LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Michel X..., chirurgien-dentiste, a souscrit le 31 mars puis le 10 avril 2006 avec la société Atlance France, par l'intermédiaire de la société Groupe Xalis, deux contrats de location de matériel informatique, respectivement n° ...et n° ... ; que le 5 avril 2006, la société Atlance France a informé M. X... de la cession des droits et obligations résultant du contrat n° ...à la société GE capital équipement finance ; que M. X... a fait assigner les sociétés Groupe Xalis, GE capital équipement finance et Atlance France en nullité de ces contrats pour dol ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt retient que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée, et que, dès lors que pour les deux contrats en cause M. X... s'était engagé avec la société Atlance France, seul le comportement dolosif de cette société pouvait permettre de prononcer leur nullité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la société Groupe Xalis avait démarché M. X... et lui avait fait signer des bons de commande aux fins de la location auprès de la société Atlance France de matériels informatiques qu'elle fournissait et dont elle assurait la maintenance, ce dont il résultait que la société Xalis n'était pas tiers à cette relation contractuelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société Atlance France, la société GE capital équipement finance et la SCP Brouard-Daude, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe Xalis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GE capital équipement finance, ainsi que celle de M. X... en ce qu'elle est dirigée contre la SCP Brouard-Daude, ès qualités ; condamne les sociétés Atlance France et GE capital équipement finance à payer à M. X... la somme de 3 000 euros chacune ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. X... en annulation pour dol des contrats en date des 31 mars 2006 (n°...) et 10 avril 2006 (n°...) et en dommages-intérêts, de l'AVOIR condamné à payer à la Société ATLANCE FRANCE la somme de 39. 404, 85 ¿ toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2009, de l'AVOIR condamné à payer à la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 11. 745, 37 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2006 et de l'AVOIR condamné à paiement à la Société ATLANCE France, à la Société GROUPE XALIS et à la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE de 1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE reprochant à la Société GROUPE XALIS et à la Société ATLANCE France d'avoir profité de son inexpérience et de sa méconnaissance dans le domaine de l'informatique et d'avoir employé des manoeuvres frauduleuses pour obtenir sa signature pour un nouveau contrat portant les mensualités à 624 ¿ hors taxes, M. X... en déduit que les contrats principaux sont entachés de nullité et sollicite que tant le contrat du 31 mars 2006 portant le n°... que celui du 10 avril 2006 portant le n°... soient déclarés nuls sur le fondement de l'article 1116 du code civil ; que cependant, d'une part, le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée ; dès lors que pour ces deux contrats, M. X... s'est engagé avec la Société ATLANCE France, seul le comportement dolosif de cette société peut permettre le prononcé de la nullité des contrats de location ; que d'autre part, M. X... invoque la nullité pour dol des deux contrats passés avec la Société ATLANCE France mais en critiquant le fait que les manoeuvres frauduleuses ont eu pour objectif de faire passer le coût de la location de 188 à 624 ¿, il critique essentiellement le second contrat ; que pour ce faire, M. X... reproche à la Société ATLANCE France l'envoi de plusieurs bons de commande et contrats (30 et 31 mars, 4, 10 et 18 avril 2006), outre la réception de deux colis Chronopost le 3 avril 2006 ; que cependant, seuls les contrats qu'il a signés constituent les engagements qu'il a souscrits et sont susceptibles de lui faire grief ; qu'il lui reproche aussi l'absence de mention dactylographiée relative au montant du loyer sur le bon de commande et sur le contrat de location du 10 avril 2006, l'existence de ratures sur le contrat de location du 10 avril 2006 et l'utilisation d'un « carbone » ainsi que l'absence de mention dactylographiée sur les contrats de location (31/ 03 et 10/ 04), sauf celle qui est relative à la raison sociale et à l'adresse du siège du loueur ; que cependant l'examen de ces contrats ne permet pas d'y constater des ratures et, si l'utilisation effective d'un système de copie par « carbone » entraîne sur l'exemplaire que M. X... produit en copie des surcharges gênantes pour la bonne compréhension du document, ils ne permettent pas d'y déceler des manoeuvres entachant son consentement ; qu'il affirme encore que la désignation du matériel varie au gré des bons de commande et que les contrats de location sont différents quant au matériel devant être livré ; que cependant M. X... ne justifie d'aucune conséquence sur les livraisons effectuées ; qu'il affirme enfin que le technicien de la Société GROUPE XALIS s'est présenté comme le loueur afin de lui faire signer un nouveau contrat ressemblant aux précédents mais plus favorable à la Société GROUPE XALIS et à la Société ATLANCE France ; que cependant, le nouveau contrat correspondait à de nouvelles prestations et n'en tire aucune conséquence sur l'exécution du contrat ; qu'au surplus, la production par M. X... de devis moins onéreux que ceux que lui a fait signer la Société ATLANCE FRANCE ne démontre pas l'existence de manoeuvres dolosives ; qu'ainsi Mme X... ne démontre pas que son consentement a été vicié par des manoeuvres dolosives de la Société ATLANCE France, que dès lors la demande de M. X... en nullité des contrats souscrits par lui doit être rejetée ; que la Société ATLANCE France est bien fondée à obtenir la résiliation du contrat n°... pour non-paiement des échéances par M. X... ; que celui-ci doit être condamné à payer à la Société ATLANCE France la somme de 39. 4404, 85 ¿ toutes taxes comprises, non contestée en son montant, correspondant aux échéances de loyer impayées de ce contrat jusqu'à son terme et aux indemnités contractuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2009, date des conclusions de première instance demandant paiement de cette somme, la Société ATLANCE France ne justifiant pas de la réception par M. X... de la lettre du 30 mai 2006 par laquelle elle lui demandait paiement ;
ALORS QUE, D'UNE PART, une société qui démarche la clientèle aux fins de conclusion de contrats de location de matériels informatiques et de services de maintenance avec une autre société, qui fournit le matériel et fait signer des bons de commande antérieurs à la souscription de ces contrats dans lesquels elle apparaît comme étant le fournisseur, n'est pas tiers à cette relation contractuelle ; qu'en l'espèce, il n'a jamais été contesté que la Société GROUPE XALIS a démarché M. X..., a signé avec lui plusieurs bons de commandes, et figurant dans les contrats de location de matériels comme étant leur fournisseur, n'a jamais cessé d'être son seul interlocuteur ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner le comportement dolosif de la Société GROUPE XALIS vis-à-vis de M. X..., qu'elle est tiers aux contrats de location, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1116 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs ; que demandant la confirmation du jugement entrepris, M. X..., faisant siens les motifs du jugement (jugement du 29 avril 2010, p. 5, 10ème attendu), expliquait que la Société XALIS GROUPE, fournisseur du matériel et rédacteur du bon de commande, cédait à la Société ATLANCE France le matériel commandé par lui avant même qu'il ne signe les bons de commande, ce qui corroborait la confusion entretenue par le fournisseur et le financeur des contrats signés les 31 mars et 10 avril 2006 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était de nature à caractériser derechef les liens contractuels existants entre M. X..., la Société XALIS GROUPE et la Société ATLANCE France et, partant, à permettre d'examiner le comportement dolosif de ces deux dernières entreprises, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 954 dernier alinéa du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en toute hypothèse, le dol, même émanant d'un tiers, entraîne la nullité du contrat dès lors que l'existence d'une collusion frauduleuse entre ce tiers et le cocontractant est établie ; qu'en écartant le dol de la société GROUPE XALIS motifs pris de ce qu'elle n'était pas partie aux contrats de location, sans rechercher si, ainsi que le soutenait M. X..., il n'existait pas une collusion frauduleuse entre elle et la Société ATLANCE FRANCE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le dol est une cause de nullité du contrat quand les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en se plaçant au stade de l'exécution des contrats en cause pour dire que la désignation variable des marchandises sur les divers documents contractuels n'a entraîné aucune conséquence sur les livraisons effectuées ou que M. X... ne tire « aucune conséquence » sur l'exécution du second contrat qui comportait des prestations nouvelles sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions récapitulatives d'appel de M. X..., p. 4 et suivantes), si, lors de la formation de ces contrats, l'envoi de trois bons de commande distincts, portant le même numéro, au contenu toujours différent sans mention de la durée de location, puis l'envoi de deux contrats de location, sans mention de la durée de la location ni du coût global de la location du matériel, au contenu différent, incomplet, comportant des mentions manuscrites ou raturées, enfin la multiplicité des intervenants ¿ la Société GROUPE XALIS, la Société ATLANCE France et la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE ¿ ne constituaient pas, vis-à-vis de M. X..., consommateur et utilisateur néophyte en informatique, autant de manoeuvres frauduleuses l'ayant conduit à contracter, la Cour d'appel, qui a statué par une motivation totalement inopérante, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel a expressément relevé que « l'utilisation effective d'un système de copie par carbone entraîne sur l'exemplaire de M. X... des surcharges gênantes pour la bonne compréhension du document » (arrêt, p. 6, dernier considérant) ; qu'en le déboutant de sa demande d'annulation des contrats pour dol, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé l'article 1116 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande subsidiaire en résolution du contrat n°... du 31 mars 2006 et de l'AVOIR condamné à verser à la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 11. 745, 37 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2006, outre 1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE pour demander, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, la résolution du contrat n°... du 31 mars 2006 transféré par la Société ATLANCE France à la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE, M. X..., après rappel de l'existence de deux bons de commande successifs, le premier du 30 mars 2006 et le second du 31 mars 2006, soutient qu'il n'a pas obtenu livraison du matériel commandé ; que cependant, alors que le bon de commande signé le 31 mars 2006 portait sur un poste et un écran, un logiciel médical, un logiciel Windows XP et une imprimante et que le contrat de location mentionnait un PC serveur, une imprimante et un logiciel métier pour la désignation du matériel, M. X... a signé un procès-verbal de réception d'un PC serveur, d'une imprimante et d'un logiciel métier, en reconnaissant « que les équipements désignés ¿ ont été livrés et installés conformément à la commande qu'il a passée au fournisseur » et qu'ils sont « conformes aux spécificités du contrat de location et du bon de commande y afférent et confirme l'achèvement des opérations de mise en service » ; que dès lors, M. X... est mal fondé à soutenir aujourd'hui qu'il lui a été livré un matériel ne correspondant pas à ce qui était prévu, ni même que l'installation a été mal faite ; que sa demande en résolution du contrat n°... du 31 mars 2006 doit être rejetée ; qu'il doit être condamné à payer à la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE la somme de 11. 745, 37 ¿ non contestée en son montant, correspondant aux échéances de loyer impayées et à l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2006, date de réception de la lettre de mise en demeure de payer cette somme, la Société GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE ne justifiant pas pour le surplus de l'existence de frais contractuels ;
ALORS QUE, D'UNE PART, en relevant que le bon de commande signé le 31 mars 2006 portait sur un poste et un écran, un logiciel médical, un logiciel Windows XP et une imprimante et que le contrat de location du même jour mentionnait un PC serveur, une imprimante et un logiciel métier pour en déduire que M. X... ne peut valablement soutenir qu'il a été livré de matériels ne correspondant pas à sa commande, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en relevant, pour le débouter de sa demande de résolution du contrat n°... du 31 mars 2006, que le procès-verbal de réception signé de M. X... mentionne, au titre de la désignation du matériel, un PC serveur, une imprimante et un logiciel métier, cependant que le procès-verbal de réception ne comporte pas de telles indications, la Cour d'appel, qui a dénaturé cet écrit, a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'en l'état d'un procès-verbal de réception qui, bien que stipulant que le locataire « reconnait que les équipements désignés ci-dessus ont été livrés et installés conformément à la commande qu'il a passée au fournisseur » et qu'ils sont « conformes aux spécificités du contrat de location et du bond de commande y afférent et confirme l'achèvement des opérations de mise en service », ne comporte pas la désignation des matériels livrés, la Cour d'appel, qui retient que M. X... ne rapporte pas la preuve de ce que le matériel prévu contractuellement a bien été livré ni que l'installation a été mal faite, a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil.