LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 11 décembre 2012), que par contrat du 23 mars 2009, la société Galactic Wedding Network Europe, devenue Pronuptia Professional Europe (la société Pronuptia), a confié à la société Dupli'Print la réalisation d'albums photographiques ; que des défauts affectant la confection des albums, la société Dupli'Print a assigné la société Pronuptia en nullité du contrat pour dol et dommages-intérêts ; que la société Pronuptia ayant été mise en redressement judiciaire le 3 juillet 2012, les sociétés Guillaume Lemercier et Segard Carboni, désignées respectivement mandataire et administrateur judiciaires (le mandataire et l'administrateur judiciaires), ont repris l'instance ;
Attendu que la société Pronuptia, le mandataire et l'administrateur judiciaires font grief à l'arrêt d'avoir dit que le consentement de la société Dupli'Print était vicié pour réticence dolosive, d'avoir prononcé la nullité du contrat, fixé les créances de la société Dupli'print au passif du redressement judiciaire de la société Pronuptia et rejeté les demandes reconventionnelles de celle-ci, alors, selon le moyen, qu'une réticence dolosive ne peut être imputée à celui qui n'est débiteur envers son cocontractant professionnel, d'aucune obligation d'information portant sur les caractéristiques techniques du bien, objet du contrat, que ce dernier lui fournit ; qu'en affirmant néanmoins que la société Pronuptia avait commis une réticence dolosive en n'informant pas la société Dupli'Print, professionnel de la reprographie, des difficultés techniques auxquelles elle était susceptible de se heurter en réalisant les albums photos qu'elle lui avait commandés en ayant recours au procédé Unibind, bien qu'elle n'ait été tenue à son égard d'aucune obligation d'information à caractère technique rentrant dans le champ de compétence de son cocontractant, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir, par motifs adoptés, constaté que les désordres provenaient de la couverture « Unibind photobook blanc perlé » imposée par la société Pronuptia, et relevé que celle-ci avait omis d'informer la société Dupli'Print des difficultés rencontrées par le précédent prestataire, l'arrêt relève, par motifs propres, que les dénégations de la société Pronuptia quant à l'existence d'un problème inhérent à cette couverture et à la connaissance qu'elle en avait lors de la conclusion du contrat litigieux sont contredites par les éléments du débat ; qu'il retient encore qu'en s'abstenant d'informer la société Dupli'Print de ces difficultés techniques tenant à la mauvaise qualité de la colle et par suite, de la reliure des albums, elle l'a privée de la possibilité de s'informer de leur cause et de procéder à ses propres essais pour s'assurer qu'elle serait en mesure d'exécuter la commande ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que la société Pronuptia avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi, et ainsi commis un dol par réticence, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Pronuptia Professional Europe, les sociétés Guillaume Lemercier et Segard Carboni, ès qualités, aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Pronuptia Professional Europe et autresIl est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le consentement de la société DUPLI'PRINT au contrat du 23 mars 2009 vicié pour réticence dolosive imputable à la société GWNE, devenue société PRONUPTIA PROFESSIONAL EUROPE, d'AVOIR ordonné en conséquence la nullité dudit contrat signé le 23 mars 2009, d'AVOIR fixé les créances de la société DUPLI'PRINT au passif du redressement judiciaire de la société PRONUPTIA PROFESSIONAL EUROPE à la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts, 2.500 euros au titre de l'indemnité de procédure et les dépens de première instance, d'AVOIR débouté la société PRONUPTIA PROFESSIONAL EUROPE de ses demandes reconventionnelles, et d'AVOIR condamné la société PRONUPTIA PROFESSIONAL EUROPE représentée par son administrateur judiciaire et son mandataire judiciaire, à payer à la société DUPLI'PRINT la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;AUX MOTIFS PROPRES QUE pour prononcer la nullité du contrat, le tribunal a relevé que la cause principale des désordres affectant les albums photos provenait de l'utilisation de la couverture Unibind Photobook blanc perlé imposée par la société Pronuptia Professional Europe, que cette dernière n'avait pas informé la société Dupli'Print des problèmes rencontrés avec le précédent prestataire, la société Sprintoo, qu'au lieu de l'en avertir, elle a introduit dans le contrat des clauses sanctionnant sévèrement l'inexécution du contrat et les retards de livraison, que ces éléments caractérisent une réticence dolosive de la part de la société Pronuptia Professional Europe ayant vicié le consentement de la société Dupli'Print ; pour que le silence soit constitutif d'une réticence dolosive, il faut que la victime rapporte la preuve de l'intention de l'auteur de provoquer une erreur sur un élément déterminant de son consentement ; qu'est de principe que le professionnel chargé de l'impression d'albums photos est tenu à une obligation de résultat envers le client profane et a le devoir de se renseigner sur les matériaux mis en oeuvre et que ce dernier peut changer de fournisseur sans avoir à faire état des difficultés qu'il a rencontré avec le précédent ; que toutefois, dans le cas d'espèce, il a été vu précédemment que l'appelante a eu personnellement un contact avec le fabricant pour le mettre en demeure d'apporter une solution au problème des pages qui se décollent, en vain ; qu'elle avait donc une connaissance du revêtement qu'elle exigeait et était informée de l'existence d'un problème technique, ce qui l'empêche de revendiquer la qualité de profane ; qu'elle ne pouvait dans ces conditions imputer la responsabilité de l'échec à la société Sprintoo ; qu'il résulte du dossier que l'appelante s'est rapprochée de l'intimée en lui disant : "Ma volonté de changer de prestataire est liée au fait que je suis à la recherche de fiabilité dans notre schéma de fonctionnement en terme de service délais de livraison (volume important sur 4 mois) et de qualité (imprimeur avec l'expérience des livres albums)" (cf le courriel du 18 novembre 2008)" ; que ces termes n'étaient pas de nature à alerter l'intimée sur d'éventuelles difficultés de faisabilité de la commande et cette dernière soutient justement qu'elle n'avait pas à tester un produit censé l'avoir été par le fabricant avant sa mise sur le marché ; qu'il est évident que si elle avait été informée loyalement de l'incapacité de cette dernière à réaliser de manière satisfaisante les albums avec la couverture blanc perlé, la société Dupli'Print, dont l'appelante vante la notoriété et l'expérience et qui n'avait pas le choix de la couverture aurait d'abord pris les contacts utiles auprès de la société Sprintoo et de la société Unibind pour s'informer de la cause des difficultés et procéder à ses propres essais pour s'assurer qu'elle était en mesure d'exécuter la commande ; qu'à tout le moins, elle aurait contracté à d'autres conditions ; que c'est bien pour obtenir acceptation du contrat par l'intimée que l'appelante lui a dissimulé l'échec avec le précédent prestataire ; qu'en agissant ainsi, elle a introduit dans la relation contractuelle un aléa alors que la contrepartie de l'obligation de résultat, qui a pour corollaire une présomption de responsabilité, est précisément l'absence d'aléa ; que de surcroît, elle a mis à profit la surface financière de l'intimée pour insérer dans le contrat des clauses d'un montant exorbitant si l'aléa advenait tandis que cette dernière ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité, la cause étrangère étant par nature extérieure à celui qui l'invoque ; que c'est à bon droit, en conséquence, que le tribunal a jugé que les conditions du dol étaient réunies ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat et rejeté les demandes reconventionnelles de la société Pronuptia Professional Europe ; ET QUE le premier juge a fixé à 64 167 ¿ l'indemnité due à la société Dupli'Print représentant le montant des factures impayées (39 167 ¿) et 65 % de cette somme pour la réimpression des albums ; que l'intimée, qui justifie avoir déclaré sa créance, forme un appel incident sur le montant des dommages-intérêts qu'elle estime insuffisants pour réparer l'intégralité de ses préjudices ; qu'elle expose qu'elle a exécuté les commandes sans être payées, que les réimpressions, parfois plusieurs fois de suite, et les livraisons ont entraîné un surcoût de fabrication et une désorganisation de ses ateliers au détriment d'autres clients, et qu'elle a été contrainte de consacrer une personne à temps complet pendant trois mois pour essayer de trouver une solution aux défectuosités récurrentes ; que l'ampleur des désordres est attestée par de nombreuses pièces du dossier de même que les démarches effectuées par l'intimée en lien avec le fabricant pour tenter d'y remédier ; qu'il est exact que l'évaluation du premier juge n'en tient pas suffisamment compte ; que cette indemnité sera donc portée à la somme de 80000 ¿, laquelle sera fixée au passif du redressement judiciaire de société Pronuptia Professional Europe, le jugement étant dès lors infirmé ;ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la cause principale des problèmes de fabrication des livres albums venait de l'utilisation des couvertures Unibind Photobook « blanc parlé » imposées par la société GWNE et que celle-ci aurait dû informer la société DUPLI'PRINT des problèmes rencontrées avec ces types de couvertures par son précédent prestataire, la société SPRINTOO ; qu'au contraire, elle est restée très générale sur les raisons de son choix de changement de fournisseur ; qu'au lieu d'agir de bonne foi et d'avertir la société DUPLI'PRINT des problèmes rencontrés avec la société SPRINTOO, elle s'est contentée d'inclure dans la convention d'impression signée avec la société DUPLI'PRINT des clauses pénales largement surestimées par rapport aux dommages potentiellement causés et qui de toute évidence pouvaient entrainer avec une grande probabilité des risques financiers insurmontables à la société DUPLI'PRINT ; que la société GWNE persistait dans sa mauvaise foi, par son manque de transparence vis-à-vis de la société DUPLI'PRINT lorsque celle-ci faisait face de toute évidence à des problèmes similaires à ceux rencontrés par la société SPRINTOO ; que dans le cadre de la signature de la convention du 23 mars 2009, la société GWNE a fait preuve de réticence dolosive ce qui a entraîné un vice du consentement de la société DUPLI'PRINT ;
ALORS QU'une réticence dolosive ne peut être imputée à celui qui n'est débiteur envers son cocontractant professionnel, d'aucune obligation d'information portant sur les caractéristiques techniques du bien, objet du contrat, que ce dernier lui fournit ; qu'en affirmant néanmoins que la société PRONUPTIA avait commis une réticence dolosive en n'informant pas la société DUPLI'PRINT, professionnel de la reprographie, des difficultés techniques auxquelles elle était susceptible de se heurter en réalisant les albums photos qu'elle lui avait commandés en ayant recours au procédé Unibind, bien qu'elle n'ait été tenue à son égard d'aucune obligation d'information à caractère technique rentrant dans le champ de compétence de son cocontractant, la Cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil.