LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Pau, 14 février 2013), fixe les indemnités dues à la société Pépinières X... par suite de l'expropriation, au profit du Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi (le syndicat), d'une parcelle sur laquelle elle exploitait une pépinière ;
Attendu que pour constater la déchéance de l'appel interjeté par la société Pépinières X... le 31 mai 2012, l'arrêt retient que cet appel n'a été suivi d'aucun dépôt de pièces avant le 7 décembre 2012, qu'en outre l'appel critiquant le jugement déféré ne comportait aucune demande chiffrée, que l'acte qui n'est accompagné d'aucune pièce ne saurait être assimilé à un mémoire d'appel et que ce mémoire doit contenir une demande chiffrée ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;
Qu'en statuant ainsi, en relevant d'office la déchéance de l'appel interjeté par la société Pépinières X... en raison de l'absence de chiffrage de ses demandes dans le mémoire qu'elle a déposé le 30 juillet 2012, sans provoquer les observations des parties, alors que cette appréciation pouvait être contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux (chambre des expropriations) ; Condamne le Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi à payer la somme de 3 000 euros à l'EARL Pépinières X... ; rejette la demande du Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Les Pépinières X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable le mémoire déposé par l'EARL Pépinières X... le 7 décembre 2012 et constaté la déchéance de l'appel formé par cette société à l'encontre du jugement rendu le 20 avril 2012 par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Pau, AUX MOTIFS QU'" il résulte de l'exposé des faits et de la procédure qui précède, que l'appel a été interjeté par l'EARL PEPINIERES X... suivant lettre recommandée expédiée le 31 mai 2012 et reçue le 1er juin 2012, qu'après notification de son mémoire par le greffe le 1er août 2012, ont été déposés et notifiés les conclusions du Commissaire du Gouvernement reçues le 22 août 2012 et notifiées le 23, ainsi que le mémoire du Syndicat intimé reçu le 31 août 2012 et notifié le 5 septembre 2012, qu'au terme de cette procédure, les parties ont été convoquées à l'audience du 13 décembre 2012 sans qu'aucune pièce ne soit déposée par l'appelante à l'appui de son mémoire d'appel avant le 7 décembre 2012 ; que l'EARL X... a accusé réception de la convocation du 15 octobre 2012 pour l'audience du 13 décembre 2012 ; Qu'il résulte des dispositions de l'article R. 13-49 du code de l'expropriation que l'appelant doit, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu'il entend produire au greffe de la chambre dans un délai de deux mois à dater de l'appel ; Qu'il est établi que si l'appel a été interjeté dans le délai légal, il n'a été suivi d'aucun dépôt de pièces et documents avant le 7 décembre 2012 ainsi que cela été rappelé ci-dessus, qu'en outre, l'appel critiquant le jugement déféré ne comportait aucune demande chiffrée ; Et qu'en droit, il est constant d'une part, que l'acte qui n'est accompagné d'aucune pièce ne saurait être assimilé à un mémoire d'appel et que d'autre part, ce mémoire doit contenir une demande chiffrée ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que dans une lettre enregistrée au greffe le 16 juillet 2012, le conseil de L'EARL PEPINIERES X... informait la Cour qu'il avait régularisé une déclaration d'appel à titre conservatoire dans l'attente d'éléments comptables que l'appelante devait lui communiquer, que celle-ci tardant à lui remettre ces éléments, il n'avait pas été mis en mesure d'accomplir normalement sa mission et notamment de respecter le délai imparti ; qu'en accord avec celle-ci, il avait restitué son dossier à l'EARL X... ; par conséquent, qu'en application des dispositions de l'article L. 13-49 du code de l'expropriation, il y a lieu de prononcer la déchéance de l'appel interjeté par l'EARL PEPINIERES X... ; qu'en tout état de cause, il convient de relever que le mémoire adressé à la Cour par l'appelante, le 7 décembre 2012, n'a pas lui-même respecté le délai de deux mois prévu par l'article susvisé pour le dépôt des mémoires complémentaires, et ce, à compter de la notification du mémoire de l'intimé le 5 septembre 2012 ; que ce mémoire est donc lui-même irrecevable " (arrêt, p. 5 à 7), 1°) ALORS QUE l'appelant doit, à peine de déchéance, déposer ou adresser son mémoire et les documents qu'il entend produire au greffe de la chambre dans un délai de deux mois à dater de l'appel ; Qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, le 31 mai 2012, l'Earl Pépinières X... a interjeté appel du jugement rendu le 20 avril 2012 par le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Pau « dans le délai légal » (arrêt, p. 8, in fine), cet appel étant enregistré par le greffe le 1er juin 2012, et qu'un « mémoire d'appel a été déposé au greffe de la cour par Madame Monique X..- Y..., gérante de l'Earl Pépinières X..., le 30 juillet 2012 » accompagné d'une pièce (arrêt, p. 4) ; Qu'en prononçant la déchéance de l'appel interjeté par l'Earl Pépinières X... aux motifs inopérants que cet appel n'aurait été suivi d'aucun dépôt de pièces et documents avant le 7 décembre 2012, que l'appel ne comportait aucune demande chiffrée et que, par lettre du 16 juillet 2012, le conseil de l'Earl avait informé la juridiction qu'il renonçait à la défendre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 13-49 du code de l'expropriation ; 2°) ALORS QUE l'appelant d'une ordonnance fixant l'indemnité d'expropriation est en droit de déposer un mémoire complémentaire, même après l'expiration du délai de deux mois à dater de son appel, en réplique au mémoire de l'intimé ; Qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'un « mémoire d'appel a été déposé au greffe de la cour par Madame Monique X..- Y..., gérante de l'Earl Pépinières X..., le 30 juillet 2012 » accompagné d'une pièce (arrêt, p. 4) et que le Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi, intimé, a déposé un mémoire en défense et d'appel incident le 3 septembre 2012, ainsi qu'il résulte d'ailleurs du cachet apposé sur ce mémoire ; que si ce mémoire a été notifié à l'Earl par lettre datée du 5 septembre 2012, il n'a pu être reçu par celle-ci le même jour ; que l'Earl Pépinières X..., appelante principale, a répondu dans un mémoire enregistré le 7 décembre 2012 ; Que, pour déclarer ce mémoire irrecevable, la cour d'appel a considéré que « le mémoire adressé à la Cour par l'appelante, le 7 décembre 2012, n'a pas lui-même respecté le délai de deux mois prévu par l'article susvisé L. 13-49, inexistant, ou R. 13-49 du code de l'expropriation ? pour le dépôt des mémoires complémentaires, et ce, à compter de la notification du mémoire de l'intimé le 5 septembre 2012 » ; Qu'en statuant ainsi sans rechercher d'une part la date à laquelle l'Earl Pépinières X... avait effectivement reçu la notification du mémoire du Syndicat mixte, et d'autre part, si ce mémoire ne contenait pas des éléments complémentaires en réplique au mémoire du syndicat mixte et qui auraient été recevables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 13-49 du code de l'expropriation ; 3°) ALORS QUE si l'intimé peut former appel incident d'une ordonnance fixant l'indemnité d'expropriation, il n'en demeure pas moins que l'appelant principal est en droit d'y répondre, le code de l'expropriation ne prévoyant aucun délai pour ce faire ; Qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi a déposé un mémoire en défense et d'appel incident le 3 septembre 2012, ainsi qu'il résulte d'ailleurs du cachet apposé sur ce mémoire ; que l'Earl Pépinières X..., appelante principale, a répondu dans un mémoire enregistré le 7 décembre 2012 ; Que, pour déclarer irrecevable ce mémoire, la cour d'appel a considéré que « le mémoire adressé à la Cour par l'appelante, le 7 décembre 2012, n'a pas lui-même respecté le délai de deux mois prévu par l'article susvisé L. 13-49, inexistant, ou R. 13-49 du code de l'expropriation ? pour le dépôt des mémoires complémentaires, et ce, à compter de la notification du mémoire de l'intimé le 5 septembre 2012 » ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 13-49 du code de l'expropriation, ensemble l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;4°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE si l'obligation pour la partie qui interjette appel du jugement fixant une indemnité d'expropriation de déposer son mémoire dans les deux mois de l'appel à peine de déchéance peut constituer une formalité substantielle dont l'inobservation doit être relevée d'office par la cour d'appel, encore faut-il que le principe de la contradiction soit respecté ; Qu'en soulevant d'office la déchéance de l'appel interjeté par l'Earl Pépinières X... et l'irrecevabilité du mémoire adressé par celle-ci le 7 décembre 2012, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable le mémoire déposé par l'Earl Pépinières X... le 7 décembre 2012 et constaté la déchéance de l'appel formé par cette société à l'encontre du jugement rendu le 20 avril 2012 par la juridiction départementale de l'expropriation des Pyrénées-Atlantiques, et d'AVOIR néanmoins statué sur l'appel incident interjeté par le Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi, en infirmant partiellement ledit jugement, en fixant l'indemnité totale d'expropriation revenant à l'Earl à la somme de 165. 500 € et en disant n'y avoir lieu à fixer une indemnité de remploi, AUX MOTIFS QU'" il y a donc lieu de statuer sur le mémoire d'appel incident régulièrement déposé par le Syndicat B1L TA GARBI ; que l'autorité expropriante ne présente pas d'autre justification à l'appui de sa demande de réduction de l'indemnité d'éviction à la somme de 94. 938 € que celle qui consiste à retenir que la parcelle expropriée ne constitue qu'une partie des terrains exploités par l'EARL X... ; qu'en outre, il est constant que le Syndicat expropriant a pu présenter à l'expert de WARREN, dans le cadre d'opérations contradictoires, toutes les observations nécessaires à l'évaluation du préjudice de l'expropriée, qu'il y a donc lieu de retenir le chiffrage de l'expert ainsi que l'a fait le premier juge sauf à rectifier une erreur purement matérielle qui a fait retenir la somme de 156. 000 € au lieu de 157. 000 € ; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions d'appel incident en ce qui concerne l'indemnité de remploi, qu'il résulte en effet des dispositions de l'article R. 13-46 du code de l'expropriation que l'indemnité do remploi est calculée pour tenir compte des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature, qu'il est constant en droit que seul le propriétaire exproprié est en droit de réclamer une telle indemnité en sus de l'indemnité principale, qu'ainsi, l'EARL PÉPINIÈRES X... titulaire de deux baux à ferme ne peut prétendre à une indemnité de remploi ; Qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée sur ce point seulement ; en effet que c'est à juste titre que l'expert et le premier juge ont retenu un préjudice résultant de la présence de végétaux non valorisables mais nécessitant un sauvetage évalué à 2. 500 E et qu'il existait par ailleurs un coût résultant du transfert de certains spécimens de valeur qu'il convenait d'évaluer à 6. 000 €, que par conséquent l'indemnisation devant revenir à l'EARL PEPINIERES X... s'élève à la somme de 157. 000 € + 2. 500 € + 6. 000 € ce qui représente la somme totale de 165. 500 € " (arrêt, p. 5 à 7), 1°) ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, l'intimé doit déposer ou adresser son mémoire en réponse et les documents qu'il entend produire au secrétariat de la chambre dans le mois de la notification du mémoire de l'appelant ; Qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué d'une part que le mémoire d'appel de l'Earl Pépinières X... a été déposé au greffe de la cour le 30 juillet 2012 et notifié le 1er août 2012 et d'autre part que le Syndicat mixte pour le traitement des déchets ménagers et assimilés Bil Ta Garbi n'a déposé son mémoire en défense et d'appel incident que le 3 septembre 2012, ainsi qu'il résulte d'ailleurs du cachet apposé sur ce mémoire ; que ce mémoire était dès lors tardif et partant irrecevable ; Qu'en déclarant néanmoins recevable le mémoire du syndicat mixte, la cour d'appel a violé l'article R. 13-49 du code de l'expropriation ; 2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE l'appel incident n'est recevable que si, au jour où il est formé, le juge d'appel est encore saisi de l'appel principal ;Qu'après avoir considéré qu'il y avait lieu de prononcer la déchéance de l'appel interjeté par l'Earl Pépinières X..., la cour d'appel a néanmoins dit qu'il y avait lieu « de statuer sur le mémoire d'appel incident régulièrement déposé par le Syndicat Bil Ta Garbi » ; Qu'en statuant ainsi, alors que la cour d'appel n'était plus saisie de l'appel principal, la cour d'appel a violé l'article R. 13-49 du code de l'expropriation.