Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société d'exploitation des établissements J. X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 2013, qui, pour infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, l'a condamnée à huit amendes de 600 euros chacune et une amende de 700 euros ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Zita ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MAZIAU, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, poursuivie devant la juridiction de proximité pour diverses infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, la société d'exploitation des établissements J. X... a soulevé avant toute défense au fond la nullité de la citation et a invoqué la prescription de l'action publique ; qu'après avoir rejeté ces exceptions, la juridiction de proximité a déclaré la prévenue coupable ; que celle-ci et le ministère public ont interjeté appel du jugement ; En cet état ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 551, 565, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'acte de citation ; " aux motifs propres qu'il convient de constater que les mentions présentes de détails des faits, de lieu, de date, d'immatriculation, de procès-verbal constituent des éléments suffisants d'énoncé des faits et infractions poursuivis, et que l'immatriculation indiquée permettait à la société de déterminer immédiatement le nom du conducteur alors que le casier judiciaire de la société est sans condamnations et qu'elle met en avant son respect de la législation ; que la prévenue fait de plus affirmer un nécessaire grave grief, nullement prouvé ni même illustré ; " et aux motifs adoptés qu'il est fait état en premier lieu de l'absence de visa des textes de répression ; que ce moyen sera rejeté en tant que le mandement de citation délivré par l'huissier renvoie expressément à la cédule du parquet qui énonce les textes ; qu'il est invoqué en second lieu l'absence dans la citation du nom du chauffeur routier pour lequel il est reproché à l'entreprise le non-respect de différentes infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, l'empêchant de connaître exactement les faits reprochés s'agissant d'une entreprise employant plusieurs centaines de chauffeurs routiers et portant ainsi atteinte aux droits de la défense ; que ce moyen sera rejeté en temps que la mention dans la citation du nom du chauffeur-routier n'est pas indispensable dans la mesure où il peut être clairement identifié et les infractions le concernant également ; qu'il suffit à cet égard de constater que M. X... responsable légal de la société visée par la citation a été entendu de façon extrêmement détaillée et circonstanciée par les services de gendarmerie sur les infractions relevées relatives au chauffeur concerné, et que de surcroît te dispositif de géostationnement de l'entreprise pour suivre les véhicules lui permettait de savoir précisément à partir de la seule indication des lieu et date du contrôle qu'elle était le conducteur concerné ; " alors qu'il résulte de la lecture combinée des articles 6, § 3, a) de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale que la citation doit mettre le prévenu en mesure de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés ; qu'en l'espèce, la citation délivrée et la cédule du procureur de la République qui y était jointe ne comportaient aucune indication relative au nom du conducteur pour lequel il est reproché à l'entreprise le non-respect de différentes infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, quand cette indication était essentielle à la discussion des faits poursuivis ; que cette imprécision a ainsi empêché la société exposante de connaître exactement les faits qui lui étaient reprochés et, en conséquence, porté atteinte aux droits de la défense ; qu'en refusant d'annuler la citation, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ; " Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la citation, prise de ce que cet acte ne mentionnait pas le nom du conducteur du véhicule contrôlé le 15 mai 2009 par les services de gendarmerie, mettant ainsi la prévenue dans l'impossibilité de connaître avec précision les faits qui lui étaient reprochés, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que l'indication, dans la citation, des date et lieu du contrôle, du numéro d'immatriculation du véhicule ainsi que des références du procès-verbal d'infractions mettait la société d'exploitation des établissements J. X... en mesure de connaître avec précision les faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 9, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique ; " aux motifs propres que les faits ont été commis entre le 17-4-2009 et le 7-5-2009, et constatés le 15-5-2009, l'enquête a été menée jusqu'au 12-3-2010, avec audition de l'employeur le 8-3-2010 et du chauffeur le 30-11-2010, et le 14-10-2011 le procureur de la République transmettait la procédure à l'officier du ministère public pour compétence, la citation étant délivrée le 25-6-2012 à la suite des réquisitions du 30-4-2012 ; que la transmission de la procédure par le procureur de la République à l'officier du ministère public pour compétence est un acte nécessaire au regard de la nature des infractions relevant de la seule compétence de ce dernier, et constitue donc nécessairement un acte de poursuite, interruptif de la prescription ; " et aux motifs adoptés qu'il est invoqué la prescription des poursuites au motif que le dernier acte de poursuite, consistant en une audition du 30/ 11/ 2010 du conducteur, emportait la prescription à compter du 29/ 11/ 2011 alors que la citation a été délivrée le 25/ 6/ 2012 ; que ce moyen sera rejeté en tant qu'un soit transmis en date du 14/ 10/ 2011 du parquet de Bordeaux adressé à l'OMP de Bordeaux pour se trouver compétent s'agissant de contraventions de quatrième classe, s'analyse d'évidence comme un acte de poursuite dès lors interruptif de prescription ;
" alors qu'aux termes des dispositions combinées des articles 7 et 9 du code de procédure pénale, en matière de contravention, l'action publique se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise, si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite ; qu'en l'espèce, il est établi que le dernier acte d'enquête, en l'occurrence l'audition du chauffeur, a eu lieu le 30 novembre 2010 ; qu'il est de même avéré que les réquisitions du ministère public ont été prises le 30 avril 2012 ; que pour dire la prescription de l'action publique non acquise, la cour d'appel s'est référée à un soit-transmis adressé le 14 octobre 2011 par le procureur de la République de Bordeaux à l'officier du ministère public de Bordeaux ; qu'en se prononçant par de tels motifs, alors qu'un soit-transmis ne constitue qu'un acte d'administration judiciaire, dès lors non interruptif de prescription, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés " ; Attendu que, pour dire l'action publique non prescrite, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que l'acte par lequel le procureur de la République transmet la procédure, pour compétence, à l'officier du ministère public, en application de l'article 44 du code de procédure pénale, constitue un acte de poursuite interruptif de prescription ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ; Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 1° et 2°, 4 k) et 6 du règlement CE 561/ 2006 du 15 mars 2006, 1, 1° et 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958, 3 du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986 dans leurs versions applicables à la date des faits, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société d'exploitation des établissements J. X...coupable des faits poursuivis et, en répression, l'a condamnée à quatre amendes contraventionnelles de 600 euros pour les faits de dépassement de la durée maximale de conduite journalière n'excédant pas 20 %, à une amende contraventionnelle de 700 euros pour les faits de dépassement de la durée maximale de conduite de deux semaines consécutives n'excédant pas 20 %, et à quatre amendes contraventionnelles de 600 euros pour les faits de prise de repos journalier insuffisant mais de 6 heures au moins ;
" aux motifs propres que la société employeur du conducteur doit prendre les mesures suffisantes de nature à assurer le respect par ses salariés de la réglementation, par l'information, les instructions, le contrôle, la prise de mesures en cas de non respect ; que, si lors de sa première audition, le conducteur M. Y...reconnaissait les faits, et déclarait penser être dans les créneaux des temps de repos, et se rendre compte de ce qu'il dépassait le temps de conduite pour trouver des parkings, en revanche, lors de son audition du 30-11-2010, il indiquait notamment que si il avait dépassé les temps de conduite c'était uniquement pour être dans les délais imposés pour effectuer les livraisons et parce qu'on lui imposait des délais de route ; que certes, lors de son audition du 8-3-2010, M. X... soutenait en détails que le chauffeur s'était organisé en fonction de ses convenances personnelles ou n'avait pas su s'organiser, et qu'aucune contrainte d'exploitation ni aucun ordre de son employeur ne lui avait imposé de commettre ces infractions, alors que les délais de chargement et déchargement lui permettaient de s'organiser de manière à respecter la réglementation ; qu'il précisait également que M. Y...avait été régulièrement informé des réformes réglementaires depuis son entrée dans la société le 29-11-1999 dans son contrat de travail, par lettre de rappel à l'ordre du 26-12-2001, mais également lors d'un stage de formation le 4-5-2005 valable jusqu'au 5-6-2010, lors d'un rappel sur bulletin de salaire en novembre 2008, lors de la remise d'un manuel du conducteur le 2-4-2009 ; qu'il convient de souligner : que ne figurent pas à la procédure le rappel daté sur bulletin de salaire en novembre 2008, le manuel du conducteur remis le 2-4-2009, que la prévenue fait déposer des éléments tous postérieurs aux faits (contrat de JM Z..., plan d'action 201l, manuel conducteur 2011, notes de service 2010, 2011, 2012, décision du préfet 201l, rappels à 1'ordre de M. Y...de 2012), que la décision du préfet du l0-8-2011 établit les nombreuses infractions relevées en 2008 ; que la société employeur du conducteur n'établit donc pas avoir pris, avant les faits, toutes les mesures suffisantes de nature à assurer le respect par son salarié de la réglementation, par l'information, les instructions, le contrôle, la prise de mesures en cas de non respect ; qu'ainsi, les faits et les éléments constitutifs de la prévention sont établies, comme la culpabilité du prévenu, qui doit être condamné de ce chef de la prévention ; " et aux motifs adoptés que la défense fait état de ce que l'employeur avait mis à la disposition de son salarié tous les moyens nécessaires, et que c'était donc ce dernier qui était seul coupable ; qu'il sera répondu que l'éventuelle responsabilité pénale du salarié ne saurait faire disparaître nécessairement celle du salarié (sic), les deux responsabilités pouvant être poursuivies cumulativement, le choix appartenant au ministère public ; " alors que le commettant ne répond de la méconnaissance par ses préposés de la réglementation concernant les conditions de travail dans les transports routiers que s'il n'a pas pris les dispositions de nature à en assurer le respect ; qu'en ne s'expliquant pas concrètement sur l'ensemble des dispositions prises par la société prévenue pour assurer le respect par le conducteur fautif de la réglementation relative aux temps de conduite et de repos, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les infractions dont elle a déclaré la prévenue coupable ; D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois juin deux mille quatorze ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;