LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par : -M. Patrice X..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre spéciale des mineurs, en date du 10 juin 2013, qui, dans la poursuite engagée contre Daniel Y... du chef de violences, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 avril 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ; Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Patrice X..., alors qu'il exerçait ses fonctions de veilleur de nuit au sein d'un foyer pour mineurs en difficulté, a été agressé par Daniel Y..., qui lui a occasionné une incapacité de travail ; qu'après une expertise, le tribunal correctionnel a prononcé sur les intérêts civils ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait dit n'y avoir lieu à partage de responsabilité et condamné Daniel Y... in solidum avec son civilement responsable à payer diverses sommes mais a limité la réparation au titre du déficit fonctionnel temporaire et débouté M. X... de ses demandes au titre du déficit fonctionnel permanent, de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle ; En cet état,Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, du principe de la réparation intégrale, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté M. X... de ses demandes au titre du déficit fonctionnel permanent, de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle qui relèvent du livre IV du code de la sécurité sociale ; "aux motifs qu'il est constant et non contesté que les faits dont M. X... a été victime sur le lieu de son travail constituent un accident du travail imputable à la faute d'un tiers ; que l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale dispose que si la lésion est imputable à une personne autre que l'employeur, la victime conserve, contre l'auteur, le droit de demander réparation du préjudice causé conformément aux règles de droit commun dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du livre IV du code de la sécurité sociale ; que selon la Cour de cassation (arrêts du 4 avril 2012) ces dispositions indemnisent les frais médicaux, le déficit fonctionnel permanent, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité de sorte qu'aucune indemnité supplémentaire ne peut être allouée de ces chefs à M. X... par la juridiction de droit commun ; "alors que, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation de l'entier préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas intégralement réparé par application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les textes visés au moyen, décider que M. X... ne pouvait par principe obtenir aucune indemnité au titre des frais médicaux, du déficit fonctionnel permanent, des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle, dès lors que la réparation de ces chefs de préjudice est prévue par le livre IV du code de la sécurité sociale, tandis que ces préjudices pouvaient être réparés par le tiers qui en était responsable, indépendamment de leur rattachement à un accident du travail, et tandis que M. X... faisait valoir que la réparation à ce titre, pour ces chefs de préjudice, ne couvrait pas l'intégralité de son dommage" ; Vu l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ; Attendu qu'il résulte de ce texte que, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du livre quatre du code de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour débouter la partie civile de ses demandes au titre des postes de déficit fonctionnel permanent, d'incidences professionnelles de l'accident et de perte de gains professionnels futurs, l'arrêt relève que M. X... a reçu une rente de la sécurité sociale en réparation de ces divers préjudices ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la victime conservait la possibilité de demander réparation à l'auteur de l'accident, qui n'était ni l'employeur ni un préposé de celui-ci, selon les règles du droit commun , la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, de l'article 1382 du code civil, du principe de la réparation intégrale, défaut de motifs, défaut de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a limité la condamnation allouée à M. X... au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 6 620 euros ; "aux motifs que sur le déficit fonctionnel temporaire, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la gêne éprouvée par M. X... dans les actes de la vie courante pendant la période d'incapacité temporaire et l'ont justement indemnisée en fonction des divers taux de déficit retenus par l'expert dans le temps de sorte que la somme de 6 620 euros allouée de ce chef sera confirmée ; "1°) alors que M. X... sollicitait la confirmation du jugement sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, qu'il détaillait en trois périodes : déficit temporaire total (200 euros), déficit temporaire partiel de 75% (1 560 euros) et déficit temporaire partiel de 50% (6 620 euros) ; que la cour d'appel, tout en approuvant l'appréciation de ce préjudice par les premiers juges, a alloué à M. X... la somme 6 620 euros à ce titre ; qu'en se prononçant ainsi, en limitant l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à la somme correspondant au déficit partiel à 50%, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... avait également subi un déficit temporaire total puis partiel à 75% qui devait également être réparé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale : "2°) alors que, en tout état de cause, la cour d'appel a confirmé l'appréciation du déficit fonctionnel temporaire par les premiers juges en considérant qu'ils l'avaient « justement indemnisée en fonction des divers taux de déficit retenus par l'expert dans le temps »; que les premiers juges ont, par des motifs adoptés par la cour d'appel, retenu un déficit fonctionnel temporaire total de 10 jours, évalué à 200 euros, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 75% pendant 165 jours, évalué à 1 560 euros, puis de 50% pendant 662 jours, évalué à 6 620 euros ; que la cour d'appel a pourtant confirmé la somme allouée par les premiers pour un montant de 6 620 euros; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour fixer à 6 620 euros la réparation du déficit fonctionnel temporaire, l'arrêt attaqué énonce que les premiers juges en ont fait une exacte appréciation en fonction des divers taux de déficit retenus par l'expert dans le temps ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le tribunal correctionnel avait chiffré l'indemnisation de ce même poste de préjudice à 8 380 euros, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ; Par ces motifs :CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 10 juin 2013, mais en ses seules dispositions ayant statué sur le déficit fonctionnel, sur la perte de gains futurs et sur l'incidence professionnelle, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcé ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juin deux mille quatorze ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;