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25/03/2014 | FRANCE | N°12-29534

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mars 2014, 12-29534


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Guerlain que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société FGM-Arôme et beauté (la société FGM) ;
Attendu que la société de droit chilien FGM, qui, depuis 1991, distribuait au Chili les parfums et produits cosmétiques de la société Guerlain, a conclu avec cette dernière, le 1er janvier 1999, un contrat de distribution d'une durée de trois ans, renouvelable ensuite pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 mai 2003, la s

ociété Guerlain lui a notifié la résiliation immédiate du contrat de distri...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Guerlain que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société FGM-Arôme et beauté (la société FGM) ;
Attendu que la société de droit chilien FGM, qui, depuis 1991, distribuait au Chili les parfums et produits cosmétiques de la société Guerlain, a conclu avec cette dernière, le 1er janvier 1999, un contrat de distribution d'une durée de trois ans, renouvelable ensuite pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 mai 2003, la société Guerlain lui a notifié la résiliation immédiate du contrat de distribution ; qu'estimant cette rupture brutale et abusive et reprochant à la société Guerlain des manquements à ses obligations contractuelles, notamment à la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait, la société FGM l'a fait assigner en réparation de ses préjudices ; que la société Guerlain lui a reconventionnellement réclamé des dommages-intérêts pour avoir négligé la distribution de ses produits ;
Sur premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Guerlain fait grief à l'arrêt du rejet de la fin de non-recevoir tirée de ce que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne sont pas applicables dans la meure où le dommage s'est en l'espèce produit au Chili alors, selon le moyen :
1°/ que le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et que la loi applicable à cette responsabilité est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit ; qu'en affirmant au contraire, pour appliquer la loi française à un litige commercial concernant le seul territoire chilien, qu'aux termes de l'article 3 du code civil, les obligations extra contractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance et que le fait générateur est constitué en l'espèce par la rupture du contrat prononcée, en France, par la société Guerlain, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article L. 442-6 du code de commerce ;
2°/ qu'en considérant qu'un lien étroit entre la France et le fait dommageable pouvait résulter de la relation contractuelle préexistante entre les parties, en l'espèce des relations commerciales de plus de 12 ans que les parties ont formalisées par un contrat conclu à Paris et désignant le droit français comme loi applicable, après avoir constaté que le contrat rompu avait conféré à la société chilienne FGM le droit exclusif d'importer et de vendre les produits Guerlain sur le marché local du Chili et les zones franches d'impôts d'Iquique et de Punta Arenas et que les relations économiques entre les parties se situaient hors du territoire français, ce dont il résultait que le contrat de distribution devait être intégralement exécuté au Chili de sorte que la rupture en cause ne pouvait donc affecter que le territoire chilien, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article L. 442-6 du code de commerce ;
3°/ que l'action en justice résultant de l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n'est pas une action en responsabilité contractuelle, mais une action en responsabilité délictuelle ; que la convention de Rome du 19 juin 1980 concernant la loi applicable aux obligations contractuelles, n'est pas transposable aux obligations extra contractuelles : qu'en se fondant sur l'article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles pour décider d'appliquer au présent litige les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce français compte tenu de leur caractère d'ordre public, tout en admettant que les obligations en cause étaient extracontractuelles, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ensemble l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
4°/ qu'à supposer même que la convention de Rome puisse s'appliquer en matière délictuelle, les lois de police française ne peuvent s'imposer que s'il existe un lien étroit entre l'obligation en cause et le territoire français, ce qui implique que l'obligation contractuelle aurait dû en principe être au moins partiellement exécutée en France ; qu'en considérant que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce doivent être appliquées compte tenu de leur caractère d'ordre public tout en constatant que le contrat rompu portait exclusivement sur la distribution de produits sur le territoire chilien, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ensemble l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;
Mais attendu que la loi applicable à la responsabilité extracontractuelle est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit et que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que de celui du lieu de réalisation de ce dernier ; qu'après avoir rappelé à juste titre qu'en cas de délit complexe, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable, l'arrêt retient que ces liens résultent en l'espèce de la relation contractuelle préexistant depuis plus de douze ans entre les parties, que celles-ci ont formalisé par un contrat conclu à Paris, en désignant le droit français comme loi applicable et le tribunal de commerce de Paris comme juridiction compétente ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et abstraction faite du motif surabondant visé par les deux dernières branches, la cour d'appel, en retenant que la loi applicable à la demande de dommages-intérêts formée par la société FGM était la loi française, a fait l'exacte application des articles 3 du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; qu'inopérant en ses deux dernières branches, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société Guerlain aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société FGM-Arôme et beauté ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Guerlain.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de nonrecevoir de la société GUERLAIN tirée de ce que les dispositions de l'article L 442-6 5° du Code de commerce ne sont pas applicables dans la mesure où le dommage s'est en l'espèce produit au Chili et d'avoir, en conséquence, jugé que la société GUERLAIN avait rompu de manière brutale et abusive la relation commerciale établie avec la société FGM, dit que la durée du préavis raisonnable était de 12 mois et condamné la société GUERLAIN à payer à la société FGM la somme de 111 327 221, 70 pesos chiliens ou son équivalent en euros soit 149 478 € au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale du contrat de distribution et celle de 100 000 € au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE (...) la société FGM a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les fautes qu'elle avait commises n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une rupture du contrat sans observation d'un délai de préavis raisonnable sauf à critiquer le préavis octroyé comme insuffisant sur le fondement de l'article L 442-6 5° du code de commerce ; que la société GUERLAIN soutient que les fautes reprochées à la société FGM étaient d'une gravité telle qu'elles rendaient impossible la poursuite du contrat ; qu'elle conclut à une fin de nonrecevoir au motif que les dispositions de l'article L 442-6, 5° du code de commerce engagent la responsabilité délictuelle de leur auteur et que la loi applicable est celle de l'Etat où le fait dommageable s'est produit nonobstant la loi désignée par le contrat ; que, toutefois, au terme de l'article 3 du code civil, les obligations extracontractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance ; que le fait générateur est constitué par la rupture du contrat prononcée en France par la société GUERLAIN ; que de plus, en cas de délit complexe lorsque le lieu du fait générateur et le lieu de réalisation du dommage sont distincts, il y a lieu de rechercher le pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable, un tel lien pouvant résulter de la relation contractuelle préexistante entre les parties, en l'espèce des relations commerciales de plus de 12 ans que les parties ont formalisées par un contrat conclu à Paris et désignant le droit français comme loi applicable et le tribunal de commerce de Paris comme juridiction compétente ; qu'enfin les dispositions de l'article L 442-6, 5° du code de commerce en ce qu'elles sont cruciales pour l'organisation de l'ordre économique et constituent des dispositions de police présentent un caractère impératif qui leur permet en vertu de l'article 7 de la convention de Rome de régir la situation ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société GUERLAIN (...) (arrêt p. 12) ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE (...) l'article 1 du contrat stipule « GUERLAIN concède au distributeur qui l'a accepté le droit exclusif d'importer et de vendre les produits dans le territoire » ; que l'article 2 définit ainsi le territoire : « Le terme territoire vise le marché local du Chili et les zones franches d'impôts d'Iquique et de Punta Arenas » (arrêt p. 6) ;
1°) ALORS QUE le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et que la loi applicable à cette responsabilité est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit ; qu'en affirmant au contraire, pour appliquer la loi française à un litige commercial concernant le seul territoire chilien, qu'aux termes de l'article 3 du code civil, les obligations extracontractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur a donné naissance et que le fait générateur est constitué en l'espèce par la rupture du contrat prononcée, en France, par la société GUERLAIN, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article L 442-6 du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en considérant qu'un lien étroit entre la France et le fait dommageable pouvait résulter de la relation contractuelle préexistante entre les parties, en l'espèce des relations commerciales de plus de 12 ans que les parties ont formalisées par un contrat conclu à Paris et désignant le droit français comme loi applicable, après avoir constaté que le contrat rompu avait conféré à la société chilienne FGM le droit exclusif d'importer et de vendre les produits GUERLAIN sur le marché local du Chili et les zones franches d'impôts d'Iquique et de Punta Arenas et que les relations économiques entre les parties se situaient hors du territoire français ce dont il résultait que le contrat de distribution devait être intégralement exécuté au Chili de sorte que la rupture en cause ne pouvait donc affecter que le territoire chilien, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 3 du code civil, ensemble l'article L 442-6 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE l'action en justice résultant de l'application de l'article L 442-6 5° du Code de commerce n'est pas une action en responsabilité contractuelle, mais une action en responsabilité délictuelle ; que la convention de Rome du 19 juin 1980 concernant la loi applicable aux obligations contractuelles, n'est pas transposable aux obligations extracontractuelles : qu'en se fondant sur l'article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles pour décider d'appliquer au présent litige les dispositions de l'article L 442-6 du Code de commerce français compte tenu de leur caractère d'ordre public, tout en admettant que les obligations en cause étaient extracontractuelles, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ensemble l'article L 442-6 5° du code de commerce ;
4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'à supposer même que la convention de Rome puisse s'appliquer en matière délictuelle, les lois de police française ne peuvent s'imposer que s'il existe un lien étroit entre l'obligation en cause et le territoire français, ce qui implique que l'obligation contractuelle aurait dû en principe être au moins partiellement exécutée en France ; qu'en considérant que les dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce doivent être appliquées compte tenu de leur caractère d'ordre public tout en constatant que le contrat rompu portait exclusivement sur la distribution de produits sur le territoire chilien, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ensemble l'article L 442-6 5° du code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la société GUERLAIN avait rompu de manière brutale et abusive la relation commerciale établie avec la société FGM, et d'avoir, en conséquence, dit que la durée du préavis raisonnable était de 12 mois et condamné la société GUERLAIN à payer à la société FGM la somme de 111 327 221, 70 pesos chiliens ou son équivalent en euros soit 149 478 € au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale du contrat de distribution outre celle de 100 000 € au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE (...) la société FGM a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les fautes qu'elle avait commises n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier une rupture du contrat sans observation d'un délai de préavis raisonnable sauf à critiquer le préavis octroyé comme insuffisant sur le fondement de l'article L 442-6 5° du code de commerce ; que la société GUERLAIN soutient que les fautes reprochées à la société FGM étaient d'une gravité telle qu'elles rendaient impossible la poursuite du contrat (...) ; que la société GUERLAIN fait valoir que le contrat de distribution comporte une clause résolutoire de plein droit s'appliquant en cas de : cession ou de changement de contrôle du distributeur, non atteinte par le distributeur du chiffre d'affaires minimum d'achat de l'année écoulée, défaut d'accord des parties sur la révision du montant minimum d'achat au plus tard à la fin du mois de janvier de l'année concernées, cessation des paiements, liquidation ou autre hypothèse d'insolvabilité (et) non-respect ou violation par le distributeur de l'une quelconque des obligations du contrat et dans cette hypothèse si le manquement est susceptible de remède, un délai de 30 jours à compter d'une notification infructueuse ; que la société GUERLAIN affirme qu'en l'absence de mesures susceptibles de remédier aux manquements relevés, elle avait, après une lettre du 23 janvier 2003 par laquelle elle avait demandé à FGM de s'expliquer sur l'état du marché chilien, sur l'état de son stock et de communiquer les justificatifs de l'emploi du budget publicité et de promotion pour les années 2001 et 2002, notifié par une lettre du 10 mars 2003 qu'elle se réservait « d'exercer tous les droits résultant de l'accord de distribution en ce compris le droit de mettre fin à notre accord pour protéger nos opérations au Chili » ; qu'elle estime que ce courrier constitue une mise en demeure non équivoque et que la société FGM n'a pas dans le délai de 30 jours répondu à ses demandes ; que toutefois ce courrier a été suivi d'une réunion et d'une lettre en date du 1er avril 2003 dans laquelle la société GUERLAIN a écrit « Nous vous avons demandé à plusieurs reprises de nous envoyer votre business plan et votre stratégie pour notre marque.... Enfin dans votre courrier en date du 21 mars vous nous avez informé que notre marque avait été évincée d'une chaîne clé de department stores au Chili-Falabella-et une fois de plus vous avez demandé à GUERLAIN des dédommagements » indiquant également « Nous avons apprécié avec Erika X...d'avoir pu parler des différents points en suspens. Nous espérons réellement être ainsi parvenus à la même compréhension de la situation » ; qu'en conséquence, le courrier du 10 mars qui faisait grief à la société FGM de ne pas avoir apporté de réponse au précédent mais n'articulait aucun grief précis sur des manquements du distributeur à ses obligations contractuelles ne saurait constituer une interpellation suffisante et valant mise en demeure ; qu'il s'ensuit que la résiliation résulte du seul courrier du 23 mai 2003 à effet immédiat ; que la société GUERLAIN soutient qu'aux termes de l'article Il. 2. 2 du contrat, la résiliation pouvait être notifiée immédiatement au distributeur si le manquement ou la violation n'était pas susceptible de remède ; que l'article 11. 2. 2 du contrat stipule que « Cependant dans l'hypothèse où le distributeur commettrait une violation manifestement sérieuse telle qu'en serait affectée en particulier la réputation de la marque GUERLAIN, GUERLAIN aura le droit de suspendre immédiatement l'exécution du présent accord et de prendre directement en charge la fourniture des clients sur le territoire » ; qu'il convient de relever que la notification faite par la société GUERLAIN ne fait pas état d'une procédure de suspension et que la société GUERLAIN n'a pas pris en charge directement la fourniture des clients mais a fait choix d'un nouveau distributeur pour remplacer la société FGM ; qu'il s'agit en l'espèce d'une rupture des relations commerciales ; que l'article L 442-6-1-5° du code de commerce dispose qu'« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie. sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels sauf en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure » ; que la société GUERLAIN reproche à son distributeur d'avoir commis des fautes graves, attentatoires à la marque GUERLAIN, insusceptibles de remèdes et justifiant une résiliation immédiate ; que la société GUERLAIN soutient que la société FGM qui distribuait plusieurs autres marques de luxe a délibérément abandonné la marque GUERLAIN ; qu'elle se fonde sur des statistiques établies par la société Segmenta dont elle est la cliente et qui ne présentent donc pas un degré d'objectivité suffisant d'autant qu'elles sont contredites par le rapport d'audit du cabinet d'expertise comptable Ahumada produit par la société FGM ; que la société GUERLAIN ne saurait reprocher à la société FGM le non-respect des minima de vente antérieurs à la reconduction du contrat de distribution en 2002 ou de minima contractuels en 2002 ou 2003 alors que leur montant n'a pas été fixé de façon précise et en tout état de cause n'a jamais été accepté par la société FGM ; que la société GUERLAIN a d'ailleurs conclu que « La question de la légitimité de la rupture ne dépend pas de l'atteinte ou de la non atteinte des minima contractuels » ; que d'ailleurs, la société GUERLAIN a reconduit le contrat du 1er janvier 1999 qui comportait des objectifs qui n'ont jamais été atteints sans avoir formalisé la moindre observation, félicitant au contraire son distributeur pour les résultats obtenus soit une hausse de 30 % du chiffre d'affaires entre 2000 et 2001 et reconnaissant que le report du lancement de certains produits et la hausse de ses prix n'avaient pas permis d'atteindre le chiffre d'affaires escompté ; que la société GUERLAIN n'a jamais invoqué les dispositions de l'article Il. 2. 3 du contrat qui lui donnaient la possibilité de résilier, pendant le premier trimestre calendaire, l'accord de distribution avec effet immédiat en cas de non atteinte par le distributeur de ses objectifs de l'année précédente ; que, de plus, le contrat a prévu en cas de renouvellement tacite que les objectifs d'achats et de chiffre d'affaires devaient être révisés d'un commun accord entre les parties ce qui n'a pas été le cas, la société GUERLAIN mentionnant dans ses différents courriers des objectifs d'achats variables ; que la société GUERLAIN a écrit le 7 décembre 2001 : « Par rapport à octobre 2000, la hausse est de 31 % en dollars et de 53 % en pesos chiliens en raison de la dévaluation de la monnaie.... Nous devrions clôturer l'année 2001 avec un chiffre d'affaires d'environ 400 000 USD ce qui représente une hausse de 35 % par rapport à 2000. Pour l'année 2002, l'objectif minimum que nous nous sommes fixé est de 600 000 USD qui représenterait une hausse de 50 % par rapport à l'année précédente » ; que la société FGM justifie d'un chiffre d'affaires qui au moment de la rupture, soit sur 4 mois et demi, était de 218 247USD et en hausse alors qu'il avait déjà progressé de 346 446USD en 2001 à 355 579USD en 2002, chiffres qui démontrent qu'elle se situait dans les objectifs souhaités par la marque ; que la société GUERLAIN prétend que sa marque a été déréférencée de la chaîne de magasins Falabella alors qu'elle a seulement été avisée par la société FGM que cette chaîne souhaitait procéder à un retour de stocks ; que la société FGM produit une attestation du dirigeant de cette chaîne qui atteste que les produits GUERLAIN ont continué à être commercialisés dans ses 14 points de vente et que ceux-ci ont été fournis par FGM jusqu'au mois de mai 2003 ; que la société GUERLAIN soutient que la société FGM aurait affecté le budget publicitaire de la marque GUERLAIN à d'autres marques ; qu'il s'agit d'une affirmation reposant sur la critique d'une technique publicitaire ayant consisté à présenter côte à côte des produits de différentes marques sans que celle-ci soit imputable à FGM, qui justifie par ailleurs de pages publicitaires entières ayant eu pour seul objet un parfum GUERLAIN ; que l'association de produits de luxe, fussent-ils de marque différente, ne banalise pas pour autant l'une d'elles ; que la société GUERLAIN reproche à son distributeur d'avoir vendu au détail et produit trois certificats notariés constatant des achats réalisés le 25 octobre 2002 par Mme Maria José Y...et le 12 mai 2002 par Mme Pilar Z...de plusieurs marques dont la sienne au siège de la société ; que la société FGM fait valoir qu'il s'agit d'une pratique ancienne connue et acceptée par GUERLAIN et produit une attestation de M. Marc A..., directeur régional de la marque GUERLAIN entre 1989 et 1997 qui atteste « les ventes spéciales (produits périmés et autres) ou avec remises furent effectuées uniquement dans le magasin interne de la société, exclusivement à ses employés, leurs familles et invités spéciaux » ; que la société FGM mentionne que le distributeur des produits GUERLAIN qui lui a succédé possède aussi un store office au sein duquel il procède aussi à des ventes aux consommateurs avec des réductions de prix pouvant atteindre 65 % et donnant lieu à des publicités ; que si la société GUERLAIN reproche à la société FGM d'avoir reçu des commandes qu'elle a fait livrer par bus, la société FGM affirme qu'il s'agissait de commandes de ses détaillants, sans que la preuve contraire soit rapportée ; que la société GUERLAIN reproche à la société FGM d'avoir procédé à l'écoulement clandestin de stocks de produits retirés du marché ; que la société FGM verse trois certificats en date des 2 et 4 octobre 2001 attestant de destructions de produits qu'elle a fait authentifier par acte notarié ; que la société GUERLAIN ne peut prendre prétexte de la date d'authentification pour remettre en cause l'un d'eux ; que la société GUERLAIN reproche à la société FGM d'avoir utilisé ses comptoirs pour exposer des produits concurrents et produit un constat dressé le 9 avril 2003 par Maître Félix C..., notaire à Santiago, dans deux magasins Almacenes Paris situés dans deux centres commerciaux de Santiago ; que celui-ci a mentionné « je me suis rendu.... aux fins de constater la présence d'un counter d'exposition des produits de parfumerie de la marque Yves Saint Laurent » ; que si des photographies et un épigraphe apposé sur celles-ci ont été produits avec le constat, la société FGM produit une attestation de Maître Félix C...qui affirme ne pas en être l'auteur ; que de plus ces photographies ne sont pas datées et comportent un commentaire en anglais alors que le constat a été dressé en espagnol ; qu'un cachet y est apposé alors que l'une des photographies avait déjà été communiquée sans cachet ; qu'en toute hypothèse, l'utilisation des comptoirs GUERLAIN relevait de la responsabilité des détaillants et non de la société FGM ; qu'enfin plusieurs intervenants de l'industrie du luxe et notamment les représentants des enseignes en charge de la vente des produits GUERLAIN au Chili témoignent des qualités professionnelles de la société FGM et de son dirigeant ; que M. A..., directeur de la zone Amérique du Sud pour la société GUERLAIN pendant 10 ans atteste « Pendant tout le temps que je fus chargé du marché chilien, je peux sans aucun doute qualifier le travail de M B...et de l'équipe de FGM Arôme et Beauté comme extrêmement positif et satisfaisant pour les parfums GUERLAIN » ; qu'en conséquence, la société GUERLAIN ne démontre aucun manquement sérieux de la société FGM à ses obligations contractuelles et aucune faute de nature à porter atteinte à sa marque ou à créer pour elle un trouble justifiant une résiliation sans préavis ; que la société GUERLAIN ne conteste pas l'existence de relations commerciales établies mais expose qu'il s'agit d'une relation de 10 ans et n'ayant entraîné aucune dépendance économique du distributeur ; que la société FGM fait état d'une relation de 12 ans, faisant valoir qu'elle a été le distributeur exclusif de la marque GUERLAIN au Chili de 1999 à 2003 et que la revente des produits GUERLAIN a constitué au cours de ces années une part non négligeable de son chiffre d'affaires et qu'il a toujours été en progression ; que c'est la société FGM qui a lancé la marque au Chili alors qu'elle y était inconnue et a investi de façon importante en termes de publicité ; qu'il convient de relever que la société GUERLAIN indique que le marché chilien des produits de beauté est devenu au cours de la décennie le plus dynamique d'Amérique latine, tout en étant un marché étroit et extrêmement concentré ; que la société GUERLAIN reconnaît également que jusqu'à la fin des années 1990, la marque GUERLAIN se trouvait reléguée aux environs du 15ème rang en termes de parts de marché par rapport à ses concurrents au Chili ; qu'elle relate que c'est en 1991 qu'une société FGM International a acquis un stock de produits GUERLAIN et que cette société a été reprise par la société FGM Arômes et Beauté le 19 janvier 1998 ; que la société GUERLAIN reconnaît qu'aux termes de l'annexe 7 du contrat, la société FGM s'était engagée à constituer et à maintenir à ses frais exclusifs « une équipe de vente dédiée hautement qualifiée » en charge de la distribution GUERLAIN composée de quatre personnes dont un responsable de la marque dont il était stipulé que FGM ne pouvait en changer sans l'accord préalable de la société GUERLAIN ; que dès lors, en présence d'une relation commerciale établie depuis plus de 12 ans et des circonstances de la rupture, il y a lieu de fixer à 18 mois la durée du préavis dont aurait raisonnablement dû bénéficier FGM et de réformer en ce sens la décision entreprise ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE sur le préjudice de la société FGM, le préjudice au titre du préavis non exécuté doit correspondre à la perte de marge brute escomptée au cours de cette période ; que le chiffre d'affaires des trois dernières années d'application du contrat s'établit à : 147 109 889 pesos, 171 577 465 pesos, 176 100 209 pesos ; que le taux de marge de 45 % n'est pas contesté ; que le préjudice de la société FGM à raison du préavis non exécuté doit être fixé à la somme de 111 327 221, 70 pesos chiliens ou son équivalent en euros soit 149 478 € ; que dans la fixation du préavis, il a été tenu compte de l'existence d'un personnel dédié et donc de son licenciement ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter au montant retenu au titre du préavis non exécuté ; que la société FGM ajoute avoir subi un préjudice moral ; que la société FGM, ayant été évincée brutalement du marché chilien par une marque prestigieuse après plus de 12 ans de relations commerciales, a nécessairement subi un préjudice, cette décision étant de nature à créer une suspicion auprès de ses clients et portant atteinte à son image et à sa réputation ; qu'en conséquence la cour condamnera la société GUERLAIN à lui payer la somme de 100. 000 € en réparation de son préjudice moral ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE (¿) sur la demande de la société FGM au titre de factures impayées, la société FGM reproche à la société GUERLAIN de ne pas lui avoir réglé des factures pour un montant de 189 418 USD soit 153. 440 euros ; que les premiers juges ont rejeté la demande de la société FGM en considérant que les factures n'étaient pas certifiées conformes ; que le droit français ne dispose pas d'une telle obligation en matière de facturation ; que la société GUERLAIN conteste cette demande et fait valoir que, d'une part par un courrier en date du 8 novembre 2002, la société FGM indiquait avoir procédé à la compensation de factures en raison de retards de paiement et chiffrait le solde que la société GUERLAIN restait lui devoir à la somme de 19 341, 78 USD, d'autre part que ce courrier faisait suite à celui qu'elle-même avait adressé à la société FGM le 28 août 2002 lui rappelant qu'elle avait un solde impayé de 88 851, 85 USD au 27 avril 2002 ; qu'en opérant une compensation, la société FGM se reconnaissait débitrice ; que la société FGM, après avoir réclamé la somme de 204. 792, 11 US a émis le 21 mars 2003 une facture pour un montant de 235. 895, 11 USD et correspondant à des frais d'exploitation engagés pour la société GUERLAIN, des frais promotionnels engagés pour la société GUERLAIN, des meubles d'exposition, les salaires des superviseurs directs les salaires des superviseurs indirects, les salaires des consultants des points de vente ; qu'elle ne démontre pas de la réalité des prestations ainsi visées, ni qu'elles étaient à la charge de la société GUERLAIN ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société FGM de ses demandes à ce titre (arrêt p. 11 et 12) ;

1°) ALORS QUE la rupture sans préavis d'une relation commerciale établie n'est brutale que si le contractant évincé n'a pas préalablement adressé des factures injustifiées à l'auteur de la rupture ou exigé de lui des prestations non contractuellement prévues : qu'en décidant que la rupture sans préavis, le 23 mai 2003, des relations commerciales établies était imputable à la société GUERLAIN après avoir constaté que la société FGM avait, plusieurs mois avant la rupture, exigé à tort de la société GUERLAIN le paiement de prestations dont la réalité n'a jamais été établie, opéré d'elle-même une compensation avec ses propres retards de paiement et cessé d'exécuter le contrat en s'abstenant de passer des commandes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L 442-6 5° du code de commerce ;
2°) ALORS QU'en décidant que la rupture des relations commerciales établies le 23 mai 2003 était imputable à la société GUERLAIN, sans vérifier comme elle y avait été invitée si préalablement à cette rupture, la société FGM n'avait cessé toute commande et menacé de cesser de distribuer les produits GUERLAIN en cas de non paiement immédiat par GUERLAIN de factures injustifiées ou encore subordonné la reprise de ses commandes au règlement desdites factures, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 442-6 5° du code de commerce ;
3°) ALORS QUE la durée du préavis est fixée en tenant compte non seulement de la durée de la relation commerciale, mais aussi des autres circonstances de l'espèce et notamment des solutions alternatives existantes pour celui dont le contrat a été résilié ; qu'en fixant la durée du préavis, en fonction de la seule durée des relations commerciales établies et « des circonstances de la rupture », sans tenir compte des solutions alternatives existantes, la cour d'appel a violé l'article L 442-6 5° du code de commerce ;
4°) ALORS QU'en fixant dans ses motifs à 18 mois la durée du préavis raisonnable dont la société FGM aurait dû bénéficier, puis en précisant dans son dispositif que « la durée du préavis raisonnable est de 12 mois », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société GUERLAIN avait commis des manquements contractuels en procédant à des ventes directes sur le territoire contractuel concédé à titre exclusif à la société FGM et d'avoir, en conséquence, condamné la société GUERLAIN à payer à la société FGM la sommes de 334 855 $ au titre du préjudice subi du fait de la violation de l'exclusivité contractuelle entre janvier 1999 et juin 2003 ou son équivalent en euros selon les taux de change en vigueur au 31 décembre pour chacune des années de 1999 à 2002 et au 23 mai 2003 ;
AUX MOTIFS QUE sur la violation de l'exclusivité contractuelle alléguée par la société FGM, si la société GUERLAIN ne conteste pas avoir revendu des produits à trois revendeurs des zones franches chiliennes, elle affirme l'avoir fait sans avoir eu conscience de porter atteinte à l'exclusivité territoriale de FGM et prétend que cette atteinte n'a pas causé de préjudice à la société FGM qui ne disposait pas de revendeurs dans cette zone ; que la société FGM fait valoir au contraire que la société GUERLAIN n'a eu de cesse de minimiser ces ventes en dissimulant au tribunal des informations essentielles de sorte que sa demande indemnitaire à ce titre a été rejetée ; que l'article 1 du contrat stipule « GUERLAIN concède au distributeur qui l'a accepté le droit exclusif d'importer et de vendre les produits dans le territoire » ; que l'article 2 définit ainsi le territoire : « Le terme territoire vise le marché local du Chili et les zones franches d'impôts d'Iquique et de Punta Arenas » ; qu'en cause d'appel la société FGM produit quatre factures établies par la société GUERLAIN en août et décembre 2001, correspondant à des livraisons effectuées depuis son entrepôt français à destination de la société Importaciones Eximbem à Iquique au Chili ; que la société GUERLAIN fait valoir qu'il s'agit de livraisons effectuées par erreur ; que, toutefois, à la suite de la sommation qui lui a été délivrée par la société FGM d'en justifier, elle a fait valoir ne pouvoir y donner suite que pour la période de 2001 à 2003, les archives pour la période antérieure au 1er janvier 2002 ayant été détruites ; qu'elle ne verse qu'une attestation de son commissaire aux comptes pour la période 2002/ 2003 qui indique ne pas avoir mis en oeuvre de procédure pour s'assurer de l'existence éventuelle de relations commerciales avec d'autres distributeurs sur le marché chilien que ceux recensés sur l'état récapitulatif, étant observé que cet état récapitulatif a été dressé par le directeur financier de la société GUERLAIN ; qu'en revanche, la société FGM produit deux certificats établis par l'administration des douanes chiliennes qui démontrent que la société GUERLAIN a réalisé, entre le 16 mars 1999 et le 30 novembre 2001, 76 opérations d'importation de ses produits dans la zone franche d'Iquique dont aucune n'était destinée à la société FGM et au cours des mois d'octobre 1999, mars et octobre 2000, août et octobre 2002, 25 opérations d'importation de ses produits dont 10 seulement étaient destinées à FGM ; qu'il résulte des factures produites par la société GUERLAIN qu'en 2001, 12 ont été adressées à la société Terra Australis distributeur dans la zone franche de Punta Arenas pour un montant de 29 580 € et une facture en 2002 pour un montant de 4 188 € ; qu'ainsi il est justifié pour les seules années 2001 et 2002 que la société GUERLAIN a réalisé des ventes directes auprès de deux distributeurs situés dans les zones franches d'Iquique et de Punta Arenas lesquels faisaient partie du territoire concédé à titre exclusif à la société FGM ; que la société GUERLAIN fait état de la situation particulière des aéroports et fait valoir qu'il existe un marché spécifique concernant les zones aéroportuaires dites duty free et duty paid avec des produits spécifiques par leur conditionnement, leurs modalités de présentation (coffret), leur exposition à la vente de sorte que ce marché est distinct du marché local avec lequel il ne saurait entrer en concurrence ; qu'elle reconnaît avoir vendu à la société Aldeasa en charge des boutiques de l'aéroport de Santiago, cette société ayant neuf magasins dont cinq situés dans la zone internationale, après le passage en douane dite « duty free » et quatre dans la zone domestique dite « duty paid » ; que la comparaison des contrats de distribution conclus par la société GUERLAIN d'une part avec la société FGM, d'autre part avec la société Givenchy démontre que dans ce dernier cas, le contrat a prévu expressément l'exclusion des deux zones ; qu'il convient d'en déduire que telle n'était pas l'intention des deux parties à l'occasion du contrat liant les sociétés GUERLAIN et FMG ; que le marché dit duty paid ne bénéficie sur le sol chilien d'aucun statut particulier le distinguant du marché domestique ; que même si la société FGM connaissait la situation particulière de la société Aldeasa au motif que l'une de ses filiales a mis à disposition de la société Aldeasa une de ses salariées dont le salaire était pris en charge par la société GUERLAIN, il convient de relever qu'elle s'en est plaint sans que la société GUERLAIN réagisse ; qu'ainsi en procédant à des ventes directes alimentant des magasins situés dans des zones aéroportuaires situées en dehors du duty free international la société GUERLAIN a violé sciemment l'exclusivité territoriale de la société FGM ; qu'enfin l'article 1er du contrat stipule que « GUERLAIN prendra toute mesure raisonnable pour empêcher toute importation illicite des produits dans le territoire » ; que par courrier du 4 29 janvier 2002, la société FGM lui a indiqué qu'elle se trouvait confrontée à « une augmentation du marché parallèle irrégulier qui nous affaiblit face aux négociations avec les détaillants et limite notre présence sur le marché » ; que par lettre du 13 mars 2003, la société FGM a également attiré l'attention de la société GUERLAIN sur l'approvisionnement des boutiques Aldeasa situées en dehors de la zone duty free ; que la société GUERLAIN a de façon constante affirmé que ces approvisionnements provenaient d'autres marchés alors qu'elle-même par le biais de son service travel retail était à l'origine d'une partie de ceux-ci ; que la société GUERLAIN expose que les zones franches de Punta Arenas et d'Iquique n'avaient qu'un intérêt limité pour la société FGM dans la mesure où celleci ne disposait d'aucun point de vente et que l'article 8 du contrat oblige la société FGM à « obtenir de GUERLAIN son accord préalable avant de vendre les produits à tout nouveau détaillant », autre que ceux visés à l'annexe 5 ; que les termes du contrat et l'annexe jointe mettent en évidence que les deux parties ont entendu fixer une liste de détaillants que la société FGM était autorisée à approvisionner ; qu'en conséquence afin de pouvoir livrer un nouveau détaillant, FGM devait obtenir l'autorisation de GUERLAIN ; que la société FGM fait valoir qu'elle disposait par l'intermédiaire de la société B...dans laquelle elle avait des intérêts capitalistiques de trois points de vente à Iquique et qu'en raison des conditions de vente dans les zones franches similaires à celles des duty free, la société GUERLAIN livrait directement la société B...afin de se conformer à la législation chilienne qui exige que les marchandises entreposées en zone franche proviennent de l'étranger ; que la société GUERLAIN reconnaît avoir accepté de procéder à une livraison à la société B..., avoir ensuite fait retirer par FGM des produits en stock à Iquique pour les replacer sur le marché intérieur, enfin lui avoir fait également détruire ceux retirés de la vente car périmés, ce qui démontre que la société FGM gérait les stocks de produits GUERLAIN de cette société et avait donc un intérêt dans la distribution des produits GUERLAIN en zone franche ; que la société GUERLAIN ne peut prétendre que les livraisons faites à la société B...ne participaient pas du contrat de distribution de la société FGM sauf à admettre avoir effectué celles-ci en violation de l'exclusivité territoriale dont bénéficiait la société FGM ; que de plus, la société GUERLAIN a écrit à la suite de la visite sur place les 18 et 19 avril 2002 de son représentant « J'ai profité de mon déplacement à Iquique pour visiter vos points de vente. Trois points de vente au total : 1113 1131 et 2087 », points de vente pour lesquels la société FGM souhaitait un agrément ; que les approvisionnements directs par la société GUERLAIN des grossistes et détaillants des zones franches ne pouvaient qu'influer négativement sur la demande d'agrément sollicitée par la société FGM pour l'ouverture de nouveaux points de vente dans la mesure où la société GUERLAIN avait déjà deux autres distributeurs ; qu'ainsi, contrairement aux affirmations de la société GUERLAIN, les ventes directes n'ont pas constitué un phénomène isolé qui aurait pu relever d'une erreur, les seules importations pour les zones franches ont fait l'objet pour les années 2001 et 2002 de 45 factures pour un montant de 101 350 USD soit plus de 48 % des achats réalisés sur la même période par la société FGM ; que, s'agissant des ventes directes à la société Aldeasa, la société FGM se réfère à la configuration actuelle de l'aéroport de Santiago qui comporte 9 magasins dont quatre en zone duty paid et chiffre son préjudice au prorata de cette répartition ; que, si elle verse une lettre des douanes chiliennes de 2006 faisant état de l'exploitation de quatre duty free sans préciser le nombre de duty paid, ce courrier ne permet pas de retenir une évolution de la configuration des boutiques de nature à inférer sur le montant du préjudice de la société FGM ; que la société GUERLAIN fait valoir que la marge doit s'appliquer aux prix qu'elle-même a facturé à la société Aldeasa et aux importateurs des zones franches ; que ce raisonnement ne peut être retenu dans la mesure où la perte de la société FGM est constituée par la marge que celle-ci aurait pratiquée sur les reventes aux détaillants ; qu'il y a lieu de retenir un seul mode de calcul dans la mesure où, si la société FGM a envisagé d'ouvrir des points de vente en zone franche auquel cas elle aurait également été détaillant, elle n'a fait une demande d'agrément à ce titre auprès de la société GUERLAIN qu'au cours des derniers mois de leur relation commerciale ; qu'elle ne peut en conséquence pas se prévaloir d'un préjudice à ce titre et que son seul préjudice est celui subi en tant que distributeur revendeur auprès de détaillants ; qu'il n'est pas contesté que la société FGM s'est vu imposer un taux de marge de 45 % ; que la société Aldeasa a procédé à des achats de produits GUERLAIN pour un montant de 104 474, 12 USD en2001, de 39 536, 06USD en 2002 et de 30 545, 86USD au premier semestre 2003 soit un total de 174 556USD dont une partie était nécessairement destinée aux quatre magasins duty paid ; que la société FGM expose que les ventes en duty paid déclarées pour l'année 2002 ont représenté 40, 88 % des ventes en duty free, soit 114 73, 34USD ce qui représente un montant mensuel à hauteur de 956USD ; qu'il y a lieu de retenir ce chiffre sans qu'il soit utile de procéder à une évaluation au prorata du nombre de boutiques situées à l'intérieur du territoire domestique chilien ; qu'en conséquence le montant des ventes au titre des magasins duty paid sur la période du 1er janvier 2001 au 23 mai 2003 sont de l'ordre de 27 724 ¿ et la société FGM ne peut prétendre qu'au préjudice lié à la perte de marge de 45 % qu'elle aurait réalisée sur ces ventes ; que cette perte de marge concernant les magasins duty paid doit être ajoutée à celle sur les ventes effectuées par la société GUERLAIN en zones franches pour un montant de 101350 USD ce qui représente la somme totale de 129074 USD ; que faisant application du coefficient de prix grossiste contractuellement convenu de 3, 16 et du taux de marge de 45 %, la cour chiffre à 183 232 USD le préjudice subi par la société FMG pour la période de janvier 2001 à mai 2003 ce qui représente une perte annuelle à hauteur de 75 816USD soit une perte mensuelle de 6318 USD soit pour cette période 183222 USD (75816 * 2 + 31590) ou son équivalent en euros selon les taux de change en vigueur au 31 décembre de chaque année échue et au 23 mai 2003 ; que la société GUERLAIN n'ayant pas contesté l'existence de ces ventes au cours des années antérieures, il y a lieu de fixer le préjudice de la société FMG au prorata de cette somme et de lui allouer pour les années 1999 et 2000 la somme de 151653USD ou son équivalent en euros selon les taux de change en vigueur au 31 décembre pour chacune des années 1999 et 2000 ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société GUERLAIN à payer à la société FGM la somme totale de 334 855USD ou son équivalent en euros et aux intérêts précités (...) ;

1°) ALORS QUE si l'intention de parties peut être déduite des dispositions contractuelles unissant les parties ou de leur comportement ultérieur, le juge ne peut jamais déduire l'intention d'une partie des dispositions d'un contrat auquel celle-ci est demeurée tiers ; qu'en se fondant ainsi sur les dispositions d'un contrat de distribution régularisé entre la société FGM et la société Givenchy ayant expressément exclu les zones aéroportuaires de la zone d'exclusivité, pour décider qu'à défaut d'exclusion expresse de ces zones du territoire concédé à titre exclusif, les sociétés GUERLAIN et FGM avaient donc eu l'intention d'inclure les deux zones aéroportuaires dans la zone d'exclusivité, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1165 du code civil ;
2°) ALORS QUE les sociétés appartenant à un même groupe ont chacune une personnalité morale distincte ; que dès lors une société n'a pas à répondre des engagements contractuels pris par une autre et sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée au titre d'un contrat qu'elle n'a pas signé conclu avec une autre société dotée d'une personnalité morale distincte ; qu'en se fondant ainsi sur les dispositions d'un contrat de distribution régularisé entre la société FGM et la société Givenchy, pour décider que la société GUERLAIN avait manqué à ses obligations contractuelles concernant l'exclusivité en fournissant directement une société chargée des ventes aéroportuaires dans des magasins situés avant et après le passage en douane, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1165 du code civil ;
3°) ALORS QU'en affirmant que la société GUERLAIN avait manqué à ses obligations contractuelles en fournissant directement, au mépris de l'exclusivité accordée à la société FGM, la société Aldeasa chargée des ventes aéroportuaires dans des magasins situés avant et après le passage en douane, sans vérifier comme elle y avait invitée si la société FGM qui avait mis du personnel à la disposition d'un point de vente approvisionné par la société Aldeasa, elle-même fournie par la société GUERLAIN, était ou non autorisée à vendre dans la zone aéroportuaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1165 du code civil ;
4°) ALORS QUE la responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée sans que soit caractérisé la faute commise ; qu'il appartient à celui qui prétend qu'il a été porté atteinte à son exclusivité d'en rapporter la preuve ; qu'en affirmant que la société GUERLAIN avait violé entre janvier 1999 et juin 2003 l'exclusivité contractuelle qu'elle avait accordée à la société FGM, après avoir admis que la preuve des ventes directes reprochées à GUERLAIN dans les zones franches d'Iquique et de Punta Arénas était rapportée pour les années 2001 et 2002, ce dont il résultait que l'existence de la faute n'était pas établie pour les années 1999, 2000 et 2003, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1147 du code civil ;
5°) ALORS QU'il appartient à celui qui prétend qu'il a été porté atteinte à son exclusivité d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant, pour dire que des ventes illicites avaient eu lieu dans les zones aéroportuaires en 1999 et 2000 et qu'il y avait lieu, en conséquence d'indemniser la société FGM du préjudice afférent à cette période, que la société GUERLAIN ne contestait pas l'existence de ces ventes au cours de ces deux années, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;
6°) ALORS QUE la réparation ne peut jamais excéder le montant du dommage réellement subi ; qu'en décidant d'allouer à la société FGM pour les années 1999 et 2000 (p. 10, alinéa 2) la somme de 151. 653 dollars à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pendant cette période par suite de la violation par la société GUERLAIN de l'exclusivité contractuelle accordée tout en constatant que la preuve des agissements fautifs n'était pas rapportée concernant cette période, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-29534
Date de la décision : 25/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Loi applicable - Loi locale - Loi du lieu du fait dommageable - Lieu - Lieu du fait générateur du dommage ou lieu de la réalisation

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Rupture brutale des relations commerciales - Responsabilité - Loi applicable - Litige opposant un fabricant français à un distributeur chilien

La loi applicable à la responsabilité extracontractuelle est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit. En cas de délit complexe, ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que de celui du lieu de réalisation de ce dernier. Fait l'exacte application des articles 3 du code civil et L. 442-6, I, 5°, du code de commerce l'arrêt qui, saisi sur le fondement du second texte d'une action en responsabilité contre un fabricant français qui avait rompu la relation commerciale qui l'unissait à un distributeur chilien, recherche quel est le pays qui présente les liens les plus étroits avec le fait dommageable


Références :

article 3 du code civil

article L. 442-6, I, 5°, du code du commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 octobre 2012

Sur l'application du critère des liens les plus étroits (principe de proximité) en cas de délit complexe, dans le même sens que :1re Civ., 11 mai 1999, pourvoi n° 97-13972, Bull. 1999, I, n° 153 (rejet) ;

1re Civ., 27 mars 2007, pourvoi n° 05-10480, Bull. 2007, I, n° 132 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 mar. 2014, pourvoi n°12-29534, Bull. civ. 2014, IV, n° 58
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 58

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.29534
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