LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 5 février 2013), que M. X... et Mme Y... se sont mariés sous le régime de la communauté universelle, selon contrat de mariage reçu le 18 mars 1989 par M. Z..., notaire ; qu'ils ont divorcé par consentement mutuel le 21 novembre 2008 ; que reprochant à M. Z... d'avoir manqué à son devoir de conseil en omettant de lui indiquer que sans clause de reprise des apports en cas de divorce, les biens de la communauté seraient partagés par moitié, malgré le déséquilibre manifeste des apports de chaque époux, M. X... l'a assigné en indemnisation ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire, alors, selon le moyen, que la perte de chance constitue un préjudice réparable, direct et certain ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que M. Z... avait commis une faute en informant faussement les époux X...- Y... de ce qu'en cas de divorce, leur régime de communauté universelle leur permettrait de reprendre les apports qu'ils avaient faits à la communauté au jour du mariage et que cette faute avait entraîné un préjudice caractérisé par une perte de chance de choisir un autre régime matrimonial ; qu'en refusant cependant toute indemnisation à M. X... parce qu'il ne démontrait pas que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial aurait engendré pour lui un préjudice direct et certain, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu une faute à l'encontre du notaire, l'arrêt relève que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial était minime, dès lors que la préoccupation principale des époux lors de la signature du contrat de mariage était d'assurer la protection du conjoint survivant et non d'envisager les conséquences d'une rupture du lien matrimonial, et que les parties avaient tenu compte des modalités de la liquidation du régime matrimonial pour fixer le montant de la prestation compensatoire ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a pu estimer que M. X... ne justifiait pas d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable d'adopter un autre régime matrimonial ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... ne justifiait pas d'un préjudice direct et certain et de l'avoir débouté de sa demande indemnitaire à l'encontre de Maître Z... ;
Aux motifs que, « Même si la situation de fait des époux laisse supposer que ceux-ci voulaient protéger le conjoint survivant par rapport à leurs enfants respectifs, il appartenait néanmoins au notaire, compte tenu de la disproportion entre les apports de chacune des parties, de bien informer M. et Mme X... des inconvénients, voire des risques, de l'adoption du régime de communauté universelle en cas de rupture du lien conjugal autrement que par décès,
Or, Maître Z... n'apporte pas cette preuve.
Bien au contraire, la lettre que Maître Z... a adressée à M. X... le 30 septembre 2006 montre que l'information donnée en 1989 apparaît avoir été erronée, puisque le notaire écrit : " ces immeubles sont donc tombés dans la communauté universelle (...). En matière de divorce et avant toute liquidation de la communauté, chacun des époux reprend en nature les biens ayant fait l'objet de l'apport, ce qui vous redonne la pleine propriété de vos biens propres (...). Cela correspondait à vos souhaits réciproques ".
Or, Maître Z... admet qu'une telle interprétation est fausse, puisque le régime de communauté universelle ne permet pas la reprise des apports, sauf clause particulière qui ne figure pas au contrat des époux X....
Le notaire est donc incontestablement fautif dès lors que les " souhaits réciproques " des époux étaient de pouvoir reprendre leurs biens propres en cas de divorce, alors que le régime adopté ne le permettait pas, et que le notaire ne démontre pas avoir utilement conseillé ses clients sur cette question.
La responsabilité de Maître Z... est donc engagée, et le jugement sera réformé sur ce point.
Le préjudice subi par M. X... n'est toutefois constitué que par la perte de chance d'avoir pu adopter un régime matrimonial plus adapté.
Or, il résulte de ce qui précède que la préoccupation principale des époux, au jour de leur mariage, était de pouvoir protéger au mieux le conjoint survivant. Il est donc peu plausible que M. X... aurait adopté un régime matrimonial autre que la communauté universelle, même s'il avait été parfaitement informé des conséquences de ce régime en cas de divorce. On peut en effet admettre que la question du divorce n'était manifestement pas la préoccupation majeure des époux à la veille de leur mariage.
La perte de chance de choisir un autre régime matrimonial est donc minime.
De surcroît, la lecture de la convention de divorce montre que les parties ont tenu compte de la situation particulière issue de la liquidation du régime de communauté universelle pour limiter à 5317, 81 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. X... à Mme Y..., " compte tenu de la situation des parties et les modalités discutées et convenues relativement à la liquidation de la communauté ".
Il est bien certain que si M. X... avait pu reprendre ses biens propres à la suite du divorce, il aurait été redevable d'une prestation compensatoire bien supérieure, afin de compenser la disproportion entre les nouvelles situations financières des parties.
M. X... ne démontre donc pas que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial a engendré pour lui un préjudice direct et certain.
Ses demandes seront donc rejetées » ;
Alors que, la perte de chance constitue un préjudice réparable, direct et certain ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que Maître Z... avait commis une faute en informant faussement les époux X...- Y... de ce qu'en cas de divorce, leur régime de communauté universelle leur permettrait de reprendre les apports qu'ils avaient faits à la communauté au jour du mariage, et que cette faute avait entraîné un préjudice caractérisé par une perte de chance de choisir un autre régime matrimonial ; qu'en refusant cependant toute indemnisation à Monsieur X..., parce qu'il ne démontrait pas que la perte de chance de choisir un autre régime matrimonial aurait engendré pour lui un préjudice direct et certain, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil.