LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des difficultés se sont élevées entre les héritiers de Michel X...et de son épouse, Marie-Louise Y...; que trois d'entre eux, MM. Michel et Jean-Yves X...et Mme Marie-Louise X...(les consorts X...) ont assigné leurs cohéritiers pour obtenir le paiement d'une créance de salaire différé ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et débouter les consorts X...de leur demande, l'arrêt se borne à retenir qu'à l'appui de celle-ci, ils versent aux débats des attestations de particuliers et de la MSA qui sont insuffisantes pour démontrer qu'ils n'ont reçu aucune rémunération pour le travail accompli et qu'ils n'ont pas été associés aux bénéfices ou aux pertes ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les autres pièces spécialement invoquées par les consorts X...dans leurs conclusions, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur ses deux autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne MM. François et Yves X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour MM. Michel et Jean-Yves X...et Mme Marie-Louise X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts X...de l'intégralité de leurs demandes tendant notamment à la reconnaissance de créances de salaires différés dans la succession de leurs parents ;
Aux motifs que par application des dispositions de l'article L 321-13 alinéa 1 à 2 du Code rural, les descendants d'un exploitant agricole qui, âgé de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l'exploitation sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers ; que le taux annuel du salaire est égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant ; que l'application du texte précité suppose la réunion de trois conditions : être âgé de plus de 18 ans, participer ou avoir participé à l'exploitation et ne pas avoir été associé aux bénéfices ou aux pertes sans recevoir de rémunération en contrepartie de sa collaboration ; qu'à l'appui de leurs demandes, les consorts X...versent aux débats des attestations de particuliers mentionnant leurs travaux sur l'exploitation, des attestations de la MSA dont le contenu est d'ailleurs en contradiction avec l'attestation Bradol laquelle indique que les consorts X...ont travaillé sur les exploitations à compter du décès de leur père survenu le 18 février 1952 ; que ces pièces sont insuffisantes pour démontrer qu'ils n'ont perçu aucune rémunération pour le travail accompli et qu'ils n'ont pas été associés aux bénéfices ou aux pertes, étant en outre observé que les consorts X...ne justifient pas de la nature et du montant des ressources qui leur ont permis de subsister pendant la période durant laquelle ils ont participé à l'exploitation familiale alors qu'ils n'exerçaient pas d'autre activité professionnelle ; qu'étant défaillant dans la démonstration de la réunion des trois conditions précitées, les consorts X...seront déboutés de leurs demandes ;
Alors d'une part, qu'à l'appui de leur demande, les consorts X...ne se contentaient pas d'invoquer des attestations de particuliers mentionnant leurs travaux sur l'exploitation et des attestations de la MSA, mais ils invoquaient en outre (conclusions du 31 janvier 2012 p. 5), des attestations notariées, un appel de cotisations, un courrier de la Coopérative agricole d'achats et de ventes de la région de Châteaulin, la réalisation d'un prêt Crédit Agricole de 1969, un courrier de cette banque, une quittance EDF GDF (pièces 1 à 6 du bordereau de communication de pièces) ainsi qu'un inventaire établi par Maître Z... (pièce n° 16 du bordereau) et un bulletin de frais (pièce n° 17 du bordereau) démontrant que comme l'avait retenu le jugement, les exploitations litigieuses étaient des exploitations de subsistance ne permettant pas la répartition d'un bénéfice, et que Mme Y...n'avait pas les moyens de régler ses enfants pour leur activité sur l'exploitation ; qu'en énonçant qu'à l'appui de leurs demandes, les consorts X...auraient versé aux débats des attestations de particuliers mentionnant leurs travaux sur l'exploitation et des attestations de la MSA et que ces pièces seraient insuffisantes à démontrer qu'ils n'ont perçu aucune rémunération et n'ont pas été associés aux bénéfices ou aux pertes, la Cour d'appel a méconnu le cadre du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
Alors d'autre part, qu'en statuant comme elle l'a fait à la faveur d'une méconnaissance du cadre du litige, au lieu d'examiner les pièces invoquées et régulièrement versées aux débats par les consorts X...démontrant que les exploitations litigieuses constituaient des exploitations de subsistance ne permettant pas la répartition de bénéfices et que Mme Y...n'avait pas les moyens de leur verser une rémunération, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 321-13 du Code rural ;
Alors enfin, que le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'à supposer que la Cour d'appel ait entendu constater l'absence de versement au dossier des pièces invoquées par les consorts X...à l'appui de la preuve de l'absence de perception d'une rémunération, en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur cette absence au dossier de ces pièces qui figuraient sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions des consorts X...et dont la communication n'avait pas été contestée, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.