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03/04/2014 | FRANCE | N°13-13804

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 avril 2014, 13-13804


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Naphtachimie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes Luce et Christine X..., la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 janvier 2013), que Henri X..., salarié de la société Naphtachimie (l'employeur) de 1977 à 2003, est décédé le 11 janvier 2004 d'un mésothéliome, qui a été

pris en charge par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Naphtachimie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes Luce et Christine X..., la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 janvier 2013), que Henri X..., salarié de la société Naphtachimie (l'employeur) de 1977 à 2003, est décédé le 11 janvier 2004 d'un mésothéliome, qui a été pris en charge par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) au titre de la législation professionnelle par décision du 12 juillet 2004 ; qu'après avoir saisi la commission de recours amiable d'un recours, l'employeur s'en est désisté le 12 août 2004 ; que les ayants droit de la victime ont saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la décision de prise en charge de la maladie, alors, selon le moyen :
1°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'il appartient aux juges du fond de vérifier que la manifestation de volonté de se désister d'une action en justice a été certaine, claire et non équivoque ; qu'à défaut d'une manifestation de volonté expresse d'abdiquer une action par son titulaire, la volonté du renonçant doit ressortir sans ambiguïté des circonstances dans lesquelles l'acte juridique est intervenu ; qu'au cas présent, en considérant qu'un simple désistement de la société Naphtachimie dans une instance devant la commission de recours amiable emporterait désistement renonciation son droit d'action, sans rechercher si elle avait eu l'intention d'abdiquer son droit d'agir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile ;
2°/ que selon l'article 30 du code de procédure civile, l'action en justice se compose, d'une part, de la faculté « pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » et, d'autre part, du droit « pour l'adversaire, (¿) de discuter le bien-fondé de cette prétention » ; que si, par le désistement à l'action, le renonçant abdique le droit de former une demande, cette abdication n'entraîne pas l'extinction de son droit de discuter du bien-fondé de la prétention formulée par son adversaire ; que le désistant conserve par conséquent la faculté de formuler une défense par voie d'exception à l'encontre de la prétention de son adversaire ; qu'au cas présent, en refusant d'examiner le moyen d'inopposabilité formé par elle à l'encontre du recours subrogatoire de la caisse, au motif inopérant que l'employeur s'était précédemment désisté de son recours en inopposabilité devant la commission de recours amiable, la cour d'appel a violé l'article 30 du code de procédure civile ;
3°/ que la garantie d'un procès équitable implique le droit d'avoir un accès concret et effectif à un tribunal ; qu'un tel droit ne peut être atteint dans sa substance même par des règles procédurales empêchant un sujet de droit de se défendre contre une prétention ; qu'au cas présent, en jugeant irrecevable le moyen de défense au fond de la société Naphtachimie à l'encontre du recours subrogatoire de la caisse, au motif inopérant que l'employeur s'était précédemment désisté de son recours en inopposabilité devant la commission de recours amiable, cependant qu'aucune décision au fond ayant acquis l'autorité de la chose jugée n'était intervenue, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'un moyen de défense au fond ne peut pas faire l'objet d'une fin de non-recevoir ; qu'une fin de non-recevoir ne peut donc être opposée à une prétention tendant au rejet du recours subrogatoire de la caisse ; qu'au cas présent, en refusant d'examiner la requête de l'employeur visant à rejeter le recours subrogatoire de la caisse aux motifs qu'il se serait désisté de son action, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 122 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que l'employeur avait soutenu devant la cour d'appel que la renonciation à un droit ne se présume pas et qu'il n'avait pas eu l'intention d'abdiquer son droit d'agir, ni davantage qu'il s'était prévalu de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que le 16 juillet 2004, l'employeur a contesté la reconnaissance par la caisse de l'origine professionnelle de la maladie du salarié et de son décès ; qu'il s'est ensuite désisté de son recours ;
Que la cour d'appel en a exactement déduit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle était devenue définitive, ce dont il résultait que la demande de l'employeur, formée par voie d'exception au cours de l'instance en reconnaissance de sa faute inexcusable et tendant à l'inopposabilité à son égard de cette décision, était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen, qui est nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable en ses première et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Naphtachimie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Naphtachimie et la condamne à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Naphtachimie.
Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit la décision de prise en charge de la CPCAM de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie du de cujus opposable à l'employeur ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'opposabilité à l'employeur de cette décision de prise en charge : qu'il n'est pas contesté qu'une instruction préalable a été diligentée par la caisse ; qu'il en découle ainsi que les exigences édictées par l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale et par la jurisprudence en la matière, jouent de leur plein effet et que la caisse, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; que la société employeur fait alors valoir que la décision de reconnaissance du caractère professionnel et de prise en charge susvisée lui serait inopposable, notamment en raison de ce que l'organisme n'aurait respecté ni son obligation d'information, ni le principe du contradictoire qui doit en être la conséquence nécessaire ; qu'elle fait ressortir qu'un délai de seulement trois jours lui aurait été imparti après avoir été informée, et qu'elle n'a ainsi pas été mise en mesure de faire valoir ses observations dans le cadre d'un délai suffisant ; qu'alors que la caisse répond que l'objet du litige en l'espèce ne consiste aucunement dans l'appréciation du caractère suffisant du délai imparti, mais dans le fait que la société NAPHTACHIMIE s'était désistée de son recours ; qu'ainsi, selon le principe de la chose précédemment jugée, ou décidée, la société employeur ne peut plus invoquer l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie ; qu'en effet, conformément aux dispositions de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée, ou décidée, a lieu lorsque la chose demandée est la même, la demande fondée sur la même cause, et entre les mêmes parties ; que le premier juge a rappelé que par lettre du 12 août 2004, la société NAPHTACHIMIE a fait connaître à la caisse qu'elle se désistait de son recours en date du 16 juillet 2004 formé devant la commission de recours amiable en contestation de la maladie professionnelle de Henri X... ; que le désistement du 12 août 2004 étant irrévocable, le premier juge en a ensuite exactement déduit que ce désistement a conféré l'autorité de la chose décidée à la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, faisant obstacle à la présentation d'une nouvelle contestation ayant le même objet que la précédente, à laquelle il avait été renoncé ; qu'en conséquence, la décision prise par l'organisme social de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie de Henri X... est opposable à la société employeur, et ce, avec toutes conséquences de droit concernant les éventuelles actions récursoires de la caisse telles que rappelées par le premier juge » ;
AUX MOTIFS PRESUMES ADOPTES QUE « sur l'action récursoire de la caisse à l'encontre de la société NAPHTACHIMIE, qu'il ressort des éléments du dossier que la société NAPHTACHIMIE a contesté, suivant lettre datée du 16 juillet 2004, la reconnaissance par la CPCAM des Bouches-du-Rhône de l'origine professionnelle de la maladie de Monsieur X... et de son décès (décision prise par la CPCAM le 12 juillet 2004) ; que selon lettre du 12 août 2004, la société NAPHTACHIMIE a fait connaître à la CPCAM qu'elle se désistait de son « recours en date du 16 juillet 2004 devant la Commission de recours amiable (¿) » ; que si l'employeur est habile à contester, lors de l'instance tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable, la décision de la Caisse d'assurance maladie ayant reconnu l'origine professionnelle de la maladie (et du décès), quand bien même il n'avait élevé aucune contestation lors de la notification en ce sens qu'il avait reçue de la caisse, il en va autrement lorsque, ayant contesté la décision de la CPCAM devant la Commission de recours amiable, l'employeur s'en est par la suite désisté ; que ce désistement est irrévocable, confère à la décision initialement attaquée l'autorité de la chose décidée et fait obstacle à la présentation d'une nouvelle contestation ayant le même objet que la précédente à laquelle il a été renoncé ; que dès lors que la société NAPHTACHIMIE n'est plus recevable à remettre en cause la décision de la CPCAM rendue le 16 juillet 2004, laquelle lui est opposable ; que la CPCAM des Bouches-du-Rhône pourra donc récupérer auprès de l'employeur les dépenses dont elle fera l'avance ; que la société NAPHTACHIMIE, partie succombante au principal, doit verser aux demanderesses la somme de 1 000 ¿ par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; qu'enfin eu égard à l'ancienneté particulière du litige, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur de la moitié des indemnités allouées » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'il appartient aux juges du fond de vérifier que la manifestation de volonté de se désister d'une action en justice a été certaine, claire et non équivoque ; qu'à défaut d'une manifestation de volonté expresse d'abdiquer une action par son titulaire, la volonté du renonçant doit ressortir sans ambigüité des circonstances dans lesquelles l'acte juridique est intervenu ; qu'au cas présent, en considérant qu'un simple désistement de la société NAPHTACHIMIE dans une instance devant la commission de recours amiable emporterait désistement renonciation son droit d'action, sans rechercher si elle avait eu l'intention d'abdiquer son droit d'agir, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 30 du Code de procédure civile, l'action en justice se compose, d'une part, de la faculté « pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » et, d'autre part, du droit « pour l'adversaire, (¿) de discuter le bien-fondé de cette prétention » ; que si, par le désistement à l'action, le renonçant abdique le droit de former une demande, cette abdication n'entraine pas l'extinction de son droit de discuter du bien-fondé de la prétention formulée par son adversaire ; que le désistant conserve par conséquent la faculté de formuler une défense par voie d'exception à l'encontre de la prétention de son adversaire ; qu'au cas présent, en refusant d'examiner le moyen d'inopposabilité formé par la société NAPHTACHIMIE à l'encontre du recours subrogatoire de la Caisse, au motif inopérant que l'employeur s'était précédemment désisté de son recours en inopposabilité devant la Commission de recours amiable, la Cour d'appel a violé l'article 30 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE la garantie d'un procès équitable implique le droit d'avoir un accès concret et effectif à un tribunal ; qu'un tel droit ne peut être atteint dans sa substance même par des règles procédurales empêchant un sujet de droit de se défendre contre une prétention ; qu'au cas présent, en jugeant irrecevable le moyen de défense au fond de la société NAPHTACHIMIE à l'encontre du recours subrogatoire de la Caisse, au motif inopérant que l'employeur s'était précédemment désisté de son recours en inopposabilité devant la Commission de recours amiable, cependant qu'aucun décision au fond ayant acquis l'autorité de la chose jugée n'était intervenue, la Cour d'appel a violé l'article 6-1 de la CESDH ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, SUBSIDIAIREMENT, QU'un moyen de défense au fond ne peut pas faire l'objet d'une fin de non-recevoir ; qu'une fin de non-recevoir ne peut donc être opposée à une prétention tendant au rejet du recours subrogatoire de la Caisse ; qu'au cas présent, en refusant d'examiner la requête de l'employeur visant à rejeter le recours subrogatoire de la Caisse aux motifs qu'il se serait désisté de son action, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 122 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-13804
Date de la décision : 03/04/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 avr. 2014, pourvoi n°13-13804


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13804
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