LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 22 mai 2012) que M. X... est propriétaire d'une maison voisine de l'immeuble acquis par les consorts Y... des consorts Z... ; que, se plaignant de trois ouvertures pratiquées par ceux-ci dans le mur non mitoyen séparant les deux fonds, M. X... a assigné ses voisins en suppression des dites ouvertures ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branche, et ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la première ouverture litigieuse, constituée de carreaux de verre bullés scellés dans le mur et ne s'ouvrant pas, laissait passer seulement la lumière, la cour d'appel qui en a implicitement déduit qu'elle offrait les garanties de discrétion suffisantes pour exclure l'application des articles 676 et 677 du code civil, a pu rejeter la demande de suppression la concernant ;
Mais sur le moyen unique pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 676 et 677 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de suppression de la troisième ouverture, l'arrêt énonce que celle-ci ne laisse pas passer la lumière puisqu'elle est obstruée par une porte en bois et par du polystyrène ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si une telle installation était propre à assurer un colmatage pérenne de l'ouverture implantée à 1, 54 mètre du sol, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a refusé d'ordonner la suppression de la troisième ouverture située à 1, 54 mètre du sol et obstruée par une porte en bois, l'arrêt rendu le 22 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, statuant sur la suppression des trois ouvertures, ordonné aux consorts Y... de supprimer, dans les trois mois de la signification de la décision, la seule ouverture constituée de 6 plaques de verre, établie à 0, 83 m du sol, formant jour sur la propriété de Monsieur Claude X... et rejeté la demande de suppression pour les deux autres ouvertures créées par les consorts Y...,
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X... soutient qu'ayant constaté la non-conformité des ouvertures pratiquées dans le mur de la propriété des intimés, c'est à tort que le premier juge, retenant qu'il n'y avait aucun risque d'indiscrétion, a dit n'y avoir lieu à leur suppression ; que les trois ouvertures litigieuses sont les suivantes :- la première, située à 1, 22 m du sol, non ouvrante, est constituée de pavés de verre bullés,- la seconde, située à 0, 83 m du sol, non ouvrante, est constituée de 6 plaques de verre montées sur un châssis en fer,- la troisième, située à 1, 54 m du sol, est obstruée par une petite porte clouée au cadre dormant de la fenêtre ; que ces ouvertures ne sont pas des vues, ouvertures ordinaires qui permettent le passage de la lumière mais également de l'air et du regard, aucune d'elles ne remplissant ces conditions ; qu'aux termes des dispositions de l'article 676 du code civil, les jours sont des ouvertures grillagées et fermées par un verre fixe, dit dormant, qui laissent seulement passer la lumière mais ne s'ouvrent pas ; que l'article 677 exige qu'ils soient établis à 2, 60 m au-dessus de la pièce en rez-de-chaussée qu'on veut éclairer ; qu'il faut en déduire que des carreaux de verre, scellés dans un mur et ne pouvant s'ouvrir, laissant seulement passer la lumière, ne constituent pas des jours au sens du texte précité, mais une paroi scellée à un mur ; qu'en conséquence, la première ouverture échappe à la réglementation précitée ; qu'il en est de même de la troisième, qui ne laisse pas passer la lumière puisqu'elle est obstruée par une porte en bois et, selon l'appelant, également par du polystyrène ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE aux termes de l'article 676 du code civil : « le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant. Les fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture ou plus, et d'un châssis à verre dormant » ; que l'article 677 du même code vient préciser : « ces fenêtres ou jours ne peuvent être établis qu'à 26 décimètres au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer, si c'est à rez-de-chaussée, et à 19 décimètres au-dessus du plancher pour les étages supérieurs » ; qu'il résulte du procès-verbal de constat établi le 19 mai 2008 par Me A..., huissier de huissier de justice à LA FLECHE, qu'en limite de propriété, derrière la haie de thuyas du demandeur, existent dans le mur du bâtiment appartenant désormais aux consorts Y... trois ouvertures :- la première, large de 80 cm et haute de 105 cm, constituée de carreaux de verre bullé, non ouvrante mais dont l'appui se situe à 122 cm du sol,- la deuxième, large de 201 cm et haute de 1 m, constituée d'un châssis en fer avec 6 verres dit « de cathédrale », dont l'appui est à 83 cm du sol-la troisième, large de 30 cm et haute de 52 cm, se trouvant à 154 cm du sol ; qu'en premier lieu, les règles de la prescriptions acquisitives ne sauraient en l'espèce recevoir application, dès lors que les fenêtres dont s'agit ne constituent pas des vues mais de simples jours de souffrance ; qu'en deuxième lieu, s'il résulte des pièces produites que les deux fonds ont une origine commune qui a pris fin en 1929, il n'est pas démontré que c'est leur auteur commun qui est à l'origine de la situation des lieux ; que les dispositions des articles 692 et 693 sont donc inapplicables en l'espèce ; qu'en troisième lieu, il est démontré par le procès-verbal établi le 25 mai 2010 par Maître B..., huissier de justice à CHATEAU-DU-LOIR que dans la salle de bains, la fenêtre est en verre dormant, que dans le garage, il existe un panneau vitré qui ne s'ouvre pas et que dans la cave, l'ouverture pratiquée dans le mur est obstruée par une ancienne petite porte clouée au cadre dormant de la fenêtre, laquelle est très poussiéreuse et envahie par les toiles d'araignées, ce qui permet de conclure qu'elle n'a pas été ouverte depuis longtemps ; que de ces constatations et les photographies produites par l'une et l'autre des parties, (¿) établissent que même si les dispositions précitées ne sont pas strictement respectées, en ce qui concerne la hauteur au sol des ouvertures, il n'existe aucun risque d'indiscrétion,
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 676 du code civil que " le propriétaire d'un mur non mitoyen, joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant. Les fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture ou plus, et d'un châssis à verre dormant ", l'article 677 disposant quant à lui que " ces fenêtres ou jours ne peuvent être établis qu'à vingt-six décimètres (huit pieds) au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer, si c'est à rez-de-chaussée, et à dix-neuf décimètres (six pieds) au-dessus du plancher pour les étages supérieurs " ; qu'ayant relevé que la première ouverture avait été pratiquée, dans l'immeuble DELAPLANE, dans la salle de bain située en rez-de-chaussée à une hauteur de 1, 22 mètre, la cour d'appel aurait dû en déduire qu'elle était irrégulière et conséquemment ordonner sa suppression ; qu'en s'abstenant de le faire, elle a violé les articles précités,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans la mesure où c'était en considération de la présence sur le terrain de Monsieur X... d'une " haie de thuyas de près de deux mètres de hauteur " que le tribunal avait déclaré, pour refuser d'ordonner la suppression de l'ouverture litigieuse, que " si les dispositions précitées articles 676 et 677 du code civil ne sont pas strictement respectées en ce qui concerne la hauteur au sol (¿) il n'existe aucun risque d'indiscrétion " (jugement, p. 4, avant dernier §), la cour d'appel ne pouvait confirmer le jugement entrepris de ce chef sans se prononcer sur l'impact de la disparition de la haie litigieuse, effective et non contestée lors des débats devant elle ; qu'en se contentant, pour confirmer le jugement déféré, d'affirmer que " la première ouverture échappe à la réglementation précitée ", sans s'expliquer sur le risque avéré d'indiscrétion, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 676 et 677 du code civil,
ALORS, ENCORE QU'en affirmant que l'ouverture litigieuse, par elle décrite comme composée de " carreaux de verre, scellés dans un mur " constituait non un jour au sens de la loi mais " une paroi scellée à un mur ", pour sur cette base rejeter la demande de suppression formée par Monsieur X..., sans rechercher, comme il lui était demandé, si cette ouverture, qui par ailleurs ne satisfaisait pas aux conditions de hauteur édictées par l'article 677 du code civil, offrait des garanties de discrétion suffisantes pour exclure l'application des articles 676 et 677 du code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces deux dispositions légales,
ALORS, ENFIN, QU la possibilité ou la facilité du regard sur le fonds voisin est un critère déterminant de la qualification de l'ouverture ; qu'en se contentant, pour exclure la notion de jour et éliminer celle de vue, de relever que l'ouverture pratiquée dans le garage, dont elle avait constaté qu'elle n'était implantée qu'à 1, 54 mètre du sol, était " obstruée par une porte en bois et, selon l'appelant, également par du polystyrène " (arrêt, p. 6, § 3), sans préciser en quoi une telle installation serait propre à assurer un colmatage définitif, à même de garantir la régularité de l'ouvrage désigné cependant comme une " ouverture " (arrêt, p. 5, in fine), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 676 et 677 du code civil.