LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2 du code civil, ensemble l'article 1er -1 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée par la loi du 26 juillet 1996 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 novembre 2012), que M. X... a assigné en 1994 la société France Télécom (devenue société Orange) en enlèvement d'une chambre téléphonique et d'un poteau implantés sur sa propriété et en dommages-intérêts ;
Attendu que pour condamner la société France Télécom à payer à M. X... des dommages-intérêts pour emprise irrégulière, l'arrêt retient que ces installations étant des ouvrages publics lors de l'introduction de l'instance, le litige devait être examiné au regard de ce caractère et que M. X... ne pouvait se plaindre d'un empiétement sur sa propriété pour obtenir l'enlèvement de ces installations ;
Qu'en statuant ainsi, alors que par l'effet de la loi du 26 juillet 1996 ces installations avaient perdu leur caractère d'ouvrages publics, la cour d'appel, qui a constaté qu'elles empiétaient sur la propriété de M. X..., a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Orange aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Orange à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Orange ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X.... Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en toutes ses dispositions, dit que l'implantation par France Telecom d'un poteau et d'une chambre téléphonique aérée sur la parcelle de M. X... constituait une emprise irrégulière, débouté M. X... de ses demandes au titre de l'empiètement illicite et condamné la société France Telecom à payer à M. X... 5 000 euros de dommages-intérêts pour emprise irrégulière, Aux motifs que M. X... avait assigné France Telecom par acte du 8 mars 1994 aux fins de faire constater une emprise irrégulière, date à laquelle les ouvrages litigieux avaient le caractère d'ouvrages publics ; que la loi du 26 juillet 1996 avait transféré les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Telecom à l'entreprise nationale France Telecom et déclaré ces biens relevant du domaine public ; que, depuis le 31 décembre 1996, le poteau et la chambre téléphonique aérée implantés en 1976 constituaient des ouvrages privés ; que les lois qui gouvernent la constitution d'une situation juridique ne sauraient porter atteinte sans rétroactivité aux situations juridiques antérieurement constituées ; que, dès lors que les ouvrages litigieux étaient des ouvrages publics en 1994, lors de l'introduction de l'instance, le litige devait être examiné au regard du caractère public des ouvrages ; que, s'agissant d'un ouvrage public, M. X... ne pouvait se plaindre de l'empiètement sur sa propriété ; Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que, si la loi nouvelle ne peut remettre en cause des situations juridiques antérieurement constituées, c'est à la condition que ces situations aient été régulièrement constituées ; que la cour d'appel a relevé que les ouvrages litigieux constituaient une emprise irrégulière sur la propriété de M. X... ; qu'il en résultait que leur situation d'ouvrages publics n'avait pas été régulièrement constituée et que la loi nouvelle, qui leur avait conféré la nature d'ouvrages privés susceptibles d'empiètement illicite, était applicable (violation de l'article 2 du code civil).