LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont saisi un tribunal de grande instance de diverses demandes contre la société Groupe Marmara (la société Marmara) ; qu'une assemblée générale des actionnaires de la société Marmara, tenue, en cours de délibérés, le 31 décembre 2011, a approuvé sa fusion-absorption par la société TUI France, publiée au registre du commerce et des sociétés le 8 février 2012 ; que le 3 février 2012, l'avocat de la société Marmara a fait signifier à l'avocat de M. et Mme X... le jugement, rendu le 19 janvier 2012, les déboutant de leur demandes ; que ces derniers ont interjeté, le 14 février 2012, un appel dirigé contre la société Marmara ; que la société TUI France leur ayant fait signifier le jugement, le 2 mars 2012, et étant intervenue à l'instance d'appel, M. et Mme X... ont formé un second appel, à l'encontre de la société TUI France, le 24 août 2012 ; que par une ordonnance du 8 novembre 2012, le conseiller de la mise en état, ordonnant la jonction des deux appels, a déclaré nulle la déclaration d'appel du 14 février 2012, déclaré nulle et sans effet la signification du jugement du 19 janvier 2012 intervenue le 2 mars 2012, et déclaré recevable la déclaration d'appel du 24 août 2012 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête en déféré contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2012 et, réformant l'ordonnance entreprise, de dire que la signification à avocat du 3 février 2012 est valable et de déclarer la signification à partie du 2 mars 2012 valable et l'appel interjeté contre le jugement du 19 janvier 2012 par M. et Mme X... à l'encontre de la société TUI France irrecevable comme tardif, alors, selon le moyen, que l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare l'appel recevable n'est pas susceptible de déféré, dès lors qu'elle ne met pas fin à l'instance, et ne peut être que frappée de recours avec l'arrêt au fond ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2012 avait déclaré nul l'acte d'appel du 14 février 2012, mais recevable celui du 24 août 2012, de sorte que l'instance d'appel se poursuivait et que l'ordonnance ne pouvait donc être frappée de recours qu'avec l'arrêt au fond ; qu'en accueillant néanmoins le déféré, la cour d'appel a violé l'article 916 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'il résultait de l'article 916, alinéa 2, du code de procédure civile, dont la rédaction issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 était applicable à la cause, M. et Mme X... ayant interjeté leurs appels après le 1er janvier 2011, que l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité de l'appel, même lorsqu'elle ne met pas fin à l'instance, est susceptible de lui être déférée immédiatement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 236-3, L. 236-4 du code de commerce, ensemble l'article 678 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme tardive la déclaration d'appel formée le 24 août 2012 par M. et Mme X..., l'arrêt retient qu'aux termes des dispositions de l'article L. 237-2 alinéa 3 du code de commerce, la dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés, qu'en matière de fusion absorption, les actes accomplis à l'égard des tiers par la société absorbée sont valables nonobstant l'antériorité du traité de fusion absorption, tant que la dissolution de cette société n'est pas publiée au registre du commerce et des sociétés, que si la décision de réalisation définitive de fusion absorption par la société TUI France de la société Marmara a été prise à l'assemblée générale du 31 décembre 2011, il apparaît que la dissolution de cette dernière société par l'effet de cette fusion n'a été publiée au registre du commerce et des sociétés que le 8 février 2012 de sorte que la signification à avocat du jugement intervenue le 3 février 2012 à la requête de la société Marmara, qui n'avait pas perdu son existence légale, était valable et a produit ses pleins et entiers effets ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assemblée générale de la société Marmara ayant approuvé sa fusion-absorption par la société TUI France, avait conféré de plein droit à cette dernière, dès sa date, la qualité de partie aux instances précédemment engagées par la société Marmara à laquelle elle se trouve substituée, de sorte que la signification à partie du jugement frappé d'appel était affectée d'une irrégularité de forme, dont M. et Mme X... soutenaient qu'elle leur avait causé grief, tenant à ce que la signification entre avocats qui l'avait précédée avait été faite au nom de la société Marmara, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable la requête en déféré et déclaré nulle la première déclaration d'appel, du 14 février 2012, l'arrêt rendu le 8 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société TUI France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société TUI France à payer à M. et Mme X..., la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable la requête en déféré contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2012 et d'AVOIR, réformant l'ordonnance entreprise, dit que la signification à avocat du 3 février 2012 était valable et déclaré la signification à partie du 2 mars 2012 valable et l'appel interjeté contre le jugement du 19 janvier 2012 par les époux X... à l'encontre de la société TUI irrecevable comme tardif ;
AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article 916 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état " peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, un incident mettant fin à l'instance, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci ou lorsqu'elles prononcent l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 " ; que ces dispositions doivent être lues au regard de celles de l'article 914 alinéa 2 du code de procédure civile qui prévoient que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de chose jugée au principal ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité de l'appel, même lorsqu'elle ne met pas fin à l'instance, est susceptible d'être déférée immédiatement à la cour ; qu'ainsi, il y a lieu de déclarer recevable la requête en déféré déposée par la Société TUI France à l'encontre de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2012 ayant retenu que la déclaration d'appel du 24 août 2012 était recevable » ;
ALORS QUE l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare l'appel recevable n'est pas susceptible de déféré, dès lors qu'elle ne met pas fin à l'instance, et ne peut être que frappée de recours avec l'arrêt au fond ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 novembre 2012 avait déclaré nul l'acte d'appel du 14 février 2012, mais recevable celui du 24 août 2012, de sorte que l'instance d'appel se poursuivait et que l'ordonnance ne pouvait donc être frappée de recours qu'avec l'arrêt au fond ; qu'en accueillant néanmoins le déféré, la cour d'appel a violé l'article 916 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, réformant l'ordonnance entreprise, dit que la signification à avocat du 3 février 2012 était valable et déclaré la signification à partie du 2 mars 2012 valable et l'appel interjeté contre le jugement du 19 janvier 2012 par les époux X... à l'encontre de la société TUI irrecevable comme tardif ;
AUX MOTIFS QUE « les dispositions de l'ordonnance ayant déclaré la déclaration d'appel du 14 février 2012 à l'encontre de la Société Groupe Marmara, radiée du registre du commerce et des sociétés à compter du 8 février 2012, nulle et de nul effet ne sont pas discutées devant la cour par les consorts X... ; considérant que le conseiller de la mise en état a retenu que la signification à avocat du jugement du 19 janvier 2012, intervenue le 3 février 2012 à la requête de la société Groupe Marmara, était irrégulière en l'état de la fusion absorption intervenue au jour de l'assemblée générale du 31 décembre 2011, au motif que cette société n'avait plus, depuis cette date, d'existence juridique ; qu'il apparaît cependant qu'aux termes des dispositions de l'article L 237-2 alinéa 3 du code de commerce, la dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'il s'en déduit, en matière de fusion absorption, que les actes accomplis à l'égard des tiers par la société absorbée sont valables nonobstant l'antériorité du traité de fusion absorption, tant que la dissolution de cette société n'est pas publiée au registre du commerce et des sociétés ; qu'en l'espèce, si la décision de réalisation définitive de fusion absorption par la Société TUI France de la Société Groupe Marmara a été prise à l'assemblée générale du 31 décembre 2011, il apparaît que la dissolution de cette dernière société par l'effet de cette fusion n'a été publiée au registre du commerce et des sociétés que le 8 février 2012 ; que dès lors, la signification à avocat du jugement intervenue le 3 février 2012 à la requête de la Société Groupe Marmara, qui n'avait pas perdu son existence légale, était valable et a produit ses pleins et entiers effets ; que la décision du conseiller de la mise en état doit en conséquence être réformée, tant en ce qu'elle a déclaré la signification à avocat nulle et sans effet, qu'en ce qu'elle en a déduit que la signification faite à parties le 2 mars 2012 n'était pas régulière et que le délai d'appel n'avait pas valablement couru contre les consorts X... ; que force est de constater que le jugement ayant été valablement signifié à avocat le 3 février 2012 et à parties le 2 mars 2012, la déclaration d'appel déposée le 24 août 2012 par les consort X... à l'encontre de la Société TUI France était tardive et doit être déclarée irrecevable » ;
ALORS QUE l'opération de fusion-acquisition emportant transmission universelle de patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, l'absorbée disparaît immédiatement et irrémédiablement dès l'assemblée générale approuvant l'opération, ce qui interdit qu'elle puisse effectuer le moindre acte juridique après cette date ; que seuls les tiers à l'opération de fusion absorption peuvent se prévaloir de défaut de publication de l'opération au registre du commerce ; que, par suite, la signification faite par la société absorbée, après la date de la fusion absorption est irrégulière sans que la société absorbante puisse se prévaloir du défaut de publication au registre de commerce de l'opération pour arguer de la validité de la signification dont la société absorbée, aux droits de laquelle elle vient, a pris l'initiative alors qu'elle n'avait plus d'existence légale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société GROUPE MARMARA avait fait l'objet d'une fusion-absorption par la société TUI décidée par une assemblée générale du 31 décembre 2011 ; qu'en considérant néanmoins que la signification à avocat faite en son nom seul à une date à laquelle elle avait disparu, le 3 février 2012, était valable, au motif inopérant, que la fusion n'était opposable aux tiers qu'à compter de sa publication au RCS le 8 février 2012, cependant que la société absorbante qui n'était pas un tiers à l'opération de fusion, ne pouvait invoquer la régularité d'une signification faite par la société MARMARA le 3 février 2012, à une époque où celle-ci n'avait plus d'existence légale, la cour d'appel a violé l'article 1844-4 du Code civil, ensemble les articles L. 236-3, L. 236-4 et L. 237-2 du Code de commerce.