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16/09/2014 | FRANCE | N°13-13880

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 septembre 2014, 13-13880


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 décembre 2012), que, le 1er mai 2008, au large de Dunkerque, le voilier « El-Delphin », battant pavillon du Luxembourg et appartenant à M. X..., demeurant dans ce pays, a heurté le voilier «Ultreia», battant pavillon français et propriété de M. Y... ; qu'ayant indemnisé celui-ci des dommages causés par l'abordage, la société Pantaenius, apéritrice, et ses coassureurs, ont demandé, par voie de subrogation, à M. X... et à son assureur

, la société Generali Versicherung AG, établie en Allemagne, le paiement des ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 décembre 2012), que, le 1er mai 2008, au large de Dunkerque, le voilier « El-Delphin », battant pavillon du Luxembourg et appartenant à M. X..., demeurant dans ce pays, a heurté le voilier «Ultreia», battant pavillon français et propriété de M. Y... ; qu'ayant indemnisé celui-ci des dommages causés par l'abordage, la société Pantaenius, apéritrice, et ses coassureurs, ont demandé, par voie de subrogation, à M. X... et à son assureur, la société Generali Versicherung AG, établie en Allemagne, le paiement des sommes versées à M. Y... et ont saisi à cette fin le tribunal de grande instance de Dunkerque ; que les défendeurs ont décliné la compétence de cette juridiction ;
Attendu que les assureurs de M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette exception d'incompétence et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 3.3 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, en cas d'abordage impliquant plusieurs navires, le tribunal saisi se déclare compétent suivant les règles de compétence de sa loi nationale ; qu'il en résulte que dès lors qu'au moins deux navires sont impliqués dans l'abordage, la saisine du tribunal autorise ce dernier à appliquer ses critères de compétence nationaux ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter les règles de compétence de la loi française, que d'une part, l'article 3.3 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ne s'appliquait qu'en cas de pluralité de navires impliquées dans l'abordage, soit implicitement lorsque trois navires au moins sont impliquées dans l'abordage, et que d'autre part, la simple saisine d'un tribunal national n'autorisait pas ce dernier à appliquer ses critères de compétence nationaux, la cour d'appel a violé l'article 3.3 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952 ;
2°/ qu'aux termes de l'article 1.1,b, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, l'action du chef d'un abordage survenu entre navires de mer ou entre navires de mer et bateaux de navigation intérieure peut être intentée devant le tribunal du lieu où la saisie aurait pu être pratiquée, peu important que cette mesure n'ait pas été mise en oeuvre ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la compétence du tribunal de grande instance de Dunkerque, qu'aucune saisie n'avait été pratiquée et qu'aucune caution ou garantie n'avait été donnée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le tribunal du lieu où le navire El-Delphin aurait pu être saisi était le tribunal de grande instance de Dunkerque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1.1, b, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952 ;
3°/ qu'aux termes de l'article 1.1, c, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, l'action du chef d'un abordage survenu entre navires de mer ou entre navires de mer et bateaux de navigation intérieure peut être intentée devant le tribunal du lieu de l'abordage lorsque cet abordage est survenu dans les ports et rades ainsi que dans les eaux intérieures ; que les eaux territoriales constituent des eaux intérieures ; qu'en décidant, pour écarter la compétence du tribunal de grande instance de Dunkerque, que l'abordage n'étant pas survenu dans les ports et rades, ni dans les eaux intérieures mais dans les eaux territoriales françaises, le tribunal du lieu de l'abordage n'était pas compétent pour connaître du litige, bien que les conséquences d'un abordage survenu dans les eaux territoriales françaises relève de la compétence des juridictions françaises, la cour d'appel a violé l'article 1.1, c, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952 ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que les parties au litige n'étaient pas toutes ressortissantes françaises et que les navires impliqués dans la collision battaient pavillon de deux États parties à la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage (la Convention), la cour d'appel en a déduit à bon droit que, pour déterminer la juridiction compétente, cette Convention devait seule être consultée, en application des dispositions combinées de son article 8 et de l'article 71 § 1er du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant, notamment, la compétence judiciaire en matière civile et commerciale, qui en réserve l'exécution entre États membres de l'Union européenne ; que, loin d'avoir violé l'article 3 § 3 de la Convention, la cour d'appel en a fait l'exacte interprétation en énonçant que ce texte n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser un tribunal saisi en dehors des cas limitativement énumérés à l'article 1er de la Convention à retenir sa compétence au regard des critères de la loi du for ;
Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er § 1, b) de la Convention, dont les conditions d'application sont cumulatives, la compétence du tribunal du lieu où la saisie du navire défendeur aurait pu être pratiquée, à défaut d'y avoir été autorisée, n'est fondée que si, en ce lieu, le défendeur a donné une caution ou une autre garantie ; qu'ayant relevé qu'aucune saisie n'avait été pratiquée ni aucune caution ou autre garantie donnée, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si la saisie du navire « El-Delphin » aurait pu avoir lieu dans le ressort du tribunal de grande instance de Dunkerque ;
Attendu, enfin, qu'il résulte de l'article 1er § 1 c) de la Convention que le lieu de l'abordage n'est un critère attributif de compétence que lorsqu'il est situé dans les ports, rades ou eaux intérieures ; que l'article 8 , § 1er de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, qui codifie la coutume internationale en la matière, distingue les eaux intérieures d'un État de sa mer territoriale adjacente séparées par la ligne de base de celle-ci ; qu'ayant constaté que la position du point de collision ne situait pas l'événement de mer dans les eaux intérieures, mais, suivant les conclusions des assureurs de M. Y..., « tout au plus » dans les « eaux territoriales » françaises, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté le chef de compétence fondé sur le lieu de l'abordage ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Pantaenius Sam, Aig Europe Zurich Versicherung AG, Ace european group Ltd, Allianz global corporate et speciality AG, Helvetia international Versicherung AG, Kravag logistic Versicherung AG, Zurich Versicherung AG, Chartis Europe et Hanse marine Versicherung AG aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. X... et à la société Generali Versicherung AG la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Pantaenius Sam, Aig Europe SA Zurich Versicherung Ag, Ace Européan group limited et autres.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le Tribunal de grande instance de Dunkerque n'était pas compétent pour connaître du litige ;
AUX MOTIFS QUE l'abordage a eu lieu entre un voilier battant pavillon français et un voilier battant pavillon luxembourgeois ; que les règles de droit interne français sont dès lors écartées par la convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, ratifiée par la France et le Luxembourg, laquelle doit recevoir application ; que cette convention internationale prévoyant des règles spéciales de compétence en matière d'abordage, les règles de compétence communautaires générales de la convention européenne de Bruxelles de 1968 reprises par le règlement communautaire 44/2001 du 22 décembre 2000 ne sont pas applicables ; que les intimés font en premier lieu une lecture erronée de la convention du 10 mai 1952, en soutenant qu'en application de son article 3.3, la simple saisine d'un tribunal national l'autoriserait à appliquer ses critères de compétence nationaux, alors que l'article vise l'hypothèse où en cas de pluralité de navires impliqués dans l'abordage, le juge saisi dans les limites de compétence de l'article 1 de la convention peut, si sa loi nationale l'y autorise, se déclarer compétent pour toutes les actions intentées à raison du même événement ; qu'aux termes de l'article 1 de la convention du 10 mai 1952, l'action du chef d'un abordage survenu entre navires de mer ou entre navires de mer et bateaux de navigation intérieure peut être intentée uniquement :
- soit devant le tribunal de la résidence habituelle du détendeur ou d'un des sièges de son exploitation ; qu'en l'espèce, Pierre X... est domicilié au Luxembourg ; que son assureur, la Société Generali Versicherung AG, est une société de droit allemand ; qu'elle n'a pas de siège d'exploitation en France au motif que la société Charlet Palisse et Associés, au demeurant totalement étrangère au présent litige, serait agent général de la compagnie d'assurances Generali à Dunkerque ; que c'est donc à raison que les appelants soutiennent que la compétence du tribunal de grande instance de Dunkerque ne peut être fondée à raison de leur domicile ;
- soit devant le tribunal du lieu où une saisie a été pratiquée sur le navire défendeur ou sur un autre navire appartenant au même défendeur dans le cas où cette saisie est autorisée, ou du lieu où la saisie aurait pu être pratiquée et où le défendeur a donné une caution ou une autre garantie ; qu'il n'y a pas eu de saisie pratiquée et aucune caution ou autre garantie n'a été donnée ;
- soit devant le tribunal du lieu de l'abordage, lorsque cet abordage est survenu dans les ports et rades ainsi que dans les eaux intérieures ; que l'abordage est intervenu à la position 51°16, 708 Nord et 002°18, 915 Est ; qu'il n'est donc pas survenu dans les ports et rades, ni davantage dans les eaux intérieures, ce qui n'est d'ailleurs au demeurant pas soutenu par les co-assureurs, lesquels tout au plus prétendent qu'il serait survenu dans les eaux territoriales ;
qu'au vu de ces éléments, le tribunal de grande instance de Dunkerque n'est donc pas compétent pour connaître de l'action intentée par les co-assureurs à l'encontre de Pierre X... et de sa compagnie d'assurances ; que l'affaire relevant de la compétence d'une juridiction étrangère, les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir ; que la décision du 3 janvier 2012 doit donc être infirmée en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 3.3 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, en cas d'abordage impliquant plusieurs navires, le tribunal saisi se déclare compétent suivant les règles de compétence de sa loi nationale ; qu'il en résulte que dès lors qu'au moins deux navires sont impliqués dans l'abordage, la saisine du tribunal autorise ce dernier à appliquer ses critères de compétence nationaux ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter les règles de compétence de la loi française, que d'une part, l'article 3.3 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ne s'appliquait qu'en cas de pluralité de navires impliquées dans l'abordage, soit implicitement lorsque trois navires au moins sont impliquées dans l'abordage, et que d'autre part, la simple saisine d'un tribunal national n'autorisait pas ce dernier à appliquer ses critères de compétence nationaux, la Cour d'appel a violé l'article 3.3 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952 ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article 1.1,b, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, l'action du chef d'un abordage survenu entre navires de mer ou entre navires de mer et bateaux de navigation intérieure peut être intentée devant le tribunal du lieu où la saisie aurait pu être pratiquée, peu important que cette mesure n'ait pas été mise en oeuvre ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la compétence du Tribunal de grande instance de Dunkerque, qu'aucune saisie n'avait été pratiquée et qu'aucune caution ou garantie n'avait été donnée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le tribunal du lieu où le navire DELPHIN aurait pu être saisi était le Tribunal de grande instance de Dunkerque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1.1, b, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952 ;
3°) ALORS QU'aux termes de l'article 1.1,c, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage conclue à Bruxelles le 10 mai 1952, l'action du chef d'un abordage survenu entre navires de mer ou entre navires de mer et bateaux de navigation intérieure peut être intentée devant le tribunal du lieu de l'abordage lorsque cet abordage est survenu dans les ports et rades ainsi que dans les eaux intérieures ; que les eaux territoriales constituent des eaux intérieures ; qu'en décidant, pour écarter la compétence du Tribunal de grande instance de Dunkerque, que l'abordage n'étant pas survenu dans les ports et rades, ni dans les eaux intérieures mais dans les eaux territoriales françaises, le tribunal du lieu de l'abordage n'était pas compétent pour connaître du litige, bien que les conséquences d'un abordage survenu dans les eaux territoriales françaises relève de la compétence des juridictions françaises, la Cour d'appel a violé l'article 1.1, c, de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage du 10 mai 1952.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-13880
Date de la décision : 16/09/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage - Article 1, § 1, c - Conditions - Caractérisation - Portée

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 - Article 8, § 1 - Eaux intérieures - Eaux intérieures et mer territoriale - Distinction - Portée DROIT MARITIME - Abordage - Action en indemnité - Juridiction compétente - Juridiction du lieu de l'abordage - Condition

Il résulte de l'article 1, § 1, c, de la Convention que le lieu de l'abordage n'est un critère attributif de compétence que lorsqu'il est situé dans les ports, rades ou eaux intérieures. L'article 8 , § 1, de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer, qui codifie la coutume internationale en la matière, distingue les eaux intérieures d'un État de sa mer territoriale adjacente séparées par la ligne de base de celle-ci. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, qui a constaté que la position du point de collision ne situait pas l'événement de mer dans les eaux intérieures mais dans la mer territoriale française, a écarté le chef de compétence fondé sur le lieu de l'abordage


Références :

Sur le numéro 1 :

article 8, § 1, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982
Sur le numéro 1 : articles 1, § 1, b, 1, § 1, c, et 8 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage

article 71, § 1, du règlement (CE) du 22 décembre 2000

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 06 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 sep. 2014, pourvoi n°13-13880, Bull. civ. 2014, IV, n° 119
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 119

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: M. Rémery
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13880
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