LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu que le bailleur est en droit de refuser le renouvellement s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 28 juin 2012), que Mme Henriette X..., épouse Y..., M. Bruno Y..., Mme Myriam Y..., épouse Z... et M. Lionnel Y... (les consorts Y...) ont donné à bail à ferme un ensemble de parcelles à M. et Mme A... ; que par acte du 11 juin 2009, les consorts Y... ont délivré congé aux preneurs, à effet du 31 décembre 2010, pour reprise par Lionnel Y... ; que par acte de donation partage du 19 novembre 2010, les parcelles données à bail aux époux A... ont été attribuées à Lionnel Y... à l'exclusion des parcelles AP 39 et 40 qui ont été attribuées à Bruno Y... ; que les preneurs ont demandé l'annulation du congé ;
Attendu que pour accueillir cette demande l'arrêt retient que si Lionnel Y... avait le pouvoir de délivrer congé aux fins de reprise pour lui-même sur les terres qui lui ont été attribuées par l'acte de partage du 19 novembre 2010, ce congé ne peut être valable pour les terres attribuées à Bruno Y..., dont Lionnel Y... n'était pas propriétaire au moment de la reprise et que l'indivisibilité du bail, qui ne cesse qu'à l'expiration du bail en cours soit le 31 décembre 2010, ne permet pas de cantonner les effets du congé pour le considérer valable sur certaines terres et nul sur d'autres ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'indivisibilité du bail cesse à son expiration et que le congé était valable pour les terres dont Lionnel Y..., était devenu seul propriétaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré nul le congé délivré le 16 juin 2011, l'arrêt rendu entre les parties le 28 juin 2012 par la cour d'appel de Nîmes, remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie sur le surplus devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne M. et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme A..., les condamne à payer aux consorts Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré non valable le congé aux fins de reprise délivré par acte d'huissier du 11 juin 2009 à effet du 31 décembre 2010 et D'AVOIR déclaré nul le congé délivré le congé le 16 juin 2011 ;
AUX MOTIFS QU'il est observé préalablement que le congé du 16 juin 2011, délivré postérieurement à sa date d'effet, est manifestement nul, ainsi d'ailleurs qu'en conviennent les parties ; que l'article L. 411-58 du Code rural dispose que le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint ; que les appelants font valoir qu'à cette date, par l'effet déclaratif du partage intervenu le 19 novembre 2010, mettant fin à l'indivision, les parcelles données à bail rural, dont le caractère indivisible subsiste jusqu'à son expiration, appartenaient pour la plupart à M. Lionel Y... (8 ha 60a 39 ca) et pour le reste à M. Bruno Y... (2 ha 50) ; qu'ils ajoutent que le congé donné le 11 juin 2009 pour la totalité des parcelles alors que la reprise ne s'effectue qu'au profit de M. Lionel Y... est inopérant, ce dernier ne pouvant donner congé à son bénéfice sur des parcelles dont il n'est pas propriétaire ; que les consorts Y... répliquent que le congé, dont la validité doit être appréciée à la date pour laquelle il a été délivré, soit le 31 décembre 2010, initialement délivré par trois indivisaires sur quatre a été ratifié par M. Bruno Y... dans l'acte de partage du 19 novembre 2010 ; que, subsidiairement, si la cour ne considérait pas cette ratification comme valable, cet acte n'est pas nul, mais inopposable à M. Bruno Y... sur les parcelles dont il est devenu propriétaire et reste valable pour celles attribuées à M. Lionel Y... ; qu'ils ajoutent que M. Bruno Y... a d'ores et déjà signé un bail avec les époux A... pour les parcelles qui lui appartiennent ; que le congé litigieux a été délivré par trois indivisaires sur quatre sur la totalité des terres objet du bail ; qu'il est de principe que la délivrance d'un congé aux fins de reprise nécessite le consentement unanime des indivisaires ; que le congé qui n'a pas été délivré par tous ne peut produire effet à l'égard des preneurs ; que cependant, dans les rapports entre indivisaires, il est inopposable à ceux non parties à l'acte litigieux ; qu'il est susceptible de régularisation jusqu'à sa date d'effet, sa validité s'appréciant à la date à laquelle la reprise doit avoir lieu, soit en l'espèce le 31 décembre 2010 ; qu'à cette date, l'indivision a cessé en vertu de la donation-partage intervenue le 19 novembre 2010, les biens loués, ont été attribués pour environ 8 ha à M. Lionel Y... et pour le reste de M. Bruno Y... (parcelles AP 39 et 40) ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'inopposabilité du congé à M. Bruno Y..., qui au surplus ne s'applique que dans les rapports entre les indivisaires, est inopérant dès lors que l'indivision avait cessé ; que le congé a été délivré pour une reprise par M. Lionel Y... seulement ; que ce dernier, auteur du congé, par l'effet déclaratif, donc rétroactif du partage, avait le pouvoir de délivrer congé aux fins de reprise pour lui-même sur les terres qui lui ont été attribuées par l'acte du 19 novembre 2010 ; qu'en revanche, s'agissant des terres attribuées à M. Bruno Y..., au surplus non auteur du congé, le congé pour reprise ne peut être valable, alors que M. Lionel Y... n'en était pas propriétaire au moment de la reprise ; que le moyen tiré de la ratification du congé par M. Bruno Y... du fait de son accord dans l'acte de partage ne peut être retenu, alors que l'indivision avait cessé et qu'en tout état de cause, Lionel Y... ne pouvait être bénéficiaire de la reprise sur les parcelles AP 39 et 40, alors qu'il n'est ni conjoint, ni descendant du propriétaire bailleur sur ces parcelles ; que par ailleurs, l'indivisibilité du bail à ferme qui ne cesse qu'au terme de la convention en cours lors de la division soit le 31 décembre 2010, ne permet pas de scinder le congé pour le considérer comme valable sur certaines terres et nul sur d'autres ; que surabondamment, il est allégué que M. Bruno Y... aurait donné à bail aux époux A..., les parcelles AP 39 et 40, ce qui confirme ainsi le fait qu'il ne souhaitait pas exercer son droit de reprise ;
1. ALORS QUE l'indivisaire qui a pour sa quote-part la propriété du bien, peut seul délivrer congé à son fermier pour exercer à son profit le droit de reprise prévu par l'article L. 411-57 du Code rural sur les terres qui lui ont été attribuées par l'effet d'un partage intervenu avant la date d'effet de la reprise dès lors qu'il a reçu l'accord des autres indivisaires ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que le congé aux fins de reprise a été délivré par trois indivisaires dont M. Lionel Y..., le 11 juin 2009, avant que cet acte ne soit ratifié par M. Bruno Y... dans l'acte de donation-partage attribuant à M. Lionel Y... la propriété exclusive de la totalité de terres affermées à l'exclusion des parcelles AP 39 et 40 qui ont été reçues par M. Bruno Y... ; qu'en retenant, pour annuler le congé, que M. Lionel Y... n'était pas propriétaire au moment de la reprise, des terres attribuées à M. Bruno Y... dans l'acte de donation-partage dont il n'est ni conjoint, ni descendant, et que l'indivision avait cessé lorsque M. Bruno Y... avait approuvé le congé délivré en son absence, quand le congé pour reprise devait produire son plein effet à l'égard des terres dont M. Lionel Y... est devenu propriétaire exclusif en vertu d'une donation-partage intervenue entre sa délivrance et sa prise d'effet avec l'accord de tous les indivisaires dont celui de M. Bruno Y... qui avait ratifié le congé, la cour d'appel a violé les articles L. 411-57 et L. 411-58 du Code rural, ensemble l'article 815-3 du Code civil ;
2. ALORS QUE la validité d'un congé pour reprise doit s'apprécier à la date à laquelle la reprise doit avoir lieu en tenant compte de la cessation de l'indivisibilité du bail à la date de son expiration ; qu'il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que le congé aux fins de reprise a été délivré par trois indivisaires dont M. Lionel Y..., le 11 juin 2009, avant que cet acte ne soit ratifié par M. Bruno Y... dans l'acte de donation-partage attribuant à M. Lionel Y... la propriété exclusive de la totalité de terres affermées à l'exclusion des parcelles AP 39 et 40 qui ont été reçues par M. Bruno Y... ; qu'en retenant, pour annuler le congé, que l'indivisibilité du bail ne permettait pas de scinder le congé pour le considérer comme valable sur certaines terres et nul sur d'autres avant qu'il ne soit mis fin aux rapports contractuels au lieu d'apprécier la situation de M. Lionel Y..., bénéficiaire de la reprise, à la date de prise d'effet du congé qui marquait la fin des rapports contractuels et la cessation de l'indivisibilité du bail consécutive au partage des terres affermées, la cour d'appel a violé les articles L. 411-57 et L. 411-58 du Code rural et l'article 1217 du Code civil ;
3. ALORS QU'une reprise partielle étant possible, il est loisible au bénéficiaire du droit de reprise de limiter celle-ci en vue de satisfaire aux exigences de la loi, la validité du congé devant s'apprécier à la date à laquelle la reprise doit avoir lieu ; qu'en décidant cependant que l'indivisibilité du bail interdisait de scinder en deux le congé pour cantonner les effets de la reprise aux seules terres attribuées à M. Lionel Y... à l'exclusion de celles que M. Bruno Y... a reçues de l'acte de donation-partage, au lieu d'apprécier la validité du congé à la date à laquelle la reprise doit avoir lieu en tenant compte de la cessation de l'indivisibilité du bail à la date de son expiration, la cour d'appel a violé les articles L. 411-57 et L. 411-58 du Code rural.