LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 16 janvier 2013), de rejeter ses demandes en dommages-intérêts à l'encontre de M. Y..., médecin, que son épouse Brigitte X... avait consulté en 2002, afin d'obtenir un deuxième avis, à la suite d'une suspicion de tumeur de l'utérus (léomyosarcome), avancée par un confrère, dont celle-ci est décédée en 2009, alors, selon le moyen, que le professionnel de santé engage sa responsabilité contractuelle pour les conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui n'ont pas été accomplis selon les données acquises de la science ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que le diagnostic de sarcome utérin avait été posé dès 2002 par M. Z..., qui avait recommandé une hystérectomie ; que cette opération a été retardée par la patiente jusqu'en 2004 au vu du diagnostic erroné moins sévère posé par M. Y... au vu de résultats différents de l'anatomopathologie ; qu'en retenant, pour décider que ce dernier n'avait pas commis de faute à l'origine du retard de traitement de Brigitte X... qu'il n'avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Mais attendu qu'un médecin, tenu, par l'article R. 4127-5 du code de la santé publique, d'exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la seconde branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X... et de Jabrane X....
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR débouté Monsieur X... agissant en non propre et en sa qualité de représentant légal de l'enfant mineur Jabrane X... de ses demandes tendant à voir dire et juger que Monsieur le Docteur Thierry Y... est responsable des conséquences dommageable de ses fautes, à l'occasion des soins prodigués à Madame Brigitte X... et à obtenir la condamnation du Docteur Thierry Y... à payer :
- à Jabrane X... représenté par son père Mohamed X..., la somme de 30000 ¿ en réparation des souffrances endurées par Madame Brigitte X...
- à Monsieur Mohamed X... la somme de 51033.06 ¿, et à Jabrane X... représenté par son père Mohamed X... la somme de 73901.60 ¿, à titre de dommages intérêts réparant la perte de chance.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. X... reproche au Dr Y... des erreurs de diagnostic qui se sont traduits par un retard chirurgical et par un retard de traitement ; qu'en rassurant ainsi à tort sa patiente sur l'absence de maladie suspecte, il lui aurait fait perdre toute chance de guérison ou à tout le moins de retarder l'issue fatale et ce dans des conditions de vie moins douloureuses; que la perte de chance doit s'apprécier au regard d'une faute en se plaçant au moment où les actes médicaux ont été prescrits; que dans son rapport d'expertise, le Dr A... commis par la CRCI a relevé qu'il y avait eu indiscutablement entre novembre 2004 et décembre 2005 une perte de chance et un retard du diagnostic de sarcome avec métastases pulmonaires et a retenu une relation de cause à effet directe entre le décès de Mme X... et ce retard de diagnostic; Qu'elle a précisé qu'il n'était pas certain que devant une maladie sarcomateuse qui est une maladie agressive on aurait pu guérir cette patiente mais au moins on aurait pu retarder l'évolution fatale et lui éviter une fin de vie avec une chimiothérapie intensive et plusieurs interventions chirurgicales; Qu'en conclusion, elle a indiqué que ¿Le diagnostic de sarcome utérin a été certainement méconnu lors de l'apparition de la métastase pulmonaire de 2004. L'indication d'une hystérectomie aurait dû être posée début 2003. Il faut noter qu'il n'y a jamais eu de réunion de concertation pluridisciplinaire' ;que la CRCI a estimé, au vu notamment de deux courriers du Dr Y... destinés au Dr B... en date des 17 décembre 2004 et 21 octobre 2005, que la responsabilité de la Clinique La Pergola et du Dr Y... ne pouvait être retenue en application des dispositions de l'article L142-1-1 du code de la santé publique et que l'opposition formellement exprimée par M. X... à la mise en cause des autres intervenants ne rendait pas opportune une nouvelle expertise; qu'elle a également relevé que l'affection dont souffrait la victime était d'une particulière gravité, avec un pronostic très péjoratif, ce qui à supposer même une faute établie de la part de tel ou tel intervenant, rendrait problématique l'existence d'une perte de chance ; que le Pr C..., expert judiciaire, a de son côté conclu à un premier retard chirurgical mal compréhensible d'après les éléments du dossier sur l'hystérectomie d'environ 10 mois compromettant l'évolution ultérieure (pronostic vital) et à un second retard de traitement d'environ un an au début de la phase métastatique pulmonaire (nodule de novembre 2004) considéré également comme une perte de chance pour laquelle l'étude du dossier ne permet pas d'évoquer une claire responsabilité; Qu'il précise qu'il est difficile d'estimer le rôle de la patiente et de son mari lors de ces deux périodes de retard de traitement, rappelant toutefois que le rôle du médecin est de guider le malade et de lui faire accepter la nécessité de traitements à priori mal acceptés; qu'il apparaît à l'examen attentif des éléments médicaux produits que la situation de Mme X... relevait d'une particulière complexité dès lors qu'elle s'est trouvée confrontée à une pathologie gravissime, particulièrement délicate à diagnostiquer et qu'elle a été suivie par de nombreux médecins de spécialités différentes à des endroits géographiques divers ; que s'il est avéré, à posteriori, qu'il aurait dû être pratiqué l'hystérectomie dès fin 2002 et que la prise en charge du nodule aurait dû être plus rapide, ces retards ne peuvent être imputés de manière certaine et exclusive au Dr Y... ; qu'en effet, tel que l'a relevé le premier juge, la suspicion initiale de sarcome fin 2002 début 2003 avait été finalement éliminée formellement par le Dr D..., anatomopathologiste en janvier et février 2003, et ce après avoir demandé des colorations spéciales; Qu'il ne peut être à la fois admis que Mme X... ait fait le choix de consulter un nouveau médecin pour recueillir un autre avis que celui du Pr Z... et qu'en cas de discordance des avis, il appartenait nécessairement au Dr Y... de retenir le prélèvement donnant le diagnostic le plus sévère par principe de prudence; Que cette position rendrait au final inutile la consultation d'un second médecin; Que l'attitude du Dr Y... était à l'époque d'autant plus compréhensible que les examens ultérieurs, notamment ceux des tissus après les interventions d'octobre et novembre 2004, n'ont pas démontré de signe flagrant de malignité ; Que n'ayant pas de craintes particulières, et exerçant un suivi médical rapproché en faisant pratiquer régulièrement des examens, tels qu'échographies, il ne peut lui être reproché une absence de concertation avec les multiples médecins intervenant sur Roanne, Saint-Etienne, Lyon, dans des spécialités différentes, et ce d'autant plus qu'il n'existait pas encore à l'époque de concertation pluridisciplinaires sur Vichy, et qu'en tout état de cause, les analyses histologiques étaient délicates à interpréter, même pour les spécialistes; Qu'au surplus, Mme X... était suivie par un médecin traitant à même de prendre le rôle de coordonnateur si nécessaire ; que lors de la découverte du nodule en novembre 2004, le Dr Y... a orienté Mme X... sur le Dr B..., radiologue spécialisé en pneumologie, pour qu'il lui donne son avis; Que la patiente ne l'a pas consulté; qu'en octobre 2005, il a prescrit l'examen radiologique qui s'imposait en orientant à nouveau sa patiente chez le Dr B... ; Que dans le courrier du 21 octobre 2005 adressé alors à ce spécialiste, il lui demandait "sans faute" de "prendre rendez-vous auprès de (lui) pour un contrôle pulmonaire et mammographique" ; Qu'en raison d'un manque de disponibilité du Dr B... d'après M. X..., son épouse a finalement consulté le Dr E... en décembre 2005 qui a découvert alors le sarcome métastasique ; qu'il apparaît ainsi, au vu de ces éléments, qu'il n'est pas caractérisé l'existence d'une faute de la part du Dr Y..., ni dans son devoir de conseil, ni dans son diagnostic, pouvant avoir un lien de causalité avec une perte de chance d'enrayer l'évolution défavorable de la maladie, tel que jugé à bon droit par le tribunal; Que le jugement sera en conséquence confirmé»
AUX MOTIFS ADOPTES QUE «Madame Brigitte X... est décédée le 1er mars 2009 des suites d'un cancer. A la suite de la saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une expertise a été confiée au Docteur A... ; que cette commission a émis un avis tendant à l'absence de responsabilité du Docteur Thierry Y... ; que par ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de Roanne en date du 18 mars 2010, une nouvelle expertise médicale était confiée au Docteur C... ; que Monsieur Mohamed X... pour lui-même et son fils formule en qualité d'ayant droit une demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 1142-1 du code de la santé publique relatif à la responsabilité médicale pour faute applicable depuis la loi du 4 mars 2002 ; qu'il lui appartient d'établir la preuve d'une faute du Docteur Thierry Y... mais également un lien de causalité entre le préjudice subi et les fautes démontrées ; que Monsieur Mohamed X... est recevable à agir pour solliciter le préjudice souffert par Madame Brigitte X... avant son décès et pour solliciter le préjudice moral souffert par ses proches du fait de son décès ; qu'il est constant que Madame Brigitte X... est décédée du fait de sa grave maladie et ce décès n'est pas directement imputable à l'intervention du Docteur Thierry Y... ; que la perte de chance constitue une notion jurisprudentielle lorsque un préjudice est certain mais que son étendue est impossible à définir comme c'est le cas en l'espèce où la maladie pouvait avoir une évolution fatale malgré les soins envisagés" ; qu'il y a donc lieu - d'examiner les fautes reprochées au Docteur Thierry Y... au vu des deux expertises médicales produites qui sont concordantes ; que Monsieur Mohamed X... évoque une erreur de diagnostic et une faute dans l'obligation d'information à l'origine du retard dans l'intervention chirurgicale qui relève de la seule perte de chance de survie qui est évoquée à l'appui de la demande d'indemnisation ; que la perte de chance doit s'apprécier au regard d'une faute en se plaçant au moment des actes médicaux qui ont été prescrit et ne doit pas aboutir à une recherche rétrospective des actes qui auraient pu être accomplis au regard des suites avérées de la maladie et d'un principe de prudence absolu ; que concernant le défaut au devoir de conseil il apparaît que Madame Brigitte X... s'est vue proposer une hystérectomie par le Docteur F... et par le Professeur Z... et a choisi de consulter le Docteur Thierry Y... pour avoir un autre avis devant sa réticence à un acte particulièrement lourd ; que la science médicale n'est pas une science exacte et les patients demeurent libres de consulter plusieurs praticiens qui ont le devoir de définir personnellement les soins les plus adaptés à la situation de leur patient sans être tenu par le simple confort de suivre les avis précédemment émis par d'autres confrères ; que Madame Brigitte X... est resté avant et après la consultation du Docteur Y... dans la capacité de consulter d'autres médecins et de prendre elle-même la décision qui reste de son libre choix au vu de l'ensemble des avis médicaux et notamment celui de son médecin traitant destinataire de l'ensemble des pièces du dossier ; que concernant l'erreur de diagnostic le Docteur Thierry Y... qui a réalisé une hystéroscopie le 21 janvier 2003 a pratiqué la résection d'un volumineux polype fibreux et a suspecté un sarcome dont le diagnostic a été finalement éliminé par le Docteur D.... Il a prescrit utilement une surveillance par échographie ; que d'autres interventions sont pratiquées en octobre et novembre 2004 au regard de l'évolution constatée. Les examens ne démontrent aucun signe flagrant de malignité ; que Madame Brigitte X... a également été prise en charge à cette époque par un autre établissement de soin la clinique du Renaison qui a diagnostiqué un nodule pulmonaire ; que le Docteur Y... prescrit en décembre 2004 une consultation auprès du Docteur B... radiologue qui n'est pas suivie d'effet par la patiente. Un sarcome n'est diagnostiqué qu'en décembre 2005 ; qu'il en résulte que le diagnostic d'un nodule pulmonaire pouvant laisser suspecter fortement l'existence d'un sarcome a été accompli par d'autres médecins et que Madame Brigitte X... était prise en charge par plusieurs médecins et disposait au vu des examens accomplis du choix des consultations qu'elle estimait nécessaire notamment avec l'aide de son médecin traitant qu'il ne peut pas être considéré que Madame Brigitte X... était livrée à la seule appréciation thérapeutique du Docteur Y... dans le cadre d'une évolution pathologique présentant des signes de gravité progressifs et difficiles à interpréter mais qui ont donné lieu à de nombreux examens et à des interventions multiples ; qu'il n'est donc pas établi l'existence d'une faute caractérisée de la part du Docteur Y... ni dans son devoir de conseil ni dans son diagnostic pouvant avoir un lien de causalité avec une perte de chance d'enrayer l'évolution défavorable de la maladie dont souffrait Madame Brigitte X... ; qu'il y a lieu de débouter Monsieur Mohamed X... de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS QUE le professionnel de santé engage sa responsabilité contractuelle pour les conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qui n'ont pas été accomplis selon les données acquises de la science ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que le diagnostic de sarcome utérin avait été posé dès 2002 par le Pr Z... qui avait recommandé une hystérectomie ; que cette opération a été retardée par la patiente jusqu'en 2004 au vu du diagnostic erroné moins sévère posé par le Docteur Y... au vu de résultats différents de l'anatomopathologie; qu'en retenant, pour décider que ce dernier n'avait pas commis de faute à l'origine du retard de traitement de Madame X..., qu'il n'avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère, la cour d'appel a violé l'article L.1142-1 du code de la santé publique ;
ET ALORS QUE le médecin engage sa responsabilité pour toute faute commise dans l'exercice de son art ; qu'en déboutant les experts de leurs demandes au motif, adopté des premiers juges, que le Docteur Y... n'avait pas commis de faute « caractérisée », la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.