LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Pascal X...,
- M. Antonio Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 8 février 2013, qui, sur renvoi après cassation (Crim, 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-87. 630), a condamné le premier, pour vol, à un mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mai 2014 où étaient présents : Mme Ract-Madoux, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Soulard, conseiller rapporteur, M. Bayet, Mmes de la Lance, Chaubon, MM. Germain et Sadot, conseillers de la chambre, Mme Labrousse, M. Azema, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ et de Me LEPRADO, de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et BOUCARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, préliminaire, 388, 512, 591, 593, du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a rejeté la demande de renvoi de M. X...;
" aux motifs que les sociétés Drouot Holding et Drouot Estimations sollicitent le renvoi de l'affaire en indiquant qu'elles n'ont pas été citées régulièrement pour l'audience et n'ont pas été en mesure de préparer leurs écritures ; que M. X...s'associe à cette demande de renvoi en indiquant qu'il n'a pas été informé avant l'audience par le ministère public de la requalification envisagée des faits le concernant et n'a donc pas été en mesure de préparer sa défense sur ce point ; que le ministère public s'oppose à la demande de renvoi indiquant que la cour est saisi des faits et n'est pas tenue par la qualification de ceux-ci dès lors que la question a été mise aux débats et que l'ensemble des parties ont pu s'exprimer sur la requalification envisagée ; que l'ensemble des parties au procès sont présentes ou représentées et sont en mesure de faire valoir leur point de vue devant la cour ; qu'il convient de rejeter les demandes de renvoi, celles-ci apparaissant comme non justifiées au regard des règles de procédure et de l'ancienneté des faits ;
" et aux motifs que la question de la requalification des faits d'abus de confiance en faits de vol ou recel de vol a été mise aux débats à la demande de monsieur l'avocat général ; que les parties au procès, dont le prévenu M. X..., ont été en mesure de s'expliquer sur les faits nouvellement qualifiés au cours des débats devant la cour ; que les droits de la défense et l'équité du procès ont ainsi été préservés d'autant que les faits dont a été saisie la cour d'appel par l'ordonnance de renvoi sont restés les mêmes indépendamment de la qualification qui leur a été attribuée par les différentes juridictions ;
" 1°) alors que s'il appartient au juge répressif de restituer aux faits dont il est saisi leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ; que pour être en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée, le prévenu doit se voir accorder le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure pour effectivement préparer sa défense, que pour rejeter la demande de renvoi, la cour d'appel a énoncé que « la question de la requalification des faits d'abus de confiance en faits de vol ou recel de vol a été mise aux débats à la demande de monsieur l'avocat général, que les parties au procès, dont le prévenu M. X..., ont été en mesure de s'expliquer sur les faits nouvellement qualifiés au cours des débats devant la cour » et que « l'ensemble des parties au procès sont présentes ou représentées et sont en mesure de faire valoir leur point de vue devant la cour » ; qu'en statuant ainsi, quand seul le renvoi de l'affaire à une date ultérieure permettait l'exercice effectif des droits de la défense, la cour d'appel a méconnu les dispositions et le principe susvisés ;
" 2°) alors que, pour rejeter la demande de renvoi consécutive à la requalification, la cour d'appel a énoncé que « les faits dont a été saisie la cour d'appel par l'ordonnance de renvoi sont restés les mêmes indépendamment de la qualification qui leur a été attribuée par les différentes juridictions » ; qu'elle a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors que, pour rejeter la demande de renvoi, la cour d'appel a énoncé qu'il « convient de rejeter les demandes de renvoi, celles-ci apparaissant comme non justifiées au regard des règles de procédure et de l'ancienneté des faits » ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir procédé à une requalification des faits sans faire droit à la demande de renvoi sollicitée par les parties dès lors que cette requalification a été requise à l'audience par le ministère public et que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité de faire droit à une telle demande de renvoi ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques 111-3, 111-4, 311-1 du code pénal, 8, 10, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X...coupable de vol ;
" aux motifs que l'enquête a établi que le tableau litigieux a été trouvé dans sa loge de concierge par M. X...courant 1999 ; qu'il s'est ensuite écoulé un délai de presque 3 ans, au cours duquel ce tableau n'a fait l'objet d'aucune réclamation ; que, de même, M. X...a reconnu ne pas avoir effectué de démarches officielles auprès de son employeur ou auprès de la police pour retrouver le propriétaire du tableau ; qu'il indique simplement l'avoir accroché dans sa loge et avoir demandé à différents visiteurs s'ils en connaissent l'origine ; que ce n'est qu'en 2002, qu'il a fait estimer ce tableau par son employeur la société Drouot holding et qu'il a été décidé de le mettre en vente dans un lot, aucun frais n'étant prélevé à la vente ; que M. X...fait valoir que ce tableau, vendu par l'intermédiaire de la société Drouot holding comme étant une huile sur toile anonyme intitulée " Jeune fille au parapluie ", n'avait aucune valeur et qu'il en était le possesseur de bonne foi ; que pourtant cette toile a été vendu dans un lot avec un dessin au crayon le 17 mai 2002 lors d'une vente publique à M. Yann Z...pour une somme de 4 598 euros ; que l'enquête a permis d'affirmer que ce tableau n'était pas anonyme mais avait été réalisé par le peintre français Roger Grillon, car la famille A..., initialement propriétaire, avait en sa possession d'autres tableaux du même peintre représentant le même modèle à des âges différents ; qu'il a été, par ailleurs, retrouvé trace de la vente de ce tableau en 1996 sous la signature de l'artiste Roger Grillon ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. X...s'est frauduleusement approprié le tableau litigieux qu'il savait appartenir à autrui et qui avait été abandonné dans sa loge de concierge par un tiers ; que M. X..., en n'informant ni son employeur, ni la police, des conditions dans lesquelles il avait trouvé ce tableau, ne peut prétendre avoir agi en possesseur de bonne foi ; qu'au contraire, le fait d'avoir attendu plusieurs années, avant de se comporter en véritable propriétaire du tableau et de le mettre en vente par l'intermédiaire de son employeur la société Drouot holding, suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit de vol dont s'est rendu coupable M. X...au préjudice de M. B... dont l'information a permis d'établir qu'il en était alors le possesseur de bonne foi au sens de l'article 2279 du code civil ; qu'il convient en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en requalifiant les faits d'abus de confiance en vol ;
" 1°) alors que le vol suppose la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir la culpabilité du prévenus du chef de vol, que l'enquête a établi que le tableau litigieux a été trouvé dans sa loge de concierge par Pascal X..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que le vol suppose la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ; qu'en se bornant à énoncer que M. X...a reconnu ne pas avoir effectué de démarches officielles auprès de son employeur ou auprès de la police pour retrouver le propriétaire du tableau, et qu'il ne peut ainsi prétendre avoir agi en possesseur de bonne foi, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors que le vol est une infraction intentionnelle ; que pour permettre la caractérisation de l'infraction, ses éléments moral et matériel doivent coexister au même moment ; que pour déclarer M. X...coupable de vol, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le fait d'avoir attendu plusieurs années, avant de se comporter en véritable propriétaire du tableau et de le mettre en vente par l'intermédiaire de son employeur la société Drouot Holding, suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit de vol ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la simultanéité entre l'acte supposé de soustraction et l'intention de se comporter en véritable propriétaire, a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors que, à supposer le délit de vol constitué, ledit délit est une infraction instantanée qui se prescrit par trois ans à compter de l'acte de soustraction ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'acte de soustraction supposé a été commis courant 1999 ; que s'il résulte des constatations de l'arrêt qu'une première plainte a été déposé par M. B... le 13 juillet 1999, il résulte de ces mêmes constatations qu'aucun autre acte interruptif de prescription n'est intervenue avant le 14 mars 2005, date de la seconde plainte ; que plus de trois ans se sont donc écoulés entre la plainte du 13 juillet 1999 et le 14 mars 2005 ; qu'il appartenait en conséquence à la cour d'appel de déclarer l'action publique prescrite du chef de vol ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer M. X...coupable de vol, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les faits de vol ont été commis en mai 2002, date à laquelle le prévenu, en le mettant en vente, s'est approprié le tableau qu'il détenait auparavant à titre précaire et que la prescription n'a commencé à courir qu'à cette date, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21, 313-7 et 314-10 du code pénal, 420-1, 478, 481, 484, 591 et 593 du code de procédure pénale, 2279 ancien et 2276 du code civil ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. Y...tendant à la restitution du scellé n° 1, constitué d'un tableau, et a ordonné la confiscation de ce tableau ;
" aux motifs que la cour ne peut ordonner la confiscation du tableau litigieux que si celui-ci est susceptible d'être restitué soit à la victime du vol, soit à une personne de bonne foi dont le titre de propriété ou de détention est régulier ; qu'en l'espèce, il résulte des débats que la famille A..., qui était le propriétaire du tableau avant sa disparition chez Me B..., a été indemnisée par une compagnie d'assurance ; que s'agissant de M. Antonio Y..., les conditions d'acquisition du tableau, le fait qu'il connaissait M. Yann Z...et lui faisait suffisamment confiance pour lui confier la revente à un prix six fois supérieur du tableau qu'il venait juste d'acquérir, permet de douter de sa bonne foi ;
" alors que la confiscation porte sur les biens qui sont l'objet ou le produit de l'infraction, à l'exception de ceux susceptibles d'être restitués en particulier à la victime ; qu'en rejetant la demande de restitution présentée par M. Y...au motif inopérant que certains éléments permettraient de douter de sa bonne foi, quand M. Y..., partie civile dont la responsabilité pénale n'avait pas été recherchée, était la victime de l'escroquerie commise par M. Z...¿ définitivement condamné de ce chef ¿ à l'occasion de cette vente, la cour d'appel a méconnu l'article 131-21 du code pénal " ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. Y...tendant à obtenir la restitution du tableau que M. Z...lui a vendu, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la bonne foi du requérant, qui n'est pas la victime du vol du tableau, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq juin deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et Mme Zita, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;