La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2014 | FRANCE | N°13-19948

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 septembre 2014, 13-19948


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 16 juin 2003, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti un prêt à une société dont M. X... était le gérant, lequel s'est porté caution solidaire ; que suite à la liquidation judiciaire de la société, la banque a inscrit une hypothèque judiciaire sur un bien immobilier dépendant de la communauté existant entre M.

X... et son épouse commune en biens, Mme Y... ; qu'après son divorce, Mme Y... a assig...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 16 juin 2003, la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti un prêt à une société dont M. X... était le gérant, lequel s'est porté caution solidaire ; que suite à la liquidation judiciaire de la société, la banque a inscrit une hypothèque judiciaire sur un bien immobilier dépendant de la communauté existant entre M. X... et son épouse commune en biens, Mme Y... ; qu'après son divorce, Mme Y... a assigné la banque afin d'obtenir mainlevée de l'hypothèque et le paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter les demandes de Mme Y..., l'arrêt retient que la banque pouvait, compte tenu de la qualité de la mandataire qui était employée en qualité de clerc dans une étude notariale, légitimement penser que cette dernière agissait dans les limites du mandat dont elle se prévalait, et en déduit ainsi une apparence de régularité du consentement donné par Mme Y... ;

Qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'un mandat apparent sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société Le Crédit lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Crédit lyonnais ; la condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande tendant à ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise par la société LCL et à la condamnation de celle-ci à lui payer des dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la banque produit l'acte notarié établi par Me A...le 16 juin 2003 portant cession du fonds de commerce de librairie papeterie à la société Eiffel Suffren et contenant le prêt consenti à cette dernière par la banque, avec les caractéristiques du crédit, ainsi que l'engagement de caution souscrit par M. X... en garantie de son remboursement ; que cet acte notarié comporte également (p. 16) le consentement donné à ce cautionnement par Mme Y..., représentée à l'acte par sa mandataire Mme Alexandra Z..., clerc de notaire, en vertu d'un pouvoir sous seing privé du 14 juin 2003 joint à l'acte ; (¿) ; qu'après avoir rappelé les caractéristiques du prêt consenti par la banque à la société Eiffel Suffren, l'acte sous seing privé intitulé « procuration » du 14 juin 2003 indique que Mme Y... donne à son mandataire tous pouvoirs pour, conformément aux dispositions de l'article 1415 du code civil, « donner son consentement au prêt dont il s'agit, mais n'entendant par ce consentement n'engager en aucun cas ses biens propres » ; que ce mandat est donc expressément limité au prêt et ne peut être étendu au consentement à d'autres actes ; qu'en consentant, au nom de Mme Y..., à l'engagement de caution souscrit par le mari de celle-ci au profit de la banque, alors que cette garantie n'est à aucun moment envisagée dans la procuration du 14 juin 2003, Mme Z... a dépassé les limites du mandat qui lui avait été confié ; qu'il résulte de l'article 1998 du code civil que le mandant n'est pas tenu par les engagements contractés par le mandataire au-delà des limites de son mandat, sauf s'il les a ratifiés expressément ou tacitement ; qu'en l'espèce, il n'est pas démontré, ni même allégué, que Mme Y... aurait ratifié le consentement donné par sa mandataire au cautionnement souscrit par son époux au profit de la banque en méconnaissance des limites du mandat ; que, pour autant, cet établissement de crédit pouvait, compte tenu de la qualité de la mandataire qui était employée en qualité de clerc dans l'étude notariale, légitimement penser que cette dernière agissait dans les limites du mandat dont elle se prévalait, en sorte qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas vérifié l'exacte étendue de la procuration ; que cette apparence de régularité du consentement ainsi donné par la mandataire engage Mme Y... à l'égard de l'établissement de crédit, nonobstant l'absence de faute pouvant être reprochée à celle-ci ; qu'il s'ensuit que l'irrégularité du consentement donné par Mme Y... à l'engagement de caution souscrit par son époux ne peut être opposée à la banque qui est fondée, sur la base du titre exécutoire constitué par l'acte notarié du 16 juin 2003, à prendre une inscription d'hypothèque sur l'immeuble dépendant de la communauté matrimoniale de M. X... pour sûreté de sa créance ; que la demande de Mme Y... tendant à obtenir la mainlevée de cette inscription d'hypothèque sera rejetée, ainsi, par voie de conséquence, que sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, dans ses conclusions d'appel, la société LCL soutenait que les mentions du mandat donné par Mme Y... au clerc de notaire étaient suffisamment claires et complètes pour établir le consentement prétendu de Mme Y... à l'engagement des biens communs, la référence au « prêt » étant, selon elle, le fruit d'une erreur matérielle et devant être lue comme visant le « cautionnement » de son mari et qu'à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour d'appel retiendrait un dépassement de mandat comme le premier juge, la société LCL demandait à la Cour d'appel de dire que « l'irrégularité » du mandat aurait pour seule conséquence d'engager la responsabilité du notaire à l'égard de Mme Y..., « sans avoir d'influence sur la garantie donnée à la société LCL et sur la régularité de l'inscription d'hypothèque prise par elle sur un bien commun » ; que, pour sa part, Mme Y... faisait valoir que la teneur du mandat signé par elle qui ne faisait état, au titre des garanties de remboursement du prêt, que de la « subrogation dans le privilège du vendeur » et du « nantissement de fonds de commerce en 1er rang », à l'exclusion du cautionnement de son mari, ne pouvait établir un consentement exprès de sa part audit cautionnement en connaissance de cause et, en réponse à l'argumentation subsidiaire de la banque, que le titre de celle-ci ne pouvait engager que son mari, signataire du cautionnement, et sur ses seuls biens propres ; qu'aucune des parties ne développait une discussion relative à l'existence d'un mandat apparent du clerc de notaire ;
qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, en soulevant d'office le moyen de droit, tiré de l'apparence, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations à cet égard, alors que le débat contradictoire portait exclusivement sur la portée du mandat donné par Mme Y... au clerc de notaire, la banque n'ayant pas invoqué, fût-ce à titre subsidiaire, le moyen tiré de l'apparence en alléguant et démontrant, ainsi qu'il lui eût incombé, des circonstances l'autorisant à croire légitimement aux pouvoirs de la mandataire pour consentir au nom de Mme Y... au cautionnement de son mari, la Cour d'appel a méconnu la règle du débat contradictoire, en violation de l'article 16 du code de procédure civile et des droits de la défense ;

ALORS, ENFIN, QUE le mandat apparent suppose l'existence de circonstances légitimes autorisant le tiers contractant à ne pas vérifier l'étendue des pouvoirs du mandataire ; qu'en sa qualité de professionnel du crédit, la société LCL ne pouvait prétendre ignorer les règles du régime matrimonial applicable et devait donc vérifier que le mandat donné par Mme Y... au clerc de notaire comportait bien son consentement exprès au cautionnement de son mari ; qu'en ne s'expliquant pas à cet égard, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-19948
Date de la décision : 10/09/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 04 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 sep. 2014, pourvoi n°13-19948


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19948
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award