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19/03/2014 | FRANCE | N°13-12016

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mars 2014, 13-12016


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2012), que Mme X..., née le 9 août 1929, a été placée sous sauvegarde de justice le 23 septembre 2008, sous curatelle le 21 janvier 2009, et sous tutelle le 10 mars 2010 ; qu'en septembre 2008, elle a désigné en qualité de bénéficiaires de deux contrats d'assurance-vie les enfants Mathieu et Marie Y..., également institués légataires universels par testament du 2 septembre 2008 ; que le 2

7 octobre 2008, par un nouveau testament, elle a institué M. D..., son ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2012), que Mme X..., née le 9 août 1929, a été placée sous sauvegarde de justice le 23 septembre 2008, sous curatelle le 21 janvier 2009, et sous tutelle le 10 mars 2010 ; qu'en septembre 2008, elle a désigné en qualité de bénéficiaires de deux contrats d'assurance-vie les enfants Mathieu et Marie Y..., également institués légataires universels par testament du 2 septembre 2008 ; que le 27 octobre 2008, par un nouveau testament, elle a institué M. D..., son compagnon, légataire universel, révoquant les dispositions antérieures ; que par requête du 14 juin 2011, ce dernier a demandé au juge des tutelles d'autoriser le tuteur à intervenir auprès des établissements financiers concernés afin de faire modifier la clause bénéficiaire des deux contrats d'assurance-vie à son profit ;
Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt de rejeter sa requête alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel, qui constatait que M. D... était le bénéficiaire des contrats d'assurance-vie depuis 1998, d'une part, et qu'il était établi qu'à l'époque de la rédaction des deux testaments de Mme X... en septembre et octobre 2008, cette dernière ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une ² vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, d'autre part, aurait dû en tirer la conclusion qui s'en évinçait légalement au sujet de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d'assurance vie intervenue en septembre 2008 ; qu'en déboutant M. D... de sa demande tendant à voir autoriser le tuteur de la majeure protégée à faire rétablir le nom du bénéficiaire initial des contrats d'assurance-vie souscrits par cette dernière au motif qu'il est conforme à l'intérêt de celle-ci de maintenir la situation en l'état bien qu'elle venait de constater que la modification des clauses bénéficiaires desdits contrats était intervenue à une période à laquelle Mme X... ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 132-9 du code des assurances et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir préalablement invité les parties à en débattre contradictoirement ; qu'en la présente espèce, il ne ressort d'aucun des termes de l'arrêt attaqué que le tuteur de Mme X... ou le ministère public auraient conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise, qui n'était pas fondée sur les mêmes moyens, en faisant valoir qu'il est établi qu'à l'époque de la rédaction des deux testaments de septembre et octobre 2008 (et donc de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d'assurance-vie), la majeure protégée ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, si bien que ces deux testaments sont susceptibles d'être soumis à une contestation future et ne permettent pas de faire droit à la requête présentée par M. D..., qui n'apparaît pas plus légitime que les enfants Y... à prétendre au bénéfice des dispositions testamentaires de Mme X... ; qu'en fondant principalement sa décision sur ce moyen qu'elle a relevé d'office sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des articles 496, 502 et 505 du code civil que le tuteur a seul qualité pour représenter la personne protégée dans la gestion de son patrimoine et, à cette fin, pour solliciter les autorisations du juge des tutelles pour les actes qu'il ne peut accomplir seul ; qu'il en résulte que M. D... n'avait pas qualité pour saisir le juge des tutelles d'une demande tendant à la modification, à son profit, de la clause bénéficiaire des contrats d'assurance-vie litigieux ; que par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. D... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. D...

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE d'avoir rejeté la requête de Monsieur D... tendant à voir autoriser Monsieur Z...ès-qualités de tuteur de Madame X... à intervenir auprès de la SA NEUFLIZE VIE, d'une part, et de la SA LCL ASSURANCES chez SA PREDICA, d'autre part, afin de faire modifier le nom du bénéficiaire des deux contrats d'assurance vie souscrits par Madame X... auprès de ces établissements tel que résultant des avenants de septembre 2008 et à faire rétablir leur bénéficiaire initial, à savoir Monsieur D...,
AUX MOTIFS QUE « il ressort des débats et des pièces versées au dossier que Daniel D... et Antoinette A...veuve X... ont vécu en concubinage pendant de nombreuses années, et que la réalité des liens d'affection existant entre eux ne peut pas être contestée. Parallèlement, le couple avait noué des relations d'amitié avec Franco Y... et son épouse. Il est établi par ailleurs que Daniel D... et Antoinette A...veuve X... prodiguaient des gâteries aux enfants Y.... Antoinette A...veuve X... a établi deux testaments à quelques mois d'intervalle, soit le 2 septembre 2008 puis le 27 octobre 2008. Dans le testament du 2 septembre 2008, déposé chez Maître LEPLAT, notaire à ANTIBES, elle instituait Mathieu et Marie Y... légataires universels. Parallèlement, elle modifiait les deux contrats d'assurance vie souscrit auprès de NEUFLIZE ABN AMRO et LCL ASSURANCES en désignant Mathieu et Marie Y... comme nouveaux bénéficiaires alors que Daniel D... avait été désigné comme tel dès 1998. Par testament olographe du 27 octobre 2008, elle instituait Daniel D... légataire universel en précisant « son compagnon depuis 18 ans » tout en révoquant les dispositions antérieures. Suivant rapport d'expertise établi par le Docteur Jacques B..., médecin psychiatre, le 30 septembre 2008 à la demande de Daniel D..., il appert qu'au moment de l'examen, Antoinette X... présentait une altération de ses facultés intellectuelles liée à la maladie d'Alzheimer, d'intensité modérée à sévère, évoluant depuis cinq ans. Ce praticien préconisait en fin de rapport l'instauration d'une mesure de curatelle aggravée. L'ordonnance querellée fait état d'un autre rapport d'expertise, non versé à la procédure, déposé par le Docteur C..., duquel il ressort que Madame X... ne perçoit pas le sens des démarches entreprises par Monsieur D.... Ainsi, il est établi qu'à l'époque de la rédaction des deux testaments, Antoinette A...veuve X... ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer, de quelque manière que ce soit, sa volonté. Au surplus, c'est sur cette période de temps que la procédure de protection a été diligentée et ouverte. Dès lors, ces deux testaments sont susceptibles d'être soumis à une contestation future, de sorte qu'ils ne permettent pas de faire droit à la requête présentée par Daniel D... qui n'apparaît pas, au demeurant, plus légitime que les enfants Y... à prétendre au bénéfice des dispositions testamentaires d'Antoinette A...veuve X.... Il est, dans tous les cas, conforme à l'intérêt de la majeure protégée de maintenir la situation en l'état. Il s'avère enfin que les agissements de Franco Y... auprès d'Antoinette A...veuve X..., tels que dénoncés par Daniel D..., ont fait l'objet d'une ordonnance de non lieu du juge d'instruction de GRASSE le 18 octobre 2010. Dans ces conditions, il convient de confirmer l'ordonnance querellée. » ;
ALORS D'UNE PART QUE la Cour d'appel, qui constatait que M. D... était le bénéficiaire des contrats d'assurance vie depuis 1998, d'une part, et qu'il était établi qu'à l'époque de la rédaction des deux testaments de Madame X... en septembre et octobre 2008, cette dernière ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, d'autre part, aurait dû en tirer la conclusion qui s'en évinçait légalement au sujet de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d'assurance vie intervenue en septembre 2008 ; Qu'en déboutant M. D... de sa demande tendant à voir autoriser le tuteur de la majeure protégée à faire rétablir le nom du bénéficiaire initial des contrats d'assurance vie souscrits par cette dernière au motif qu'il est conforme à l'intérêt de celle-ci de maintenir la situation en l'état bien qu'elle venait de constater que la modification des clauses bénéficiaires desdits contrats était intervenue à une période à laquelle Madame X... ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 132-9 du Code des assurances et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART EN TOUTE HYPOTHESE QUE le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir préalablement invité les parties à en débattre contradictoirement ; Qu'en la présente espèce, il ne ressort d'aucun des termes de l'arrêt attaqué que le tuteur de Madame X... ou le ministère public auraient conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise, qui n'était pas fondée sur les mêmes moyens, en faisant valoir qu'il est établi qu'à l'époque de la rédaction des deux testaments de septembre et octobre 2008 (et donc de la modification de la clause bénéficiaire des contrats d'assurance vie), la majeure protégée ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales et présentait une fragilité et une vulnérabilité la mettant dans l'impossibilité d'exprimer de quelque manière que ce soit sa volonté, si bien que ces deux testaments sont susceptibles d'être soumis à une contestation future et ne permettent pas de faire droit à la requête présentée par M. D..., qui n'apparaît pas plus légitime que les enfants Y... à prétendre au bénéfice des dispositions testamentaires de Madame X... ; Qu'en fondant principalement sa décision sur ce moyen qu'elle a relevé d'office sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-12016
Date de la décision : 19/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Tutelle - Effets - Représentation du majeur - Domaine d'application - Gestion du patrimoine - Actes nécessitant une autorisation du juge des tutelles - Autorisation judiciaire - Demande - Qualité pour agir - Détermination

MAJEUR PROTEGE - Tutelle - Fonctionnement - Tuteur - Pouvoirs - Acte nécessitant une autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles - Applications diverses

Il résulte des articles 496, 502 et 505 du code civil que le tuteur a seul qualité pour représenter la personne protégée dans la gestion de son patrimoine et, à cette fin, pour solliciter les autorisations du juge des tutelles pour les actes qu'il ne peut accomplir seul


Références :

articles 496, 502 et 505 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 mar. 2014, pourvoi n°13-12016, Bull. civ. 2014, I, n° 47
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 47

Composition du Tribunal
Président : M. Savatier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Jean
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.12016
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