LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 mai 2013), fixe l'indemnité de dépossession due par l'établissement public foncier Provence Alpes Côte-d'Azur (l'EPF) au groupement foncier agricole Domaine Saint-Joseph (le GFA) à la suite de l'expropriation de terrains lui appartenant situés dans le périmètre soumis au droit de préemption urbain institué par la commune de Cuers ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le GFA avait en 2007 déposé une déclaration d'intention d'aliéner puis assigné en 2009 l'EPF en référé puis en 2010 au fond en constatation de la vente, la cour d'appel, qui en a déduit que le processus de vente entamé en 2007 n'était pas interrompu six mois avant la déclaration d'utilité publique du 12 avril 2010, a exactement retenu que la demande de fixation d'une indemnité de remploi ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 213-4 a) du code de l'urbanisme ;
Attendu que pour fixer à la somme de 2 350 000 euros l'indemnité de dépossession revenant au GFA, l'arrêt retient que, par délibération du 15 mars 2011, le conseil municipal de Cuers a modifié le règlement de la zone UBa par la suppression d'un emplacement réservé, la réduction de l'emprise de trois autres, l'extension à 72 % de l'emprise au sol des constructions en zone UBa et la substitution du terme « projet d'aménagement d'ensemble » à celui de « programme d'aménagement d'ensemble » et que ces modifications n'affectent pas la délimitation de la zone UBa et ne peuvent constituer la date de référence par application des articles L. 213-6 du code de l'urbanisme et L.13-15 du code de l'expropriation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que des caractéristiques de la zone UBa avaient été modifiées et que la modification de la délimitation de la zone dans laquelle se situe le bien exproprié n'est pas une condition nécessaire à la prise en considération comme date de référence de la date de modification d'un plan d'occupation des sols concernant cette zone, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 2 350 000 euros l'indemnité de dépossession due par l'établissement public foncier PACA au groupement foncier agricole domaine Saint-Joseph, l'arrêt rendu le 2 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes (chambre des expropriations) ;
Condamne l'établissement public foncier PACA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour le groupement foncier agricole Domaine Saint-Joseph.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR fixé l'indemnité de dépossession due par l'EPF PACA pour le bien immobilier du GFA à 2.350.000 €,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le bien litigieux était constitué d'un grand terrain planté de vigne, d'une superficie de 26.110 m², cadastré E 1090 sur le territoire de la commune de CUERS, situé dans une zone soumise au droit de préemption urbain ; que, conformément à l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme, s'agissant en l'espèce d'expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation était celle de l'acte le plus récent rendu public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme ; que, par délibération du 15 mars 2011, le conseil municipal de CUERS avait modifié le règlement de la zone UBa par la suppression d'un emplacement réservé, la réduction de l'emprise de trois autres, l'extension à 72% de l'emprise au sol des constructions en zone UBa et la substitution du terme « projet d'aménagement d'ensemble » à celui de « programme d'aménagement d'ensemble » ; que ces modification n'affectaient pas la délimitation de la zone UBa et donc ne pouvaient constituer la date de référence par application des articles L. 213-6 du code de l'urbanisme et L. 13-15 du code de l'expropriation ; que devait être retenue comme date de référence celle du 12 mai 2008, soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique ; qu'à la date de référence ainsi fixée, la parcelle dont s'agissait était classée en zone 2 NA, zone définie au plan d'occupation des sols comme une zone de non équipée, destinée à une urbanisation future dont l'aménagement pourrait se réaliser soit au terme d'une procédure de ZAC, soit dans le cadre d'une opération d'aménagement et de construction nécessitant l'existence des équipements nécessaires pour la qualification de terrain à bâtir ; que, s'il manquait un seul des équipements définis à l'article L. 13-15 II 1e r du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir ne pouvait être retenue ; que les termes de comparaison devaient concerner des biens situés dans une zone soumise aux mêmes contraintes ou avantages en matière d'urbanisme, de taille comparable, aussi proche que possible du bien à estimer, de nature analogue ; que par des motifs précis et tout à fait pertinents, que la cour faisait siens, le premier juge, ayant pris en considération les différents termes appropriés de comparaison, fournis par les parties et par le commissaire du gouvernement, en ayant tenu compte des particularités de la parcelle concernée, avait fait une juste appréciation de l'indemnité principale revenant à GFA ; et AUX MOTIFS ADOPTES QU'il s'agissait d'un grand terrain plat complanté de vignes palissées ; qu'il y avait des réseaux le long de la route, un ancien transformateur situé tout près au nord-est tandis qu'au sud-ouest un nouveau transformateur alimentait la maison de retraite ; que par délibération du 15 mars 2011, le conseil municipal de CUERS avait modifié le règlement de la zone UBa par la suppression d'un emplacement réservé, la réduction de l'emprise de trois autres, la correction d'erreurs matérielles, l'extension à 72% de l'emprise au sol des constructions en zone UBa et la substitut ion du terme « projet d'aménagement d'ensemble » à celui de « programme d'aménagement d'ensemble » ; que, ces modifications n'ayant pas affecté la délimitation de la zone UBa, la décision du 15 mars 2011 ne pouvait constituer la date de référence par application des articles L. 213-6 du code de l'urbanisme et L. 13-15 du code de l'expropriation dont la rédaction (¿et délimitant¿) imposait la réunion de deux conditions : l'existence d'un acte rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS et l'obligation pour cet acte d'affecter la délimitation de la zone, terme qui renvoyait nécessairement, à l'issue d'une analyse sémantique comme d'une recherche de cohérence du texte, à une modification géographique ; qu'il devait alors être retenu comme date de référence celle résultant des dispositions de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation à savoir le 12 mai 2008, soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique ; que, sur l'indemnité principale, aux dates de référence, la parcelle en question était classée en zone 2NA ; que cette zone ayant été définie au POS comme une zone non équipée destinée à une urbanisation future dont l'aménagement pourrait se réaliser soit au terme d'une procédure de ZAC, de modification ou de révision du POS soit dans le cadre d'une opération d'aménagement et de construction compatible avec un aménagement cohérent de la zone tel qu'il était défini par le règlement, l'existence des équipements pour la qualification de terrains à bâtir devait être appréciée par rapport à l'ensemble de la zone, ne serait-ce que pour les réseaux d'eau potable et d'assainissement des eaux usées puisque l'article 2NA4 subordonnait expressément la constructibilité du terrain au raccordement des réseaux de caractéristiques suffisantes pour l'ensemble de la zone ou du bassin ; que le programme de financement de ces équipements avait été approuvé par délibération du 6 mai 2010 et l'expropriant produit un procès-verbal de réception des réseaux d'eau en date du 9 février 2011, soit des dates postérieures à la date de référence ; que, dès lors qu'il manquait un seul des équipements définis à l'article L. 13-15 II 1° du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir ne pouvait être retenue ; qu'il convenait de se référer à l'usage effectif du terrain ; que la parcelle se trouvait à proximité d'une zone urbanisée et du centre-ville tout en profitant d'un environnement calme à proximité d'une maison de retraite ; qu'elle bénéficiait à ce titre d'une situation privilégiée ; que par référence aux termes de comparaison sur la commune cités par le commissaire du gouvernement pour des parcelles nues ou en nature de vigne situées en zone 2NA quartier des Peireguins, la Bouisse et les Bousquets d'une superficie de 5.000 à 13.000 m² correspondant à des mutations relativement récentes puisque de 2010 et 2011 pour des prix au m² allant de 45 à 143 €, il pouvait être retenu, en situation privilégiée, une valeur métrique de 90 € ; que l'indemnité principale devait être ainsi calculée : 26.110 m² x 90 € = 2.349.000 € arrondi à 2.350.000 €,
ALORS D'UNE PART QUE, tout arrêt doit être motivé à peine de nullité ; que le défaut de réponse à concluions constitue un défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour critiquer le jugement de première instance, le GFA avait expressément soutenu (mémoire en réplique, p. 4 et 5) qu'il était stupéfiant que le premier juge ait fait état d'un classement du bien exproprié en zone 2NA alors que, dans son jugement rendu en matière de préemption le 24 septembre 2008 le même juge avait justement relevé que le bien était déjà situé dans la zone UB, secteur UBa, du plan d'occupation de sols de la commune et ce, depuis le 9 février 2000, que ce classement était confirmé par plusieurs certificats d'urbanisme positifs, dont celui du 10 août 2006 versé aux débats, que, quelle que soit la date de référence à retenir, le bien était situé en zone urbaine (UB) et non en zone d'urbanisation future (NA), que c'était en commettant une erreur de fait grossière que le premier juge s'était basé sur le classement en zone d'urbanisation future du bien concerné, considérant ainsi à tort que l'appréciation de l'existence et de la capacité des équipements publics devait se faire au regard de l'ensemble de la zone 2NA et écartant, toujours à tort, les termes de comparaison relatifs à ces biens situés en zone urbaine, et que le juge de l'expropriation avait totalement éludé une question importante qui lui était soumise par le GFA, à savoir que, s'agissant d'un terrain classé en zone urbaine, l'appréciation de l'existence et de la capacité des équipements publics devait se faire au niveau de la seule parcelle et que c'était d'autant plus contradictoire que le rapport de présentation du plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 9 février 2000, qui avait classé le bien exproprié en zone UB, décrivait celle-ci comme étant « une zone à vocation principale d'habitat et de commerces, services et activités qui y sont liés. Le bâti y est édifié en ordre semi-continu ou en petits collectifs. Le sous-secteur UBa est créé dans le cadre de la présente révision. Il était précédemment classé en zone Naa mais bénéficiait de réseaux publics à proximité immédiate » ; que la cour d'appel, qui a confirmé purement et simplement le jugement de première instance, n'a cependant pas répondu à ces conclusions ; qu'elle a donc violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS D'AUTRE PART QUE la date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; que sont ainsi visés les changements apportés au plan d'occupation des sols qui touchent la zone dans laquelle est situé l'immeuble objet de l'expropriation, sans qu'importe à cet égard qu'elles délimitent ou non la zone en cause ; qu'en l'espèce, comme le GFA l'avait exposé et comme la cour d'appel l'a relevé expressément, les changements apportés au POS de la commune par la modification la plus récente (délibération du 15 mars 2011) affect aient le règlement de la zone UBa dans laquelle se situait l'immeuble exproprié, en ce que le coefficient d'emprise au sol était augmenté de 20% pour passer à 72% , un emplacement réservé était supprimé sur la parcelle expropriée et l'emprise de trois autres emplacements réservés était réduite ; que ces changements ainsi apportés touchaient à l'évidence la zone dans laquelle la parcelle expropriée était située ; que, par suite, la date de la délibération approuvant ces modifications devait constituer la date de référence, quand bien même elle n'avait pas affecté la délimitation de ladite zone ; qu'en refusant de retenir cette date à cette fin, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article L. 213-4 a) du code de l'urbanisme,
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR, en fixant les indemnités de dépossession dues au GFA à la seule somme de 2.350.000 ¿ à titre d'indemnité principale, débouté celui-ci de sa demande d'indemnité de remploi,
AUX MOTIFS QUE conformément à l'article R. 13-46 du code de l'expropriation, il n'y avait lieu à indemnité de remploi si le bien avait été notoirement destiné à la vente ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique ; que le 27 juillet 2007 le GFA avait déclaré son intention d'aliéner le bien,
ALORS QU'il ne peut être prévu d'indemnité de remploi si les biens étaient notoirement destinés à la vente, ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir la manifestation d'une intention d'aliéner le bien le 27 juillet 2007, c'est-à-dire bien antérieurement à la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique du 12 avril 2010, n'a cependant pas recherché les éléments qui auraient caractérisé la persistance, au-delà de cette date du 27 juillet 2007 et durant cette période, de l'intention d'aliéner du GFA ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 13-46 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.