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30/09/2014 | FRANCE | N°13-14804

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2014, 13-14804


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Isis Kids (l'association) a engagé Mme Y...en qualité d'auxiliaire parentale suivant deux contrats à durée déterminée d'accompagnement dans l'emploi conclus pour les périodes du 5 novembre 2007 au 4 mai 2008 puis du 5 mai 2008 au 4 mai 2009 ; qu'informée le 16 mai 2008 par l'ANPE du non-renouvellement du contrat d'accompagnement dans l'emploi, l'association a averti la salariée que cette situation emportait arrêt de ses interventions dans deux familles auprès des

quelles elle était affectée, et qu'une régularisation du contrat...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Isis Kids (l'association) a engagé Mme Y...en qualité d'auxiliaire parentale suivant deux contrats à durée déterminée d'accompagnement dans l'emploi conclus pour les périodes du 5 novembre 2007 au 4 mai 2008 puis du 5 mai 2008 au 4 mai 2009 ; qu'informée le 16 mai 2008 par l'ANPE du non-renouvellement du contrat d'accompagnement dans l'emploi, l'association a averti la salariée que cette situation emportait arrêt de ses interventions dans deux familles auprès desquelles elle était affectée, et qu'une régularisation du contrat de travail lui serait ultérieurement adressée ; que la salariée, qui ne s'est plus présentée à son travail à partir du 21 mai 2008, a rédigé le 7 août 2008 une première lettre de démission en demandant à être dispensée d'effectuer le préavis, puis a adressé le 5 septembre 2008 une seconde lettre de démission par un pli recommandé reçu le 16 octobre suivant ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail alors, selon le moyen, qu'aux termes du jugement entrepris, dont la salariée s'était approprié les motifs sur ce point, il ressort du planning de travail de Mme Y...que ses interventions auprès des familles Z...et A...correspondaient à 16 heures par semaine et celles auprès des familles A...et B... à 7 heures par semaine ; que la cessation des interventions auprès des familles Z...et A...constituait donc une réduction de temps de travail de la salariée ; que cela est confirmé dans le planning de la semaine du 20 mai 2008 ; qu'après l'entretien du 27 mai, auquel la salariée avait été convoquée, l'employeur avait tenté de rétablir la planification des interventions de Mme Y...auprès des familles Z...et A...et lui avait réglé pour le mois de mai une rémunération équivalente à 84 heures, alors que la salariée n'en avait effectué que 43, mais que Mme Y...ne se présentait déjà plus à son poste de travail ; qu'en décidant la cessation des interventions de la salariée auprès de deux familles, l'employeur réduisait son temps de travail, donc sa rémunération ; que même si, postérieurement, il était revenu sur sa décision, l'employeur était à l'origine du trouble dont se plaignait la salariée ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a répondu aux conclusions en constatant que la cessation de l'intervention de la salariée auprès de deux familles était compensée par une affectation auprès de deux autres familles et que l'intéressée ne souffrait ni diminution de ses heures de travail, ni baisse de sa rémunération ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 5134-20 et L. 5134-22 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'obligation pour l'employeur d'assurer, dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi, des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue un des éléments essentiels à la satisfaction de l'objet même de ce contrat de faciliter l'insertion professionnelle des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi, et que le non-respect par l'employeur de son obligation à les mettre en oeuvre est de nature à causer au salarié un préjudice dont ce dernier peut lui demander réparation ;
Attendu que pour débouter la salariée, engagée selon contrat d'accompagnement dans l'emploi, de sa demande d'indemnisation pour inexécution par l'employeur de son obligation de lui assurer des actions de formation, l'arrêt retient que l'intéressée soutient, sans être contredite, que la formation prévue ne lui a jamais été dispensée, que le défaut de formation n'est cependant pas constitutif d'un manquement aux obligations nées des contrats de travail, mais d'un manquement aux engagements pris par l'employeur à l'égard de l'Etat dans les contrats d'accompagnement à l'emploi auxquels la salariée n'était pas partie et que cette dernière ne peut dès lors personnellement se prévaloir d'un préjudice né de l'inobservation de l'engagement à dispenser une formation ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnisation pour inexécution par l'employeur de son obligation de lui assurer des actions de formation, l'arrêt rendu le 7 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne l'association Isis kids aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Isis kids à payer à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Lacabarats, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du trente septembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mlle Y...de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'une démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, s'il existe des circonstances antérieures ou contemporaines qui rendent équivoque la volonté du salarié de mettre fin à la relation de travail ; qu'en l'espèce, la salariée Vanessa Y...fait valoir avec pertinence que par la lettre du 20 mai 2008, l'Association Isis Kids l'a avertie du non renouvellement du contrat d'accompagnement dans l'emploi pourtant signé le 28 avril 2008, de l'arrêt de ses interventions dans l'emploi pourtant signé le 28 avril 2008, de l'arrêt de ses interventions dans deux familles auprès desquelles elle était affectée, et d'une prochaine « régularisation » de son contrat de travail ; que cette lettre a pu laisser Mme Vanessa Y...croire que son employeur remettait en cause les stipulations de son contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel qui venait d'être conclu pour la période du 5 mai 2008 au 4 mai 2009 ; qu'elle constitue une circonstance qui rend équivoque la volonté de mettre fin à la relation de travail que Mme Vanessa Y...a ultérieurement et successivement manifesté par lettre de démission du 7 août et du 5 septembre 2008 ; que la démission de Mme Vanessa Y...s'analyse donc comme prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'une telle prise d'acte emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements commis par l'employeur justifiaient la rupture dont la salarié a pris l'initiative, et les effets d'une démission dans le cas contraire ; qu'en l'espèce, Mme Vanessa Y...reproche en premier lieu à son employeur d'avoir unilatéralement diminué son temps de travail et, consécutivement, sa rémunération ; qu'elle se réfère encore à la lettre du 20 mai 2008 par laquelle elle a été avertie de l'arrêt de ses interventions dans deux familles auprès desquelles elle était affectée ; mais que la lettre du 20 mai 2008 ne contient aucune notification d'une diminution unilatérale du temps de travail de la salariée, ni d'une baisse de rémunération contractuellement fixée ; qu'au contraire, la salariée Vanessa Y...indique elle-même que la lettre du 20 mai 2008 a été accompagnée d'un message, transmis par voie téléphonique, pour l'affecter en remplacement auprès de deux autres familles ; qu'il en résulte la preuve que non seulement l'association employeur n'a pas diminué le temps d'emploi de la salarié, mais qu'elle n'a pas même manqué à son obligation de fournir du travail ; que quant à la diminution alléguée de la rémunération, elle ne résulte que de l'absence injustifiée de la salariée à partir du 1er juin 2008, en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées le 30 mai et le 6 juin 2008 ; qu'en second lieu, Mme Vanessa Y...fait grief à son employeur d'avoir rompu la relation de travail, mais elle ne produit aucun élément au soutien de son assertion ; que si dans la lettre du 20 mai 2008, la société Isis Kids a effectivement envisagé de soumettre à l'accord de la volonté des parties de nouvelles modalités d'exécution à la suite de l'annonce du non renouvellement du contrat d'accompagnement dans l'emploi, elle n'a pas mis fin au contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel qu'elle venait de souscrire pour la période du 5 mai 2008 au 4 mai 2009, et qu'elle n'a unilatéralement résilié aucune de ses stipulations ; qu'aucun manquement de l'employeur à ses obligations n'a donc justifié la rupture dont la salariée a pris l'initiative ; que, par conséquent, la décision de Mme Vanessa Y...doit emporter les effets d'une démission ; que la salariée est mal fondée en sa prétention indemnitaire pour défaut de cause réelle et sérieuse dans la rupture, comme en sa prétention à la délivrance de documents de fin de contrat modifiés ;
1) ALORS QUE la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur n'avait pas failli à son obligation de fournir à la salariée le travail et le salaire convenus et si cette circonstance n'avait pas contraint la salariée à la prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
2) ALORS QU'aux termes du jugement entrepris, dont la salariée s'était approprié les motifs sur ce point, il ressort du planning de travail de Mlle Y...(pièces 36 à 39 du défendeur) que ses interventions auprès des familles Z...et A...correspondaient à 16 heures par semaine et celles auprès des familles A...et B... à 7 heures par semaine ; que la cessation des interventions auprès des familles Z...et A...constituait donc une réduction de temps de travail de la salariée ; que cela est confirmé dans le planning de la semaine du 20 mai 2008 (pièce 40) ; qu'après l'entretien du 27 mai, auquel la salariée avait été convoquée, l'employeur avait tenté de rétablir la planification des interventions de Mlle Y...auprès des familles Z...et A...(pièces 41 à 44) et lui avait réglé pour le mois de mai une rémunération équivalente à 84 heures, alors que la salariée n'en avait effectué que 43, mais que Mlle Y...ne se présentait déjà plus à son poste de travail ; qu'en décidant la cessation des interventions de la salariée auprès de deux familles, l'employeur réduisait son temps de travail, donc sa rémunération ; que même si, postérieurement, il était revenu sur sa décision, l'employeur était à l'origine du trouble dont se plaignait la salariée ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une salariée, engagée selon un contrat d'accompagnement dans l'emploi, de sa demande d'indemnisation pour inexécution, par l'employeur, de son obligation d'assurer pour elle des actions de formation ;
AUX MOTIFS QUE, comme le fait valoir Mme Y..., les deux contrats successivement conclus à durée déterminée étaient appuyés de deux contrats d'accompagnement à l'emploi qui étaient passés entre l'employeur et l'Etat et qui prévoyaient une formation programmée, visant une adaptation au poste de travail, une remise à niveau et l'acquisition de nouvelles compétences pendant et hors le temps de travail ; que sans être contredite, Mme Y...soutient que la formation prévue ne lui a pas été dispensée ; que le défaut de formation n'est cependant pas constitutif d'un manquement aux obligations nées des contrats de travail, mais d'un manquement aux engagements pris par l'employeur à l'égard de l'Etat dans les contrats d'accompagnement à l'emploi auxquels la salariée n'était pas partie ; que la salariée ne peut dès lors personnellement se prévaloir d'un préjudice né de l'inobservation de l'engagement à dispenser une formation et qu'elle doit être déboutée de sa prétention indemnitaire de ce chef ;
1°) ALORS QUE l'obligation pour l'employeur d'assurer des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue une des conditions d'existence du contrat d'accompagnement dans l'emploi, à défaut de laquelle il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, dont les constations font pourtant ressortir que la salariée n'avait pas bénéficié d'actions de formation, a méconnu les articles L. 322-4-7 et 322-4-8-1 dans leur rédaction alors applicable, L. 1242-3, L. 1245-1, L. 5134-20 et L. 5134-30 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en décidant le contraire, en l'espèce où la salariée, qui était tiers au contrat d'accompagnement à l'emploi passé entre l'employeur et l'État, invoquait un manquement contractuel de l'employeur à l'égard de l'État qui lui avait causé un dommage, la cour a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-14804
Date de la décision : 30/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

EMPLOI - Fonds national de l'emploi - Contrat d'accompagnement dans l'emploi - Obligations de l'employeur - Obligation de formation - Inexécution du fait de l'employeur - Effets - Préjudice causé au salarié - Réparation - Possibilité - Détermination

Il résulte des dispositions des articles L. 5134-20 et L. 5134-22 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, que l'obligation pour l'employeur d'assurer, dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi, des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue un des éléments essentiels à la satisfaction de l'objet même de ce contrat de faciliter l'insertion professionnelle des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi, et que le non-respect par l'employeur de son obligation à les mettre en oeuvre est de nature à causer au salarié un préjudice dont il peut lui demander réparation. Encourt, dès lors, la cassation pour violation de ces dispositions l'arrêt qui, pour débouter le salarié, engagé selon contrat d'accompagnement dans l'emploi, de sa demande d'indemnisation pour inexécution par l'employeur de son obligation de lui assurer des actions de formation, retient que le défaut de formation, non contesté en l'espèce, n'est cependant pas constitutif d'un manquement aux obligations nées des contrats de travail, mais d'un manquement aux engagements pris par l'employeur à l'égard de l'Etat, auxquels le salarié n'était pas partie, et que ce dernier ne peut dès lors personnellement se prévaloir d'un préjudice né de l'inobservation de l'engagement à dispenser une formation


Références :

articles L. 5134-20 et L. 5134-22 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 07 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2014, pourvoi n°13-14804, Bull. civ. 2014, V, n° 220
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, V, n° 220

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Beau
Rapporteur ?: M. Ludet
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.14804
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