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19/03/2014 | FRANCE | N°13-15662

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 13-15662


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 février 2013), que, par un acte authentique du 24 septembre 2004, Mme X... a donné des parts sociales à son fils, M. Y... ; que le 21 mars 2010, ce dernier a commis des violences sur sa mère, qu'il a été condamné par un tribunal correctionnel le 23 mars suivant ; que, par une assignation délivrée le 25 mars 2011, Mme X... a sollicité la révocation de la donation en application de l'article 955 du code civil ; <

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 février 2013), que, par un acte authentique du 24 septembre 2004, Mme X... a donné des parts sociales à son fils, M. Y... ; que le 21 mars 2010, ce dernier a commis des violences sur sa mère, qu'il a été condamné par un tribunal correctionnel le 23 mars suivant ; que, par une assignation délivrée le 25 mars 2011, Mme X... a sollicité la révocation de la donation en application de l'article 955 du code civil ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant déclaré recevable l'action de Mme X... et prononcé la révocation de la donation, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le fait invoqué à l'appui de la demande en révocation d'une donation pour cause d'ingratitude est un délit, le point de départ du délai d'un an pour agir en révocation correspond au jour du prononcé de la décision pénale ayant établi la réalité des faits reprochés au gratifié ; qu'en repoussant le point de départ du délai pour agir en révocation à la date d'expiration du délai pour interjeter appel du jugement du tribunal de grande instance de Troyes du 23 mars 2010, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 957 du code civil ;
2°/ que la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ; qu'en l'espèce, Jean-Paul Y... faisait valoir que Danielle X... veuve Y... était représentée par son fils Jacky à l'audience devant le tribunal correctionnel de Troyes de sorte qu'elle avait eu immédiatement connaissance de la condamnation pénale établissant la réalité des faits reprochés au gratifié ; qu'en fixant le point de départ du délai pour agir au jour où le jugement du tribunal de grande instance de Troyes est devenu définitif, sans tenir compte de la représentation de la partie civile à l'audience du 23 mars 2010, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 957 du code civil ;
Mais attendu, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article 957 du code civil, qui fixe le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale établit la réalité de ce fait, c'est à dire au jour où elle devient définitive ; qu'ayant relevé que M. Y... avait commis des violences sur sa mère le 21 mars 2010, que le donataire avait été condamné par un tribunal correctionnel le 23 mars suivant, alors que la victime était hospitalisée, la cour d'appel, retenant que le point de départ du délai d'un an devait être reporté au jour où la condamnation pénale était devenue définitive, le 3 avril 2010, en a exactement déduit que l'action révocatoire engagée le 25 mars 2011 était recevable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action de Mme Danielle X... veuve Y... et d'AVOIR prononcé la révocation de la donation faite le 24 septembre 2004 par Mme Danielle X... veuve Y... à M. Jean-Paul Y... et portant sur 20 parts de l'Earl Z...
Y... Jacques et Fils et dit que les 20 part de l'Earl Z...
Y... Jacques et Fils, objet de la donation, doivent réintégrer l'actif du patrimoine de Mme Danielle X... veuve Y... ;
AUX MOTIFS QUE M. Jean-Paul Y... oppose à sa mère une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en révocation et rappelle que, selon l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. Mme Danielle Y... lui répond qu'il a renoncé à invoquer la prescription puisque devant le tribunal il s'est limité à réclamer une médiation. Selon l'article 2251 du code civil, la renonciation tacite à la prescription « résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ». Il est constant qu'une telle renonciation peut résulter de tout acte et de tout fait qui, implicitement ou explicitement, manifeste de la part du débiteur la volonté de renoncer à une prescription acquise, les tribunaux ayant à cet égard un pouvoir souverain d'appréciation. La renonciation tacite ne peut résulter que d'actes accomplis en connaissance de cause. En l'espèce, aucun élément ne démontre que M. Jean-Paul Y..., en proposant une médiation destinée à apaiser le climat agressif dans lequel lui-même et sa mère exercent une cogestion de l'exploitation familiale ait voulu renoncer au moyen tiré de la prescription de l'action. Cette fin de non-recevoir est évoquée pour la première fois dans les motifs du jugement par le premier juge, qui observe qu'aucun moyen d'irrecevabilité n'a été soulevé et que le tribunal ne doit, ni peut le faire d'office. Le défendeur s'est inspiré ensuite devant la cour de ladite observation. Sa renonciation tacite à la prescription dès la première instance n'est donc pas établie. Les fins de non-recevoir sont susceptibles d'être proposées pour la première fois en appel. M. Jean-Paul Y... soutient qu'en vertu de l'article 957 du Code civil, Mme Danielle Y... devait agir en révocation dans l'année qui a suivi le 21 mars 2010, jour de l'agression, nécessairement connu de la donatrice puisque commis sur sa personne. Toutefois, il est constant que ledit article n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué par le donateur constitue une infraction pénale, le point de départ du délai soit retardé jusqu'au jour où une condamnation pénale définitive aura établi la réalité des faits reprochés au gratifié. En l'espèce, la condamnation pénale de M. Jean-Paul Y... intervenue à l'issue de l'audience de comparution immédiate du 23 mars 2013, alors que la victime était hospitalisée du 21 mars au 25 mars 2010 à 20 h 16 (cf. pièce n° 5) est devenue définitive le 3 avril 2010, aucune des parties n'ayant interjeté appel. Cette date constituant le point de départ du délai imparti par l'article 957, l'action en révocation engagée le 25 mars 2011 est recevable ;
1) ALORS QUE lorsque le fait invoqué à l'appui de la demande en révocation d'une donation pour cause d'ingratitude est un délit, le point de départ du délai d'un an pour agir en révocation correspond au jour du prononcé de la décision pénale ayant établi la réalité des faits reprochés au gratifié ; qu'en repoussant le point de départ du délai pour agir en révocation à la date d'expiration du délai pour interjeter appel du jugement du tribunal de grande instance de Troyes du 23 mars 2010, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 957 du code civil ;
2) ALORS QUE la demande en révocation pour cause d'ingratitude doit être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur ; qu'en l'espèce, Jean-Paul Y... faisait valoir que Danielle X... veuve Y... était représentée par son fils Jacky à l'audience devant le tribunal correctionnel de Troyes de sorte qu'elle avait eu immédiatement connaissance de la condamnation pénale établissant la réalité des faits reprochés au gratifié ; qu'en fixant le point de départ du délai pour agir au jour où le jugement du tribunal de grande instance de Troyes est devenu définitif, sans tenir compte de la représentation de la partie civile à l'audience du 23 mars 2010, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 957 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-15662
Date de la décision : 19/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

DONATION - Révocation - Ingratitude - Action en révocation - Exercice - Délai - Point de départ - Report au jour de la condamnation pénale établissant la réalité des faits reprochés - Détermination - Portée

L'article 957 du code civil, qui fixe le point de départ du délai d'un an pour exercer l'action en révocation pour cause d'ingratitude au jour du délit civil imputé au donataire ou au jour où ce délit aura pu être connu du disposant, n'exclut pas que, lorsque le fait invoqué constitue une infraction pénale, ce point de départ soit retardé jusqu'au jour où la condamnation pénale établit la réalité de ce fait, c'est-à-dire au jour où elle devient définitive


Références :

article 957 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 08 février 2013

Sur le point de départ du délai d'exercice de l'action en révocation, dans le même sens que : 1re Civ., 22 novembre 1977, pourvoi n° 76-12847, Bull. 1977, I, n° 432 (cassation) ;

1re Civ., 20 octobre 2010, pourvoi n° 09-16451, Bull. 2010, I, n° 208 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 mar. 2014, pourvoi n°13-15662, Bull. civ. 2014, I, n° 43
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 43

Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Jean
Rapporteur ?: Mme Mouty-Tardieu
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15662
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