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23/09/2014 | FRANCE | N°13-22397

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 septembre 2014, 13-22397


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Impleo technologies (la société) ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 octobre 2008, le liquidateur a, les 7, 10 et 17 mai 2010, assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif M. X..., en sa qualité de gérant de fait, Mme Y..., en sa qualité de gérante de droit jusqu'au 31 décembre 2007 et de gérante de fait postérieurement à cette date ainsi que M. Z..., en sa qualité de gérant de droit à compter du 1er janvier 2008 ; que le ministère

public a, parallèlement, saisi le tribunal d'une requête aux fins de pronon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Impleo technologies (la société) ayant été mise en liquidation judiciaire le 9 octobre 2008, le liquidateur a, les 7, 10 et 17 mai 2010, assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif M. X..., en sa qualité de gérant de fait, Mme Y..., en sa qualité de gérante de droit jusqu'au 31 décembre 2007 et de gérante de fait postérieurement à cette date ainsi que M. Z..., en sa qualité de gérant de droit à compter du 1er janvier 2008 ; que le ministère public a, parallèlement, saisi le tribunal d'une requête aux fins de prononcé de sanctions personnelles à l'encontre des mêmes personnes ; que les deux procédures ont été jointes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner Mme Y... à supporter une partie de l'insuffisance d'actif et prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer, l'arrêt retient notamment qu'elle « ne conteste pas avoir utilisé la carte professionnelle de la société pour des dépenses personnelles » ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Mme Y... soutenait qu'elle n'avait jamais utilisé la carte bancaire de la société, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article L. 131-7, alinéa 3, du code monétaire et financier ;
Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que le chèque de banque d'un montant de 38 676,48 euros, émis à l'ordre d'une bijouterie pour l'achat d'une montre, est également imputable à Mme Y... par comparaison de la signature qui y est apposée avec celle de l'intéressée qui figure sur le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire l'ayant désignée en qualité de gérante de la société ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un chèque de banque est émis par un établissement de crédit et porte la signature du représentant de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la condamnation à supporter partie de l'insuffisance d'actif et le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ayant été décidés en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l'une entraîne la cassation de l'arrêt ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Brouard-Daudé, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Y... à verser à la SCP BROUARD-DAUDE es-qualités la somme de 50.000 € à titre de contribution à l'insuffisance d'actif et d'avoir prononcé à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de cinq ans ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Cependant en ayant accepté la gérance de droit de la société, Mme Y... est nécessairement responsable des actes accomplis au nom de cette dernière sous sa direction.
S'agissant de la période postérieure au 31 décembre 2007, il résulte des pièces produites que Mme Y... a continué, seule avec son ancien compagnon M. X..., à disposer de la signature sur le compte de la société ouvert dans les livres de la société HSBC jusqu'à la clôture de celui-ci le 4 juin 2008, alors que le gérant qui lui a succédé n'en disposait pas, qu'elle disposait en outre d'une carte de crédit professionnelle qu'elle utilisait à des fins étrangères à l'intérêt social, se comportant en tout comme le dirigeant de fait d'une société qui utilise les biens et le crédit de cette dernière comme le sien propre.
La circonstance dont se prévaut l'intéressée qu'ayant été victime d'un accident de travail le 6 avril 2007 et en position d'arrêt maladie jusqu'au 31 mai 2007 puis hospitalisée l'année suivante du 5 mai au 30 mai 2008 n'est, à cet égard, en rien déterminante, dès lors qu'elle a continué à disposer de toute latitude pour engager les biens et fonds de la société comme elle l'entendait et sans contrôle de quiconque, comme en témoignent les relevés bancaires sur cette période et les copies de chèques versées aux débats.
Enfin, la gestion de fait retenue par les premiers juges à l'égard de M. X... n'est pas exclusive de celle qui est reprochée à l'intéressée jusqu'à la date de clôture du compte ouvert dans les livres de la société HSBC, le 4 juin 2008.
Il ne résulte en revanche des pièces produites aucun acte de direction ou de gestion non plus qu'aucune activité positive et indépendante dans l'administration de la société postérieurement à cette date.
La gestion de fait reprochée à Madame Y... sera donc regardée comme établie jusqu'au 4 juin 2008.
Les griefs, non discutés, de déclaration tardive de la cessation des paiements, fixée au 29 février 2008, et de tenue irrégulière de comptabilité, correspondant à des fautes de gestion qui se trouvaient acquises au 4 juin 2008, lui sont dès lors imputables en cette qualité.
S'agissant du grief d'utilisation des biens de la personne morale comme des siens propres, Mme Y... ne conteste pas avoir utilisé la carte professionnelle de la société pour des dépenses personnelles, au moins au mois de janvier et au mois de mars 2008.
Par ailleurs, le chèque de banque d'un montant de 38.676, 48 euros émis à l'ordre d'une bijouterie "Dubaï" le 28 mars 2008, soit alors que la cessation des paiements était acquise, lui est également imputable, la seule comparaison de la signature qui y est portée avec celle qui figure sur le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire ayant désigné Mme Y... en qualité de gérante établissant à suffisance que le chèque est de sa main et non signé par M. X..., comme l'intéressée le soutient vainement en cause d'appel.
C'est en revanche à tort que les premiers juges ont retenu à sa charge les virements opérés depuis les comptes bancaires de la société IMPLEO TECHNOLOGIES au profit d'autres sociétés du groupe à compter du 30 avril 2008 jusqu'au 30 juin 2008, la gestion de fait de Mme Y... n'étant pas établie à ces dates, de sorte que le grief, distinct du précédent, de détournement ou dissimulation de tout ou partie des actifs ne sera pas retenu à son égard.
S'agissant des sanctions prononcées, la condamnation de l'intéressée à supporter l'insuffisance d'actif hauteur de la somme de 50 000 euros, correspondant au montant des dépenses personnelles qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, sera confirmée» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Attendu que Madame Adeline Y... a été gérante de droit du 24 mai 2007 au 31 décembre 2007 ;
- Attendu qu'elle a continué à exercer des fonctions de gérance au-delà de cette date en conservant la signature bancaire auprès de HSBC qui l'a attesté ;
- Attendu qu'elle a possédé une carte de crédit personnelle au nom de la société et que les relevés de HSBC, notamment du mois de février 2008 sur le compte n° 9916 H 0036, au nom de la société IMPLEO TECHNOLOGIES démontre qu'elle s'en servait à titre personnel ;
- Attendu qu'elle a autorisé des dépenses importantes dont la conformité à l'intérêt social n'est pas démontrée par exemple un achat de bijoux d'un montant de 38.676,48 euros débité sur le compte de la société IMPLEO TECHNOLOGIES en date du 28 mars 2008 ;
- Attendu que codétentrice de la signature sur les comptes ouverts chez HSBC, elle ne pouvait ignorer ces mouvements d'argent et qu'elle ne les a pas dénoncés ;
- Attendu qu'il y a là un grief caractérisé de détournement d'actifs de la société selon l'article L.653-4 du Code de commerce, combiné avec la poursuite d'une exploitation déficitaire dont gérante de fait elle est responsable;
Le Tribunal condamnera Madame Adeline Y... à 7 ans de faillite personnelle » ;
- Attendu que si son quantum est difficile à établir, la responsabilité de Madame Adeline Y... est avérée dans la création du passif de la société ;
- Attendu qu'elle ne s'est pas opposée à un usage des actifs de la société contraire à l'intérêt social ;
En conséquence, le Tribunal la condamnera au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif à verser à la SCP BROUARD DAUDE, es-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la SARL IMPLEO TECHNOLOGIES la somme de 50.000 €» (...) ;
ALORS D'UNE PART QUE dans ses écritures d'appel, Madame Y... indiquait qu'elle n'avait « jamais reconnu avoir utilisé le compte de la société » (Cf. conclusions signifiées le 22 février 2013, p. 6) ; qu'en affirmant que « Madame Y... ne conteste pas avoir utilisé la carte professionnelle de la société pour des dépenses personnelles » (arrêt, p. 4), la Cour d'appel a dénaturé ces écritures en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE devant les juges du fond, Madame Y... faisait valoir que le chèque libellé à l'ordre de la bijouterie DUBAIL avait été établi pour les besoins personnels de Monsieur X... ; qu'en affirmant que ce chèque était imputable à Madame Y..., sans répondre à ce chef péremptoire des écritures de Madame Y..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART en retenant, pour fixer à 50.000 € le montant de la fraction d'insuffisance d'actif mise à la charge de Madame Y..., que cette somme correspondait « au montant des dépenses personnelles qui ont contribué à l'insuffisance d'actif » (arrêt, p. 4), quand les seules dépenses personnelles expressément constatées par la Cour étaient un « chèque de banque d'un montant de 38.676,48 € » (id.), la Cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS QU'ENFIN le chèque de banque, émis par un établissement bancaire, n'est signé que par le représentant dudit établissement ; qu'en affirmant que « la seule comparaison de la signature portée (sur le chèque établi à l'ordre de la bijouterie DUBAIL) avec celle qui figure sur le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire ayant désigné Madame Y... en qualité de gérante établissait à suffisance que le chèque est de sa main et non de Monsieur X... », la Cour d'appel a violé l'article L. 131-5 du Code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-22397
Date de la décision : 23/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 sep. 2014, pourvoi n°13-22397


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22397
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