Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Louis X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 17 juin 2013, qui, pour infractions à la police de la pêche maritime, l'a condamné à 5 000 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 juin 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Roth, conseiller rapporteur, Mme Mirguet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ROTH, les observations de Me HAAS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe de primauté du droit de l'Union européenne, des articles 55 de la Constitution, 9 du règlement (CE) n° 2371/ 2002 du Conseil du 20 décembre 2002, 13 du règlement (CE) n° 1967/ 2006 du Conseil du 21 décembre 2006, 4 du décret n° 90-94 du 25 janvier 1990, 2 de l'arrêté du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n° 99-162 du 10 juin 1999, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à une amende délictuelle de 5 000 euros ;
" aux motifs que, pour sa défense, le prévenu fait valoir une interprétation et une application des textes européens qui interdirait l'application de la réglementation française, notamment le décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 ; qu'en vertu de l'article 4 de ce décret, l'usage de filets remorqués est interdit à moins de trois mille de la laisse de mer des côtes du continent et de celles des îles ou îlots émergeant en permanence ; que le règlement (CEE) n° 170/ 83 du 25 janvier 1983 instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de la pêche a instauré une politique commune des pêches ; qu'il a été reconduit en 1992 puis pérennisé par le règlement (CEE) du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l'exploitation durables des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune des pêches ; qu'il en résulte que l'Etat français n'est pas libre d'adopter n'importe quelle mesure en matière de gestion et de conservation des ressources halieutiques et doit respecter les mesures existant à l'échelon communautaire ; que l'article 1er de la loi du 22 mai 1985 dispose que la pêche maritime s'exerce conformément aux règlements de la communauté économique européenne et notamment ceux relatifs aux régimes de conservation et de gestion des ressources ; que l'article 9 du décret-loi de 1852 a été modifié de façon à confier au pouvoir exécutif le soin de réglementer l'exercice de la pêche maritime afin d'encadrer des pêcheurs français ; que le décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 fixe les conditions d'exercice de la pêche maritime dans les eaux soumises à la réglementation communautaire de conservation et de gestion de la ressource ; que le règlement (CE) du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l'exploitation durable halieutique dans le cadre de la politique commune de la pêche, édicte, au titre de ses objectifs (article 2), que la politique commune de la pêche garantit une exploitation des ressources aquatiques vivantes, qui crée les conditions de durabilité nécessaires tant sur le plan économique, environnemental qu'en matière sociale ; que son article 9 prévoit qu'un Etat membre peut adopter des mesures non discriminatoires pour la conservation et la gestion des ressources de pêche et pour minimiser les incidences de la pêche sur la conservation des écosystèmes marins dans la zone des 12 milles marins à partir de ses lignes de base, pour autant qu'aucune mesure de conservation et de gestion n'ait été adoptée par la communauté spécifiquement pour cette zone, que les mesures de l'Etat membre soient compatibles avec les objectifs visés à l'article 2 et au moins aussi rigoureuses que la réglementation communautaire existante ; qu'ainsi, en application de ce texte, les Etats membres peuvent adopter des mesures pour la conservation et la gestion des ressources de pêche dans la zone des 12 mille marins à partir de la ligne de base sous certaines conditions (pas d'adoption de mesure spécifique dans la zone par l'Union européenne, mesures nationales non discriminatoires et compatibles avec les objectifs de la politique commune) ; que le règlement (CE) 1967/ 2006 du 21 décembre 2006 concernant les mesures de gestion pour l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée prévoit (article 13. 2) que l'utilisation des chaluts (filets activement remorqués grâce à la puissance de propulsion du navire, article 2) est interdite à moins de 1, 5 mille marin de la côte ; que l'article 13. 5 organise une procédure de dérogation à cette interdiction (application de la procédure visée à l'article 30, paragraphe 2 du règlement CE n° 2371/ 2002) lorsque l'objet de la demande de dérogation faite à la Commission est de pouvoir chaluter en deçà des 1, 5 mille marin et non au-delà (il faut remplir trois conditions : justifier de contraintes géographiques particulières, par exemple l'étendue limitée des plateformes côtières sur l'ensemble du littoral d'un Etat membre ou la superficie restreinte des zones de chalutage, justifier que les pêches n'ont pas d'incidence significative sur l'environnement marin et qu'elles ne concernent qu'un nombre limité de navires, et à la condition que ces pêches ne puissent être effectuées à l'aide d'un autre engin et qu'elles relèvent d'un plan de gestion visé aux articles 18 et 19) ; qu'hormis cette dérogation, rien n'est prévu par le règlement de 2006 pour l'utilisation des chaluts spécifiquement dans la zone comprise entre 1, 5 et 12 mille marins ; que ce règlement, s'il pose des règles spécifiques en mer Méditerranée, ne saurait rendre inefficace le règlement plus général du 20 décembre 2002 qui concerne la conservation et l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche, auquel il renvoie d'ailleurs expressément en son article 13 susvisé ; que les deux règlements sont pour objectifs la mise en place progressive d'une approche de la gestion de la pêche fondée sur la conservation et les écosystèmes et ne sauraient fonctionner l'un sans l'autre dès lors qu'ils s'inscrivent dans une cohérence, de sorte que le règlement n° 2371/ 2002 et notamment son article 9 demeure applicable y compris pour la règlementation spécifique en Méditerranée ; qu'il en résulte qu'un Etat membre peut adopter, sous réserve de respecter les autres conditions de l'article 9 du règlement (CE) 2371/ 2002, des mesures nationales plus restrictives concernant l'utilisation des chaluts ; qu'en conséquence, les chalutiers exerçant leur activité de pêche en Méditerranée sur le littoral des Bouches du Rhône sont soumis aux dispositions de la réglementation européenne et aux dispositions de l'arrêté préfectoral n° 99-162 du 10 juin 1999 dont l'article 2, plus restrictif, précise les limites des zones interdites au chalutage, à savoir, à moins de trois mille marins de la côte en deçà de l'isobathe des 100 mètres, excepté dans le secteur du golfe de Fos, au droit de la bouée de Rostant jusqu'au droit du cap Couronne où le chalutage est interdit en deçà de l'isobathe des 50 mètres, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce ; que la bande côtière des 3 milles est indispensable à la préservation des ressources et doit être protégée des pêches massives et peu sélectives des chalutiers ; qu'elle permet, par ailleurs, un partage des zones de pêches puisque la zone des pêcheurs autres que les chalutiers se situe dans la bande des trois milles ;
" 1°) alors que, selon l'article 9 du règlement (CE) n° 2371/ 2002 du Conseil du 20 décembre 2002, un Etat membre ne peut adopter des mesures pour la conservation et la gestion des ressources de pêche et pour minimiser les incidences de la pêche sur la conservation des écosystèmes marins dans la zone des 12 milles marins à partir de ses lignes de base que pour autant qu'aucune mesure de conservation et de gestion n'ait été adoptée par l'Union européenne spécifiquement pour cette zone ; que l'article 13 du règlement (CE) n° 1967/ 2006 du Conseil du 21 décembre 2006 concernant des mesures de gestion pour l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée, qui figure dans le chapitre IV de ce règlement relatif aux « restrictions concernant les engins de pêche », prévoit, au titre des distances et profondeurs minimales pour l'utilisation des engins de pêche, que l'utilisation des chaluts est interdite à moins de 1, 5 mille marin de la côte et énumère les différents cas dans lesquels il peut être dérogé à cette interdiction ; que par ce second règlement communautaire, spécifique à la Méditerranée, ont été donc été adoptées, pour la zone des 12 milles marins, des mesures de conservation et de gestion des ressources de pêche spécifiques ; que, par suite, à compter de l'entrée en vigueur de ce règlement, les autorités françaises ont perdu le pouvoir de continuer à appliquer ou de prendre des mesures ayant le même objet, fussent-elles plus restrictives ; que, par suite, M. X... ne pouvait pas être déclaré coupable sur le fondement de dispositions de droit interne interdisant la pêche au chalut à moins de trois mille marins de la côte en deçà de l'isobathe des 100 mètres ;
" 2°) alors que, selon l'article 9 du règlement (CE) n° 2371/ 2002 du Conseil du 20 décembre 2002, lorsque des mesures devant être adoptées par un Etat membre sont susceptibles de concerner les navires d'un autre Etat membre, elles ne sont adoptées qu'après consultation de la Commission, de l'Etat membre et des conseils consultatifs régionaux sur le projet de mesures ; que, par suite, la déclaration de culpabilité ne pouvait pas être fondée sur des dispositions de droit interne n'ayant pas fait l'objet de cette procédure consultative préalable " ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d'avoir le 17 novembre 2010, le 29 novembre 2010 et le 18 février 2011, au moyen d'un navire immatriculé en France, pêché au chalut dans les eaux territoriales de la Méditerranée continentale, à moins de 3 milles nautiques de la laisse de basse-mer, en-deçà de l'isobathe des 100 mètres, les juges retiennent, par motifs propres et adoptés, que le règlement CE n° 1967/ 2006 du 21 décembre 2006 renvoie expressément au règlement CE n° 2371/ 2002 du 20 décembre 2002 ; que les mesures nationales plus restrictives concernant l'utilisation des chaluts que comportent le décret du 25 janvier 1990 et l'arrêté du préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur n 99-162 du 10 juin 1999 sont conformes aux conditions fixées par l'article 9 du règlement de 2002, dès lors que l'interdiction d'utilisation du chalut à moins de 3 milles marins des côtes, en-deçà de l'isobathe des 100 mètres est une mesure non discriminatoire de conservation et de gestion des ressources de pêche et de préservation des écosystème, qu'elle est compatible avec les objectifs généraux de la politique commune de la pêche et au moins aussi rigoureuse que la réglementation européenne ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que l'entrée en vigueur du règlement de 2006 est sans effet sur la validité de la mesure technique nationale plus restrictive adoptée antérieurement, dans la mesure où cette interdiction additionnelle, lorsqu'elle s'applique, dans les zones visées par l'acte de poursuite, à des navires battant pavillon français, est conforme à la politique commune de la pêche en Méditerranée et proportionnée à la réalisation de ses objectifs de préservation du milieu marin et d'exploitation raisonnée des ressources halieutiques, enfin ne porte pas atteinte au principe d'égalité de traitement, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs formulés au pourvoi ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf septembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;