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11/03/2014 | FRANCE | N°12-12074

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mars 2014, 12-12074


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 mai 2010), que la société anonyme Crocus Technology (la société) a été constituée le 7 avril 2004 en vue du développement industriel d'un projet de mémoires magnétiques intégrées sur du silicium (les MRAM), M. X..., l'un des trois principaux actionnaires, étant nommé administrateur et directeur général ; que le même jour, une "convention d'actionnaires" a été conclue, pour une durée de trois ans, par l'ensemble de ceux-ci; qu'il était notamment stipu

lé que la démission de ses fonctions par l'un quelconque des dirigeants dans ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 mai 2010), que la société anonyme Crocus Technology (la société) a été constituée le 7 avril 2004 en vue du développement industriel d'un projet de mémoires magnétiques intégrées sur du silicium (les MRAM), M. X..., l'un des trois principaux actionnaires, étant nommé administrateur et directeur général ; que le même jour, une "convention d'actionnaires" a été conclue, pour une durée de trois ans, par l'ensemble de ceux-ci; qu'il était notamment stipulé que la démission de ses fonctions par l'un quelconque des dirigeants dans ce délai entraînerait de plein droit promesse irrévocable de sa part de céder à la société une partie des actions détenues par lui pour leur valeur nominale, cet achat d'actions devant s'effectuer en vue d'une réduction du capital non motivée par des pertes ou d'attribution à des salariés ; qu'il était également stipulé que la société disposerait d'un délai de six mois à compter de la démission pour exercer l'option d'achat et que dans le cas où le dirigeant concerné ne remettrait pas les ordres de mouvement constatant la réalisation de la cession, cette constatation résulterait de la consignation du prix ; qu'il était encore convenu que la société aurait la faculté de se substituer, dans le bénéfice de la promesse, toute personne physique appelée à remplacer le dirigeant concerné et que pour l'application de ces stipulations, la révocation d'un dirigeant pour une faute équivalente en droit social à une faute grave serait assimilable à une démission ; que le 8 juillet 2004, M. X... a conclu avec la société une convention prévoyant notamment qu'il bénéficierait d'une indemnité de rupture de son mandat social, en l'absence de faute grave ou lourde, et qu'il serait tenu d'une obligation de non-concurrence pendant une durée de deux ans après la cessation de ses fonctions ; que le 4 octobre 2004, le conseil d'administration a révoqué M. X... de ses fonctions de directeur général pour faute grave ; que le 24 mars 2005, l'assemblée générale des actionnaires a révoqué M. X... de ses fonctions d'administrateur ; que la société s'est ensuite prévalue de la promesse de cession d'une partie de ses actions souscrite par ce dernier et a, à la suite de son refus de l'exécuter, consigné une certaine somme correspondant au prix d'achat convenu ; que, faisant notamment valoir qu'il avait été abusivement révoqué de ses mandats sociaux et que le transfert de la propriété d'une partie de ses actions était irrégulier, M. X... a fait assigner la société aux fins d'annulation des décisions prises par les organes sociaux postérieurement à ce transfert et en paiement de diverses sommes au titre du rachat de ses actions et à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que sa révocation pour faute grave de ses fonctions de directeur général et d'administrateur était justifiée et de rejeter ses demandes indemnitaires pour révocation abusive, alors, selon le moyen :
1°/ que le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration indique le nom des administrateurs présents, réputés présents, excusés ou absents et qu'il est revêtu de la signature du président de séance et d'au moins un administrateur ; que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009, M. X... faisait valoir que le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 4 octobre 2004, qui le révoquait de son mandat de directeur général pour faute grave, n'était signé que par M. Y..., président du conseil d'administration, et par aucun autre administrateur, et que ce n'est qu'a posteriori que, pour effacer cette irrégularité, la société Crocus Technology avait produit une copie du procès-verbal, non datée et non paraphée, non conforme à l'acte certifié au greffe du tribunal de commerce, comportant un ajout de signature ; qu'en se bornant à affirmer que le procès-verbal du conseil d'administration du 4 octobre 2004 était régulier au regard des dispositions de l'article R. 225-23 du code de commerce, sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que si la révocation du directeur général d'une société anonyme peut être décidée à tout moment, sans préavis ni précision de motifs, par le conseil d'administration sur proposition de son président, il faut, même en cas de faute lourde, que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter préalablement ses observations ; qu'à cet égard, le dirigeant social doit être informé en temps utile des griefs formulés au soutien de la proposition de révocation ; que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009, M. X... faisait valoir que l'ordre du jour communiqué en ouverture de conseil le 4 octobre 2004 faisait état de «l'examen de situation de blocage et décisions urgentes à prendre face aux difficultés de levée de fonds et au fonctionnement de la direction générale», la révocation de son poste de directeur général n'étant pas évoquée, de sorte que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté puisqu'il n'avait pas été en mesure de préparer utilement son intervention ; qu'en estimant qu'aucune atteinte n'avait été portée aux droits de la défense, au seul motif que «M. X... a été entendu en ses observations» , sans rechercher si les conditions dans lesquelles s'était déroulée cette audition impromptue permettaient le respect des droits de M. X..., et notamment si celui-ci avait été informé en temps utile des griefs formulés à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-55 du code de commerce ;
3°/ que si la révocation du directeur général d'une société anonyme peut être décidée à tout moment, sans préavis ni précision de motifs, par le conseil d'administration sur proposition de son président, il faut que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter préalablement ses observations ; que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009, M. X... faisait valoir qu'aux termes mêmes du procès-verbal de la séance du 4 octobre 2004, la parole lui avait été donnée pour s'expliquer sur la rupture du « lien de confiance » entre la société et lui, sans que soit évoquée l'existence d'une faute grave ; qu'en estimant que M. X..., finalement révoqué pour faute grave avec effet immédiat, avait été valablement entendu en ses observations, la cour d'appel, qui n'a pas recherché comme elle y avait été invitée si l'intéressé avait été en mesure de s'expliquer sur la faute grave qui lui était imputée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-55 du code de commerce ;
4°/ que la rupture du lien de confiance ne constitue pas une faute grave ; qu'en estimant que M. X... avait été justement révoqué pour faute grave de son mandat de directeur général, cependant que dans le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 4 octobre 2004, il est simplement indiqué qu'il est reproché à M. X... une rupture du lien de confiance, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute grave imputable à M. X..., a violé l'article L. 225-55 du code de commerce ;
5°/ que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ; qu'en estimant que M. X... avait été justement révoqué pour faute grave de son mandat de directeur général, au motif qu'il aurait rompu le «lien de confiance» en communiquant directement avec les investisseurs potentiels, cependant qu'en sa qualité de cofondateur et d'actionnaire de la société Crocus Technology, il était en droit d'intervenir dans ce domaine, la cour d'appel a violé les articles 225-35 du code de commerce et 1844 du code civil ;
6°/ qu' aux termes du procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 24 mars 2005, la révocation de M. X... de son mandat d'administrateur est prononcée «pour les mêmes raisons» que la révocation de son mandat de directeur général, de sorte que la cassation qui sera prononcée dans le cadre des griefs précédents relatifs à la révocation du mandat de directeur général entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit justifiée la révocation «subséquente» de M. X... de son mandat d'administrateur et ce, par application de l'article 625 du code de procédure ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que conformément aux dispositions de l'article R. 225-23 du code de commerce, le procès-verbal est revêtu de la signature du président de séance et d'un administrateur ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que le conseil d'administration était, le 4 octobre 2004, appelé à délibérer sur un ordre du jour particulièrement explicite, portant sur l'examen "de la situation de blocage" et sur les"décisions urgentes à prendre face aux difficultés de la levée des fonds et au fonctionnement de la direction générale", l'arrêt relève que selon le procès-verbal de la séance, M. X... a été entendu en ses observations, dont le contenu précis y est rappelé, préalablement à la décision contestée ; qu'il ajoute, par motifs adoptés, qu'au cours de cette réunion, le président du conseil d'administration a estimé que les agissements de M. X... constituaient un manquement grave aux responsabilités inhérentes à son mandat de directeur général ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles il résulte que M. X... a été mis à même de s'expliquer en temps utile sur la faute grave qui lui était reprochée, de sorte que la société n'a pas manqué à son obligation de loyauté dans l'exercice de son droit de révocation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en troisième lieu, qu'ayant relevé que, s'exprimant en sa qualité de mandataire social, M. X... avait critiqué très sévèrement le président du conseil d'administration et, en portant ces critiques à la connaissance des tiers partenaires, pris le risque, en partie réalisé, d'ouvrir une grave crise interne et de compromettre définitivement le projet d'entreprise dans la phase particulièrement délicate de recherche des capitaux indispensables à sa mise en oeuvre et ayant précisé que ce manquement ne laissait pas d'autre possibilité au conseil d'administration que de mettre fin le plus rapidement possible à son mandat social, la cour d'appel a caractérisé une faute grave imputable à M. X... ;
Attendu, en quatrième lieu, que la cour d'appel n'a pas méconnu le droit de tout associé de participer aux décisions collectives en statuant comme elle a fait ;
Et attendu, enfin, que les griefs relatifs à la révocation de M. X... de ses fonctions de directeur général ayant été rejetés, le moyen, pris en sa sixième branche, est inopérant ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de décider que le rachat forcé de la moitié de sa participation dans la société est intervenu en exécution d'une clause licite et régulièrement mise en oeuvre, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a décidé que la révocation pour faute grave des mandats de directeur général et d'administrateur de M. X... était justifiée, emportera, par voie de conséquence, son annulation en ce qu'il a décidé que cette faute grave, et la révocation qui s'en est suivie de l'intéressé de ses mandats sociaux, justifiait le rachat forcé de la moitié de ses actions et ce, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2°/ que la rupture du lien de confiance ne constitue ni une faute grave, ni une faute lourde ; qu'en estimant que la faute grave prétendument commise par M. X..., et la révocation corrélative de celui-ci de ses mandats sociaux, justifiaient le rachat forcé de la moitié de ses actions, en application de la clause de la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 assimilant la faute grave ou lourde à la démission, cependant que le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 4 octobre 2004 et le procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 24 mars 2005 se bornent à reprocher à M. X... une rupture du lien de confiance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article L. 225-55 du code de commerce ;
3°/ que, selon l'article L. 225-206 du code de commerce, l'achat par une société de ses propres actions n'est possible que dans un nombre de cas limitativement énumérés aux articles L. 225-207 à L. 225-217 du même code, qui ne visent pas l'hypothèse de la faute grave commise par le mandataire social détenteur desdites actions ; qu'en estimant que la clause de la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 prévoyant une telle hypothèse n'était pas contraire aux dispositions de l'article L. 225-206 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
4°/ que nul ne peut être contraint à céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ; qu'en estimant que le conseil d'administration de la société Crocus Technology avait pu à la fois révoquer M. X... de son mandat de directeur général pour faute grave et, sur ce seul fondement, le priver de la propriété de la moitié des actions qu'il détenait, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

5°/ que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en déclarant que la clause de la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 prévoyant le rachat forcé des actions pouvait être mise en oeuvre, cependant que la condition de mise en oeuvre de ce rachat forcé était liée à la seule appréciation du conseil d'administration sur l'existence d'un manquement du détenteur des actions, ce qui rendait potestative cette mise en oeuvre, la cour d'appel a violé les articles 1170 et 1174 du code civil ;
Mais attendu, de première part, que le premier moyen ayant été rejeté, la première branche est sans portée ;
Attendu, de deuxième part , qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que M. X... avait été révoqué non pas seulement en raison d'une perte de confiance mais parce qu'il lui avait été, à juste titre, reproché d'avoir commis un manquement grave aux obligations inhérentes à ses fonctions, c'est sans encourir la critique formulée par la deuxième branche que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ;
Attendu, de troisième part, que les dispositions des articles L. 225-206 et suivants du code de commerce n'affectant pas la validité de la promesse consentie par M. X..., sous certaines conditions, de vendre une partie de ses actions à la société ou à une personne substituée à celle-ci, la critique formulée par la troisième branche est inopérante ;
Attendu, de quatrième part, qu'ayant fait application d'une convention à laquelle M. X... avait librement consenti, la cour d'appel n'a pu violer les dispositions invoquées par la quatrième branche ;
Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que la faute grave visée par la convention du 7 avril 2004, dont la constatation pouvait être judiciairement contestée, ne dépendait pas de la seule volonté de la société, qui était tenue de justifier du manquement allégué en se fondant sur des éléments objectifs et vérifiables, la cour d'appel en a justement déduit que l'obligation de M. X... n'était pas nulle pour avoir été contractée sous une condition potestative ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité en contrepartie de son obligation de non-concurrence, alors, selon le moyen :
1°/ que, pour avoir une cause, la clause de non-concurrence doit nécessairement avoir une contrepartie financière ; qu'en estimant que, s'agissant d'un dirigeant social, la clause de non-concurrence imposée à celui-ci ne nécessitait pas une telle contrepartie, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;
2°/ que la clause de non-concurrence imposée au dirigeant social doit être limitée dans l'espace et dans le temps et ne doit créer aucune sujétion abusive ; qu'en estimant que la clause de non-concurrence infligée à M. X... était régulière, tout en constatant que cette clause était destinée à couvrir tous les «pays susceptibles de constituer le marché des produits MRAM», ce dont il s'évinçait que la clause litigieuse, qui avait vocation à s'appliquer à tous les pays du monde, n'était pas limitée dans l'espace, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1133 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009, M. X... sollicitait la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 3 octobre 2008 qui lui avait alloué, au titre de la clause de non-concurrence, une indemnité d'un montant de 150 000 euros au titre de la réparation de son préjudice ; qu'en estimant que M. X... n'offrait pas de démontrer l'existence d'un préjudice né de l'illicéité de la clause de non-concurrence, cependant que ce dernier sollicitait la confirmation du jugement ayant constaté l'existence de ce préjudice, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que dès lors qu'il n'était pas allégué qu'au jour de la souscription de la clause de non-concurrence, M. X... avait la qualité de salarié de la société, la cour d'appel a énoncé à bon droit qu'il suffisait, pour que cette clause fût licite, qu'elle soit limitée dans le temps et dans l'espace et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'obligation de non-concurrence contractuellement mise à la charge de M. X... était limitée aux pays susceptibles de constituer le marché des produits MRAM et qu'elle ne concernait que ces produits, limitativement et précisément énumérés, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a estimé qu'elle était limitée dans l'espace ;
Et attendu, enfin, que la troisième branche, qui critique un motif surabondant, est inopérante ;
D'où il suit que, pour partie non fondé, le moyen ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 3 octobre 2008 en ce qu'il a décidé que la révocation pour faute grave des mandats de directeur général et d'administrateur de M. Christian X... était justifiée et débouté celui-ci de ses demandes indemnitaires pour révocation abusive de ces mandats ;
AUX MOTIFS QUE, sur les modalités de la rupture, ni les dispositions de l'article L. 225-36-1 du code de commerce, ni les statuts de la société qui se bornent à prévoir que les administrateurs sont convoqués par tous moyens, même verbalement (article 17), n'imposent un quelconque formalisme dans la tenue des réunions du conseil d'administration ; qu'en l'absence de dispositions particulières dans les statuts, le conseil d'administration de la société Crocus pouvait donc valablement délibérer sur la révocation du directeur général, même si cette question n'était pas expressément inscrite à l'ordre du jour de la réunion du 4 octobre 2004 ; qu'au demeurant, il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil que celui-ci était appelé à délibérer sur un ordre du jour particulièrement explicite (examen de la situation de blocage et décisions urgentes à prendre face aux difficultés de la levée de fonds et au fonctionnement de la direction générale), dont il n'est pas soutenu qu'il n'aurait pas été porté à la connaissance de M. X..., lequel ne pouvait donc ignorer que son mandat était menacé, alors surtout que les courriels qu'il avait échangés avec M. Y... au cours des mois de juin et juillet 2004 démontrent que ce dernier cherchait à obtenir sa démission en contrepartie de la conclusion d'un contrat de travail ; que la révocation du mandat de directeur général n'a donc pas été décidée brutalement et qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense, puisque selon le procès-verbal du conseil d'administration du 4 octobre 2004, M. X... a été entendu en ses observations, dont le contenu précis a été rappelé, préalablement à la décision contestée, étant observé que conformément aux dispositions de l'article R. 225-23 du code de commerce, le procès-verbal est revêtu de la signature du président de séance et d'un administrateur ; que la révocation du mandat d'administrateur de M. X... par l'assemblée générale ordinaire du 24 mars 2005 n'a pas plus été abusivement décidée, alors que la question a été régulièrement inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale et préalablement portée à la connaissance de chaque actionnaire dans la lettre de convocation du 8 mars 2005, et qu'aucune brusquerie ou atteinte aux droits de la défense n'est caractérisée, puisque dès le 4 octobre 2004 les deux autres membres du conseil d'administration avaient annoncé, comme en fait foi le procès-verbal, leur décision de soumettre à l'assemblée générale la question du maintien ou non des fonctions d'administrateur de M. X... ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur le bien fondé de la rupture et l'existence d'une faute grave, le 26 septembre 2004, alors que la société Crocus était en négociation depuis plusieurs mois avec divers investisseurs en vue de la levée des fonds indispensables au développement industriel du produit MRAM, M. X... a adressé le courriel suivant aux sociétés 3I et Atlas, qui venaient d'exprimer leur intérêt pour le projet sur la présentation qui leur en avait été faite par MM. Y... et Z..., ce dernier agissant en qualité de futur directeur technique : «Comme seul responsable légal de Crocus Technology, administrateur et co-fondateur de Crocus Technology, je confirme ma position et celle de plusieurs fondateurs à ne pas agréer des points, principalement organisationnels, présentés récemment devant votre comité d'investissement, a) cela ne correspond pas à l'organisation et responsabilités légales et juridiques de Crocus Technology à ce jour, b) cela est en opposition totale à des engagements verbaux récents de plusieurs partenaires financiers et industriels, c) cela n'a aucunement l'accord des fondateurs engagés à 100 % sur le projet Crocus Technology. En particulier sur le point b) j'attends pour connaître la position de chacun. A titre personnel, je reste sceptique sur le manque de discernement total qui a prévalu ces derniers mois. Je doute que sans une remise à plat rapide et transparente et sans choix clairs, il soit difficile de reconstruire la confiance et d'avancer» ; que ce message a été adressé en copie à quatre associés de la société Crocus, et a été doublé le même jour d'un second mail adressé aux deux autres membres du conseil d'administration et à un certain nombre d'associés, rédigés en ces termes : «Je vous prie de trouver ci-dessous l'email envoyé ce week-end aux deux investisseurs principaux aux noms des fondateurs à 100 % Crocus. Il fait suite à la prise de connaissance fortuite de la présentation faite aux comités d'investissements de 3I et Atlas, différente de celle qui m'avait été adressée la veille pour correction technique. Il concerne l'organisation de la compagnie. J'informe que le même type d'action s'était produit lors de la diffusion du business plan. Nous considérons ce manque de transparence comme très peu professionnelle ! Cette action pourrait d'ailleurs être interprétée comme assimilable à une faute tombant sous l'article L. 241-3-5 du code de commerce et sous la clause d'affectio societatis. Dans l'objectif de préserver et l'avenir de Crocus et la crédibilité et éthique des fondateurs signataires, nous étudions l'opportunité d'informer d'autres partenaires privés et publics» ; qu'il est constant qu'ensuite de ces courriels, qualifiés de «calamiteux» par la société intimée, les deux investisseurs (3I et Atlas), pressentis comme «co-leaders» du groupe des bailleurs de fonds ainsi qu'il résulte de la communication faite le 24 septembre 2004 au conseil d'administration par son président (M. Y...), se sont purement et simplement retirés ; que par les deux correspondances susvisées, M. X..., s'exprimant en sa qualité de mandataire social, mais aussi au nom de plusieurs fondateurs, ce qui pouvait laisser penser qu'il faisait état de l'opinion d'une majorité d'actionnaires, a contesté la pertinence de la présentation du projet faite aux deux candidats investisseurs par le président du conseil d'administration, dont le «manque de discernement» a été stigmatisé, a révélé à des partenaires financiers potentiels l'existence de dissensions profondes au sein même de l'équipe dirigeante et a finalement laissé entendre que la pérennité de l'entreprise était compromise, ce qu'il a clairement exprimé dans son message interne aux termes duquel il a fait état d'une remise en cause de l'affectio societatis ; que confrontée à cette initiative, qui était directement contraire aux décisions arrêtées les 11 mai 2004 et 24 septembre 2004, selon lesquelles, d'une part, la direction des négociations était confiée à M. Y... et, d'autre part, il était recommandé d'attendre le 27 septembre pour poursuivre les discussions, et qui était pour le moins intempestive dans la phase délicate de levée de fonds au cours de laquelle elle devait inspirer la confiance, démontrer sa crédibilité et parler d'une même voix, la société Crocus a pu légitimement craindre que son directeur général était sur le point de lui causer un préjudice irréparable en provoquant le retrait, non seulement des deux principaux investisseurs, destinataires du courriel du 26 septembre 2004, mais aussi d'autres partenaires financiers potentiels que M. X... menaçait également d'informer ; qu'en critiquant très sévèrement le président du conseil d'administration, et surtout en portant ces critiques à la connaissance des tiers partenaires, M. X... a pris sciemment le risque, en partie réalisé, d'ouvrir une grave crise interne et de compromettre définitivement le projet d'entreprise dans la phase particulièrement délicate de recherche de capitaux indispensables à sa mise en oeuvre ; que ce faisant, il a commis au sens du droit social un manquement grave à ses obligations, qui ne laissait pas d'autre possibilité au conseil d'administration que de mettre fin le plus rapidement possible à son mandat social, afin de parler à l'avenir d'une seule voix et de rétablir la nécessaire confiance des candidats investisseurs ; qu'à cet effet, la cour observe que la révocation litigieuse n'est pas simplement fondée sur une perte de confiance, puisqu'il est à juste titre reproché à M. X... d'avoir délibérément agi au détriment de l'intérêt social, tandis que les éventuelles erreurs de management du président du conseil d'administration dans la négociation avec les investisseurs ne seraient pas de nature à atténuer ou à exclure la responsabilité du directeur général, qui devait dans tous les cas s'abstenir de prendre des initiatives susceptibles de compromettre la levée de fonds, et donc à terme le projet d'entreprise lui-même ; que de la même façon, ni la proposition de contrat de consultant du 6 octobre 2004, qui était destinée à cantonner M. X... dans des fonctions techniques et commerciales, ni l'offre transactionnelle du 30 mars 2005, qui aurait mis fin à tout contentieux à venir dans l'intérêt bien compris des deux parties, ne valent reconnaissance par la société Crocus de l'absence d'un juste motif de révocation ; qu'enfin, le délai de quelques mois, qui sépare la révocation des deux mandats, ne peut priver la faute commise par le dirigeant de son caractère de gravité, alors d'une part que comme l'explique la société un délai était nécessaire pour organiser le remplacement de M. X..., les statuts exigeant la nomination de trois administrateurs au moins, et d'autre part qu'il n'y avait pas la même urgence à ce qu'il fût mis fin au mandat d'administrateur, qui n'emporte pas pouvoir de représentation de la société à l'égard des tiers ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a par conséquent justement considéré que le mandat de directeur général de M. X... avait été légitimement révoqué pour faute grave ; que le jugement mérite également confirmation en ce qu'il a décidé que la révocation subséquente du mandat d'administrateur était justifiée, alors qu'en application de l'article L. 225-18 du code de commerce, les administrateurs sont révocables à tout moment sans nécessité d'un juste motif, étant observé au demeurant que le conflit existant au sein de l'équipe dirigeante ne pouvait conduire qu'à l'éviction de M. X... ; que ce dernier a dès lors justement été débouté de sa demande en paiement de l'indemnité conventionnelle de rupture, qui en application de l'article 8 de la convention réglementée du 8 juillet 2004, n'est exigible qu'en l'absence de faute grave ou lourde ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration indique le nom des administrateurs présents, réputés présents, excusés ou absents et qu'il est revêtu de la signature du président de séance et d'au moins un administrateur ; que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009 (p. 12 § 1 à 3), M. X... faisait valoir que le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 4 octobre 2004, qui le révoquait de son mandat de directeur général pour faute grave, n'était signé que par M. Y..., président du conseil d'administration, et par aucun autre administrateur, et que ce n'est qu'a posteriori que, pour effacer cette irrégularité, la société Crocus Technology avait produit une copie du procès-verbal, non datée et non paraphée, non conforme à l'acte certifié au greffe du tribunal de commerce, comportant un ajout de signature ; qu'en se bornant à affirmer que le procès-verbal du conseil d'administration du 4 octobre 2004 était régulier au regard des dispositions de l'article R.225-23 du code de commerce (arrêt attaqué, p. 7 § 1), sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE si la révocation du directeur général d'une société anonyme peut être décidée à tout moment, sans préavis ni précision de motifs, par le conseil d'administration sur proposition de son président, il faut, même en cas de faute lourde, que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter préalablement ses observations ; qu'à cet égard, le dirigeant social doit être informé en temps utile des griefs formulés au soutien de la proposition de révocation ; que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009 (p. 11 § 8 à 11), M. X... faisait valoir que l'ordre du jour communiqué en ouverture de conseil le 4 octobre 2004 faisait état de «l'examen de situation de blocage et décisions urgentes à prendre face aux difficultés de levée de fonds et au fonctionnement de la direction générale», la révocation de son poste de directeur général n'étant pas évoquée, de sorte que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté puisqu'il n'avait pas été en mesure de préparer utilement son intervention ; qu'en estimant qu'aucune atteinte n'avait été portée aux droits de la défense, au seul motif que «M. X... a été entendu en ses observations» (arrêt attaqué, p. 7 § 1), sans rechercher si les conditions dans lesquelles s'était déroulée cette audition impromptue permettaient le respect des droits de M. X..., et notamment si celui-ci avait été informé en temps utile des griefs formulés à son encontre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-55 du code de commerce ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE si la révocation du directeur général d'une société anonyme peut être décidée à tout moment, sans préavis ni précision de motifs, par le conseil d'administration sur proposition de son président, il faut que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter préalablement ses observations ; que dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009 (p. 11 § 3 et 4), M. X... faisait valoir qu'aux termes mêmes du procès-verbal de la séance du 4 octobre 2004, la parole lui avait été donnée pour s'expliquer sur la rupture du «lien de confiance» entre la société et lui, sans que soit évoquée l'existence d'une faute grave (cf. procès-verbal du 4 octobre 2004, p. 3 § 1) ; qu'en estimant que M. X..., finalement révoqué pour faute grave avec effet immédiat, avait été valablement entendu en ses observations (arrêt attaqué, p. 7 § 1), la cour d'appel, qui n'a pas recherché comme elle y avait été invitée si l'intéressé avait été en mesure de s'expliquer sur la faute grave qui lui était imputée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-55 du code de commerce ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la rupture du lien de confiance ne constitue pas une faute grave ; qu'en estimant que M. X... avait été justement révoqué pour faute grave de son mandat de directeur général, cependant que dans le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 4 octobre 2004, il est simplement indiqué qu'il est reproché à M. X... une rupture du lien de confiance, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute grave imputable à M. X..., a violé l'article L. 225-55 du code de commerce ;
ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ; qu'en estimant que M. X... avait été justement révoqué pour faute grave de son mandat de directeur général, au motif qu'il aurait rompu le «lien de confiance» en communiquant directement avec les investisseurs potentiels (arrêt attaqué, p. 10 § 1), cependant qu'en sa qualité de cofondateur et d'actionnaire de la société Crocus Technology, il était en droit d'intervenir dans ce domaine, la cour d'appel a violé les articles 225-35 du code de commerce et 1844 du code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QU'aux termes du procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 24 mars 2005, la révocation de M. X... de son mandat d'administrateur est prononcée «pour les mêmes raisons» que la révocation de son mandat de directeur général, de sorte que la cassation qui sera prononcée dans le cadre des griefs précédents relatifs à la révocation du mandat de directeur général entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit justifiée la révocation «subséquente» de M. X... de son mandat d'administrateur (arrêt attaqué, p. 10 § 1) et ce, par application de l'article 625 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que c'était en exécution d'une clause licite et régulièrement mise en oeuvre qu'il avait été procédé au rachat forcé de la moitié de la participation détenue par M. X... dans le capital de la société Crocus Technology ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de son article 3, la convention d'actionnaires conclue le 7 avril 2004 prévoit et organise en ces termes la cession forcée des actions des managers en cas de cessation de leurs fonctions de mandataire social ou de salarié : «Dans le cas où un manager démissionnerait de ses fonctions de salarié et/ou de mandataire social de la société pendant les 3 ans à compter de la signature des présentes, et si une telle démission ne résulte pas d'un cas de force majeure ni d'une incapacité rendant impossible la poursuite des fonctions du manager concerné telles qu'éventuellement aménagées en accord avec les investisseurs, la démission vaudra automatiquement et de plein droit promesse ferme et irrévocable de sa part de céder à Crocus, à première demande de cette dernière, (i) 75 % des actions alors détenues par lui, pour un prix par action égal au nominal si cette démission intervient avant le 1er juillet 2004, (ii) 50 % des actions alors détenues par lui, pour un prix par action égal au nominal si cette démission intervient avant le 1er juillet 2005 ou (iii) 25 % des actions alors détenues par lui, pour un prix par action égal au nominal si cette démission intervient avant le 1er juillet 2006. Ce rachat d'actions s'effectuera, conformément à l'article L. 225-06 du code de commerce, en vue de leur annulation suite à une réduction de capital non motivée par des pertes ou de leur attribution à des salariés de Crocus. Crocus disposera d'un délai de 6 mois à compter de la démission pour exercer l'option d'achat résultant de la promesse ci-dessus, en tout ou partie. Dans le cas où, pour une raison quelconque, le manager concerné ne remettrait pas le ou les ordres de mouvement constatant la réalisation de la cession, cette constatation résultera suffisamment et sans qu'il soit besoin d'aucune autre formalité, de la consignation du prix de cession entre les mains de la Caisse des Dépôts et des Consignations. Crocus pourra se substituer, dans le bénéfice de la promesse, toutes personnes physiques qui seraient amenées à remplacer le manager concerné dans les fonctions précédemment occupées par lui. Seront assimilés à une démission pour l'application du présent article, la révocation d'un manager pour une faute assimilable en droit social à une faute grave ainsi, le cas échéant, que le licenciement d'un manager pour faute grave ou lourde dans l'exécution de son contrat de travail» ; qu'il est de principe constant qu'une telle clause d'éviction partielle n'est pas contraire à l'essence même du contrat de société lorsque, comme en l'espèce, d'une part, elle est introduite par un accord unanime des associés conclu de surcroît le jour même de l'adoption des statuts, avec lesquels il fait corps, et, d'autre part, elle ne crée aucun risque d'exclusion arbitraire en présence d'un motif de rachat suffisamment objectif (la faute assimilable en droit social à une faute grave) ; qu'elle ne contrevient par ailleurs ni aux dispositions de l'article L. 225-101 du code de commerce, ni à celles de l'article L. 225-206 du même code ; que comme le fait justement observer la société Crocus, le premier de ces textes, qui fixe les conditions et les modalités de l'achat par la société dans les deux ans de son immatriculation d'un bien appartenant à un actionnaire, est destiné principalement à éviter le contournement des règles imposées par la loi sur l'évaluation des apports en nature ; que la clause litigieuse, dont l'objectif est de préserver l'intérêt collectif en limitant le pouvoir de nuisance d'un dirigeant gravement fautif, ne lui est donc manifestement pas contraire ; que le second de ces textes autorise dans son deuxième paragraphe l'achat par une société de ses propres actions sous certaines conditions et modalités, tandis que l'article L. 225-214 du code de commerce ne sanctionne pas par la nullité de l'acquisition les actions régulièrement détenues, dont il est seulement prévu qu'elles doivent être cédées dans un délai d'un an et à défaut annulées, étant observé qu'en décidant que les actions rachetées sont annulées suite à une réduction de capital non motivée par des pertes ou attribuées à des salariés, la clause litigieuse renvoie à un mécanisme expressément autorisé par les articles L. 225-207 et L. 225-208 du code de commerce ; que la clause de rachat forcé n'est pas davantage contraire aux dispositions des articles 12 et 33 des statuts de la société ; que la première de ces clauses se borne à poser le principe de la libre négociation des actions et à en fixer les modalités, ce qui n'exclut nullement la mise en oeuvre de l'éviction forcée instituée par l'article 3 du pacte d'actionnaire en cas de manquement grave commis par un manager ; que la seconde, qui prévoit les conditions et les modalités de l'exclusion d'un actionnaire, ayant commis des actes contraires à l'intérêt social et de nature à compromettre l'affectio societatis, n'a pas le même objet comme étant exclusivement destinée à sanctionner les manquements d'un associé n'ayant pas la qualité de «manager» au sens de l'article 3 susvisé, c'est-à-dire de mandataire social ou de cadre salarié dirigeant ; que le mécanisme de l'éviction forcée du manager fautif ne présente pas plus un caractère léonin au sens de l'article 1844-1 du code civil, alors qu'il implique la commission de faits gravement fautifs au sens de la définition précise d'égalité entre les associés, qu'il n'a pas d'incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes, qu'il ne livre pas le dirigeant contesté à l'arbitraire du conseil d'administration et qu'il n'organise pas une exclusion totale, puisque la cession ne porte que sur une partie des actions (50 % dans le cas présent) ; qu'il sera en outre observé que le prix de rachat, fixé à la valeur nominale de souscription, n'était pas dérisoire au jour de l'introduction de la clause par le pacte d'actionnaires, conclu le jour même de l'établissement des statuts de la société, et ne l'était pas nécessairement au jour de l'éviction litigieuse dans la phase de levée de fonds préalable au démarrage effectif de l'activité industrielle, étant précisé que l'exclusion forcée ne pouvait intervenir que dans un délai de deux années expirant le 1er juillet 2006 ; que s'agissant du prétendu caractère potestatif de la clause litigieuse, il ne saurait être sérieusement retenu ; que la faute grave susceptible de déclencher l'éviction partielle, dont la constatation peut être judiciairement contestée, ne dépend pas, en effet, de la seule volonté de la société, qui est tenue de justifier du manquement allégué en se fondant sur des éléments objectifs et vérifiables ; qu'enfin, c'est dans le strict respect des modalités de cession prévues à l'article 3 de la convention d'actionnaires que le transfert des titres a été enregistré ; qu'à cet effet, la cour observe qu'à défaut de stipulation contraire, la société Crocus, agissant par son président directeur général dûment mandaté le 24 mars 2005 par le conseil d'administration, avait qualité pour mettre en oeuvre la cession forcée, que l'option d'achat a été levée dans les six mois de la révocation valant de plein droit promesse ferme et irrévocable de vente et qu'à défaut de remise volontaire des ordres de mouvement, la réalisation de la cession résultait suffisamment de la consignation du prix, effectuée le 25 mai 2005, «sans qu'il soit besoin d'aucune autre formalité» ; que c'est par conséquent en vertu d'une clause licite et régulièrement mise en oeuvre que la société Crocus a procédé au rachat forcé de la moitié des actions détenues par M. X..., dont il a été précédemment démontré qu'il avait commis une faute grave au sens du droit social ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la cassation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a décidé que la révocation pour faute grave des mandats de directeur général et d'administrateur de M. Christian X... était justifiée, emportera, par voie de conséquence, son annulation en ce qu'il a décidé que cette faute grave, et la révocation qui s'en est suivie de l'intéressé de ses mandats sociaux, justifiait le rachat forcé de la moitié de ses actions et ce, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la rupture du lien de confiance ne constitue ni une faute grave, ni une faute lourde ; qu'en estimant que la faute grave prétendument commise par M. X..., et la révocation corrélative de celui-ci de ses mandats sociaux, justifiaient le rachat forcé de la moitié de ses actions, en application de la clause de la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 assimilant la faute grave ou lourde à la démission, cependant que le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 4 octobre 2004 et le procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 24 mars 2005 se bornent à reprocher à M. X... une rupture du lien de confiance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article L. 225-55 du code de commerce ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE, selon l'article L. 225-206 du code de commerce, l'achat par une société de ses propres actions n'est possible que dans un nombre de cas limitativement énumérés aux articles L. 225-207 à L. 225-217 du même code, qui ne visent pas l'hypothèse de la faute grave commise par le mandataire social détenteur desdites actions ; qu'en estimant que la clause de la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 prévoyant une telle hypothèse n'était pas contraire aux dispositions de l'article L. 225-206 du code de commerce (arrêt attaqué, p. 11 § 5 et 8), la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE nul ne peut être contraint à céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ; qu'en estimant que le conseil d'administration de la société Crocus Technology avait pu à la fois révoquer M. X... de son mandat de directeur général pour faute grave et, sur ce seul fondement, le priver de la propriété de la moitié des actions qu'il détenait, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil et l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en déclarant que la clause de la convention d'actionnaires du 7 avril 2004 prévoyant le rachat forcé des actions pouvait être mise en oeuvre, cependant que la condition de mise en oeuvre de ce rachat forcé était liée à la seule appréciation du conseil d'administration sur l'existence d'un manquement du détenteur des actions, ce qui rendait potestative cette mise en oeuvre, la cour d'appel a violé les articles 1170 et 1174 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité en contrepartie de son obligation de non-concurrence ;
AUX MOTIFS QUE les principes invoqués par M. X..., tirés de la jurisprudence en matière de droit social, ne sont pas transposables au cas d'espèce, alors que la clause litigieuse ne porte pas atteinte au droit fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ; qu'il faut et il suffit, en effet, que l'obligation de non-concurrence imposée au mandataire social après la cessation de ses fonctions soit limitée dans le temps et dans l'espace et surtout qu'elle soit proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ; que tel est le cas en l'espèce, alors que l'interdiction prévue à l'article 5 de la convention réglementée du 8 juillet 2004 a une durée raisonnable de deux années, est limitée aux pays susceptibles de constituer le marché des produits MRAM, ne concerne que ces produits limitativement et précisément énumérés et n'est pas disproportionnée au regard des fonctions de directeur général exercée par M. X... dans le domaine très innovant et très concurrentiel des matériels micro-électroniques ; que c'est par conséquent à tort que le tribunal a alloué à ce dernier une indemnité forfaitaire de 150 000 euros, étant observé en toute hypothèse que seuls des dommages-et-intérêts pourraient être octroyés à l'ancien dirigeant, à charge pour lui de démontrer, ce qu'il n'offre pas de faire, qu'il a subi un préjudice professionnel effectif au cours des deux années qui ont suivi la révocation de son mandat ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, pour avoir une cause, la clause de non-concurrence doit nécessairement avoir une contrepartie financière ; qu'en estimant que, s'agissant d'un dirigeant social, la clause de non-concurrence imposée à celui-ci ne nécessitait pas une telle contrepartie, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la clause de non-concurrence imposée au dirigeant social doit être limitée dans l'espace et dans le temps et ne doit créer aucune sujétion abusive ; qu'en estimant que la clause de non-concurrence infligée à M. X... était régulière, tout en constatant que cette clause était destinée à couvrir tous les «pays susceptibles de constituer le marché des produits MRAM» (arrêt attaqué, p. 14 § 4), ce dont il s'évinçait que la clause litigieuse, qui avait vocation à s'appliquer à tous les pays du monde, n'était pas limitée dans l'espace, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1133 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE dans ses conclusions d'appel signifiées le 16 décembre 2009 (p. 26 § 1), M. X... sollicitait la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 3 octobre 2008 qui lui avait alloué, au titre de la clause de non-concurrence, une indemnité d'un montant de 150 000 euros au titre de la réparation de son préjudice ; qu'en estimant que M. X... n'offrait pas de démontrer l'existence d'un préjudice né de l'illicéité de la clause de non-concurrence, cependant que ce dernier sollicitait la confirmation du jugement ayant constaté l'existence de ce préjudice, la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-12074
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 12 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 mar. 2014, pourvoi n°12-12074


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.12074
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