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02/07/2014 | FRANCE | N°13-10979

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2014, 13-10979


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été recrutée par la RATP le 13 avril 1982 en qualité d'élève machiniste receveur, qu'elle a été affectée à compter du 30 mai 1986 sur un poste de conducteur de métro ; qu'à la suite d'avis du médecin du travail, elle a été successivement affectée à des emplois d'agent chargé de la surveillance des itinéraires de bus puis du métro, puis de chef de manoeuvre service intérieur ; qu'elle a, en dernier lieu, intégré le service logistique en qualité d'ass

istante cadre technique, poste qu'elle a occupé jusqu'au 1er août 2007, date de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été recrutée par la RATP le 13 avril 1982 en qualité d'élève machiniste receveur, qu'elle a été affectée à compter du 30 mai 1986 sur un poste de conducteur de métro ; qu'à la suite d'avis du médecin du travail, elle a été successivement affectée à des emplois d'agent chargé de la surveillance des itinéraires de bus puis du métro, puis de chef de manoeuvre service intérieur ; qu'elle a, en dernier lieu, intégré le service logistique en qualité d'assistante cadre technique, poste qu'elle a occupé jusqu'au 1er août 2007, date de son départ en retraite ; que le 22 février 2007, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment le paiement de rappels de salaires ainsi que de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; Sur le premier moyen :Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à faire condamner la société à reconstituer sous astreinte son déroulement de carrière avec toutes les conséquences de droit, sur la base d'un emploi de cadre technique de juin 1999 à juillet 2007, alors, selon le moyen, que la qualification d'un salarié doit s'apprécier au regard des fonctions réellement exercées par celui-ci ; que Mme X... a versé aux débats diverses pièces sous les numéros 16 et 259 à 262 afin de rapporter la preuve qu'elle était « chargée de la gestion du personnel consistant à téléphoner aux pôles des stations Bastille ou Eglise de Pantin pour demander la venue en renfort d'agents munis de pinces aux tripodes, canaliser les voyageurs, relever les agents pour qu'ils suivent une formation, souvent assurée par Mme X... elle-même, ou encore pour qu'ils se présentent en ligne afin d'effectuer les vérifications demandées par la salariée » et qu'elle occupait donc des fonctions effectives d'encadrement technique à la place de son supérieur hiérarchique ; qu'en s'abstenant d'analyser, ne serait-ce que sommairement, les pièces que Mme X... avait versées aux débats afin de rapporter la preuve des fonctions effectives d'encadrement technique qu'elle occupait à la place de son supérieur hiérarchique, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu que sous couvert du grief non fondé de méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui ont constaté qu'il n'était pas établi que la salariée exerçait des fonctions de cadre technique ; que le moyen n'est pas fondé ;Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ; Attendu que pour débouter la salariée de sa demande tendant à obtenir le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que, au vu de ces éléments, si l'on fait la somme des griefs matériellement établis (ouverture intempestive du courrier de l'appelante par M. Y..., ses demandes de fournitures et d'équipements de travail non satisfaites dans des délais raisonnables) à apprécier de manière globale et non séparée au regard du régime probatoire institué par l'article L. 1154-1 du code du travail, appréciation devant inclure par nécessité les données médicales fournies par Mme X..., il ne peut en être déduit une situation laissant présumer des agissements de harcèlement moral dont la salariée aurait été la victime directe au sens des dispositions de l'article L. 1152-1 du même code ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les griefs allégués par la salariée tirés de l'ouverture intempestive de son courrier par son supérieur hiérarchique et de la non satisfaction dans des délais raisonnables de ses demandes de fournitures et d'équipements de travail, étaient matériellement établis et qu'il s'y ajoutait des données médicales produites par la salariée, ce dont il résultait qu'elle produisait des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, en sorte qu'il incombait à l'employeur de justifier que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;Et attendu que la cassation ne s'étend pas à la demande tendant à voir annuler le départ de la salariée en « retraite prématurée » ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande tendant à obtenir le paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 21 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;Condamne la RATP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande que Mme Catherine X... avait formée à l'encontre de la RATP, son employeur, afin qu'elle soit condamnée à lui payer des rappels de salaires pour l'exécution de ses fonctions de cadre technique réellement exercées sur la période de février 2002 à janvier 2012 et des dommages - intérêts équivalents couvrant la période antérieure de juin 1999 à janvier 2002 inclus et qu'elle soit condamnée à reconstituer sous astreinte son déroulement de carrière avec toutes les conséquences de droit en matière de rémunération et de points de retraite, sur la base d'un emploi de cadre technique de juin 1999 à juillet 2007 ; AUX MOTIFS QUE la fiche de poste de l'assistant cadre technique présente un champ d'intervention étendu consistant à seconder ou à assister le cadre technique dans ses missions notamment techniques, de sorte qu'il apparaît normal que Mme Catherine X... ait été mise en situation de remplacer en certaines occasions son supérieur hiérarchique direct, M. Y..., cadre technique de la ligne 5 du métro, comme elle ne manque pas de le rappeler dans ses conclusions (pages 20-21) ; qu'au soutien de son argumentaire sur ce point, l'intimée produit les attestations de M. Y... et de Mme A..., cette dernière ayant occupé sur la ligne 5 à compter de 2002 des fonctions d'assistante cadre technique similaires à celles exercées par Mme Catherine X... et qui restent bien distinctes de la mission générale confiée au cadre responsable technique ; que, faute par l'appelante de démontrer qu'à compter de juin 1999 elle se serait de fait substituée à M. Y... qui lui aurait délégué, prétend-t-elle, ses responsabilités de cadre technique de la ligne 5, aboutissant en pratique à une véritable novation de ses fonctions au sein de la RATP, il y a lieu de considérer qu'elle ne peut pas à bon droit revendiquer cette qualification professionnelle de niveau supérieur ; ALORS QUE la qualification d'un salarié doit s'apprécier au regard des fonctions réellement exercées par celui-ci ; que Mme Catherine X... a versé aux débats diverses pièces sous les numéros 16 et 259 à 262 afin de rapporter la preuve qu'elle était « chargée de la gestion du personnel consistant à téléphoner aux pôles des stations Bastille ou Eglise de Pantin pour demander la venue en renfort d'agents munis de pinces aux tripodes, canaliser les voyageurs, relever les agents pour qu'ils suivent une formation, souvent assurée par Madame X... elle-même, ou encore pour qu'ils se présentent en ligne afin d'effectuer les vérifications demandées par la salariée » (conclusions, p. 20, dernier alinéa) et qu'elle occupait donc des fonctions effectives d'encadrement technique à la place de son supérieur hiérarchique ; qu'en s'abstenant d'analyser, ne serait-ce que sommairement, les pièces que Mme X... avait versées aux débats afin de rapporter la preuve des fonctions effectives d'encadrement technique qu'elle occupait à la place de son supérieur hiérarchique, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Catherine X... de la demande qu'elle avait formée à l'encontre de la RATP afin d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de voir annuler son départ en retraite prématuré ; AUX MOTIFS QUE le grief principal invoqué par la salariée contre M. Y... et relatif à sa surcharge de travail est à rapprocher de sa demande en reconnaissance de la qualification de cadre, demande rejetée par la cour dans la mesure où il n'apparaît pas que durant leur période de collaboration (1999/2004) elle se soit de fait substituée à ce dernier qui lui aurait ainsi délégué ses responsabilités de cadre technique de la ligne 5 du métro, celle-ci ayant normalement secondé M. Y... en sa qualité d'assistante cadre technique sans confusion des rôles et des responsabilités revenant à chacun ; que si, de plus, l'autre grief tiré de l'ouverture par M. Y... de son courrier sur son lieu de travail est matériellement établi par les pièces que Mme Catherine X... verse aux débats (144 et 211), il n'en est rien concernant ceux allégués au titre de sa mise en danger, non avérée, ainsi que d'un « refus » de reprise sur un poste en mi-temps thérapeutique, poste à propos duquel celui-ci n'a fait qu'émettre un avis négatif comme la procédure interne le lui permettait sur saisine à l'initiative de la commission médicale (pièce 142 de l'appelante) ; que s'agissant des griefs qu'elle reproche à Mme B... ayant remplacé M. Y... comme cadre technique sur la ligne 5 en 2004/2005, Mme Catherine X... verse de nombreuses demandes de petites fournitures en papeterie (ses pièces 162, 164, 165, 170, 172 à 175,186) et doléances écrites diverses (ses pièces 182 à 184) non totalement satisfaites, ainsi que des avis défavorables à des demandes de temps compensateurs ayant suivi le cours normal de la procédure interne, étant encore observé, contrairement à ce qu'elle indique, que la RATP lui a bien réglé des primes d'intéressement sur les années 2005/2007 (ses pièces 244 à 247) et qu'il n'y avait aucune obligation de la part de l'intimée de lui faire retour de son courrier professionnel pendant ses temps d'absence ; que les griefs spécialement articulés par Mme Catherine X... contre la direction générale de la RATP ne sont pas matériellement établis, celle-ci se contentant de produire des correspondances (ses pièces 268, 152) pour se plaindre systématiquement de son sort sans aucune justification a priori ; qu'au vu de ces éléments, si l'on fait la somme des griefs matériellement établis (ouverture intempestive du courrier de l'appelante par M. Y..., ses demandes de fournitures et d'équipements de travail non satisfaites dans des délais raisonnables) à apprécier de manière globale et non séparée au regard du régime probatoire institué par l'article L. 1154-1 du Code du travail, appréciation devant inclure par nécessité les données médicales fournies par Mme Catherine X..., la cour considère, comme le soutient à bon droit la RATP, qu'il ne peut en être déduit une situation laissant présumer des agissements de harcèlement moral dont la salariée aurait été la victime directe au sens des dispositions de l'article L. 1152-1 du même code ; que, dès lors que la rupture du contrat de travail s'est inscrite dans le cadre d'une démarche volontaire de Mme Catherine X... qui a pris l'initiative courant 2007 d'un départ à la retraite devant être distingué d'une mise à la retraite, départ à la retraite licite et non nul dans le contexte précédemment rappelé par la cour lors de l'examen des diverses réclamations salariales présentées contre l'employeur, il y aura lieu en conséquence de la débouter de ses demandes indemnitaires nouvelles s'y rapportant (page 52 de ses conclusions : dommages - intérêts pour illicéité de sa « mise à la retraite » et préjudice de retraite résultant du défaut d'affectation au statut cadre, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnisation au titre d'un préjudice moral du fait des conséquences de son état de santé) ; 1. ALORS QU'il appartient aux juges du fond de vérifier si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ; qu'en se bornant à affirmer que l'ouverture du courrier destiné à Mme X..., en son absence, comme le refus de satisfaire à ses demandes de fournitures nécessaires à son travail ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, sans en expliciter les raisons, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis ne sont pas de nature à faire présumer un harcèlement moral, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ; 2. ALORS QUE les juges du fond sont tenus de mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis ne sont pas de nature à faire présumer un harcèlement moral lequel peut résulter du refus de l'employeur de fournir au salarié, les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa tâche ; que Mme X... a reproché, en particulier, à la RATP d'avoir refusé de lui attribuer un poste en la privant de ses moyens de travail à l'issue d'un arrêt-maladie en 2004 en soutenant que sa ligne téléphonique avait été attribuée à un autre agent de la RATP et que son nom avait disparu de la porte du bureau qu'elle occupait et en rappelant que son bureau était occupé par un collègue de travail et que son ordinateur avait disparu de même que son nom avait été retiré de l'annuaire téléphonique de la ligne n° 5 (conclusions, p. 33) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le refus d'attribuer un poste de travail à la salariée était établi et s'il était de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, compte tenu des autres griefs qui étaient regardés comme établis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154 du Code du travail ; 3. ALORS QU'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera l'annulation des dispositions visées sur le deuxième moyen de cassation dès lors que la décision attaquée, pour écarter les demandes de Mme X... fondées sur le harcèlement moral, retient qu'elle ne pouvait pas tirer argument du refus de son employeur de lui reconnaître la qualité de cadre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10979
Date de la décision : 02/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2014, pourvoi n°13-10979


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10979
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