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18/06/2014 | FRANCE | N°13-16238

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 juin 2014, 13-16238


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... ont, par acte notarié du 2 août 2005, vendu à la société civile immobilière Roka Immo un immeuble qu'ils ont continué à habiter en qualité de locataire de M. Y..., gérant de ladite société ; que par acte d'huissier de justice du 9 juin 2009, le comptable du Trésor a fait assigner les époux X... en inopposabilité de l'acte de vente ; Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, tel que reproduit en annexe :Attendu qu'ayant relevé

que la créance du service des impôts au jour de l'acte litigieux était cert...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... ont, par acte notarié du 2 août 2005, vendu à la société civile immobilière Roka Immo un immeuble qu'ils ont continué à habiter en qualité de locataire de M. Y..., gérant de ladite société ; que par acte d'huissier de justice du 9 juin 2009, le comptable du Trésor a fait assigner les époux X... en inopposabilité de l'acte de vente ; Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, tel que reproduit en annexe :Attendu qu'ayant relevé que la créance du service des impôts au jour de l'acte litigieux était certaine, les avis de recouvrement ayant été émis les 31 mars et 15 juin 2005 et le bien litigieux vendu le 2 août 2005, et que M. Y... était nécessairement informé des difficultés des vendeurs pour les avoir assistés dans leur redressement fiscal, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que les époux X... avaient volontairement tenté de soustraire l'immeuble aux poursuites de l'administration fiscale en le remplaçant par des fonds plus aisés à dissimuler ; qu'en déclarant inopposable à l'administration fiscale l'acte de vente litigieux, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1167 du code civil ; Attendu que l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ;Qu'en ordonnant le retour dans le patrimoine commun des époux X... du bien immobilier vendu à la SCI Roka Immo, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et attendu qu'il y a lieu de casser sans renvoi de ce chef en application de l'article 411-3 du code de l'organisation judiciaire, la cassation n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la réintégration rétroactive dans le patrimoine commun des époux X... du bien immobilier vendu le 2 août 2005 à la SCI Roka Immo, l'arrêt rendu le 5 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ;Dit le Trésor public fondé à poursuivre le recouvrement de ses créances constatées par la cour d'appel de Montpellier le 5 juillet 2012 auprès des époux X..., lesquels ont vendu à la SCI Roka Immo représentée par M. Y... et selon acte du 2 août 2005 moyennant le prix de 25 000 euros : un appartement situé dans un ensemble immobilier comprenant deux bâtiments A et B, dénommé résidence l'Espérou, à Montpellier (34000) formant le lot n° 61 de la zone à urbaniser en priorité de la Paillade, cadastré section LR n° 48 pour une surface de 25 a 64 a, sous le lot n° 96, dans le bâtiment A, au 7e étage, à l'angle sud-est du bâtiment, de type F4TD, avec les 85/10000e de la propriété du sol et des parties communes générales, et le lot n° 27, dans le bâtiment A, au deuxième sous-sol une cave portant le numéro 27 du plan, avec 2/10000e de la propriété du sol et des parties communes générales ; Condamne les époux X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour les époux X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposable au Service des impôts des particuliers de Montpellier 1ère Division comme étant passé en fraude de ses droits l'acte de vente conclu le 2 août 2005 entre Monsieur Mohamed Ali X... et Madame Fatima Z..., épouse X..., et la société civile immobilière Roka Immo et d'AVOIR ordonné qu'à compter du jugement à intervenir, le bien dont s'agit retournerait dans le patrimoine des débiteurs avec effet rétroactif, AUX MOTIFS QUE "L'acte qui fait l'objet de l'action paulienne exercée par le service des Impôts est un acte du 2 août 2005 par lequel les époux X... ont vendu à la société ROKA IMMO, représentée par Monsieur Mahfoud Y..., un immeuble au prix de 55.000 euros, dont 30.000 payés auparavant en dehors de la comptabilité de l'office notarial. Il y était indiqué que l'immeuble était entièrement libre de location ou occupation, ce qui ne correspondait pas à la réalité, s'agissant du domicile des époux X.... Il résulte des dispositions de l'article 1167 du Code civil que le créancier peut, en son nom personnel, attaquer les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge pour lui de justifier d'une créance certaine en son principe au moment de la conclusion de l'acte et de démontrer l'insolvabilité au moins apparente de son débiteur. En outre, lorsqu'il s'agit comme en l'espèce d'un acte à titre onéreux, il doit prouver la complicité de fraude du tiers acquéreur, fraude qui résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux. Sur la créance du Service des Impôts, Elle est clairement établie par la chronologie des faits. En effet, le redressement fiscal a été notifié aux époux X... les 18 et 19 octobre 2004, les avis d'imposition ont été mis en recouvrement les 31 mars et 15 juin 2005 et ils ont, dès le 2 août 2005, réalisé la vente litigieuse. Sur l'insolvabilité des débiteurs, En vendant leur unique bien immobilier, les époux X... se sont dépouillés de leur patrimoine au point de rendre largement inefficaces les multiples tentatives de recouvrement et de saisie dont leur créancier justifie. Elles ne lui ont en effet permis de recouvrer que des sommes dérisoires eu égard à l'importance de leur dette. Au surplus, le fait qu'ils ne proposent pas de la régler spontanément témoigne encore de leur impécuniosité. Sur la fraude, Les époux X... ne pouvaient ignorer qu'en vendant leur immeuble peu après la mise en recouvrement de leur dette fiscale, ils faisaient échec aux droits du Trésor Public, ce qui était l'objectif évident de cette opération. Ainsi que l'a parfaitement caractérisé le premier juge dans les motifs de sa décision, la SCI ROKA IMMO ne saurait se prétendre étrangère à la fraude. En effet, son gérant Mahfoud Y... est également associé et directeur du cabinet comptable AMP CONSEILS qui a assisté les époux X... lors du redressement fiscal de la société ATLAS.COM dont Madame X... était gérante et associée. Or il résulte tant d'une attestation de Monsieur Y... que d'une lettre de Monsieur X... du 23 juillet 2004 que toutes les écritures comptables de la société ATLAS.COM transitaient par le biais des comptes financiers des époux X... en 2001 et 2002, soit au cours de la période sur laquelle porte leur redressement. C'est donc vainement que la SCI ROKA IMMO prétend n'avoir pas assisté les époux X... dans l'examen de leur situation fiscale personnelle tant leurs comptabilités personnelle et professionnelle étaient imbriquées et indissociables. La société ROKA IMMO et son dirigeant Y... qui la représentait lors de la signature de l'acte de vente avaient donc nécessairement connaissance du redressement fiscal dont les époux X... faisaient l'objet et donc du préjudice causé au créancier par cette opération. L'existence de la fraude se déduit également du fait que : les époux X... se sont maintenus dans les lieux alors que l'acte stipulait que ceux-ci étaient libres de toute occupation, ils n'ont en réalité jamais quitté leur bien d'habitation, plus de la moitié du prix, soit 30.000 ¿, a été payée hors la comptabilité du notaire. Ces éléments précis et concordants ne laissent aucun doute sur la volonté délibérée des époux X... de faire échapper l'immeuble vendu aux poursuites de leur créancier en le remplaçant par des fonds plus aisés à dissimuler tout en continuant à l'habiter, et ce avec le soutien actif et sciemment consenti de la SCI ROKA IMMO. Dès lors c'est à bon droit que le premier juge a déclaré l'acte du 2 août 2005 inopposable au Service des Impôts comme passé en fraude de ses droits et ordonné le retour du bien considéré dans le patrimoine des débiteurs avec effet rétroactif" (arrêt, p. 4 à 6), ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE "L'article 1167 du Code civil dispose que les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits. Il est de jurisprudence constante que, lorsqu'il s'agit d'un acte à titre onéreux, le créancier qui exerce l'action paulienne doit prouver la complicité de fraude du tiers acquéreur. Il est également de jurisprudence constante que la fraude paulienne résulte de la seule connaissance que le débiteur et son Il résulte de l'acte notarié litigieux les éléments suivants. Monsieur et Madame X... vendent à la société ROKA IMMO, représentée par Monsieur Mahfoud Y..., l'immeuble litigieux moyennant le prix de 55000 euros. ROKA IMMO a payé 30000 euros dès avant ce jour et en dehors de la comptabilité de l'office notarial et 25000 euros aujourd'hui même. L'immeuble vendu est entièrement libre de location ou occupation, comme le vendeur le déclare et que l'acquéreur a pu le constater en le visitant. Il ressort de l'attestation de Monsieur Mahfoud Y..., expert-comptable responsable de la société d'expertise-comptable AMP CONSEILS MONTPELLIER en date du 11 septembre 2003, que des écritures comptables de la SARL ATLAS COM transitaient par le biais des comptes financiers personnels de Monsieur et Madame X.... Il ressort de la proposition de rectification suite à un examen de situation fiscale personnelle en date du 18 octobre 2004 que Monsieur X... a produit cette attestation dans le cadre de son redressement fiscal. Dans un courrier adressé à la Direction des Services Fiscaux de l'Hérault en date du 23 juillet 2004, Monsieur X... indique : "Comme vous l'a indiqué mon cabinet comptable AMP CONSEILS MONTPELLIER, toutes les opérations de la SARL ATLAS COM ont transité par mes comptes personnels". Il ressort de ces éléments que ROKA IMMO représentée par Monsieur Y... avait connaissance du redressement fiscal de Monsieur et Madame X... antérieurement à la vente litigieuse. Aucun élément ne permet de démontrer que la somme de 30000 euros aurait effectivement été payée. Tandis que l'acte notarié litigieux indique que l'immeuble vendu est entièrement libre d'occupation, il ressort de ce même acte notarié, ainsi que des taxes d'habitation et redevances audiovisuelles 2006 et 2007, que Monsieur et Madame X... ne l'ont jamais libéré. En considération de ces éléments, il convient de considérer que la preuve de ce que ROKA IMMO avait connaissance du préjudice causé au Trésor par la vente litigieuse est suffisamment rapportée. Il convient, par conséquent, de faire droit à la demande" (jugement, p. 4 et 5), 1°) ALORS QUE si la fraude paulienne n'implique pas nécessairement l'intention de nuire et pourrait résulter de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux, il n'en demeure pas moins que le débiteur doit être admis à renverser cette présomption en démontrant que, quand bien même il aurait pu avoir conscience de nuire à son créancier, il n'en a néanmoins pas eu l'intention, puisqu'il poursuivi un but légitime ;Qu'en l'espèce, Monsieur et Madame X... faisaient valoir dans leurs écritures d'appel que la vente de l'unique bien immobilier de la famille avait permis de solder une partie de ses dettes à l'égard de certains créanciers plus anciens que le Trésor public ; qu'ils produisaient d'ailleurs aux débats dix reconnaissances de dettes auprès de particuliers de 2001, 2002 et 2003 et une attestation dont l'auteur indiquait avoir été remboursé par les fonds provenant de la vente ; Qu'en ne recherchant pas si ces faits ne démontraient pas l'absence d'intention de nuire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge doit, à peine de nullité de la décision qu'il rend, répondre à l'ensemble des moyens qui lui sont soumis par les parties ;
Que dans leurs écritures d'appel, Monsieur et Madame X... faisaient valoir que la vente de l'unique bien immobilier de la famille avait permis de solder une partie de ses dettes à l'égard de certains créanciers plus anciens que le Trésor public ; qu'ils produisaient à l'appui de ce moyen dix reconnaissances de dettes auprès de particuliers de 2001, 2002 et 2003 et une attestation dont l'auteur indiquait avoir été remboursé par les fonds provenant de la vente ; Qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire des écritures d'appel de Monsieur et Madame X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ; que le juge ne saurait ordonner le retour dudit bien dans le patrimoine du débiteur ;Qu'en ordonnant en l'espèce le retour du bien immobilier litigieux dans le patrimoine de Monsieur et Madame X..., débiteurs, avec effet rétroactif, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-16238
Date de la décision : 18/06/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 juillet 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 jui. 2014, pourvoi n°13-16238


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.16238
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