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11/03/2014 | FRANCE | N°13-11762

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mars 2014, 13-11762


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 octobre 2012), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 mai 2011, pourvoi n° 10-13. 780), que, par acte du 29 décembre 1989 établi par M. Y..., notaire, la Société de crédit pour le logement (Socrelog), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Auxiliaire du crédit foncier de France (l'ACFF), a consenti à la SCI Villeneuve (la SCI) un prêt de 2 950 000 francs en vue de l'acquisition à Rochefort, auprès de la soci

été SAT, promoteur, d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, l'acte not...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 octobre 2012), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 mai 2011, pourvoi n° 10-13. 780), que, par acte du 29 décembre 1989 établi par M. Y..., notaire, la Société de crédit pour le logement (Socrelog), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Auxiliaire du crédit foncier de France (l'ACFF), a consenti à la SCI Villeneuve (la SCI) un prêt de 2 950 000 francs en vue de l'acquisition à Rochefort, auprès de la société SAT, promoteur, d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, l'acte notarié prévoyant, à titre de sûretés, une hypothèque de premier rang sur le lot acquis, la caution personnelle de M. X..., gérant de la SCI, et une hypothèque de deuxième rang sur la maison d'habitation des époux X... sise à La Rochelle ; que la SCI n'ayant pas remboursé le prêt, la Socrelog a fait procéder à la saisie immobilière du lot, mais a été primée dans la distribution du montant de l'adjudication, soit 950 000 francs ou 147 826, 57 euros, par la société White Gestion, venant aux droits de la banque La Hénin, laquelle, à l'issue d'une procédure d'ordre, a été colloquée pour l'intégralité du prix de la vente forcée en raison de l'inscription préalable, sur le lotissement, d'une hypothèque garantissant un prêt et une ouverture de crédit consentis à la société SAT, ensuite mise en liquidation judiciaire ; qu'un protocole d'accord transactionnel a été signé les 3 avril et 15 mai 1998 entre l'ACFF, la SCI et les époux X..., aux termes duquel ces derniers se sont engagés à payer à l'ACFF, pour solde de tout compte, la somme de 1 300 000 francs immédiatement et celle de 950 000 francs pour le cas où l'ACFF ne pourrait percevoir cette somme à l'occasion de la procédure d'ordre ou d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire, en contrepartie de quoi l'ACFF, créancière d'un montant de 4 538 532, 44 francs, s'est engagée à renoncer définitivement à poursuivre les époux X... en paiement du solde de sa créance, le règlement de la somme totale de 2 250 000 francs devant emporter solde de tout compte, et s'est également engagée à donner mainlevée de la procédure de saisie de l'immeuble de La Rochelle dès réception de la somme de 1 300 000 francs ainsi qu'à donner mainlevée de l'hypothèque conventionnelle prise sur cet immeuble, dès réception de l'intégralité de la somme de 2 250 000 francs ; que, reprochant à M. Y... l'absence de levée de l'état hypothécaire relatif à l'immeuble, objet de la garantie du prêt accordé par la société Socrelog, et le dommage subi consistant dans l'impossibilité de recouvrer la totalité de sa créance faute de l'inscription hypothécaire de premier rang prévue à l'acte, la société ACFF a, le 6 mars 2001, assigné le notaire en responsabilité professionnelle, lequel a appelé en garantie la SCI et les époux X... ; que ceux-ci ont également demandé à l'encontre du notaire l'indemnisation de leur préjudice à concurrence de la somme de 147 826, 57 euros ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute en lien direct avec le préjudice indemnisable subi par la SCI et les époux X... et de le condamner à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour perte de chance, alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité du notaire suppose caractérisée l'existence d'un lien de causalité direct entre le manquement qui lui est imputé et le préjudice allégué ; que tel n'est pas le cas lorsque ce préjudice a été causé par la propre carence du demandeur, qui s'est abstenu d'invoquer un moyen qui lui aurait permis d'échapper à sa réalisation ; que le notaire soutenait que les demandeurs auraient pu s'opposer à la collocation de la société White gestion, venue aux droits de la Banque La Hénin, en se prévalant de la clause aux termes de laquelle cette dernière avait renoncé à exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs ayant intégralement acquitté le prix d'acquisition de leur lot et en faisant valoir, à l'appui d'un appel formé en temps utile, que la SCI avait intégralement acquitté le prix d'acquisition du lot, pour partie par compensation ; qu'en se bornant à relever que l'argumentation développée sur ce point devant le tribunal de grande instance de Rochefort n'avait pas convaincu celui-ci, qui l'avait écartée dans sa décision du 5 mai 1999 statuant sur le recours formé contre le procès-verbal de règlement provisoire établi par le juge aux ordres, sans rechercher si ce moyen n'était pas néanmoins fondé et n'aurait pas justifié l'infirmation de cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'ordre des créances n'est arrêté définitivement qu'en l'absence de contredit au règlement provisoire ou, en cas de jugement sur contredit, dans les huit jours qui suivent l'expiration du délai d'appel ou, en cas d'appel, dans les huit jours de la signification de l'arrêt ; qu'en retenant que la SCI et les époux X... auraient été immédiatement privés de la possibilité de voir leur dette à l'égard du créancier auquel ils avaient cru consentir une hypothèque de premier rang réduite du montant du prix d'adjudication de l'immeuble, pour en déduire que le fait qu'ils se soient abstenus d'interjeter régulièrement appel du jugement sur contredit au règlement provisoire ne pouvait avoir eu pour effet de rompre le lien de causalité direct entre la faute commise par le notaire et ce préjudice, la cour d'appel a violé les articles 755, 759 et 765 de l'ancien code de procédure civile, dans leur rédaction applicable en la cause ;
3°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'aux termes des contrats de prêt consentis à la société SAT par la Banque La Hénin, ladite banque ne pouvait exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs qui justifieraient avoir intégralement acquitté leur prix d'acquisition ; qu'en retenant que rien n'aurait indiqué que le paiement du prix d'acquisition par la SCI, acheteuse du lot, pour partie par l'effet d'une compensation, satisfaisait aux conditions posées par la clause susvisée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que les actes de prêts stipulaient, en des termes clairs et précis, que la banque ne pouvait exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs qui justifieraient avoir intégralement acquitté leur prix d'acquisition ; qu'en retenant que ces stipulations auraient été sujettes à interprétation, la cour d'appel les a dénaturées et a violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que la SCI et les époux X... ne soutenaient pas que les stipulations précitées auraient été sujettes à une interprétation à laquelle il n'aurait pas appartenu aux juges de la procédure d'ordre de procéder ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°/ que la cour d'appel, statuant sur appel du jugement sur contredit au règlement provisoire, peut interpréter les stipulations des titres produits par les créanciers ; qu'en retenant que les juges de la procédure d'ordre n'auraient pu procéder à l'interprétation des stipulations des actes de prêt, la cour d'appel a violé les articles 12 et 561 du code de procédure civile, et les articles 758 et suivants de l'ancien code de procédure civile ;
7°/ que le notaire n'est pas responsable du dommage résultant de la propre carence du demandeur dans la défense de ses intérêts ; qu'en se bornant à considérer que les stipulations précitées auraient été sujettes à interprétation pour retenir que l'issue d'une action tendant à faire juger privée de tout effet l'hypothèque conventionnelle de premier rang dont bénéficiaient la Banque La Hénin puis la société White gestion, aurait été incertaine, sans procéder, elle-même, à l'interprétation de ces stipulations pour apprécier, comme il le lui était demandé, si le moyen invoqué aurait fait obstacle à la collocation de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
8°/ que la responsabilité civile suppose établie l'existence d'un lien de causalité direct entre le manquement imputé au défendeur et le préjudice allégué ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt qu'il n'était pas certain que la banque White gestion aurait été colloquée aux lieu et place de l'ACFF si le moyen tiré de l'application de la clause de renonciation au bénéficie de l'hypothèque avait été formulé à l'appui d'un appel interjeté en temps utile, en sorte que la SCI et les époux X... disposaient encore, alors, d'une chance d'éviter cette collocation et de voir le prix d'adjudication de l'immeuble venir en déduction de leur dette à l'égard de l'ACFF, et que leur carence dans la défense de leurs droits avait donc causé la perte de cette chance ; qu'en condamnant néanmoins le notaire à réparer cette perte de chance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la victime ne peut se voir imposer, à la suite de la situation dommageable occasionnée par la faute du notaire, l'exercice d'une voie de droit qui n'avait pas été initialement prévue, et que la mise en jeu de la responsabilité notariale n'est pas subordonnée à la poursuite préalable contre d'autres débiteurs ; que, par ce motif substitué à ceux de la cour d'appel, comme suggéré par le mémoire en défense, se trouve légalement justifié l'arrêt qui retient que la faute du notaire, consistant en l'omission de lever un état hypothécaire relatif au lot acquis par la SCI et d'informer les parties à l'acte de vente dudit lot de l'existence de l'inscription de l'hypothèque de premier rang de la banque La Hénin, a privé les époux X... et la SCI d'une chance de voir leur dette réduite du montant de l'adjudication ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à la société Villeneuve et aux époux X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté la SCI Villeneuve et les époux X... de leurs demandes formées contre M. Y... et, statuant à nouveau, d'AVOIR dit que M. Y... avait commis une faute en lien direct avec le préjudice indemnisable subi par la SCI Villeneuve et les époux X..., privés de la chance de voir le prix d'adjudication de leur immeuble de Rochefort venir en déduction de leur dette à l'égard de la société Auxiliaire du Crédit foncier de France et d'AVOIR condamné M. Y... à verser à la SCI Villeneuve et aux époux X..., pris ensemble, la somme de 140 000 ¿ en réparation de cette perte de chance ;
AUX MOTIFS QUE par acte du 29 décembre 1989 établi par Me Y..., notaire, la Société de crédit pour le logement (SOCRELOG), aux droits de laquelle est venue la société Auxiliaire du crédit foncier de France (l'ACFF), a consenti à la société civile immobilière Villeneuve (la SCI) un prêt de 2 950 000 F en vue de l'acquisition, auprès de la société SAT, promoteur, d'un immeuble en l'état futur d'achèvement sis à Rochefort, l'acte notarié prévoyant, à titre de sûretés, une hypothèque de premier rang sur le lot acquis, la caution personnelle de M. X..., gérant de la SCI, et une hypothèque de deuxième rang sur la maison d'habitation des époux X... sise à La Rochelle ; que la SCI n'ayant pas remboursé le prêt, la SOCRELOG a fait procéder à la saisie immobilière du lot, mais a été primée dans la distribution du montant de l'adjudication, soit 950 000 F (144 826, 57 euros), par la société White Gestion, venant aux droits de la banque La Hénin, laquelle, à l'issue d'une procédure d'ordre, a été, par procès-verbal du règlement provisoire du 30 avril 1998 confirmé par jugement du Tribunal de grande instance de Rochefort du 5 mai 1999, colloquée pour l'intégralité du prix de la vente forcée en raison de l'inscription préalable, sur le lotissement, d'une hypothèque garantissant un prêt et une ouverture de crédit consentis à la société SAT, mise entre-temps en liquidation judiciaire ; que l'appel interjeté par la SCI contre le jugement du 5 mai 1999 a été déclaré, par un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 11 octobre 2000, irrecevable comme tardif (¿) ; que les premiers juges ont à bon droit retenu que Me Y..., tenu, en sa qualité de notaire, de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prêtait son concours, avait commis une faute en ne vérifiant pas que le lot acquis par la SCI et constitutif d'une des garanties exigées par son prêteur de deniers, n'était pas grevé d'une hypothèque de nature à rétrograder au deuxième rang l'hypothèque consentie à ce dernier, se mettant par là dans l'incapacité d'en informer les signataires de l'acte et engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (¿) ; que Me Y... soutient que le lien de causalité ayant pu exister entre sa faute et le préjudice argué par la SCI et les époux X... s'est trouvé rompu de leur fait ; qu'il expose que l'ACFF aurait de façon certaine été colloquée, à l'occasion de la procédure d'ordre diligentée à la suite de l'adjudication de l'immeuble situé à Rochefort, aux lieu et place de la banque White gestion, venue aux droits de La Hénin, créancier du promoteur vendeur de cet immeuble, si elle, ou la SCI et les époux X..., s'étaient prévalus de l'extinction de la créance de la SAT à l'égard de la SCI et, par voie de conséquence, de la nécessaire extinction de l'hypothèque consentie sur le lot à La Hénin, en exécution de la clause prévue aux actes de crédit conclus entre La Hénin et la société SAT et, en particulier, si les intéressés avaient su interjeter appel en temps utile de la décision qui leur avait refusé cette double reconnaissance ; que cependant, ce que Me Y... présente comme un fait certain constituait au contraire un événement des plus aléatoires ; qu'il sera observé, tout d'abord, que l'argumentation développée sur ce point devant le Tribunal de grande instance de Rochefort n'a pas convaincu celui-ci qui l'a écartée dans sa décision du 5 mai 1999 statuant sur le recours formé par l'ACFF contre le procès-verbal de règlement provisoire établi, le 30 avril 1998, par le juge aux ordres ; que ce premier échec ne peut guère être l'indice d'un succès assuré en appel ; qu'ensuite, les conditions devant être remplies pour que La Hénin, puis la société White gestion venue à ses droits, fût contrainte de donner mainlevée de l'hypothèque grevant le lot acquis par la SCI ou, à tout le moins, de renoncer à ses effets dans la procédure d'ordre, n'apparaissent pas avoir été remplies de façon incontestable ; qu'en effet, la clause, figurant dans les deux contrats de crédit unissant la société SAT à La Hénin, invoquée par M. Y..., stipulait : " 1°/ En cas de vente de fractions de l'immeuble donné en garantie à la banque en vertu des présentes, il est convenu ce qui suit : a) l'emprunteur stipule de la banque en faveur de tout acquéreur que ladite banque ne pourra exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs qui justifieront avoir intégralement acquitté leur prix d'attribution, b) en cas de défaillance d'un acquéreur de l'emprunteur, stipule de la banque en faveur du défaillant, que celle-ci ne pourra exercer le droit de préférence résultant de son hypothèque qu'à la concurrence seulement de la fraction du prix de vente restant due en principal, révisée le cas échéant et augmentée de tous les intérêts et accessoires ; en conséquence, dans tous ordres ayant pour objet la distribution du prix de biens vendus auxdits défaillants à la suite des poursuites en réalisation forcée, engagées à leur encontre à quelque titre que ce soit, la banque ne sera colloquée que pour le montant stipulé de l'alinéa précédent quel que soit le montant de la créance qu'elle pourrait produire. 2°/ La banque s'engage à donner mainlevée de l'inscription lui profitent sur les lots vendus dès que le prix correspondant aux lots à dégrever, en ce compris toutes révisions et accessoires, aura été intégralement payé par l'acquéreur concerné " ; qu'ainsi, aux termes de cette clause, la mainlevée de l'hypothèque bénéficiant à La Hénin sur le lot acquis par la SCI supposait que le prix de vente dudit lot fût préalablement intégralement acquitté auprès de la SAT ; qu'il ressort des propres explications de Me Y..., et des pièces produites, qu'en réalité le prix n'a été que partiellement payé au moyen de trois versements d'un montant total de 3 101 918, 20 F, le solde de 429 989, 20 F ayant été conservé par la SCI en raison, notamment, de l'inexécution par la SAT de partie de ses obligations contractuelles ; que Me Y... soutient que le mécanisme juridique de la compensation s'imposant en l'espèce et ayant été admis par le liquidateur judiciaire de la SAT lui-même, le prix aurait dû être considéré comme payé par le juge chargé de se prononcer sur la répartition du produit de l'adjudication et n'aurait pu que l'être par les juges d'appel, s'ils avaient été saisis en temps utile ; qu'à supposer même, toutefois, qu'aucune divergence d'opinion n'ait existé entre la SAT, ou son liquidateur judiciaire, et la SCI sur le montant exact de la compensation et que le liquidateur judiciaire ait eu l'autorisation d'admettre celle-ci, rien n'indique que ce paiement, pour partie par l'effet d'une compensation, satisfaisait aux conditions posées par la clause susvisée et que, par conséquent, il ait pu être opposable au créancier de la SAT ou à son ayant-droit ; qu'à tout le moins, il y avait ici lieu non à une simple application de stipulations claires du contrat mais à l'interprétation de ces dispositions et, en l'état de l'opposition déclarée de la société White gestion à une interprétation qui débouchait, en ce qui la concerne, sur une privation totale du produit de l'adjudication, il n'appartenait pas aux juges de la procédure d'ordre d'y procéder ; qu'en tout état de cause l'issue d'une action tendant à faire juger privée de tout effet l'hypothèque conventionnelle de premier rang, régulièrement inscrite, dont bénéficiaient La Hénin puis la société White gestion, étant des plus incertaine, le fait que n'ait pas été poursuivie une procédure au résultat hypothétique ne peut avoir eu pour effet de rompre le lien de causalité direct entre la faute commise par le notaire et le préjudice subi par la SCI et les époux X..., immédiatement privés de la possibilité de voir leur dette à l'égard du créancier auquel ils avaient légitimement cru consentir une hypothèque de premier rang réduite du montant du prix d'adjudication de l'immeuble ;
1°) ALORS QUE la responsabilité du notaire suppose caractérisée l'existence d'un lien de causalité direct entre le manquement qui lui est imputé et le préjudice allégué ; que tel n'est pas le cas lorsque ce préjudice a été causé par la propre carence du demandeur, qui s'est abstenu d'invoquer un moyen qui lui aurait permis d'échapper à sa réalisation ; que le notaire soutenait que les demandeurs auraient pu s'opposer à la collocation de la société White gestion, venue aux droits de la Banque La Hénin, en se prévalant de la clause aux termes de laquelle cette dernière avait renoncé à exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs ayant intégralement acquitté le prix d'acquisition de leur lot et en faisant valoir, à l'appui d'un appel formé en temps utile, que la SCI Villeneuve avait intégralement acquitté le prix d'acquisition du lot, pour partie par compensation ; qu'en se bornant à relever que l'argumentation développée sur ce point devant le Tribunal de grande instance de Rochefort n'avait pas convaincu celui-ci, qui l'avait écartée dans sa décision du 5 mai 1999 statuant sur le recours formé contre le procès-verbal de règlement provisoire établi par le juge aux ordres, sans rechercher si ce moyen n'était pas néanmoins fondé et n'aurait pas justifié l'infirmation de cette décision, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QUE l'ordre des créances n'est arrêté définitivement qu'en l'absence de contredit au règlement provisoire ou, en cas de jugement sur contredit, dans les huit jours qui suivent l'expiration du délai d'appel ou, en cas d'appel, dans les huit jours de la signification de l'arrêt ; qu'en retenant que la SCI Villeneuve et les époux X... auraient été immédiatement privés de la possibilité de voir leur dette à l'égard du créancier auquel ils avaient cru consentir une hypothèque de premier rang réduite du montant du prix d'adjudication de l'immeuble, pour en déduire que le fait qu'ils se soient abstenus d'interjeter régulièrement appel du jugement sur contredit au règlement provisoire ne pouvait avoir eu pour effet de rompre le lien de causalité direct entre la faute commise par le notaire et ce préjudice, la Cour d'appel a violé les articles 755, 759 et 765 de l'ancien Code de procédure civile, dans leur rédaction applicable en la cause ;
3°) ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'aux termes des contrats de prêt consentis à la société SAT par la Banque La Hénin, « ladite banque ne (pouvait) exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs qui (justifieraient) avoir intégralement acquitté leur prix d'acquisition » ; qu'en retenant que rien n'aurait indiqué que le paiement du prix d'acquisition par la SCI Villeneuve, acheteuse du lot, pour partie par l'effet d'une compensation, satisfaisait aux conditions posées par la clause susvisée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du Code civil ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que les actes de prêts stipulaient, en des termes clairs et précis, que la banque « ne (pouvait) exercer ses droits hypothécaires à l'encontre des acquéreurs qui (justifieraient) avoir intégralement acquitté leur prix d'acquisition » ; qu'en retenant que ces stipulations auraient été sujettes à interprétation, la Cour d'appel les a dénaturées et a violé l'article 1134 du Code civil ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que la SCI Villeneuve et les époux X... ne soutenaient pas que les stipulations précitées auraient été sujettes à une interprétation à laquelle il n'aurait pas appartenu aux juges de la procédure d'ordre de procéder ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS QU'en tout état de cause, la Cour d'appel, statuant sur appel du jugement sur contredit au règlement provisoire, peut interpréter les stipulations des titres produits par les créanciers ; qu'en retenant que les juges de la procédure d'ordre n'auraient pu procéder à l'interprétation des stipulations des actes de prêt, la Cour d'appel a violé les articles 12 et 561 du Code de procédure civile, et les articles 758 et suivants de l'ancien Code de procédure civile ;
7°) ALORS QU'en toute hypothèse, le notaire n'est pas responsable du dommage résultant de la propre carence du demandeur dans la défense de ses intérêts ; qu'en se bornant à considérer que les stipulations précitées auraient été sujettes à interprétation pour retenir que l'issue d'une action tendant à faire juger privée de tout effet l'hypothèque conventionnelle de premier rang dont bénéficiaient la Banque La Hénin puis la société White gestion, aurait été incertaine, sans procéder, elle-même, à l'interprétation de ces stipulations pour apprécier, comme il le lui était demandé, si le moyen invoqué aurait fait obstacle à la collocation de la banque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
8°) ALORS QU'en toute hypothèse, la responsabilité civile suppose établie l'existence d'un lien de causalité direct entre le manquement imputé au défendeur et le préjudice allégué ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt qu'il n'était pas certain que la banque White gestion aurait été colloquée aux lieu et place de l'ACFF si le moyen tiré de l'application de la clause de renonciation au bénéficie de l'hypothèque avait été formulé à l'appui d'un appel interjeté en temps utile, en sorte que la SCI Villeneuve et les époux X... disposaient encore, alors, d'une chance d'éviter cette collocation et de voir le prix d'adjudication de l'immeuble venir en déduction de leur dette à l'égard de l'ACFF, et que leur carence dans la défense de leurs droits avait donc causé la perte de cette chance ; qu'en condamnant néanmoins le notaire à réparer cette perte de chance, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-11762
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 16 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 mar. 2014, pourvoi n°13-11762


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.11762
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