LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 6 mars 2013), que, le 28 mars 2006, M. et Mme X... se sont rendus cautions envers la Banque Nuger (la banque) d'un concours consenti à la société Financière Tradex (la société), dont M. X... est le gérant ; que cette dernière ayant été mise sous sauvegarde le 27 mars 2009, la banque a déclaré sa créance ; qu'un plan de sauvegarde a été adopté le 6 avril 2010 ; que le 6 juillet suivant, la banque a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble appartenant aux époux X..., puis les a assignés en exécution de leur engagement ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer à la banque une certaine somme et d'avoir rejeté leur demande de mainlevée de l'hypothèque conservatoire, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 626-11 du code de commerce interdit la poursuite des actions entreprises contre la caution du débiteur principal au bénéfice duquel a été arrêté un plan de sauvegarde, en ce incluses celles visant à valider une mesure conservatoire ; qu'en l'espèce, il était constant que par jugement du 6 avril 2010, rectifié par jugement du 16 mai 2011, un plan de sauvegarde, en cours d'exécution, avait été arrêté au profit de la société, débitrice principale ; que dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme X... soutenaient que ce plan de sauvegarde, dont ils justifiaient en pièce n° 6 du respect par la société, interdisait toute condamnation en exécution de leur engagement de caution ; qu'en retenant au contraire qu'il était justifié de prononcer leur condamnation solidaire au paiement de la somme non contestée de 68 750, 73 euros, montant de la créance de la banque à leur encontre, arrêtée au 28 février 2009, en leur qualité de cautions, la cour d'appel a violé l'article L. 626-11 du code de commerce ;
2°/ que l'article L. 626-11 du code de commerce interdit la poursuite des actions entreprises contre la caution du débiteur principal au bénéfice duquel a été arrêté un plan de sauvegarde, en ce incluses celles visant à valider une mesure conservatoire ; que dès lors, en considérant, en l'espèce, que l'inscription provisoire d'hypothèque sur le bien immobilier des cautions, prise par la banque le 6 juillet 2010, sur autorisation du juge de l'exécution du 28 juin 2010, demeurait valable, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 626-11 du code de commerce ;
3°/ que le créancier ne peut pas poursuivre la caution alors que sa créance n'est pas exigible ; que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne rend pas exigible les créances non échues à la date de son prononcé ; que dès lors, en se bornant à affirmer que les exposants ne soutenaient pas que la créance de la banque, à savoir une échéance impayée le 28 février 2009, outre pénalités et intérêts, et le capital dû au 28 février 2009 au titre du prêt cautionné, n'était pas exigible lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société, sans constater elle-même que la condition de mise en oeuvre de la garantie tenant à l'exigibilité de la dette était accomplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2290 du code civil et L. 622-29 du code de commerce ;
Mais attendu qu'en application de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992, devenu l'article R. 511-7 du code des procédures d'exécution, sauf le cas où la mesure est pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier qui a été autorisé à pratiquer une mesure conservatoire contre une caution personnelle, personne physique, doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, même si le débiteur principal bénéficie d'un plan de sauvegarde ; que, dans ce cas, l'exécution du titre exécutoire ainsi obtenu est suspendue pendant la durée du plan ou jusqu'à sa résolution ; qu'ayant retenu qu'en application du texte susvisé la banque avait l'obligation d'assigner au fond les cautions pour obtenir un titre exécutoire et que la mise en oeuvre de ce dernier était suspendue pendant la durée du plan ou jusqu'à sa résolution, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs des première et deuxième branches ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la Banque Nuger et rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X.... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement M. Pedro X... et Mme Christine A..., son épouse, à payer à la SA Banque Nuger la somme de 68. 750, 73 €, montant de sa créance arrêtée au 28 février 2009, outre intérêts au taux contractuel de 4, 50 % majoré de 3 points, soit 7, 50 % à compter du 29 février 2009 jusqu'à parfait paiement, et d'avoir rejeté leur demande tendant à la confirmation du jugement ayant ordonné la mainlevée de l'hypothèque conservatoire autorisée par le juge de l'exécution de Clermont-Ferrand le 28 juin 2010 ; AUX MOTIFS QUE la cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, en rappelant seulement que les intimés mettent essentiellement en avant que :- ils rapportent la preuve que depuis l'adoption du plan de sauvegarde, la SARL Financière Tradex a respecté scrupuleusement ses obligations ;- l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation invoqué par les appelants, en date du 11 janvier 2012, concernait une situation différente de la leur puisque la caution concernée avait avalisé un billet à ordre tiré par la société poursuivante, son engagement devenant ainsi ipso facto un engagement cambiaire rendant son obligation vis-à-vis de la banque irrévocable et rendant inapplicable la règle de l'inopposabilité des exceptions ;- c'est à tort que la SA Banque Nuger excipe de l'article L. 622-28 du code de commerce autorisant la prise de mesures conservatoires pendant la période d'observation et de l'article R. 622-26 alinéa 1er relatif à la poursuite des instances et procédures civiles d'exécution suspendues en application de l'alinéa 2 de l'article susvisé, la jurisprudence relevant que ces dispositions communes à la procédure de sauvegarde et à la procédure de redressement judiciaire ne visent nullement une mesure conservatoire, ni une reprise des instances suspendues durant la période d'observation en raison du prononcé du plan, seule la nature du plan prononcé étant à considérer, et, lorsqu'il s'agit d'un plan de sauvegarde, l'article L. 626-11 ne permet pas la poursuite des actions entreprises contre la caution, incluant celles visant la validation d'une mesure conservatoire qui ne se justifie plus ; que, certes, l'article L. 622-28 du code de commerce dispose, dans son 2ème alinéa, que le jugement d'ouverture (de la procédure de sauvegarde) suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, le 3ème alinéa prévoyant que les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires ; mais que, selon l'article R. 622-26, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 : « Les instances et les procédures civiles d'exécution suspendues en application du deuxième alinéa de l'article L. 622-28 sont poursuivies à l'initiative des créanciers bénéficiaires de garanties mentionnées au dernier alinéa de cet article sur justification du jugement arrêtant le plan, selon les dispositions applicables à l'opposabilité de ce plan à l'égard des garants. « En application du troisième alinéa de l'article L. 622-8, ces créanciers peuvent pratiquer des mesures conservatoires dans les conditions prévues aux articles 210 et suivants du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution » ; que l'article L. 626-11 énonce, à cet égard, que le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous et qu'à l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s'en prévaloir ; qu'il résulte suffisamment de l'ensemble des textes précités que :- en cas d'adoption d'un plan de sauvegarde à l'issue de la période d'observation, les coobligés et garants continuent à bénéficier de la suspension des poursuites, puisqu'ils sont en droit, à la différence de la situation créée par un plan de redressement judiciaire, d'opposer aux créanciers les dispositions du plan ayant consenti au débiteur des délais et remises pour le règlement du passif déclaré ;- permettre à ceux-là de se prévaloir des dispositions du plan, revient ainsi à les mettre à l'abri des poursuites des créanciers, lesquels ne peuvent prétendre qu'aux répartitions des dividendes arrêtés par le plan, versés par le débiteur, le bénéfice de cette suspension des poursuites profitant aux coobligés et garants, personnes physiques, que leurs engagements soient solidaires ou non ;- par ailleurs, la faculté reconnue aux créanciers par l'article L. 622-28 de pratiquer, durant la période d'observation, des mesures conservatoires contre les coobligés et garants conduit nécessairement les intéresses, une fois obtenue l'autorisation de réaliser une telle mesure, à introduire une procédure visant à l'obtention d'un titre exécutoire, conformément à l'article 2158 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, l'exécution du titre obtenu, après l'adoption d'un plan de sauvegarde dont les coobligés et garants peuvent se prévaloir, devant, en ce cas, automatiquement être suspendue pendant la durée du plan ou jusqu'à sa résolution ; qu'il ne peut en effet être soutenu, et ce à la lumière même de la décision de la cour de cassation invoquée qui ne dit pas se fonder sur la nature cambiaire de l'engagement de la caution en cause, que les créanciers perdent le bénéfice des mesures conservatoires qu'ils ont pratiquées sur les biens des coobligés et garants, du seul fait de la mise en place du plan de sauvegarde qui n'entraîne à leur égard qu'une suspension des poursuites ; qu'en l'espèce, les époux X... ne soutiennent pas que la créance de la SA Banque Nuger, à savoir une échéance impayée le 28 février 2009 outre pénalités intérêts et le capital dû au 28 février 2009 au titre du prêt cautionné, n'était pas exigible lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SARL Financière Tradex, le 27 mars 2009, la créance de la banque ayant été admise pour la somme globale de 137. 501, 46 ¿ au titre dudit prêt, et que leur engagement en qualité de cautions est à hauteur de 68. 750, 73 ¿, comme mentionné dans la mise en demeure reçue le 8 juin 2009 ; qu'ainsi, compte tenu de la défaillance de la SARL Financière Tradex, leur engagement de caution était donc susceptible d'être mis en oeuvre, bien que les poursuites engagées à leur encontre se soient trouvées suspendues par l'effet du jugement d'ouverture puis de l'adoption du plan de sauvegarde dont ils entendent se prévaloir ; qu'il est donc justifié de prononcer leur condamnation solidaire au paiement de la somme non contestée de 68. 750, 73 ¿, montant de la créance de la SA Banque Nuger à leur encontre, arrêtée au 28 février 2009, en leur qualité de cautions, mais de dire que les poursuites à leur encontre seront suspendues pendant la durée du plan de sauvegarde de la SARL Financière Tradex arrêté par jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 6 avril 2010 rectifié par jugement du 16 mai 2011, ou jusqu'à la résolution du dit plan, étant précisé que cette condamnation emporte également celle au paiement des intérêts tels que réclamés par l'appelante qui ne sont pas visés par l'article L. 622-28 alinéa 1er du code de commerce ; que l'inscription provisoire d'hypothèque sur un bien immobilier des intimés, prise par la SA Banque Nuger le 6 juillet 2010, sur autorisation du juge de l'exécution du 28 juin 2010, demeure quant à elle valable, la réalisation de la sûreté judiciaire, une fois opérée la publicité définitive, demeurant simplement suspendue pendant la durée du plan ou jusqu'à sa résolution, et les époux X... ne pouvant dès lors en obtenir mainlevée, peu important qu'il soit justifié du respect du plan au 30 avril 2012 par la SARL Financière Tradex ; qu'en conséquence, le jugement critiqué sera infirmé ; 1) ALORS, D'UNE PART, QUE l'article L. 626-11 du code commerce interdit la poursuite des actions entreprises contre la caution du débiteur principal au bénéfice duquel a été arrêté un plan de sauvegarde, en ce incluses celles visant à valider une mesure conservatoire ; qu'en l'espèce, il était constant que par jugement du 6 avril 2010, rectifié par jugement du 16 mai 2011, un plan de sauvegarde, en cours d'exécution, avait été arrêté au profit de la SARL Financière Tradex, débitrice principale ; que dans leurs conclusions d'appel, les exposants soutenaient que ce plan de sauvegarde, dont ils justifiaient en pièce n° 6 du respect par la SARL Financière Tradex, interdisait toute condamnation en exécution de leur engagement de caution ; qu'en retenant au contraire qu'il était justifié de prononcer leur condamnation solidaire au paiement de la somme non contestée de 68. 750, 73 ¿, montant de la créance de la SA Banque Nuger à leur encontre, arrêtée au 28 février 2009, en leur qualité de cautions, la cour d'appel a violé l'article L. 626-11 du code commerce ; 2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article L. 626-11 du code commerce interdit la poursuite des actions entreprises contre la caution du débiteur principal au bénéfice duquel a été arrêté un plan de sauvegarde, en ce incluses celles visant à valider une mesure conservatoire ; que dès lors, en considérant, en l'espèce, que l'inscription provisoire d'hypothèque sur le bien immobilier des cautions, prise par la SA Banque Nuger le 6 juillet 2010, sur autorisation du juge de l'exécution du 28 juin 2010, demeurait valable, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 626-11 du code commerce ;
3) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE le créancier ne peut pas poursuivre la caution alors que sa créance n'est pas exigible ; que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne rend pas exigible les créances non échues à la date de son prononcé ; que dès lors, en se bornant à affirmer que les exposants ne soutenaient pas que la créance de la SA Banque Nuger, à savoir une échéance impayée le 28 février 2009, outre pénalités et intérêts, et le capital dû au 28 février 2009 au titre du prêt cautionné, n'était pas exigible lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SARL Financière Tradex, sans constater elle-même que la condition de mise en oeuvre de la garantie tenant à l'exigibilité de la dette était accomplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2290 du code civil et L. 622-29 du code de commerce.