LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jugurtha X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 30 octobre 2012, qui, pour contrefaçon et blanchiment douanier, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, à la confiscation des marchandises contrefaisantes et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 716-10 du code de propriété intellectuelle, 415 du code des douanes, 459 et 593 du code de procédure pénale, 121-3 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. Jugurtha X...coupable des délits de réalisation d'opération financière entre la France et l'étranger sur des fonds provenant d'un délit douanier et de vente ou mise en vente de marchandise présentée sous une marque contrefaisante ;
" aux motifs que lors de leurs interrogatoires de garde à vue, les quatre prévenus ont reconnu leurs activités d'importation et de revente des articles saisis, tout en minimisant l'importance des importations et des sommes gagnées et investies ; qu'ils reconnaissaient leur rôle respectif, mais soutenaient initialement avoir ignoré qu'il s'agissait de contrefaçons, alors que les prix d'achat dérisoires en comparaison du marché français auraient dû les alerter, ainsi que parfois la mauvaise qualité des articles ; que l'enquête a permis de distinguer les importations importantes de Y... Issa, de celles moins nombreuses réalisées par Y... Walid et Y... Samy ; qu'il en ressort essentiellement que ceux-ci ont agi pour le compte de leur frère Issa, ce que lui-même reconnaissait ; qu'il a déclaré que 35 000 euros ont été envoyés en Chine par M. Walid Y... pour son compte et que l'intégralité de la somme provenait de la revente des vêtements par lui-même ou par M. X...; que les expertises techniques ont révélé que M. Issa Y... agissait assisté de M. X...; que M. Issa Y... effectuait les commandes par utilisation de plusieurs adresses internet, de cybercafés et de taxis phones, notamment en Belgique ; qu'il utilisait des prête-noms pour les livraisons ; que les enquêteurs ont constaté que malgré la saisie de nombreux colis, censée tarir le trafic, des sommes importantes continuaient d'être investies, laissant supposer une autre source de financement, alors que M. Issa Y... affirmait qu'elles provenaient de la revente des vêtements importés ; que M. Issa Y... reconnaissait avoir envoyé en Chine entre 30 000 euros et 35 000 euros par mandats Western union, alors que selon l'enquête, entre le 5 février 2009 et le 28 février 2011, il y aurait transféré une somme globale de 75 000 euros, la moitié provenant selon lui de la revente des produits contrefaisants par M. X...; qu'il reconnaissait aussi avoir importé environ 700 articles et admettait les avoir revendus par utilisation du site internet « Le bon coin », ou directement aux particuliers, par lui-même ou à l'article de M. X...; qu'interrogé sur des retraits bancaires importants, notamment pour un montant total de 14 800 euros, il prétendait avoir confié la somme, en partie à M. X..., pour acheter une voiture rapidement revendue, ce qui n'a jamais été justifié ; que M. X...a reconnu avoir des contacts en Chine par l'intermédiaire de M. Issa Y... et qu'ils étaient associés dans l'acquisition et la revente des produits contrefaisants ; qu'il explique que M. Issa Y... passait les commandes et payait les factures ; qu'il évalue, en contradiction avec les déclarations de Y... Issa, à 6 000 euros la somme investie dans les contrefaçons et soutient qu'il faisait seulement de la vente dans les quartiers des produits importés ; que selon les déclarations de M. Issa Y..., ils étaient associés et que l'argent recueilli était utilisé pour de nouvelles commandes selon le même procédé d'achats-reventes de contrefaçons ; que M. Issa Y... a déclaré que M. X..., comme lui sans revenu, lui avait remis une part de la somme de 75 000 euros investie dans l'achat des produits contrefaisants ; qu'il précisait qu'à compter de 2010 il lui remettait régulièrement des sommes de 2 000 euros correspondant à la moitié du mandat expédié et que le total pouvait atteindre 35 000 euros ; que sa culpabilité est suffisamment établie ;
" alors que le délit de blanchiment douanier est une infraction intentionnelle qui suppose non seulement que les fonds ayant fait l'objet d'une opération financière entre la France et l'étranger soient issus d'un délit douanier, mais encore que l'auteur des transferts ait su personnellement que ceux-ci provenaient, directement ou indirectement, d'un délit douanier ; qu'en se bornant à relever que les prévenus « soutenaient initialement avoir ignoré qu'il s'agissait de contrefaçons » mais que « les prix d'achat dérisoires en comparaison du marché français auraient dû les alerter, ainsi que parfois la mauvaise qualité des articles », la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit imputé à M. X..., privant ainsi sa décision de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de blanchiment douanier dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du code pénal, 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 459 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné M. X...à la peine de deux ans d'emprisonnement ferme ;
" aux motifs que M. X...ne produit aucun justificatif de sa situation personnelle et professionnelle permettant d'envisager ab initio un aménagement de sa peine d'emprisonnement ;
" 1°) alors qu'aux termes de l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, en matière correctionnelle, si une peine d'emprisonnement est prononcée, celle-ci doit, lorsque la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet de l'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 et 132-28 du code pénal ; qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme que toute personne a droit à ce que les pièces produites afin d'assurer sa défense soient examinées par les juges, qu'elle ait ou non déposé des conclusions ; que la cour d'appel a constaté que M. X...était représenté par un avocat ; que son défenseur produisait, au soutien de sa plaidoirie, des bulletins de salaires justifiant du travail et de la situation professionnelle de M. X...; qu'en affirmant néanmoins que M. X...ne produisait aucun justificatif de sa situation personnelle et professionnelle permettant d'envisager ab initio un aménagement de sa peine d'emprisonnement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l'avocat de M. X...produisait, au soutien de sa plaidoirie, des éléments sur sa situation familiale et faisait notamment valoir qu'il était marié et père de deux enfants ; que la cour d'appel, en jugeant que M. X...ne produisait aucun justificatif sur sa situation personnelle permettant d'envisager ab initio un aménagement de peine, sans rechercher si une peine de prison ferme sans aménagement respectait un juste équilibre entre, d'une part, le droit au respect de la vie familiale de M. X..., d'autre part, les impératifs de sûreté publique et de prévention des infractions, comme prévu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, d'où il résulte que la possibilité d'aménager la peine d'emprisonnement prononcée ne ressortait pas suffisamment des pièces du dossier ou des éléments versés aux débats, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel s'est déterminée par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-24 du code pénal ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf février deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;