LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le commissaire du gouvernement ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour fixer à une certaine somme l'indemnité de dépossession due à Mme X... par suite de l'expropriation au profit de la société du Plateau de Chevannes, d'une parcelle lui appartenant, l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 2012), retient que l'estimation des domaines émise à hauteur de 1 006 000 euros le 3 juillet 2007, ayant été faite à la suite d'une déclaration de Mme X..., d'un montant total de 807 450 euros, relative à plusieurs parcelles dont la parcelle expropriée, qui lui ont été léguées par Mme Y... décédée le 8 septembre 2004, l'article L. 13-17 du code de l'expropriation trouve à s'appliquer ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel l'article L. 13-17 n'était pas applicable à la cause dans la mesure où la déclaration du 5 novembre 2004 était une attestation immobilière, qui n'est pas une déclaration au sens de cet article, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles (chambre des expropriations) ;
Condamne la société du Plateau de Chevannes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société du Plateau de Chevannes à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société du Plateau de Chevannes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fixé à 942.960 € l'indemnité principale due à Madame X... pour l'expropriation de la parcelle cadastrée section ZA n° 8 Commune du Coudray-Montceau ;
Aux motifs, premièrement, sur l'application des dispositions de l'article L. 13-17, que ledit texte dispose que "Le montant de l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation faite par le service des domaines ou celle résultant de l'avis émis par la commission des opérations immobilières, si une mutation à titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une évaluation administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales ou à une déclaration d'un montant inférieur à ladite estimation" ; que l'estimation des Domaines a été émise à hauteur de 1.006.000 ¿ ; que cette estimation a été formée le 3 juillet 2007 pour la mutation à titre gratuit dont a bénéficié Mme X... le 18 février 2009 suite au décès de Mme Y... survenu le 8 septembre 2004 ; que cette estimation avait été faite à ce montant suite à une déclaration pour plusieurs parcelles, dont la parcelle concernée, d'un montant total de 807.450 € pour une superficie totale de 57ha 68a 34ca ; que ledit texte est applicable en ce qui concerne les délais ; que l'expropriée fait valoir dans un premier temps que l'ensemble des parcelles expropriées et les autres parcelles léguées ne forment pas identité ; considérant que l'exproprié ne saurait sérieusement faire valoir que les 7 parcelles léguées, de 57ha 68a 34ca, valent moins que la seule parcelle concernée, de 7ha 85a 00ca ; que ce moyen est inopérant ; que les explications de l'exproprié faisant valoir que ledit texte ne constituait pas une estimation, mais un avis, au motif que l'estimation concernée reproduirait ferait état du terme "avis" dans une formule figurant in fine ; que cette estimation a bien été formée dans les conditions du texte sus-rappelé qui trouve pleinement à s'appliquer ; que les explications de l'exproprié, qualifiées de générales, tendant à faire valoir que ce texte est "un article sanction" et que la Cour européenne des droits de l'homme a "dénoncé la rigidité excessive du système" et au fait que ce texte "serait contraire au principe du droit, au respect des biens et au droit à un procès équitable" ne permettent pas à la cour d'écarter ledit texte ; que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la constitution garantit (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;
1°) Alors, d'une part, que selon l'article L. 13-17 al. 1er du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique le montant de l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation faite par le service des domaines si une mutation à titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une déclaration d'un montant inférieur à ladite estimation ; que l'attestation notariée devant être établie pour constater la constitution par décès de droits réels immobiliers ne constitue pas une déclaration au sens de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation ; qu'en statuant comme elle a fait sans répondre au moyen du mémoire complémentaire de Mme X... (p. 3) tiré de ce que la « déclaration » dont se prévalait la société du Plateau de Chevannes ne constituait que l'attestation immobilière dressée le 5 novembre 2004 par le notaire à la suite du décès de Madame Y..., de sorte que le texte susvisé n'avait pas vocation à s'appliquer, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
2°) Alors, d'autre part, qu'en se bornant à affirmer que l'estimation des domaines avait bien été formée dans les conditions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation, peu important qu'elle ait été qualifiée d'avis, sans répondre au moyen du mémoire n° 3 de Madame X... tiré de ce que le service des domaines avait lui-même pris soin de préciser qu'une nouvelle consultation serait indispensable si la procédure d'expropriation était effectivement engagée, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
3°) Et alors, enfin et en tout état de cause, que par décision n° 2012-236 QPC du 20 avril 2012, le Conseil constitutionnel a décidé que les dispositions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789, avoir pour effet de priver l'intéressé de faire la preuve que l'estimation de l'administration ne prend pas correctement en compte l'évolution du marché de l'immobilier ; de sorte qu'en statuant comme elle a fait, sans intégrer dans son raisonnement cette réserve d'interprétation, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs au regard des dispositions de l'article L. 13-17 du code de l'expropriation ;
Et aux motifs, deuxièmement, que, sur la situation du terrain et ses qualités, que l'estimation des domaines est une valeur de terrain libre ; qu'il convient d'en tenir compte, le terrain étant occupé, à la date de référence, par un preneur pour un bail de longue durée ; que le terrain est à usage agricole ; qu'il résulte des pièces du dossier que la parcelle considérée est située sur une très petite commune rurale, au sud d'Evry, à presque 50 km de Paris, en dehors d'une zone de pleine expansion comme le sont les communes, par exemple Massy, citée à titre d'exemple de référence, bien plus proches de Paris ; que le terrain n'est pas viabilisé ni situé dans une zone constructible ; qu'il est vain pour l'exproprié de tenir compte pour l'appréciation de l'indemnité des propres explications de l'expropriant sur une plaquette, celles-ci prenant en compte et décrivant les aménagements de cette zone tels qu'ils seront dans l'avenir, après réalisation de l'opération envisagée ; qu'en l'absence de cette opération, les terrains sont des terrains inconstructibles en fait et en droit et situés dans une petite commune rurale au sud de l'Essonne ; qu'ils ne sont pas situés en zone privilégiée mais bénéficient plus simplement d'une valeur plus élevée en raison de leur situation en région parisienne ; qu'ils n'ont notamment pas, en absence de l'opération concernée, valeur de terrain ayant vocation de terrain à bâtir ; que de même les éléments de référence avancés par l'exproprié consistent en des parcelles soit bien plus proches de Paris (Massy), soit mieux desservies par des sorties d'autoroutes, soit ne constituent que des promesses de ventes, dont l'une assortie de conditions suspensives concernant notamment l'octroi d'aides publiques (...) ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de l'usage de la parcelle et de ses caractéristiques à la date de référence, mais aussi de sa forme, longée par deux routes et de sa belle configuration, il y a lieu de calculer l'indemnité principale sur un montant de 12 € le m² ; que l'indemnité principale, en valeur occupée, sera ainsi fixée à : 7ha 85a 80ca x 12 € = 942.960 € ; que, sur l'indemnité de remploi, s'agissant d'une parcelle agricole et des droits attachés, l'indemnité de remploi sera fixée à 10 % ; que les réclamations de l'exproprié sollicitant une indemnité de 25 % dégressive concernent les parcelles bâties ; que l'indemnité de remploi s'élève à 94.296 € (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
4°) Alors qu'en retenant, pour considérer que les éléments de comparaison fournis par Mme X... pour évaluer le prix au mètre carré de son terrain ne seraient pas probants car portant sur des cessions de terrains mieux situés par rapport aux accès autoroutiers que celui objet du litige, que la plaquette relative au projet d'aménagement invoquée par l'expropriée pour établir la proximité de son terrain avec les sorties d'autoroute décrirait non les aménagements existants mais ceux devant être réalisés grâce au projet, quand le document énonçait au contraire expressément dans la partie de la présentation relative à la situation géographique du projet que « les terrains retenus pour l'opération se trouvent à moins de 1 km de deux demi-échangeurs (n° 10 et n° 11) de l'autoroute A6 », la cour d'appel, qui a dénaturé le document sur lequel elle fondait son appréciation de la valeur du terrain, a violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fixé à 94 296 ¿ l'indemnité de remploi due à Madame X... pour l'expropriation de la parcelle cadastrée section ZA n° 8 Commune du Coudray-Montceau ;
Aux motifs que s'agissant d'une parcelle agricole et des droits attachés, l'indemnité de remploi sera fixée à 10% ; que les réclamations de l'exproprié sollicitant une indemnité de 25% dégressive concernent les parcelles bâties ; que l'indemnité de remploi s'élève à 94.296 € ;
Alors que la cassation à intervenir, sur le fondement du premier moyen, du chef de l'arrêt ayant fixé l'indemnité principale entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle du chef de l'arrêt ayant fixé l'indemnité de remploi à 10% de ladite indemnité.