LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de contredit, que, dans le cadre d'un projet de développement d'un progiciel, la société Creno Impex (la société Creno) a, le 25 février 2004, souscrit auprès de la société Microsoft business solutions, aux droits de laquelle est venue la société Microsoft France, un contrat portant sur l'achat d'un certain nombre de licences ; que des difficultés étant survenues dans la réalisation du projet, la société Creno a conclu, le 23 juillet 2008, avec la société Microsoft Ireland Operations Limited (la société Microsoft Ireland), un nouveau contrat portant sur de nouvelles licences ; que les difficultés persistant, elle a assigné la société Microsoft France devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir la nullité de ces contrats, à titre subsidiaire leur résolution, et, plus subsidiairement, l'octroi de dommages-intérêts ; que la société Microsoft France, se prévalant de la clause attributive de compétence figurant au second contrat, a soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit des juridictions irlandaises ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que le moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 48 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire le contredit mal fondé et renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris, l'arrêt, après avoir relevé, en ce qui concerne les demandes formées au titre du second contrat, que la clause portant attribution de compétence aux juridictions irlandaises est incluse dans le contrat signé par la société Microsoft Ireland qui n'est pas partie au litige, et non par la société Microsoft France, retient qu'elle ne peut donc être opposée à la société Creno ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, cependant que la société Creno fondait ses demandes à l'encontre de la société Microsoft France sur le contrat du 23 juillet 2008 auquel celle-ci n'était pas partie, si, au moment de la formation de ce contrat, la clause litigieuse n'était pas connue de la société Microsoft France et n'avait pas été acceptée par elle dans ses relations avec la société Creno, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Creno Impex aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Microsoft France
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le contredit mal fondé, renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris et condamné l'exposante à verser à la société CRENO IMPEX la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société MICROSOFT soutient que le contrat du 23 juillet 2008 s'est substitué à celui conclu le 25 février 2004 et que ce dernier contient une clause donnant compétence aux juridictions irlandaises pour connaître de tout litige, valable au regard des dispositions du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 ; qu'elle ajoute que si la novation ne se présume pas, elle peut résulter des faits de la cause et en l'espèce, il ne fait aucun doute que le second contrat s'est substitué au premier ayant un objet identique et mentionnant en son article 10 qu'il reprend l'intégralité des accords entre les parties; qu'au surplus, elle ajoute que MICROSOFT France n'assure que la promotion des logiciels qui relèvent de MICROSOFT BUSINESS SOLUTIONS installée en Irlande ainsi que le démontre le cachet figurant sur le contrat du 23 juillet 2008 et l'avenant annexé à ce document; qu'à tout le moins, elle soutient que pour ce dernier contrat, le tribunal de commerce de Paris ne peut être compétent; Considérant que la société CRENO IMPEX soutient que le tribunal de commerce de Paris est compétent en vertu de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat du 25 février 2004; qu'elle estime que le contrat du 23 juillet 2008 ne se substitue pas à ce contrat du 25 février 2004 ; qu'au surplus, elle souligne que la société MICROSOFT FRANCE ne peut invoquer le bénéfice d'une clause attributive de compétence contenue dans un contrat auquel elle n'est pas partie; qu'elle précise que les demandes ne visent que les seuls contrats passés entre elle-même et la société MICROSOFT FRANCE et les fautes contractuelles commises par cette dernière;Considérant que la société CRENO IMPEX a fait délivrer le 25 août 2011 une assignation à comparaître devant le tribunal de commerce de Paris à la SAS MICROSOFT FRANCE; que l'acte introductif d'instance ne vise que cette seule société; Considérant que le dispositif de l'assignation demande au tribunal de :- dire et juger nulles par vice du consentement, les contrats par lesquels CRENO IMPEX a souscrit en 2004 puis en 2008 auprès de MICROSOFT FRANCE des licences d'utilisateur final et les prestations de maintenance qui leur sont attachées;- de condamner MICROSOFT FRANCE à rembourser à CRENO IMPEX la somme du prix de l'ensemble des licences et des abonnements de maintenance à hauteur de 682.975 euros HT augmenté des intérêts légaux à compter de la date de paiement du prix des licences et services considérés;- à titre subsidiaire, dire que MICROSOFT FRANCE a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi ainsi qu'à son obligation de loyauté;- prononcer la résolution des contrats par lesquels CRENO IMPEX a souscrit en 2004 puis en 2008 auprès de MICROSOFT FRANCE des licences d'utilisateur et les prestations de maintenance qui leur sont attachées;- condamner MICROSOFT FRANCE à rembourser à CRENO IMPEX la somme du prix de l'ensemble des licences et des abonnements de maintenance à hauteur de 682.975 euros HT augmenté des intérêts légaux à compter de la date de paiement du prix des licences et services considérés;- à titre plus subsidiaire, dire que MICROSOFT FRANCE a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi ainsi qu'à son obligation de loyauté;- condamner la société MICROSOFT FRANCE à verser à la société CRENO IMPEX la somme de 682.975 euros à titre de dommages intérêts;- dans tous les cas condamner la société MICROSOFT FRANCE à garantir CRENO IMPEX de toute demande de paiement du prix des abonnements de maintenance depuis 2007 à hauteur de 227.025 euros HT;- condamner la société MICROSOFT FRANCE à verser à la société CRENO IMPEX la somme de 794.950 euros à titre de dommages intérêts;- condamner la société MICROSOFT FRANCE à payer à la société CRENO IMPEX la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;Considérant que les demandes présentées par la société CRENO IMPEX à l'encontre de la société MICROSOFT FRANCE visent des contrats et l'exécution de ceux-ci;Considérant que la société CRENO IMPEX invoque le contrat en date du 25 février 2004 qu'elle a signé avec la société MICROSOFT BUSINESS SOLUTIONS sise à Courtaboeuf ; que la cour constate qu'il n'est pas contesté que la signataire soit bien la société MICROSOFT FRANCE;Considérant que ce contrat contient effectivement en son article 18, une clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Paris rédigée comme suit :" ce contrat est régi par les lois en vigueur en France. Tout conflit se rapportant au présent contrat ou surgissant du fait du présent contrat sera réglé par le tribunal de commerce de Paris." ;Considérant que cette clause est donc applicable au litige qui porte sur la validité, l'application et l'exécution de ce contrat;Considérant que la société MICROSOFT prétend que le contrat du 23 juillet 2008 s'est substitué à celui de 2004 ;Considérant toutefois que la cour relève que le contrat de 2004 en son article 7 mentionne qu'il est conclu pour une durée de 36 mois à partir de la date de signature et qu'il se termine sans préavis;Considérant qu'il n'est produit aucun document établissant qu'il s'est prolongé au-delà du 25 février 2007 ;Considérant que la société MICROSOFT prétend que ce contrat a été repris dans le contrat de 2008 mais ce dernier prévoit en son article 10 qu'il remplace et annule l'ensemble des communications antérieures et présentes; qu'à supposer qu'un contrat puisse être assimilé à une communication , la clause évoque une communication à la fois antérieure et présente; que le contrat de 2004 ayant pris fin antérieurement à la signature du contrat de 2008, n'existe plus et ne peut donc être avoir été repris;Considérant qu'aucune novation n'a donc pu intervenir ; que les demandes afférentes au contrat de 2004 relèvent nécessairement de la compétence du tribunal de commerce de Paris par application de la clause susmentionnée; Considérant qu'en ce qui concerne les demandes formées au titre du contrat de 2008 qui comporte lui aussi une clause attributive de compétence prévue à l'article 10 et mentionnant que le contrat est régi par les lois irlandaises et que toute action en justice doit être portée devant les tribunaux d'Irlande, il convient de relever que cette clause est incluse dans un contrat signé par la société MICROSOFT IRELAND OPERATIONS qui n'est pas partie au litige et non par la société MICROSOFT FRANCE; qu'elle ne peut donc être opposée à la société CRENO IMPEX par la défenderesse;Considérant dès lors que l'ensemble des demandes doit être examiné par le tribunal de commerce de Paris à charge pour celui-ci d'en apprécier le bien- fondé;Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de déclarer le contredit mal fondé et de renvoyer le dossier au tribunal de commerce de Paris qui s'est, à juste titre déclaré compétent;Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de la société CRENO IMPEX présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société MICROSOFT FRANCE à lui verser de ce chef, la somme visée au dispositif de la présente décision; Considérant que la société MICROSOFT, succombant, doit supporter les frais du contredit »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société Creno Impex a conclu un premier contrat « sur volume d'achat prévu de Produits Navision» le 25 février 2004 avec la société Microsoft Business Solutions et que la société Microsoft France est venue aux droits de Microsoft Business Solutions ; Attendu que ce contrat comporte un article 18 «juridiction compétente » qui précise : «ce contrat est régi par les lois en vigueur en France. Tout conflit se rapportant au présent contrat ou surgissant du fait du présent contrat sera régi par le Tribunal de Commerce de Paris » ; Attendu qu'un deuxième contrat dénommé «Contrat de licence multisite pour Microsoft Dynamics » a été conclu le 7 juillet 2008 entre Creno Impex et Microsoft Ireland Operations LTD que ce contrat comporte un article 10 « stipulations générales» qui précise « ..... Le présent contrat sera régi par les lois Irlandaises et toute action en justice dans le cadre du présent contrat doit être portée devant les tribunaux irlandais .... » ; Attendu que si ce deuxième contrat comporte une clause générale précisant « le présent contrat constitue l'intégralité des accords entre les parties concernant l'objet visé par les présentes et annule et remplace l'ensemble des communications antérieures et présentes ... », cette clause classique quant à l'intégralité des négociations, n'est complétée par aucune mention de la novation du contrat de 2004 par modification de débiteur et donc substitution de Microsoft Irlande à Microsoft France ; Attendu que conformément à l'article 1273 du code civil la novation ne se présume point; qu'il apparaît donc que le contrat de 2008 n'a pu intégrer le contrat de 2004 ; que par ailleurs le contrat de 2004 comporte une clause d'attribution de compétence claire en faveur du Tribunal de Commerce de Paris et que donc les litiges relevant de l'exécution de ce contrat sont de la compétence du Tribunal de commerce de paris ; Attendu au surplus que le contrat conclu en février 2004 avait été conclu pour une durée de 36 mois période à l'issue de laquelle il se terminait sans préavis ; que donc le contrat de 2004 est venu à échéance en février 2007, qu'il n'est produit aucun document attestant de sa prorogation et de sa reprise par le contrat de 2008 ; Attendu que tant le contrat de 2004 que de celui de 2008 ont pour objet de consentir à l'acquéreur d'un certain volume de licences une réduction sur le prix de celles-ci; que toutefois s'agissant des licences souscrites, celles-ci ont été réalisées par le biais de Microsoft France (aux droits de laquelle est venu Microsoft France) ; Attendu que les relations se sont poursuivies avec Microsoft France au-delà de la souscription des licences et que le demandeur produit une série de courriels échangés entre Microsoft France et Creno Impex au cours des années 2009 et 2010 quant aux contrats de licence et de maintenance souscrits ; Attendu que la demande de Creno Impex ne porte pas sur les conditions d'application ni le quantum des remises prévues par les contrats de 2004 et 2008, mais sur le comportement de Microsoft France à l'occasion de la vente des contrats de licences et de maintenance et que ces contrats de remises sur volume n'ont été qu'un élément des négociations commerciales ; Attendu dès lors que s'agissant d'un litige entre deux commerçants établis en France, les juridictions commerciales Françaises sont compétentes, que Microsoft Business Solutions ayant fait élection de compétence devant le Tribunal de Commerce de Paris au titre du contrat de 2004, celui-ci est donc compétent pour connaître de la demande d'annulation de licences de Creno Impex ; Dès lors le tribunal rejettera l'exception d'incompétence soulevée par Microsoft en faveur des juridictions Irlandaises et se déclarera compétent pour connaître du litige opposant Creno Impex et Microsoft France et à défaut de contredit dans les délais légaux le Tribunal fait injonction à Microsoft France de conclure au fond dans un délai de six semaines et renverra la cause à l'audience collégiale du 26 novembre 2012 pour conclusions »
1/ ALORS QUE le contrat conclu le 23 juillet 2008 entre la société CRENO IMPEX et la société MICROSOFT IRELAND OPERATION LIMITED dont il était constant qu'il avait le même objet que le contrat précédemment conclu entre la société CRENO IMPEX et la société MICROSOFT France le 25 février 2004, prévoit en son article 10 qu'il « constitue l'intégralité des accords entre les parties concernant l'objet visé par les présentes et annule et remplace l'ensemble des communications antérieures et présentes » ; qu'il se substitue donc à tout accord antérieur et à tout accord existant au moment de sa signature; qu'en retenant que cette clause évoquait une communication « à la fois antérieure et présente », pour en déduire qu'elle ne pouvait avoir pour effet de remplacer le contrat du 25 février 2004 dès lors que celui-ci avait pris fin antérieurement à la signature du contrat du 23 juillet 2008, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2/ ALORS QUE le contrat est opposable aux parties par les tiers ; que le tiers à qui l'on oppose un contrat pour engager sa responsabilité peut donc lui-même opposer à la partie signataire de ce contrat la clause attributive de compétence que cette dernière avait acceptée de se voir appliquer ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société MICROSOFT France a été assignée par la société CRENO IMPEX en nullité et subsidiairement en résolution du contrat du 23 juillet 2008 conclu par cette dernière avec la société MICROSOFT IRELAND CORPORATION LIMITED ; que la société MICROSOFT France, bien que tiers à ce contrat, était donc parfaitement fondée à opposer en défense la clause attributive de juridiction qui y figurait à la société CRENO IMPEX qui l'avait acceptée ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil.