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21/05/2014 | FRANCE | N°13-15627

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 mai 2014, 13-15627


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble,12 février 2012), que Mme X..., engagée le 2 mai 2007 en qualité de responsable de service location et syndic par la société Moncenis immobilier, exploitant une activité d'agent immobilier comprenant plusieurs agences, a saisi le 1er mars 2010 la juridiction prud'homale en annulation d'un avertissement qui lui avait été notifié le 1er février précédent alors qu'elle était en arrêt de travail pour dépression depuis le 23 janvier 2010 ; qu'aprè

s avoir reçu la notification de deux autres avertissements les 23 févrie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble,12 février 2012), que Mme X..., engagée le 2 mai 2007 en qualité de responsable de service location et syndic par la société Moncenis immobilier, exploitant une activité d'agent immobilier comprenant plusieurs agences, a saisi le 1er mars 2010 la juridiction prud'homale en annulation d'un avertissement qui lui avait été notifié le 1er février précédent alors qu'elle était en arrêt de travail pour dépression depuis le 23 janvier 2010 ; qu'après avoir reçu la notification de deux autres avertissements les 23 février et 14 mai 2010, Mme X... a été licenciée le 7 octobre 2010 pour inaptitude physique à la suite d'un seul avis du médecin du travail ; qu'elle a alors modifié ses demandes et a contesté son licenciement, invoquant un harcèlement moral ; Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la salariée a été victime de faits de harcèlement et de la condamner à payer à celle-ci diverses sommes, alors, selon le moyen :1°/ qu'en matière de harcèlement moral, il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, afin de dire s'ils laissaient présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral et étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que lorsqu'il retient un élément à l'appui de la présomption, le juge doit nécessairement apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur quant à ce même élément ; qu'après avoir mentionné les deux avertissements des 27 février et 14 mai 2010 au nombre des éléments invoqués par la salariée, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions assorties d'offre de preuves, si ces avertissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, et a méconnu le droit à un procès équitable en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Moncenis immobilier avait contesté le contenu de l'attestation de Mme Y... en offrant en preuve une attestation de Mme Z..., agent de location ; qu'en considérant, rappel fait de la production de cette attestation de Mme Z..., que l'attestation en sens contraire de Mme Y... n'était pas contestée, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3°/ qu'aux termes clairs de l'attestation de Mme Z..., agent de location, il était écrit « Lors de l'arrivée de Mme X... au sein de notre entreprise société Moncenis immobilier, il a été clairement expliqué et annoncé que Mme X... avait été recrutée en qualité de responsable des services location et gestion de l'ensemble des agences. Cette dernière nous a été présentée comme telle » ; qu'en déclarant pour dénier toute portée à cette attestation qui relatait un fait précis, qu'elle était générale, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ; 4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Moncenis immobilier, en offrant en preuve les attestations de plusieurs salariés et d'un consultant en ressources humaines, s'était prévalue du comportement agressif de Mme X... avec certains collègues et clients, en soulignant l'état psychologique préexistant de Mme X... ; que ces conclusions étaient péremptoires dès lors qu'elles tendaient à démontrer que la dépression de Mme X... constatée par le psychiatre était étrangère à des faits de harcèlement répétés et s'expliquait par des éléments personnels étrangers au harcèlement allégué ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant retenu que la fausse présentation des tâches de la salariée par la gérante, la surcharge de travail qui lui était imposée et l'avertissement du 1er février 2010 laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, hors toute dénaturation, que l'employeur ne démontrait pas que ses agissements étaient étrangers à tout harcèlement, que le moyen n'est pas fondé ;PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Moncenis immobilier aux dépens ;Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société Moncenis immobilier
Il est fait grief à la Cour d'appel de GRENOBLE d'avoir jugé que Mme X... avait été victime de faits de harcèlement et, en conséquence, d'avoir condamné la SARL MONCENIS IMMOBILIER à lui payer les sommes de 25.000 ¿ de dommages et intérêts, 4.699,84 ¿ d'indemnité compensatrice de préavis, 469,98 ¿ au titre des congés payés afférents et 2.000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QU'en premier lieu, Mme X... verse aux débats une attestation de Mme Y... ayant travaillé à l'agence de Saint Martin d'Hères selon laquelle la gérante de la SARL MONCENIS IMMOBILIER a présenté Mme X... à son arrivée comme étant la nouvelle comptable et non pas la responsable des services location et gestion ; elle atteste que ce fait a sérieusement perturbé leurs relations puisqu'elle estimait devoir simplement transmettre des éléments pour la saisie-comptable alors que Mme X... lui demandait de rendre des comptes ; qu'elle indique avoir informé la gérante de ses difficultés sans que cette dernière lui fournisse d'explications, et que ce n'est qu'au bout de quelque temps, après une mise au point entre elles au cours de laquelle Mme X... a présenté son contrat de travail que leur relations sont devenues « saines » ; qu'il en résulte que la SARL MONCENIS IMMOBILIER par une présentation fausse des tâches de Mme X... mis cette dernière en sérieuse difficulté pour exercer sa tâche de responsable et, en s'abstenant de répondre aux demandes d'explications de Mme Y... maintenu le climat difficile entre elles, obligeant Mme X... à se justifier en présentant son contrat de travail ; qu'en deuxième lieu, Mme X... invoque et ce n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet d'un premier avertissement le 1er février 2010 alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail depuis le 23 janvier 2010, puis alors qu'elle avait saisi le Conseil de Prud'hommes en annulation de ce premier avertissement le 24 février, elle a fait l'objet de deux autres avertissements successivement les 27 février et 4 mai 2010 ; qu'en troisième lieu, dans sa lettre de contestation du premier avertissement versée aux débats, Mme X... évoque l'octroi d'une nouvelle tâche en septembre 2009 depuis le départ de deux personnes qui se sont succédées en contrat de qualification « : « ce (¿) malgré la surcharge de travail dont je m'étais déjà plaint auprès de vous » ; qu'en quatrième lieu, elle verse aux débats un certificat médical du Dr A..., psychiatre, qui atteste avoir, depuis le 25 février 2010, suivi Mme X... qui lui avait été adressée par son médecin traitant pour souffrance au travail ; que ce médecin indique que Mme X... a évoqué que ses subordonnées croyaient qu'elle était simple comptable, qu'elle s'est plainte d'une charge de travail trop importante (800 dossiers) pour lesquelles elle se retrouvait sans assistance ; que ce médecin note qu'elle présente une angoisse majeure, des insomnies rebelles, une perte de poids, se sentant « incapable de rien » et qu'elle présente une symptomatologie phobique et anxiogène dès qu'elle pense à son travail ; que ces éléments cumulés et concordants laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que c'est donc à la SARL MONCENIS IMMOBILIER qu'il revient d'établir que les faits invoqués étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que sur la fonction de Mme X..., la SARL MONCENIS IMMOBILIER soutient qu'elle a toujours présenté cette dernière comme responsable du service gestion et non comme simple comptable et elle se réfère à une attestation de Mme Z... qu'elle verse aux débats ; que cette dernière n'est pas de nature à mettre à néant le témoignage circonstancié de Mme Y... évoqué plus haut dont la SARL MONCENIS IMMOBILIER n'affirme pas qu'il est mensonger et sur lequel elle ne s'explique d'ailleurs en rien ; qu'en effet, l'affirmation de Mme Z... est générale et elle ne peut constituer la preuve de la réalité de la présentation des fonctions de Mme X... dans l'ensemble des agences dont elle avait la charge en particulier celle de SAINT MARTIN d'HERES où exerçait Mme Y... ; que sur la surcharge de travail invoquée, elle ne dénie pas l'accroissement de la charge de travail de Mme X... lié au départ en septembre 2009 des personnes en contrat de professionnalisation outre que le tableau de bord qu'elle verse aux débats révèle une augmentation du nombre de dossiers gérés par Mme X... passés de 512 en janvier 2009 à 618 en janvier 2010 ; que le nombre de dossiers gérés actuellement par Mme B... et invoqué par l'employeur n'est en soi significatif dès lors qu'on ignore si cette personne est entièrement seule pour y procéder et qu'elle indique avoir été embauchée comme assistante administrative et commerciale pour 3 agences alors que Mme X... était quant à elle responsable de la gestion locative et assurait des tâches, en outre, pour les agences de BOUGOIN et VIF ainsi qu'il résulte du tableau de bord de l'employeur ; qu'enfin le nombre de 1.200 dossiers indiqué par Mme X... dans son CV ne concerne pas les gestions locatives mais le développement d'un portefeuille de syndic ; que sur les avertissements, la SARL MONCENIS IMMOBILIER soutient qu'ils reposent sur des faits objectifs ; qu'or, l'avertissement qui relève du pouvoir disciplinaire de l'employeur doit à la fois reposer sur des faits objectifs et être proportionné ; que l'envoi du premier avertissement du 1er février 2010 repose sur un seul reproche, la non restitution d'un dépôt de garantie à un locataire à l'expiration des deux mois de la fin du bail le 27 décembre 2009 alors que Mme X... était en congé depuis le 24 décembre et qu'elle fait valoir que sa collaboratrice devait la remplacer ; que cet avertissement adressé un mois plus tard alors que Mme X... était en arrêt de travail pour maladie depuis une semaine apparaît hors de proportion et inopportun et relève par conséquent d'un harcèlement ; qu'il ressort de ces éléments que Mme X... a subi des agissements répétés ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé, agissements qui sont donc constitutifs d'un harcèlement moral ; 1/ ALORS QU'en matière de harcèlement moral, il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, afin de dire s'ils laissaient présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral et étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que lorsqu'il retient un élément à l'appui de la présomption, le juge doit nécessairement apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur quant à ce même élément ; qu'après avoir mentionné les deux avertissements des 27 février et 14 mai 2010 au nombre des éléments invoqués par la salariée, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions assorties d'offre de preuves, si ces avertissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, et a méconnu le droit à un procès équitable en violation de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;2/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société MONCENIS IMMOBILER avait contesté le contenu de l'attestation de Mme Y... en offrant en preuve une attestation de Mme Z..., agent de location ; qu'en considérant, rappel fait de la production de cette attestation de Mme Z..., que l'attestation en sens contraire de Mme Y... n'était pas contestée, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 3/ ALORS QU'aux termes clairs de l'attestation de Mme Z..., agent de location, il était écrit « Lors de l'arrivée de Mme X... au sein de notre entreprise SARL MONCENIS IMMOBILIER, il a été clairement expliqué et annoncé que Mme X... avait été recrutée en qualité de responsable des services location et gestion de l'ensemble des agences. Cette dernière nous a été présentée comme telle » ; qu'en déclarant pour dénier toute portée à cette attestation qui relatait un fait précis, qu'elle était générale, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ; 4/ ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société MONCENIS IMMOBILIER, en offrant en preuve les attestations de plusieurs salariés et d'un consultant en ressources humaines, s'était prévalue du comportement agressif de Mme X... avec certains collègues et clients, en soulignant l'état psychologique préexistant de Mme X... (cf. conclusions, p. 8 in fine et jugement, p. 4) ; que ces conclusions étaient péremptoires dès lors qu'elles tendaient à démontrer que la dépression de Mme X... constatée par le psychiatre était étrangère à des faits de harcèlement répétés et s'expliquait par des éléments personnels étrangers au harcèlement allégué; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-15627
Date de la décision : 21/05/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 12 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 mai. 2014, pourvoi n°13-15627


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15627
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