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20/05/2014 | FRANCE | N°14-83138

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 mai 2014, 14-83138


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Joseba Anton X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 15 avril 2014, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires espagnoles, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 695-13, 695-22 et 693-23 du code de procédure pénale, 1er §, 3 de la décision-cadre du Conseil de l'Europe du 13 juin 2002, 15 de la Convent

ion contre la torture et autres peines et traitements inhumains et dégradan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Joseba Anton X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 15 avril 2014, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires espagnoles, en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 695-13, 695-22 et 693-23 du code de procédure pénale, 1er §, 3 de la décision-cadre du Conseil de l'Europe du 13 juin 2002, 15 de la Convention contre la torture et autres peines et traitements inhumains et dégradants, 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a accordé la remise de M. Joseba Anton X... demandée par les autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 10 décembre 2008 par le juge Santiago Pedraz Gomez du tribunal central d'instruction de l'audience nationale de Madrid, pour des faits d'assassinat et blessures à caractère terroriste, ravages à caractère terroriste, détention illégale à caractère terroriste, vol avec intimidation et violences à caractère terroriste ;
" aux motifs que, sur la violation de l'article 695-13 du code de procédure pénale, les faits reprochés à M. Joseba X... sont décrits ainsi qu'il suit par les autorités espagnoles dans le complément d'information qu'elles ont adressé au parquet général de la cour d'appel de Paris le 1er février 2011 : " En ce qui concerne les faits tenant à l'enlèvement d'Iker Y...et à l'attentat du terminal 4 de l'aéroport de Barajas (Madrid), d'après le jugement n° 18/ 2010 du 21 mai, rendu par la Troisième Section de la Chambre pénale de l'Audience Nationale, ces faits ont eu lieu de la façon suivante ; que le 27 décembre 2006, vers 21 heures, des individus cagoulés disant être membres de l'ETA ont abordé à la ville française nommée Luz Ardiden, M. lker Y...
...qui était en train de camper dans une fourgonnette Renault Traffic ...qu'il avait achetée le 19 octobre dernier à M. B.... Lesdits individus se sont emparés de la fourgonnette ainsi que des effets qu'il y avait dedans et ont gardé retenu son propriétaire en divers endroits. Ils l'ont lâché le 30 décembre 2006 vers 9h40 à la ville française nommée Escott lorsque la fourgonnette avait déjà fait son explosion. Le matin du 29 décembre 2006, les accusés MM. Mattin D... et M. Mikel E...sont allés en vélomoteur, en titre de ce dernier, afin de recueillir la susdite fourgonnette, déjà chargée avec l'explosif, qui leur est remise par l'un des mis en examen contumaces. Ensuite ils ont pris la route vers Madrid. M. Mattin D... conduisait et M. Mikel E...allait en vélomoteur pour ouvrir le chemin tandis qu'lgor F...conduisant un véhicule en titre de ses parents, allait tout seul et attendait l'arrivée des autres à environ 50 km de Madrid. Quand ils se sont rencontrés, M. Igor F...a remis à M. Mattin D... une béquille et une valise et ensuite il a pris le vélomoteur ouvreur et M. Mikel D... est resté dans le véhicule qu'lgor F...avait emmené. Ensuite, MM. Igor F...et Mattin D... ont repris leur voyage. M. Mattin D... conduisait la fourgonnette et Igor allait derrière lui, il s'est arrêté près du terminal 4 de Barajas. A cet endroit M. Mattin D... a mis en marche le mécanisme de la charge explosive s'est mis une casquette ainsi qu'un masque et ensuite a emmené la fourgonnette au parking du terminal 4 de l'aéroport. Le 25 décembre 2006 à 18h51 et 26 secondes, M. Mattin D... a garé la fourgonnette dans le module D, place n° 307 du deuxième étage. Après, il a pris un taxi pour aller tout prés des installations d'Antena 3 Television où il s'est débarrassé des instruments utilisés pour sa caractérisation et il a pris après un autre taxi pour se rencontrer avec Igor F...qui était en train de l'attendre. Ils se sont en allés ensemble en vélomoteur jusqu'à l'endroit où Mikel E...était en train de les attendre. Ce dernier retourne à Lesaka sur son vélomoteur et les deux autres en voiture. À 8h59 et 29 secondes, la charge de la fourgonnette composée de nitrates, nitrite, trizacychtohéxane, substance connue sous le nom de nitrate d'ammonium, a fait son explosion et a détruit presque totalement les installations du module D vu que tous les étages se sont écroulés, qu'il y a eu des dommages dans des modules de parking se trouvant à. côté, des dommages sur les autres installations d'accès au terminal 4, deux morts et des lésions sur 48 personnes ; que le 10 janvier 2007, l'organisation terroriste de l'ETA s'est responsabilisée de l'attentat en publiant un communiqué dans le journal Gara lequel revendiquait cet attentat ; ce journal l'avait déjà publié dans son édition digitale du 9 janvier ; deuxièmement-En ce qui concerne le degré de participation, Joseba X... en aurait été l'auteur, en vertu de l'article 28, 2ème alinéa, du code pénal lequel établit « seront aussi considérés comme auteurs a) que ceux qui induisent directement quelqu'un d'autre ou d'autres pour l'exécuter, b) que ceux qui coopèrent à son exécution par une action sans laquelle le fait ne se serait pas réalisé. Dans ce cas, on reproche à X... d'avoir (en compagnie de C...) donné les ordres aux auteurs matériels de l'explosion causée à l'aéroport de Barajas et de leur avoir fourni la fourgonnette chargée d'explosifs pour perpétrer cette action. Troisièmement-En ce qui concerne les indices relatifs à la participation d'X..., ceux-ci sont issus des déclarations de M. Mattin D..., auteur matériel de la mise en place des explosifs au Terminal 4 de l'aéroport de Barajas, lequel a manifesté qu'il agissait en tout moment sur les ordres de MM. X... et H...(C...) : ils se sont déplacés le 29 décembre 2006 vers 8h jusqu'à un endroit sis à la Venta de Baztan où X... leur a remis la fourgonnette où allait être transporté l'explosif jusqu'à l'aéroport. D'après ces déclarations-là, la planification et les instructions pour exécuter cet attentat venaient directement D'X... et de H.... " ; que l'article 695-13 du code de procédure pénale s'il impose de donner des faits à l'origine du mandat une description suffisamment précise pour que la personne concernée puisse savoir ce qui lui est reproché, pour que la cour ait également une connaissance globale des faits et de la participation présumée de la personne recherchée à ceux-ci et que la règle de la spécialité puisse être appliquée, n'impose pas à l'état émetteur de relater en détail chaque circonstance de fait qui incrimine la personne recherchée ; que le résumé établi par les autorités espagnoles, après avoir décrit les conditions de la réalisation des infractions, précise que, selon les indications de M. Mattin D..., M. Joseba X... était celui qui lui avait remis la fourgonnette et qui avait, avec H...planifié et donné les instructions pour commettre l'attentat ; qu'il rappelle qu'en droit espagnol est également auteur celui qui donne à l'auteur matériel des instructions ; que ces éléments permettent de connaître avec suffisamment de précision ce qui est reproché à M. Joseba X... et satisfont donc aux obligations de l'article 695-13 du code de procédure pénale ; que sur la violation de l'article 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de New York, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la charte des droits de l'homme de l'union européenne ; qu'il est incontestable que les principes de reconnaissance mutuelle des décisions et de confiance mutuelle qui constituent le fondement de la procédure du mandat d'arrêt européen ne peuvent faire échec à la protection des droits fondamentaux des personnes concernées tels que rappelés par les textes précités dont la violation est alléguée ; que dès lors si les accusations contre une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen reposent sur des mises en cause dont il est établi qu'elles ont été obtenues grâce à la torture elles ne peuvent justifier la remise aux autorités requérantes ; qu'en l'espèce des faits de torture sont certes allégués par M. Joseba X... mais force est de constater que la juridiction suprême espagnole a considéré que ces allégations étaient infondées et a acquitté les gardes civils des accusations formulées à leur encontre ; qu'en l'état de cette décision définitive dont les éléments produits aux débats par M. Joseba X... ne permettent pas de considérer qu'elle est infondée, il ne peut être considéré comme établi que la mise en cause de M. Joseba X... par M. Mattin D... a été obtenue par la torture ni même qu'il existe un risque réel que tel ait été le cas ; que la violation des texte précitées n'est donc pas établie et ne peut constituer un obstacle à la remise ;
" 1°) alors que tout mandat d'arrêt européen doit contenir les renseignements concernant la date, le lieu, et les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise, ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée ; que M. X... faisait valoir qu'à la lumière des éléments fournis, il lui était reproché d'avoir donné l'ordre de commettre l'attentat et d'avoir fourni la fourgonnette pour commettre cette action mais que d'une part, aucun renseignement n'était fourni quant aux circonstances dans lesquelles cet ordre, seule participation reprochée pour les infractions d'assassinat, blessures, ravages à caractère terroriste, aurait été donné, et d'autre part qu'aucune information ne se rapportait aux circonstances de commission des infractions de détention illégale et de vol avec intimidation et violence à caractère terroriste, en ce qu'elles concernent la participation de M. X... aux faits invoqués ; qu'en se contentant pourtant de retenir que le résumé établi par les autorités espagnoles, dont il résultait que M. X... avait planifié et donné des instructions pour commettre l'attentat, et remis la fourgonnette, fournissaient des éléments permettant de connaître avec une précision suffisante ce qui était reproché à M. X..., bien que les informations fournies, qui permettent seulement de cerner de manière générale le rôle qui lui est reproché, mais n'apportent aucune réelle précision permettant en particulier de le relier directement aux faits poursuivis, la chambre de l'instruction a violé les textes sus-visés ;
" 2°) alors que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen doit être refusée si elle risque de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne demandée ; que la participation de l'Espagne au système du mandat d'arrêt européen n'empêche pas de retenir que ses services policiers ont recours à des méthodes contraires aux accords internationaux prohibant la torture et les traitements inhumains ou dégradants ; qu'en se bornant à retenir qu'il ne pouvait être considéré comme établi que la mise en cause de M. X... par M. D... avait été obtenue par la torture ni qu'il existe un risque réel que tel ait été le cas, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par le mémoire en défense, si la remise de M. X... aux autorités espagnoles ne présentait pas des risques de violation de ses propres droits fondamentaux, et donc des articles 3 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 15 de la Convention contre la torture et autres peines et traitements inhumains et dégradants, et 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment au regard des différents éléments émanant du comité des droits de l'homme et du comité contre les tortures de Nations Unies, ainsi que d'Amnesty International, du comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe, de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, dénonçant des cas de torture et de mauvais traitement par les autorités espagnoles à l'encontre des personnes mises en cause dans le cadre d'infractions à caractère terroriste, et encore du régime du placement au secret en vigueur en Espagne, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 de la Convention contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, 1er, § 3, de la décision-cadre du Conseil de l'Europe du 13 juin 2002, 695-22, 695-23, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense, et manque de base égale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme ;
" aux motifs que l'avocat de M. Joseba X... produit un courrier accusant réception de l'envoi d'une requête adressée par M. Mattin D... à la Cour européenne des droits de l'homme dont on peut supposer, sans que ce soit cependant établi, qu'elle concerne une violation des droits de ce dernier lors de son arrestation ; que la saisine de la cour, à la supposer établie, ne constitue cependant pas une voie de recours contre la décision de la Cour suprême espagnole qui est définitive ; que rien ne justifie dès lors qu'il soit sursis à statuer jusqu'à la décision éventuelle de cette juridiction ;
" alors que la constatation de la violation d'un droit garanti par la Convention européenne des droits de l'homme s'oppose à l'exécution du mandat européen ; qu'une juridiction française ne peut exécuter un mandat d'arrêt européen sur la seule base de charges obtenues à l'aide de tortures ou de traitements contraires à l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en subordonnant ainsi la nécessité de surseoir à statuer sur la remise de M. X... en vertu d'un mandat d'arrêt européen ne reposant que sur les déclarations de M. D..., à ce que la procédure invoquée à l'appui de la demande de sursis constitue une voie de recours interne contre la relaxe des gardes civils, tandis que le recours formé par M. D... devant la Cour européenne des droits de l'homme concernant la décision définitive de relaxe des gardes civils espagnols des poursuites pour torture est susceptible d'aboutir à une décision constatant la violation de droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 3, laquelle violation fait obstacle à l'exécution du mandat d'arrêt européen, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et méconnu l'étendue de ses pouvoirs ; Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 1er alinéa, 3 de la décision-cadre du Conseil de l'Europe du 13 octobre 2002, 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 15 de la Convention de New-York sur la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à question préjudicielle et a accordé la remise de M. Joseba Anton X... demandée par les autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen émis le 10 décembre 2008 par le juge Santiago Pedraz Gomez du tribunal central d'instruction de l'audience nationale de Madrid, pour des faits d'assassinat et blessures à caractère terroriste, ravages à caractère terroriste, détention illégale à caractère terroriste, vol avec intimidation et violences à caractère terroriste ;
" aux motifs que le paragraphe 3 de l'article 1er de la décision-cadre du Conseil de l'Europe du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remises entre Etats membres, dispose « la présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne » ; que cet article 6 est ainsi rédigé : « 1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adoptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités. Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités. Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l'interprétation et l'application de celle-ci en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions. 2. L'Union adhère à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux » ; que la présente décision étant susceptible d'un recours, il appartient à la chambre d'apprécier si la question préjudicielle évoquée doit être posée à la Cour de justice européenne et si donc le paragraphe 3 de l'article 1er de la charte est sujet à interprétation ; que tel n'est pas le cas puisque, ainsi qu'il a déjà été indiqué, il n'est pas contestable que s'il est établi qu'au mépris des dispositions de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme des aveux ou des mises en cause ont été obtenus grâce la torture, cette violation des droits fondamentaux prévaut sur les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles et fait obstacle à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ; qu'outre qu'il n'y a pas lieu à interprétation de ce texte la question telle qu'elle est proposée comporte l'affirmation qu'il est établi que la mise en cause de M. Joseba X... a été obtenue grâce à la torture ce qui n'est nullement établi en l'espèce ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu à question préjudicielle ;
" alors que constituait une question sérieuse le point de savoir si, dans le cas d'un mandat d'arrêt européen fondé sur les déclarations d'une personne lors de sa garde à vue, au cours de laquelle elle a dénoncé avoir subi des mauvais traitements et tortures, l'article 1er, § 3, de la décision cadre du Conseil de l'union européenne du 13 juin 2002, selon lequel ladite décision cadre " ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne " permet au juge de l'Etat requis d'écarter le principe de confiance mutuelle pour non respect par l'Etat d'émission des dispositions de l'article 47 de la Charte des droits de l'homme de l'Union européenne, des articles 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; que la solution de la présente procédure dépend de la réponse apportée à cette question par la CJUE dès lors qu'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme présentait le risque d'aboutir à la constatation d'une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que dès lors la chambre de l'instruction, qui a retenu qu'il n'y avait pas lieu à interprétation de ce texte et que la question posée supposait établi, ce qui ne l'était pas, le fait que la mise en cause de M. X... ait été obtenue grâce à la torture, ne pouvait refuser de saisir à titre préjudiciel la cour de justice de l'Union européenne sans violer l'article 267 du TFUE ; qu'en tant que de besoin, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir préjudiciellement la Cour de justice de l'Union européenne de ladite question " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'en vue de l'exercice de poursuites, les autorités espagnoles ont émis le 10 décembre 2008 un mandat d'arrêt européen contre M. X... visant des faits de terrorisme ;
Attendu que, pour ordonner la remise différée de l'intéressé qui faisait valoir que les charges retenues à son encontre reposaient sur les déclarations de M. D... recueillies en violation des articles 3 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt, après avoir constaté que le mandat d'arrêt européen satisfaisait aux prescriptions de l'article 695-13 du code de procédure pénale, relève, que les allégations de M. D...étaient infondées, la juridiction suprême espagnole ayant acquitté les gardes civils des accusations portées à leur encontre, et que la saisine, à la supposer avérée, par ce dernier, de la Cour européenne des droits de l'homme ne constitue pas une voie de recours contre la décision définitive de la cour suprême espagnole ; que les juges ajoutent, pour dire n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 1er, § 3, de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, qu'il n'est pas contestable que, s'il est établi qu'au mépris de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme des aveux ou des mises en cause ont été obtenus grâce à la torture, cette violation des droits fondamentaux prévaut sur les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles et fait obstacle à l'exécution du mandat d'arrêt européen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre, à laquelle il ne saurait être reproché de ne pas s'être expliquée davantage qu'elle ne l'a fait, dès lors que les griefs invoqués par le demandeur demeuraient à l'état de simples allégations, a justifié sa décision ;
D'où il suit, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;
REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme Moreau, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Zita ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-83138
Date de la décision : 20/05/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Remise - Refus - Cas - Conditions dans lesquelles les éléments fondant les charges ont été recueillies - Convention européenne des droits de l'homme - Article 3 - Violation - Constatation - Nécessité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 3 - Interdiction des traitements inhumains et dégradants - Violation - Conditions dans lesquelles les éléments fondant les charges ont été recueillies - Mandat d'arrêt européen - Exécution - Remise - Rejet - Motif

L'autorité judiciaire est fondée, nonobstant le silence de la Décision-cadre du Conseil de l'Union européenne en date du 13 juin 2002, à refuser la remise d'une personne recherchée en vertu d'un mandat d'arrêt européen lorsque les charges pesant sur elle reposent sur des déclarations obtenues en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il n'y a pas lieu de refuser cette remise lorsque l'emploi de procédés prohibés par le texte susvisé demeure à l'état de simple allégation


Références :

article 1er, § 3, de la Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002

article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, 15 avril 2014

Sur l'examen des conditions dans lesquelles les éléments fondant les charges objet du mandat d'arrêt européen ont été recueillies, évolution par rapport à :Crim., 5 avril 2006, pourvoi n° 06-81835, Bull. crim. 2006, n° 106 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 mai. 2014, pourvoi n°14-83138, Bull. crim. criminel 2014, n° 135
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2014, n° 135

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Le Baut
Rapporteur ?: Mme Moreau
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:14.83138
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