LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 novembre 2012), que le 11 juillet 2006 le chalutier "Le Jean X..." appartenant à M. X... est entré en collision avec le navire de plaisance "Le Georgina II", au mouillage, et à bord duquel se trouvait M. Y..., qui a été projeté à l'eau ; qu'à l'issue d'une enquête pénale close le 28 juillet 2006, M. X... a été cité à comparaître par actes des 10 novembre 2008 et 12 janvier 2009 devant le tribunal correctionnel, lequel s'est déclaré incompétent ; que par ordonnance du 28 juillet suivant, le juge des référés, saisi par M. Y... aux fins d'expertise médicale, s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond ; que par actes des 8 et 15 juillet 2009, M. Y... a assigné M. X..., au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Béziers-Saint-Pons, en déclaration de responsabilité de M. X... et réparation de ses préjudices à évaluer par expert ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'action en réparation des dommages provoqués par l'abordage causé le 11 juillet 2006 par la faute du navire « Le Jean X... » se prescrivait par deux ans à partir de cet événement, par application de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 67-545 du 7 juillet 1967, devenu l'article L. 5131-6 du code des transports, que la demande du procureur de la République et le courrier en réponse à cette demande, daté du 22 juin 2008, constituaient des actes interruptifs de la prescription de l'action civile au sens des articles 7 à 9 du code de procédure pénale, d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. X..., et déclaré l'action de M. Y... recevable, alors, selon le moyen : 1°/ que lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du code civil ; que les actes interruptifs de la prescription de l'action publique n'ont aucun effet sur le cours de la prescription de l'action civile lorsqu'elle est exercée devant la juridiction civile ; qu'en l'espèce, M. X... exposait que l'action en réparation exercée par M. Y... était soumise à la prescription biennale prévue à l'article 7 de la loi du 7 juillet 1967 relative à l'abordage et à son domaine d'application ; qu'il faisait valoir que l'action en réparation avait été exercée par M. Y... devant les juridictions civiles et qu'aucun acte interruptif, selon les règles du droit civil, n'avait été accompli dans les deux ans de l'événement dommageable ; qu'en considérant que la prescription avait été interrompue par la demande du procureur de la République adressée le 3 juin 2008 au Affaires Maritimes et par la réponse à cette demande du directeur interdépartemental des affaires maritimes de l'Hérault et du Gard le 22 juin suivant, tandis que ces actes ne pouvaient pas interrompre la prescription de l'action civile de M. Y... exercée devant les juridictions civiles, la cour d'appel a violé l'article 10 du code de procédure pénale ; 2°/ que la cour d'appel a considéré, par motifs adoptés, que la prescription de l'action en réparation de M. Y... avait été interrompue par une reconnaissance de responsabilité de M. X... dans un procès-verbal d'audition établi le 13 juillet 2006 ; qu'à supposer qu'un effet interruptif ait pu être attaché à ce document, M. X... faisait valoir qu'aucun autre événement interruptif n'était survenu avant le 13 juillet 2008, de sorte que la prescription était acquise ; qu'en considérant que la prescription n'était pas acquise à la date de l'assignation, sans constater la survenance d'un événement de nature à interrompre la prescription qui aurait couru depuis le 13 juillet 2006, la cour d'appel a violé l'article 2231 du code civil et l'article 7 de la loi du 7 juillet 1967, devenu l'article L. 5131-6 du code des transports ; Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, non critiqués, que le procès-verbal de police du 13 juillet 2006, renfermant reconnaissance expresse de responsabilité de M. X... avec engagement d'en réparer les conséquences, en particulier le préjudice de M. Y..., a eu pour effet de substituer la prescription décennale de droit commun à celle, biennale, de l'article 7 de la loi du 7 juillet 1967 ; que par ces seuls motifs dont il résulte que l'action de M. Y... n'était pas prescrite, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. X.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'action en réparation des dommages provoqués par l'abordage causé le 11 juillet 2006 par la faute du navire « Le Jean X... » se prescrivait par deux ans à partir de cet événement, par application de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n°67-545 du 7 juillet 1967, devenu l'article L. 5131-6 du code des transports, d'avoir dit que la demande du procureur de la République et le courrier en réponse à cette demande, daté du 22 juin 2008, constituaient des actes interruptifs de la prescription de l'action civile au sens des articles 7 à 9 du code de procédure pénale, d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. X..., et d'avoir déclaré l'action de M. Y... recevable ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 7 juillet 1967, devenu l'article L. 531-3 du code des transports, l'abordage ayant été causé par la faute du navire « Le Jean X... », la réparation des dommages incombe à celui qui l'a commise, et partant à M. Serge X... ; que ce dernier se prévaut cependant des dispositions de l'article 7 alinéa 1er de la loi n°67-545 du 7 juillet 1967, devenu l'article L. 5131-6 du code des transports, aux termes desquelles les actions en réparation de dommages se prescrivent par deux ans à partir de l'événement, en l'espèce à partir du 11 juillet 2006 ; que l'intimé oppose d'une part, s'agissant d'un dommage coporel, le point de départ de cette prescription au jour de la date de consolidation du dommage initial, d'autre part, l'existence d'un acte interruptif de cette courte prescription et enfin, comme retenu par le premier juge, l'interversion de la prescription au profit de la prescription décennale de droit commun ; que s'agissant du point de départ, la cour rappelle que la collision dont s'agit relevant du régime légal de l'abordage maritime défini à l'article 1er alinéa 1er de la loi du 7 juillet 1967, devenu l'article L. 5131-2 du code des transports, seules les dispositions de l'article 7 alinéa 1er de cette loi, devenu l'article L. 5131-6 du code des transports, demeurent applicables concernant la prescription de l'action en réparation des dommages, soit dans le délai de deux ans à partir de l'événement ; qu'aussi, contrairement à ce que soutient Yves Y..., toute recherche du point de départ de cette prescription à partir de la date de consolidation de l'état de la victime est-elle inopérante ; que s'agissant de l'interruption de la prescription biennale, il convient de rappeler que par application de l'article 10 du code de procédure pénale alors en vigueur, l'action civile se prescrit selon les règles du code civil ; qu'il s'en déduit que seule la prescription de l'action civile, même plus courte que celle de l'action pénale, trouvera à s'appliquer ; qu'il s'en évince également que tout acte de poursuite et d'instruction accompli durant ce délai de courte prescription est de nature à interrompre la prescription en l'occurrence de l'action civile ; qu'au cas d'espèce, suite à l'abordage survenu le 11 juillet 2006, outre l'enquête de la gendarmerie maritime établie par procès-verbal du 28 juillet 2006, il ressort des éléments de la cause que : * par courrier du 3 juin 2008 adressé au conseil de M. Yves Y..., le procureur de la République de Montpellier a précisé : « La procédure a été transmise aux Affaires Maritimes pour connaître officiellement leur position sur ce dossier. », * en exécution d'une ordonnance rendue en ce sens le 7 novembre 2011 par le conseiller de la mise en état, par courrier du 22 juin 2008, le directeur interdépartemental des Affaires Maritimes de l'Hérault et du Gard a répondu au procureur de la République de Béziers en ces termes :« Comme suite à la transmission du Procureur de la République à Montpellier, j'ai l'honneur de vous faire parvenir le dossier concernant l'affaire suivie contre M. Serge X..., pour blessures involontaires inférieures à trois mois avec mise en danger de la vie d'autrui par violation délibérée de la réglementation et notamment la conduite d'un navire sous l'empire de l'alcool. Bien que ce type d'infraction relève de la compétence du tribunal maritime commercial (TMC), je ne souhaite pas que cette affaire soit traitée dans le cadre disciplinaire et pénal de la marine marchande.En effet cette juridiction fait actuellement l'objet d'une réforme et il en résulte que le TMC de Sète ne s'est pas réuni depuis plus de trois ans.
Aussi eu égard à la gravité des faits, et afin que cette affaire puisse être instruite et jugée dans des délais raisonnables, j'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir vous en saisir au titre de l'infraction de droit commun de mise en danger de la vie d'autrui » ; Que d'évidence, quand même la cour n'est pas en possession, faute d'avoir été retrouvé par l'autorité judiciaire, du soit-transmis adressé par le procureur de la République au directeur interdépartemental des Affaires Maritimes, il s'évince de la réponse de ce dernier que le procureur de la République avait sollicité l'avis de cette administration notamment quant à la nécessité de traiter cette affaire dans le cadre du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, ou celui du cadre du droit pénal commun ; qu'en ce sens, la demande du procureur de la République et le courrier en réponse à cette demande, daté du 22 juin 2008, constituent des actes interruptifs de la prescription de l'action civile au sens des articles 7 à 9 du code de procédure pénale ; que M. Yves Y... ayant saisi la juridiction de première instance par exploits des 8 et 15 juillet 2009, son action civile n'est pas prescrite et par ces motifs, doit être déclarée recevable ; que, de fait, le moyen tiré de l'interversion de la prescription est devenu inopérant ; que le jugement dont appel sera en conséquence, par motifs substitués, confirmé en ce qu'il a reçu M. Yves Y... en son action en réparation de ses dommages (cf. arrêt, p. 6 et 7) ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, le fait générateur du dommage est l'abordage du 11 juillet 2006 ; que lors de son audition par les gendarmes, M. X... a déclaré : « ¿après la collision, je me suis rendu compte que j'avais fait une erreur, j'ai décidé de déclarer une avarie barre pour justifier cet accident. Je regrette maintenant d'avoir fait cette déclaration et j'assume la responsabilité de l'accident¿ Je regrette cet accident et qu'il y ait eu un blessé¿ » ; que ce procès-verbal du 13 juillet 2006, qui renferme une reconnaissance expresse de responsabilité avec l'engagement d'en réparer les conséquences, en particulier les blessures de M. Yves Y..., a eu pour effet d'interrompre la prescription (cf. jugement, p. 5 § 2 et 3) ; ALORS QUE, D'UNE PART, lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du code civil ; que les actes interruptifs de la prescription de l'action publique n'ont aucun effet sur le cours de la prescription de l'action civile lorsqu'elle est exercée devant la juridiction civile ; qu'en l'espèce, M. X... exposait que l'action en réparation exercée par M. Y... était soumise à la prescription biennale prévue à l'article 7 de la loi du 7 juillet 1967 relative à l'abordage et à son domaine d'application (cf. concl., p. 8) ; qu'il faisait valoir que l'action en réparation avait été exercée par M. Y... devant les juridictions civiles et qu'aucun acte interruptif, selon les règles du droit civil, n'avait été accompli dans les deux ans de l'événement dommageable (cf. concl., p. 14 § 4 et 5) ; qu'en considérant que la prescription avait été interrompue par la demande du procureur de la République adressée le 3 juin 2008 au Affaires Maritimes et par la réponse à cette demande du directeur interdépartemental des Affaires Maritimes de l'Hérault et du Gard le 22 juin suivant (cf. arrêt, p. 7) ; tandis que ces actes ne pouvaient pas interrompre la prescription de l'action civile de M. Y... exercée devant les juridictions civiles, la cour d'appel a violé l'article 10 du code de procédure pénale ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, la cour d'appel a considéré, par motifs adoptés, que la prescription de l'action en réparation de M. Y... avait été interrompue par une reconnaissance de responsabilité de M. X... dans un procès-verbal d'audition établi le 13 juillet 2006 (cf. jugement, p. 5 § 4) ; qu'à supposer qu'un effet interruptif ait pu être attaché à ce document, M. X... faisait valoir qu'aucun autre événement interruptif n'était survenu avant le 13 juillet 2008, de sorte que la prescription était acquise (cf. concl., p. 16 § 5) ; qu'en considérant que la prescription n'était pas acquise à la date de l'assignation, sans constater la survenance d'un événement de nature à interrompre la prescription qui aurait couru depuis le 13 juillet 2006, la cour d'appel a violé l'article 2231 du code civil et l'article 7 de la loi du 7 juillet² 1967, devenu l'article L. 5131-6 du code des transports.