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11/03/2014 | FRANCE | N°13-15052

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mars 2014, 13-15052


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse méditerranéenne de financement (la Camefi) a fait pratiquer une saisie immobilière sur un immeuble appartenant à M. X..., sur le fondement d'un acte notarié de prêt reçu le 30 juin 2006 par M. Y..., notaire associé ; que le saisi ayant contesté le caractère exécutoire de ce titre devant le juge de l'exécution, la Camefi a assigné en intervention forcée M. Y... ainsi que la société civile professionnelle au sein de laquelle il exerce ;
Sur le moy

en unique, pris en sa première branche :
Attendu que la Camefi fait grief à...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse méditerranéenne de financement (la Camefi) a fait pratiquer une saisie immobilière sur un immeuble appartenant à M. X..., sur le fondement d'un acte notarié de prêt reçu le 30 juin 2006 par M. Y..., notaire associé ; que le saisi ayant contesté le caractère exécutoire de ce titre devant le juge de l'exécution, la Camefi a assigné en intervention forcée M. Y... ainsi que la société civile professionnelle au sein de laquelle il exerce ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la Camefi fait grief à l'arrêt de retenir que l'acte notarié litigieux ne satisfaisait pas aux conditions de forme prescrites par l'article 21 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, alors, selon le moyen, que n'a pas à être annexée à la minute d'un des actes pour la conclusion duquel elle a été donnée la procuration qui a déjà été déposée au rang des minutes du notaire rédacteur par son annexion à la minute d'un acte précédent ; qu'en considérant que l'annexion de la procuration donnée par M. X... à la fois pour acquérir et pour emprunter à un acte reçu aux minutes du notaire le même jour ne pouvait suppléer l'absence d'annexion de cette procuration à l'acte de prêt, la cour d'appel a violé l'article 21 du décret n 71-941 du 26 novembre 1971 ;
Mais attendu que, selon l'article 21 du décret n 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-793 du 10 août 2005, applicable en la cause, les procurations doivent être annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur, auquel cas il en est fait mention dans l'acte ; que la mention que l'original d'une procuration reçue en brevet a été déposé aux minutes du notaire rédacteur de l'acte par son annexion à la minute d'un autre acte ne répond pas à ces exigences ; qu'ayant constaté que l'acte notarié de prêt dressé le 30 juin 2006 ne comportait ni, en annexe, la procuration en brevet donnée par M. X... à un clerc de l'étude à la fois pour acquérir le bien immobilier et pour emprunter, ni la mention de son dépôt au rang des minutes du notaire rédacteur de l'acte mais seulement celle de son annexion à un acte reçu aux dites minutes le même jour, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions de formes prescrites par l'article 21 du décret précité n'étaient pas réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-793 du 10 août 2005, ensemble l'article 1318 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'inobservation des règles de formes prescrites par l'article 21 du décret susvisé pour l'annexion des procurations ne fait pas perdre à l'acte son caractère authentique, partant, son caractère exécutoire ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré par la Camefi ainsi que de l'ensemble des actes de procédure subséquents, l'arrêt retient que l'acte notarié de prêt ne respectant pas les conditions de formes prescrites aux articles 21 et 22 du décret du 26 novembre 1971, ne peut, en application de l'article 1318 du code civil, valoir que comme écriture privée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que l'application immédiate de cette jurisprudence à l'instance en cours n'a pas pour effet d'attenter à la sécurité juridique, invoquée comme l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit à la lumière de laquelle s'interprète le droit à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle ne prive pas le saisi, M. X..., de son droit d'accès au juge ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Caisse méditerranéenne de financement
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la CAMEFI ne disposait d'aucun titre exécutoire à l'encontre de Monsieur X... et annulé en conséquence le commandement de payer qui lui a été délivré le 3 janvier 2011 aux fins de saisie concernant les biens immobiliers sis à LEUCATE, résidence Les jardins de Vénus, cadastrés section DC n° 94, 95, 96 et 97, ainsi que l'ensemble des actes de procédures subséquents ;
Aux motifs que pour obtenir l'annulation du commandement aux fins de saisie immobilière que lui a été délivré par la CAMEFI, Monsieur X... a soutenu que l'irrégularité affectant l'acte notarié de prêt ne permettait pas à l'organisme prêteur de se prévaloir d'un titre exécutoire, comme l'exigent les dispositions des articles 2191 du code civil et de la loi du 9 juillet 1991 ; l'article 1318 du Code civil dispose, à cet égard, que l'acte qui n'est point authentique par un défaut de forme vaut comme écriture privée, s'il a été signé par les parties ; les conditions de forme que doit revêtir un acte notarié pour constituer un acte authentique sont fixées par le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 dans ses dispositions issues du décret n° 2005-973 du 10 août 2005 ; ainsi, aux termes de l'article 2l dudit décret, l'acte notarié porte mention des documents qui lui sont annexés ; les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte ; dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes ; l'article 22, alinéa 1, du même décret énonce que lorsque l'acte est établi sur support papier, les pièces annexées à l'acte sont revêtues d'une mention constatant cette annexe et signée du notaire ; or, en l'espèce, il est constant que la procuration qui a été donnée par Monsieur X..., à la fois pour acquérir et pour emprunter, n'a pas été annexée à l'acte notarié de prêt dressé le 30 juin 2006 par Maître Philippe Y..., sans pour autant que ladite procuration ait été déposée aux minutes du notaire rédacteur de l'acte ; qu'il ressort en effet des pièces du débat que ledit acte a été annexé « à un acte reçu aux présentes minutes ce jour » ; ainsi, en relevant qu'à défaut d'annexion de la procuration à l'acte de prêt et à défaut de dépôt de ladite procuration au rang des minutes qui aurait, seul, pu suppléer cette absence d'annexion, les conditions de forme prescrites aux articles 21 et 22 du décret précité n'étaient pas réunies, de sorte qu'en application de l'article 1318 du Code civil, l'acte de prêt ne peut valoir que comme écriture privée, en considérant que dès lors la CAMEFI ne pouvait se prévaloir d'un titre exécutoire et en déclarant nul le commandement de payer aux fins de saisie immobilière délivré le 3 janvier 2011 à Monsieur X..., avec tous les actes de poursuite subséquents, le premier juge a, par une exacte analyse des documents de la cause, développé des motifs pertinents que la Cour adopte pour confirmer sa décision ;
Et aux motifs, réputés adoptés du Tribunal, que pour repousser l'argumentaire du demandeur, le Juge de l'exécution avait, par un jugement rendu dans une affaire similaire, opposé le constat que les dispositions énoncées à l'article 21 du décret de 1971 ne paraissaient pas assorties de sanction et que l'irrégularité formelle excipée par le demandeur ne lui faisait pas grief dès lors qu'il reconnaissait avoir signé la procuration litigieuse et qu'aucune action en inscription de faux n'avait été mise en oeuvre ; toutefois, par une série d'arrêts récents la Cour d'appel de MONTPELLIER, à la jurisprudence de laquelle il convient de se rallier pour éviter tout risque d'insécurité juridique, a tranché en sens inverse en décidant que « l'annexion de la procuration à un autre acte ne peut suppléer à l'annexion de la procuration à l'acte de prêt proprement dit ; seul le dépôt au rang des minutes du notaire rédacteur de l'acte aurait permis de satisfaire aux exigences des articles 21 et 22 du décret du 26 novembre 1971 ¿ cette formalité s'imposait d'autant plus en l'espèce qu'il s'agissait, selon les termes de l'acte de prêt, d'une procuration en brevet, reçue par un autre notaire que celui qui a rédigé l'acte et alors même que le notaire rédacteur des actes de prêt et de vente ne justifie d'aucun acte distinct de dépôt au rang de ses propres minutes dudit brevet sous forme de rapport pour minutes qui aurait seul pu suppléer cette absence d'annexion, les conditions de forme prescrites aux articles 21 et 22 du décret de 1971 ne sont pas réunies, de sorte qu'en application de l'article 1318 du Code civil, l'acte de prêt ne peut valoir que comme écriture privée et en aucun cas comme acte authentique » (CA MONTPELLIER 7 mars 2011 ; 12 mai 2011 ; 10 août 2011) ; il s'ensuit que la CAMEFI ne pouvait se prévaloir d'un titre exécutoire pour délivrer à Monsieur X... un commandement aux fins de saisie immobilière qui devra en conséquence être déclaré nul avec tous les actes de poursuite subséquents dont il constitue le support authentique ;
Alors, d'une part, que n'a pas à être annexée à la minute d'un des actes pour la conclusion duquel elle a été donnée la procuration qui a déjà été déposée au rang des minutes du notaire rédacteur par son annexion à la minute d'un acte précédent ; qu'en considérant que l'annexion de la procuration donnée par Monsieur X... à la fois pour acquérir et pour emprunter à un acte reçu aux minutes du notaire le même jour ne pouvait suppléer l'absence d'annexion de cette procuration à l'acte de prêt, la Cour d'appel a violé l'article 21 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971,
Et alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que l'inobservation de l'obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l'acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes, mention de ce dépôt étant fait dans l'acte, ne fait pas perdre à l'acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire ; qu'en considérant qu'en l'absence d'annexion de la procuration donnée par l'emprunteur à l'acte de prêt et à défaut de dépôt de ladite procuration au rang des minutes du notaire, les conditions de forme prescrites aux articles 21 et 22 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 n'étaient pas réunies, de sorte qu'en application de l'article 1318 du Code civil, l'acte de prêt ne pouvait valoir que comme écriture privée, la CAMEFI ne pouvant dès lors se prévaloir d'un titre exécutoire, la Cour d'appel a violé l'article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, ensemble l'article 1318 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-15052
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 13 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 mar. 2014, pourvoi n°13-15052


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.15052
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