait déjà 74ha 83a 24ca avant de déclarer ensuite une superficie de 97ha 41a 36ca (conclusions p. 8) ; que dès lors, en affirmant que le droit de préemption de la Safer Maine Océan était primé par celui de Mme Y... sans vérifier si cette dernière remplissait effectivement les conditions cumulatives de l'article L 412-5 du code rural lui permettant de bénéficier d'un droit de préemption faisant échec à celui de la Safer, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L 143-6 et L 412-5 du code rural et de la pêche maritime ;
4) ALORS QUE le refus définitif de l'autorisation d'exploiter emporte la nullité du bail que la Safer, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux ; qu'en l'espèce, pour demander la nullité de la vente conclu le 8 août 2003 entre Mme Y... et les époux X..., la Safer Maine Océan avait fait valoir que cet acte avait été passé au mépris de son droit de préemption ; que Mme Y... avait cependant cru pouvoir se prévaloir du contrat de bail conclu les 27 septembre et 4 octobre 1999 avec les époux X... pour faire valoir qu'elle bénéficiait d'une exemption au droit de préemption de la Safer ; que la Safer Maine Océan avait alors objecté que ce bail était entaché de nullité pour défaut d'autorisation d'exploiter ce qui avait été constaté par un arrêté du préfet de Loire Atlantique du 28 septembre 2001 ; qu'en affirmant que la Safer Maine Océan ne pouvait pas, pour justifier de la régularité de sa préemption, exciper de la nullité du bail litigieux dès lors qu'il avait reçu exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ;
5) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'exception de nullité peut être invoquée par un tiers afin de faire échec à la demande d'exécution d'un autre acte juridique que celui qui a été exécuté ; qu'en affirmant que l'exécution par Mme Y... et les époux X... du bail conclu les 27 septembre et 4 octobre 1999 interdisait à la Safer Maine Océan d'exciper de sa nullité, pour demander l'annulation de la vente conclue le 8 août 2003 au mépris de son droit de préemption, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Safer Maine Océan de sa demande tendant à la condamnation in solidum du notaire, des consorts X... et de Mme Y... à lui payer des dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE Me Z... ne conteste pas avoir commis une faute en omettant d'informer la Safer de la vente des parcelles ; que cependant comme il le relève justement, cette faute est sans lien avec un préjudice indemnisable supporté par cette dernière ; qu'en effet, une information conforme aux exigences de l'article R 143-9 du code rural dans sa rédaction applicable à l'époque n'aurait pas permis à la Safer de contester la qualité de preneur en place de Mme Y... au motif d'une violation des règles de contrôle des structures pour mettre en oeuvre son propre droit de préemption et ainsi réaliser la mission qui lui est confiée ; qu'à cette date, elle ne pouvait pas invoquer par voie d'exception la nullité du bail exécuté et le délai pour agir par voie d'action fixé par l'article L 331-15 alors en vigueur à trois ans à compter du début de l'exploitation irrégulière était expiré ; que sa demande indemnitaire contre le notaire doit donc être rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ; qu'ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus les pièces produites aux débats ne permettent pas de démontrer que le bail conclu entre les parties et plus généralement l'ensemble de l'opération a été réalisé avec l'objectif d'empêcher la Safer d'exercer sa mission le fait pour un preneur de rechercher le bénéfice d'un droit de préemption primant celui de la Safer n'étant pas en soi frauduleux ; que la demande présentée contre les consorts X... ne peut prospérer ; que par ailleurs il est justifié de ce que Mme Y... s'est vu refuser l'autorisation d'exploiter les terres par un arrêté du 28 septembre 2001 au visa des textes issus de la loi du 9 juillet 1999 dont l'application à la date du bail peut être discutée faute de décret d'application ; que cependant cette situation est sans lien avec le préjudice invoqué par la Safer qui sera en conséquence déboutée de sa demande à son encontre ;
1) ALORS QUE les Safer ont pour mission légale de contribuer à la transparence du marché foncier rural, ce qui suppose qu'elles reçoivent des informations sur le marché immobilier, en particulier celles émanant des notifications notariées de vente ; que le notaire instrumentaire est tenu de délivrer cette information quand bien même l'opération en cause ne serait pas soumise au droit de préemption de la Safer ; que dans ses conclusions d'appel, la Safer Maine Océan faisait valoir qu'elle avait été privée, par les agissements de Mme Y... et de Me Z..., de la possibilité de remplir la mission qui lui est impartie par la loi et que ce préjudice est indépendant de la nullité des opérations en cause (concl. p. 9) ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour rejeter sa demande indemnitaire contre Me Z..., qu'une information conforme aux exigences de l'article R 143-9 du code rural ne lui aurait pas permis de contester la qualité de preneur en place de Mme Y..., sans rechercher si la Safer n'avait pas subi un préjudice indépendamment de la seule nullité des actes litigieux, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1382 du code civil, L. 141-1 alinéa 2 et R 143-9 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'article L 331-15 du code rural fixant à trois ans le délai pour agir par voie d'action à compter du début de l'exploitation irrégulière a été définitivement abrogé le 10 juillet 1999 ; qu'il s'ensuit que ce texte n'était plus en vigueur à la date des 27 septembre et 4 octobre 1999 à laquelle le contrat de bail a été conclu entre Mme Y... et les époux X... et plus encore à compter du début de l'exploitation irrégulière le 1er novembre 1999 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L 331-15 du code rural abrogé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 12-24626
Date de la décision : 01/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - Préemption - Conditions d'exercice - Fonds agricole - Aliénation au profit du preneur en place depuis plus de trois ans - Déclaration préalable à la SAFER - Nécessité

SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - Préemption - Conditions d'exercice - Fonds agricole - Aliénation au profit du preneur en place depuis plus de trois ans - Notification du projet d'aliénation par le notaire à la SAFER - Omission - Effet SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL - Préemption - Exercice - Acheteur privilégié primant la SAFER - Absence de notification du projet d'aliénation par le notaire - Action en nullité de la vente au profit de la SAFER (non) RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Préjudice réparable - Aliénation d'un fonds agricole - Société d'aménagement foncier et d'établissement rural - Omission par le notaire de la formalité de notification - Détermination

Selon l'article R. 143-9 du code rural et de la pêche maritime, la personne chargée de l'aliénation d'un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole, situé dans une zone où la société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, doit préalablement déclarer à cette société les aliénations consenties au profit des bénéficiaires de droit de préemption primant celui de la société, comme celui du preneur en place depuis plus de trois ans. Si l'absence de notification du projet d'aliénation par le notaire ne permet pas à la SAFER d'agir en nullité de la vente, celle-ci peut demander la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'omission par le notaire de la formalité de notification


Références :

articles L. 143-6, L. 412-5, R. 143-9 et R. 143-20 du code rural et de la pêche maritime

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 21 juin 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 oct. 2014, pourvoi n°12-24626, Bull. civ. 2014, III, n° 125
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, III, n° 125

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Bailly
Rapporteur ?: M. Echappé
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.24626
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