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30/10/2012 | FRANCE | N°10/04080

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 30 octobre 2012, 10/04080


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 30/10/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 10/04080



Jugement (N° 2008/2871)

rendu le 19 Mai 2010

par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING



REF : SB/CL





INTERVENANTE VOLONTAIRE



La SELARL [E] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FLOPOL agissant poursuites et diligences de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4], appelante nommée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de NIORT le 11 juillet 2012, ayant son siège [Adresse 4]



Représentée par la SCP FRANCOIS DELE...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 30/10/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 10/04080

Jugement (N° 2008/2871)

rendu le 19 Mai 2010

par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING

REF : SB/CL

INTERVENANTE VOLONTAIRE

La SELARL [E] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FLOPOL agissant poursuites et diligences de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4], appelante nommée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de NIORT le 11 juillet 2012, ayant son siège [Adresse 4]

Représentée par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués

Assistée de Me ZAKHAROVA-RENAUD Olga collaboratrice de Me Serge MERESSE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

Monsieur [M] [X]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 9]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués

Assisté de Me ZAKHAROVA-RENAUD Olga collaboratrice de Me Serge MERESSE, avocat au barreau de PARIS

Madame [K] [P] épouse [X]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 12]

de nationalité Française

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués

Assistée de Me ZAKHAROVA-RENAUD Olga collaboratrice de Me Serge MERESSE, avocat au barreau de PARIS

SCI [X] agissant poursuites et diligences de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par la SCP FRANCOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocats au barreau de DOUAI, anciennement avoués

Assistée de Me ZAKHAROVA-RENAUD Olga collaboratrice de Me Serge MERESSE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

S.A.S. LES AUBAINES MAGASINS

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par la SELARL Eric LAFORCE, avocats au barreau de DOUAI,

Assistée de Me Gilles MENGUY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

DÉBATS à l'audience publique du 20 Septembre 2012 après rapport oral de l'affaire par Stéphanie BARBOT

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 avril 2012

***

Le 5 octobre 2006, la SARL FLOPOL a signé avec la SAS LES AUBAINES, spécialisée dans l'écoulement de surstocks de prêt-à-porter, un contrat d'affiliation de trois ans concernant l'exploitation d'un magasin à [Localité 10].

Le 13 juillet 2007, la société FLOPOL a signé un autre contrat d'affiliation portant sur l'exploitation d'un second magasin à [Localité 9].

Courant 2008, la société FLOPOL a mis fin à l'exploitation de ses deux magasins.

Le 21 octobre 2008, la SARL FLOPOL a fait assigner la SAS LES AUBAINES afin de voir annuler les contrats d'affiliation et les cautionnements y attachés, pour vice du consentement, subsidiairement, prononcer la résiliation de ces contrats aux torts et griefs de la SAS LES AUBAINES, et obtenir des dommages et intérêts.

Aux termes d'un jugement prononcé le 19 mai 2010, le tribunal de commerce de ROUBAIX-TOURCOING a :

Débouté la SARL FLOPOL ainsi que les époux [X] et la SCI [X] de toutes leurs demandes tant principales que subsidiaires,

Condamné in solidum la SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X] à payer à la SAS LES AUBAINES la somme de 100 000 euros,

Condamné la SARL FLOPOL à payer à la SAS LES AUBAINES la somme de 352 097 euros au titre des marchandises livrées et impayées,

Ordonné l'exécution provisoire,

Condamné in solidum la SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X] au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X] ont interjeté appel de ladite décision suivant déclaration reçue au greffe le 8 juin 2010.

Entre temps, la SARL FLOPOL a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 11 juillet 2012, la SELARL [E] [U] étant désignée en qualité de liquidateur.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Selon leurs dernières écritures signifiées le 6 août 2012, la SELARL [E] [U], intervenant volontairement en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL FLOPOL, demande qu'il lui soit donné acte de son intervention volontaire ès qualités et de ce qu'elle reprend à son compte, fait siennes et revendique pour elle-même les demandes contenues dans les écritures signifiées par la SARL FLOPOL et son mandataire judiciaire le 7 février 2012.

En effet, par conclusions signifiées le 7 février 2012, la SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X], demandaient à voir :

Dire que le jugement entrepris est nul et de nul effet, subsidiairement, le dire nul et de nul effet en ce qu'il a condamné in solidum la SCI [X] et les époux [X] au paiement de la somme de 100.000,00 euros,

Subsidiairement : infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

donner acte à la SCI [X] de ce que, en dehors des demandes de nullité sus visées, elle renonce à toutes ses autres demandes formulées en première instance,

dire nul et de nul effet les contrats d'affiliation, en raison des fautes commises par la SAS LES AUBAINES et du vice du consentement résultant du défaut d'information précontractuelle sur les éléments essentiels,

Subsidiairement, prononcer la résiliation de ces contrats aux torts et griefs de la SAS LES AUBAINES, principalement pour abus de la SAS LES AUBAINES de la relation de dépendance économique dans laquelle elle tenait la SARL FLOPOL et plus subsidiairement au motif que les contrats d'affiliation sont des contrats de commissionnaire auxquels s'appliquent les règles du mandat, notamment les articles 1999 et 2000 du code civil,

En conséquence,

Débouter la SAS LES AUBAINES de toutes ses demandes reconventionnelles,

La condamner à payer à la SARL FLOPOL la somme de 1.469.149,00 euros, au titre des pertes, sauf à parfaire,

Condamner la SAS LES AUBAINES à réparer le préjudice subi par les époux [X] en termes de perte de revenus à hauteur de 161.840,00 euros, outre 200.000,00 euros au titre du préjudice moral,

Condamner la SAS LES AUBAINES à supporter, à titre de dommages et intérêts, la somme de 352.087,00 euros dont elle se prétend créancière au titre des marchandises,

La condamner à garantir les époux [X] du paiement de toutes les sommes qui leur seraient réclamées, notamment par les banques, au titre des cautions personnelles qu'ils ont données au profit de la SARL FLOPOL dans le cadre des contrats d'affiliation,

A titre infiniment subsidiaire, si la créance de la SAS LES AUBAINES était admise :

ordonner la compensation de cette somme avec la créance de dommages et intérêts de la SARL FLOPOL et, en tout état de cause, avec la somme de 210.463,13 euros correspondant à la valeur de la marchandise que la SAS LES AUBAINES a fautivement refusé de reprendre et avec la somme de 162.000,00 euros au titre de la reprise du matériel spécifique non amorti,

En conséquence, condamner la SAS LES AUBAINES par compensation à payer à la SARL FLOPOL la somme de 20.376,13 euros au titre des comptes de reprise,

Dire que les condamnations prononcées contre la SAS LES AUBAINES porteront intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154, à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure,

Condamner la SAS LES AUBAINES au paiement de la somme de 10.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

A titre principal, les appelants soutiennent que le jugement est nul :

- pour non-respect de l'objet du litige, le tribunal ayant condamné in solidum la SCI [X] et les époux [X], alors d'une part que la SAS LES AUBAINES n'a à aucun moment formulé une telle demande, d'autre part que les parties condamnées n'ont pu présenter leur défense sur ce point, ce qui constitue une violation du principe de la contradiction ;

- pour défaut de motivation : d'abord en ce que le tribunal a éludé l'argumentation et les éléments de preuve par eux produits, ensuite en ce qu' il n'a pas motivé sa condamnation in solidum de la SCI [X] et des époux [X] au paiement de la somme de 100.000,00 euros.

Subsidiairement, sur le fond, les appelants requièrent l'infirmation du jugement, faisant valoir que la SAS LES AUBAINES est responsable de l'échec du concept sur [Localité 9] et [Localité 10], et que ses fautes doivent conduire à sa condamnation à indemniser les préjudices en résultant.

A titre de moyen principal, ils font valoir que les contrats d'affiliation sont nuls pour vice du consentement, en ce que, d'une part, la SAS LES AUBAINES ne s'est pas conformée à l'obligation d'information d'ordre public résultant des articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce en ne remettant pas un document précontractuel d'information conforme à la loi pour le premier contrat, et en n'en remettant aucun dans le cadre du second ; que d'autre part, la SAS LES AUBAINES a sciemment dissimulé l'absence de rentabilité chronique du concept 'Les Aubaines', alors que ses succursales étaient déficitaires et allaient fermer ; que ces faits sont constitutifs d'un dol par réticence et ont vicié le consentement de SARL FLOPOL et de Monsieur [X] qui ne se seraient jamais engagés s'ils avaient eu connaissance de ces éléments d'information.

En réponse à l'argumentation adverse, les appelants objectent en particulier :

- que l'obligation précontractuelle d'information s'applique entre commerçants ; qu'au demeurant, les époux [X] étaient novices dans l'activité de solderie de prêt-à-porter ;

- qu'alors que l'étude de marché constitue un élément essentiel et déterminant du consentement d'un futur affilié, aucune n'a été réalisée en l'occurrence ;

- que si les textes n'imposent pas leur remise, les comptes d'exploitation prévisionnels constituent néanmoins un élément déterminant du consentement de l'affilié, et ceux fournis par la SAS LES AUBAINES étaient faux, ce qui manifeste sa volonté de tromper son cocontractant ;

- que si les résultats de la Société FLOPOL ont été positifs en 2007, cela est dû non à l'activité de vente, mais à la transmission de fonds opérée par Monsieur [X].

A titre de moyen subsidiaire, les appelants prétendent que la SAS LES AUBAINES a commis deux fautes engageant sa responsabilité et qu'elle est responsable de l'échec du concept sur [Localité 9] et [Localité 10].

A l'appui, ils font valoir que la SAS LES AUBAINES n'a pas permis d'exécuter le contrat dans des conditions normales, puisqu'elle a placé la SARL FLOPOL dans un état de dépendance économique et a abusé de cette dépendance en provoquant la ruine de son affilié.. Ce comportement justifierait la résiliation des contrats aux torts exclusifs de la SAS LES AUBAINES et l'obligerait à réparer le préjudice par elle causé.

Pour le cas où le moyen tiré de la dépendance économique serait rejeté, les appelants remettent en cause la qualification des contrats litigieux, réclamant l'application des règles du mandat, au motif qu'il s'agit d'un contrat de commission au sens de l'article L 132-1 du code de commerce ; qu'en vertu de l'article 2000 du code civil, le mandant doit indemniser le mandataire des pertes qu'il a essuyées dans le cadre de sa gestion.

Les appelants affirment que la SAS LES AUBAINES a fautivement rompu les contrats d'affiliation ; que si la SARL FLOPOL a cessé de passer des commandes à compter de mai 2008, c'est parce que ses stocks d'invendus étaient excessifs et qu'elle ne disposait pas de trésorerie, et aucune disposition contractuelle n'imposait une périodicité des commandes ; que la SAS LES AUBAINES est à l'origine de la résiliation anticipée des contrats en rendant impossible leur exécution normale ; que, par son comportement déloyal, elle a placé la SARL FLOPOL dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation, d'où un grave préjudice.

Les appelants explicitent ainsi leurs préjudices :

- préjudice de la SARL FLOPOL : les pertes, incluant les dépréciations des immobilisations et des marchandises ;

- préjudice des époux [X] : il est demandé à la SAS LES AUBAINES :

* de les garantir de toutes les sommes qui pourraient leur être réclamées en qualité de cautions des sociétés FLOPOL et SCI [X] au titre des emprunts bancaires et du crédit-bail ;

* de les indemniser de la perte de revenus jusqu'au terme normal du contrat ;

* de réparer à hauteur de 200.000,00 euros leur préjudice moral et psychologique, et la perte de chance de créer une nouvelle affaire compte tenu du passif qu'ils ont à supporter auprès des banques.

Pour s'opposer à la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par la SAS LES AUBAINES, les appelants font valoir :

- que la SARL FLOPOL n'est pas responsable de la rupture des contrats pour les raisons invoquées ci-dessus ;

- que la SAS LES AUBAINES ne démontre pas la réalité du préjudice subi du fait de la cessation d'activité de la SARL FLOPOL compte tenu de la situation déficitaire de cette dernière ;

- que, même si la rupture était intervenue à l'initiative de la SARL FLOPOL, il n'est pas fautif de mettre un terme à l'exécution d'un contrat lourdement déficitaire ;

- qu'en tout état de cause, ni la SCI [X], ni les époux [X] ne pourraient être condamnés à des dommages et intérêts puisqu'ils sont étrangers aux contrats.

Pour conclure au débouté de la demande reconventionnelle portant sur une créance au titre de marchandises, les appelants allèguent encore :

- que la demande en paiement des redevances est injustifiée dès lors que la SAS LES AUBAINES n'a fourni aucune contrepartie et a commis de nombreuses fautes dans l'exécution du contrat ;

- que cette prétendue dette est la conséquence des fautes et manquements de la SAS LES AUBAINES ;

- que la victime d'un dommage a l'obligation de diminuer son propre préjudice (article 77 de la convention de Vienne du 11 avril 1980) ;

- que la faute imputable au créancier est exonératoire de responsabilité ;

- que la SAS LES AUBAINES a participé à la création de son propre préjudice : restant propriétaire des marchandises jusqu'à parfait paiement, elle aurait dû reprendre les stocks au prix par elle facturé et déduire sa dette de la créance invoquée ; qu'alors que les marchandises étaient mises à sa disposition, elle a refusé de les retirer malgré les demandes réitérées de son cocontractant ; que les marchandises, qui généraient des frais pour la SARL FLOPOL, ont finalement été cédées.

Les appelants en concluent qu'à titre de sanction, la SAS LES AUBAINES devra supporter seule le coût des marchandises impayées.

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Aux termes de ses dernières conclusions signifiées 13 décembre 2011, la SAS LES AUBAINES MAGASINS demande à la cour de :

débouter la SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X] de leur demande en nullité du jugement de première instance,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X] de leur demandes tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, et en ce qu'il a condamné la SARL FLOPOL au paiement des sommes de 100.000,00 euros et 352.097,00 euros,

en conséquence, ordonner la fixation au passif de la SARL FLOPOL des sommes de 100.000,00 euros et 352.097,00 euros,

condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 15.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La SAS LES AUBAINES conclut au rejet de l'exception de nullité du jugement, soutenant :

- que la condamnation des époux [X] et de la SCI [X] in solidum résulte d'une simple erreur et ne s'apparente donc pas à un défaut de motivation ;

- que le tribunal a dûment examiné les prétentions et pièces des demandeurs.

Pour s'opposer à la demande d'annulation des contrats d'affiliation, la SAS LES AUBAINES soutient à titre principal :

- qu'elle a bien transmis un document d'information précontractuelle et n'a dissimulé aucune information essentielle au candidat affilié ;

- qu'aucune disposition légale ou contractuelle n'impose la remise au candidat franchisé d'un compte d'exploitation prévisionnel ; que l'on ne peut lui reprocher la remise de comptes prévisionnels erronés, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un document contractuel engageant le franchiseur, ni d'un véritable prévisionnel sur lequel le candidat pouvait se fonder, mais de simples documents indicatifs d'un compte d'exploitation standard ;

- que la non-réalisation d'un chiffre d'affaires indicatif sans promesse de réalisation ne peut justifier la nullité du contrat ;

- qu'en toute hypothèse, l'affilieur n'étant tenu que d'une obligation de moyens, sa responsabilité n'est pas engagée du fait que l'affilié n'a pas atteint un chiffre d'affaires prévisionnel, lequel est aléatoire ;

- que le seul manquement à l'obligation précontractuelle d'information ne suffit pas à justifier l'annulation d'un contrat de franchise ;

- que les résultats réalisés par la SARL FLOPOL n'étaient guère éloignés du prévisionnel ;

- que ne pèse sur l'affilieur aucune obligation de remettre au candidat affilié une étude de marché, ceci reposant sur le candidat qui choisit seul l'implantation commerciale ; que l'affilieur doit seulement remettre un 'état du marché' ;

- que le franchisé, commerçant indépendant, a le devoir de se renseigner, ainsi qu'il a été expressément recommandé à la SARL FLOPOL avant la conclusion du contrat ; que celle-ci ne saurait faire supporter les conséquences de son manquement sur ce point à la SAS LES AUBAINES, d'autant que Monsieur [X] était un commerçant averti;

- qu'en tout état de cause, le défaut d'un état du marché n'entraîne pas la nullité du contrat ;

- que la SARL FLOPOL ayant conclu deux contrats d'affiliation, c'est qu'elle a considéré suffisantes les informations transmises, et, si elle estimait certains documents importants, il lui appartenait de les exiger avant de s'engager ; que l'éventuel vice du consentement est la conséquence directe de sa négligence ;

- que la SARL FLOPOL ne démontre pas la dissimulation d'informations essentielles ;

- que le concept LES AUBAINES n'était pas commercialement défaillant, ainsi qu'en témoignent notamment le fait que la SARL FLOPOL a ouvert un second magasin et la longévité de la marque ;

- que la SARL FLOPOL a été approvisionnée dans des conditions identiques à celles des autres points de vente, tant en qualité qu'en quantité, et conformément aux dispositions du contrat d'affiliation ;

- qu'aucun des éléments fondamentaux du concept n'a été modifié au cours de l'année 2008.

Quant à la demande subsidiaire de résiliation des contrats, la SAS LES AUBAINES relève liminairement que les mêmes moyens sont soulevés par les appelants au soutien de cette demande ; que pourtant, ces moyens sont dénués de pertinence ; qu'il est faux de prétendre que la SARL FLOPOL ne disposait d'aucune autonomie.

La SAS LES AUBAINES s'oppose également à la requalification des contrats d'affiliation, compte tenu de leurs caractéristiques.

En tout état de cause, la SAS LES AUBAINES soutient que les préjudices allégués ne sont pas justifiés, dès lors que la société FLOPOL a délibérément mis fin à l'exploitation sans cause économique réelle et sérieuse ; que notamment :

- les investissements réalisés restent de la seule initiative et de la responsabilité de l'affilié ; qu'en l'occurrence, la SARL FLOPOL a engagé de sa propre initiative des sommes excessives au regard des exigences du concept LES AUBAINES ; que l'acquisition des murs n'entre pas dans le modèle de développement d'un magasin et la SARL FLOPOL, qui en a décidé en pleine connaissance de cause et doit en assumer les conséquences ; que les loyers étaient élevés ;

- que les pertes comptabilisées résultent de l'amortissement des immobilisations et du stock ;

- que la SARL FLOPOL n'indique pas pourquoi il faudrait l'indemniser de ses engagements bancaires, ni les époux [X] de la raison pour laquelle ils pourraient prétendre à être garantis au titre de leur engagement de caution sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; qu'en outre, ils ne démontrent pas avoir déclaré leur créance auprès des organes de la procédure collective.

A titre reconventionnel, la SAS LES AUBAINES réclame d'abord l'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation anticipée, indiquant :

- que les conventions d'affiliation, à durée déterminée, ne contiennent aucune clause de résiliation anticipée ;

- qu'en cas de résiliation fautive imputable à l'affilié, ce dernier doit être condamné au paiement des sommes que le franchiseur aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat, soit les redevances et la perte de chance de percevoir une marge bénéficiaire sur la vente des marchandises au franchisé.

Enfin, la SAS LES AUBAINES invoque une créance au titre de marchandises livrées et demeurées impayées. Elle s'oppose à la compensation sollicitée à ce titre par la SARL FLOPOL, contestant l'existence d'un inventaire contradictoire, et soutenant que le stock résiduel n'a aucune valeur de reprise compte tenu de l'ancienneté des marchandises, d'où son acceptation de l'offre de restitution mais pour une valeur de 0.

***

*

Aux termes de conclusions signifiées le 13 septembre 2012, la société LES AUBAINES a conclu à l'irrecevabilité des dernières conclusions signifiées par les appelants après l'ordonnance de clôture, au visa de l'article 16 du Code de procédure civile.

Selon conclusions signifiées le 14 septembre 2012, les appelants concluent, en application de l'article 783 alinéa 2, à la recevabilité de ces conclusions, lesquelles ne portent que sur l'intervention volontaire du liquidateur, lequel s'est borné à reprendre les demandes initiales.

SUR CE,

I- Sur la recevabilité des dernières conclusions prises par le liquidateur de la SARL FLOPOL

Attendu que, si l'article 783 du code de procédure civile prohibe en principe, à peine d'irrecevabilité, le dépôt de nouvelles conclusions après l'ordonnance de clôture, en revanche, les demandes en intervention volontaire sont recevables ;

Attendu qu'en l'occurrence, les dernières écritures établies par la SELARL [E] [U] ont certes été déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture prononcée le 4 avril 2012, mais il s'agit de conclusions d'intervention volontaire ; qu'en effet, la SARL FLOPOL ayant été placée en liquidation judiciaire le 11 juillet 2012, seul son liquidateur a désormais qualité pour la représenter en justice ; qu'en outre, la Cour observe que ces écritures ne contiennent pas la moindre argumentation juridique et se bornent à requérir qu'il soit donné acte au liquidateur de ce qu'il reprend les conclusions précédemment prises par les appelants antérieurement à l'ordonnance de clôture ;

Que ces conclusions sont donc recevables ;

II- Sur l'exception de nullité du jugement entrepris

Attendu que la SCI [X] sera déboutée de sa demande, dépourvue d'effet de droit, tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'en dehors des demandes de nullité de tout ou partie du jugement, elle renonce à toutes ses autres demandes formulées en première instance ;

Attendu qu'il est reconnu par la société LES AUBAINES qu'elle n'a jamais sollicité la condamnation de la SCI [X] et des époux [X] à lui payer des dommages et intérêts, sa demande en ce sens n'ayant été dirigée qu'à l'encontre de son cocontractant, la SARL FLOPOL ;

Que pourtant, dans le dispositif du jugement, la condamnation de ce chef a été prononcée non seulement à l'encontre de la SARL FLOPOL, mais également, in solidum, à l'égard de la SCI [X] et des époux [X] ;

Que les motifs du jugement ne contenant sur ce point aucune évocation du cas particulier de la SCI [X] et des époux [X], il s'en déduit qu'en prononçant cette condamnation in solidum, le tribunal a commis une simple erreur matérielle ; que cela ne justifie donc pas une annulation du jugement pour défaut de respect de l'objet du litige ou défaut de motivation ;

Attendu, par ailleurs, que la lecture du jugement dont appel laisse apparaître que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le tribunal a dûment examiné leurs demandes formées à l'encontre de la société LES AUBAINES ; qu'en outre, aucun élément ne permet d'affirmer que les premiers juges auraient négligé d'examiner leurs pièces ; que, dans ces conditions, l'exception de nullité du jugement pour violation du principe de la contradiction ne saurait davantage être accueillie ;

Que l'exception de nullité soulevée par les appelants sera donc rejetée ;

III- SUR LE FOND : sur les demandes principales formées à l'encontre de la société LES AUBAINES

A ' Sur la demande d'annulation des contrats d'affiliation pour vice du consentement

Attendu que les parties s'entendent sur l'applicabilité à leurs relations commerciales de l'article L 330-3 du code de commerce qui dispose que :

Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause.

Ce document précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat.

Que selon l'article R 330-1 du même code :

Le document prévu au premier alinéa de l'article L.330-3 contient les informations suivantes :

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;

5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : (')

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé;

Attendu que la violation de cette obligation précontractuelle d'information et de renseignement par le franchiseur ne saurait en elle-même entraîner la nullité du contrat, sauf pour son cocontractant à démontrer que ce non-respect a vicié son consentement ;

Qu'en l'occurrence, la SARL FLOPOL invoque un dol au sens de l'article 1116 du Code civil, et plus exactement une réticence dolosive imputable à la société LES AUBAINES ; que le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ;

Qu'il convient de se placer à la date d'établissement du document précontractuel afin d'apprécier la réalité des manquements invoqués par les appelants ;

Attendu en premier lieu qu'il convient de relever qu'avant la conclusion des contrats litigieux, les époux [X] ne disposaient d'aucune expérience professionnelle dans le secteur d'activité considéré, lequel portait sur la distribution d'invendus de vêtements de prêt-à-porter ; qu'en effet, [M] [X] était antérieurement gérant d'un INTERMARCHE - à objet essentiellement alimentaire - et le passé professionnel de [K] [X] n'est pas précisé ; que la formation de quelques jours dispensée par la société LES AUBAINES et suivie par les époux [X] ne saurait conférer à ces derniers la qualité de commerçants avertis dans le secteur commercial objet des contrats d'affiliation litigieux ;

Attendu en second lieu qu'alors que deux contrats ont été régularisés en l'espèce, seul un document précontractuel d'information (DIP) a été remis aux époux [X], en septembre 2006, relativement au premier contrat portant sur l'ouverture d'un magasin à [Localité 10] ;

Qu'à l'examen de ce DIP, la Cour relève plusieurs manquements de la société LES AUBAINES à ses obligations légales et réglementaires ;

Qu'en effet, en premier lieu, la société LES AUBAINES n'a fourni aucun « état du marché » dans le secteur d'activité en cause, qu'il soit général ou local, celui annoncé en page 9 du DIP comme faisant l'objet d'une annexe 8 étant inexistant ;

Que la circonstance que l'annexe 7 du DIP incite fortement le candidat affilié à faire réaliser à ses frais une étude de marché ne saurait exempter la société LES AUBAINES de ses propres obligations ;

Qu'en deuxième lieu, c'est vainement que la société LES AUBAINES vient reprocher un manquement du candidat affilié à son obligation de se renseigner, dès lors que [M] [X] a fait réaliser à ses frais une étude de marché par le cabinet LE RAY, avant l'ouverture du magasin de [Localité 10] ;

Qu'en troisième lieu, suivant courrier électronique du 16 août 2006 communiqué en même temps que le DIP, la société LES AUBAINES a transmis au candidat affilié « les deux versions d'un compte d'exploitation standard » ; que, si elle a bien pris soin de préciser que ces documents n'avaient « pas valeur d'engagement », elle ajoutait cependant qu'ils constituaient « une aide à l'établissement de votre propre compte adapté à votre magasin » ;

Que selon ses propres calculs, le résultat « standard » escompté était évalué à 1.500,00 euros de chiffre d'affaires HT au m² dans la première version, et 1.400,00 euros dans la seconde version ;

Or, attendu que les résultats réels de la SARL FLOPOL n'ont jamais atteint ces chiffres, les pièces versées aux débats montrant que le chiffre d'affaires réalisé dans le magasin de [Localité 10] s'est élevé à 981,00 euros par m² en 2007, pour diminuer à 617,00 euros en 2008, tandis qu'il équivalait à 711,00 euros par m² en 2008 concernant le magasin de [Localité 9] ; que l'écart ainsi constaté, situé dans une fourchette comprise entre 30 et 50 % de moins que les chiffres annoncés, s'avère substantiel ;

Que la société LES AUBAINES ne démontre pas une faute de gestion de la part de la SARL FLOPOL dans l'exploitation des deux magasins, avant que celle-ci ne cesse ses approvisionnements en avril 2008, compte tenu de sa situation financière déficitaire établie par les bilans comptables versés aux débats ;

Qu'en outre, c'est à juste titre que les appelants font observer que si le résultat net comptable de la SARL FLOPOL était positif en 2007 sur le magasin de [Localité 10] (379.661,00 euros), c'est toutefois en raison d'un apport de fonds exceptionnel réalisé par Monsieur [M] [X] à hauteur de plus de 397.000,00 euros, provenant de la cession de son précédent fonds de commerce ;

Que la communication de comptes prévisionnels n'étant nullement imposée par les textes susvisés, la société LES AUBAINES pouvait s'en abstenir sans qu'il puisse lui en être fait grief ; qu'ayant au contraire fait le choix de fournir spontanément ce type de pièces, elle était tenue de les établir de manière sincère et loyale, tel qu'il résulte de la jurisprudence qu'elle cite dans ses écritures ; qu'elle n'est donc pas fondée à se retrancher derrière le caractère « non contractuel » et « purement indicatif » de ces pièces afin d'échapper aux conséquences qui en sont résultées pour son cocontractant ; qu'en effet, ces documents d'information, fondamentaux, établis par ses soins, en fonction de données chiffrées qu'elle possédait, visaient à rendre singulièrement attractif le concept proposé à la SARL FLOPOL et aux époux [X] ;

Que tel que la société LES AUBAINES l'écrit elle-même dans ses écritures, en cas de fourniture d'un compte prévisionnel, l'étude ayant donné lieu aux prévisions doit avoir été menée « avec diligence, sur la base de chiffres non contestés, après examen sérieux », les chiffres ne doivent pas être source d'insécurité et les documents prévisionnels ne doivent pas manquer de crédibilité ;

Que force est de constater que la société LES AUBAINES ne démontre pas que les comptes prévisionnels standards par elle transmis fussent conformes à la réalité économique de son réseau d'affiliés, et donc élaborés sur la base de données comptables sérieuses, objectives, exactes et vérifiables ; qu'elle ne produit ainsi aucunement les résultats chiffrés de ses affiliés qui auraient prétendument servis de base de calculs aux comptes prévisionnels fournis avec le DIP à la société FLOPOL ; que, bien plus, la situation de la société LES AUBAINES à l'époque de la conclusion du premier contrat tend au contraire à discréditer ces prévisions communiquées en période précontractuelle, ainsi qu'il ressort des éléments versés aux débats par les appelants ;

Qu'en quatrième lieu, alors que les textes susvisés imposent la remise par l'affilieur des comptes annuels des deux derniers exercices ' soit en l'occurrence les années 2004 et 2005 ' la société LES AUBAINES n'en a remis aucun, le DIP se bornant à rappeler son chiffre d'affaires annuel hors taxe réalisé en 2003 (25,5 millions d'euros) et 2004 (24,4 millions d'euros) ;

Que cependant, il ressort des comptes de résultat communiqués par les appelants (pièce n°27) que le résultat net de la société LES AUBAINES MAGASINS était déficitaire tant en 2004 (-1.060.000,00 euros) qu'en 2005 (-2.900.000,00 euros), soit sur les deux années qui auraient dû donner lieu à une information auprès du candidat affilié ; que d'ailleurs, l'on observe que la situation de la société LES AUBAINES ne s'est guère rétablie par la suite, puisque ses résultats étaient encore négatifs en 2006 (-130.000,00 euros) - année de la conclusion du premier contrat et précédant celle du second - de même qu'en 2007 (- 960.000,00 euros) - année de conclusion du second contrat ; que selon une enquête diligentée par la DGCCRF le 12 juillet 2011 (pièce n°54 des appelants), sur la douzaine de magasins détenus en propre par la société LES AUBAINES, 9 avaient fermé depuis la création de la société, dont 6 depuis le lancement des conventions d'affiliation en 2006, et sur les 8 contrats d'affiliation conclus à partir de 2006, seuls 4 étaient encore en cours, dont un en instance de rupture, à la date de ladite enquête ;

Qu'ainsi, il apparaît que le choix de la société LES AUBAINES de mentionner exclusivement son chiffre d'affaires dans le DIP, en dehors de toute autre donnée, est révélateur d'une volonté délibérée d'occulter la réalité de sa situation économique, alors que celle-ci se trouvait déficitaire tant avant que pendant la période des négociations précontractuelles avec la SARL FLOPOL et les époux [X] ;

Que, dans ces conditions, c'est à mauvais escient que la société LES AUBAINES oppose qu'il appartenait au candidat affilié de se renseigner préalablement ;

Que la circonstance que les époux [X] ont décidé, en juillet 2007, de conclure un second contrat destiné à l'exploitation d'un magasin sur [Localité 9], huit mois après la mise en exploitation du premier (en novembre 2006), n'est pas de nature à exonérer la société LES AUBAINES de ce comportement ; qu'en effet, eu égard à la brièveté du délai séparant la conclusion de ces deux conventions, les époux [X] ne disposaient pas d'un recul suffisant quant à la performance du concept vendu par la société LES AUBAINES, ni n'avaient eu le temps de se forger une expérience dans le domaine commercial considéré ; qu'en outre, à l'occasion de la conclusion de la seconde convention d'affiliation, la société LES AUBAINES aurait dû établir un nouveau DIP, ne fut-ce que pour fournir à la SARL FLOPOL un état local du marché sur [Localité 9], ce qu'elle n'a jamais fait ; qu'enfin, aucun élément ne permet de dire qu'à cette date, les époux [X] avaient eu connaissance de la réalité économique du réseau de la société LES AUBAINES et des dissimulations commises par celle-ci en septembre 2006 ; qu'il s'en déduit qu'en juillet 2007, lors de la conclusion de cette seconde convention, la SARL FLOPOL a contracté sur la foi des seules informations que la société LES AUBAINES avait bien voulu lui divulguer à l'origine ;

Que si, en novembre 2007, [M] [X] a pu se déclarer satisfait d'être un affilié de la société LES AUBAINES, il importe néanmoins de relever, d'une part, que ses déclarations ont été publiées dans une revue spécialisée un an seulement après l'ouverture du premier magasin et quatre mois après la signature de la seconde convention d'affiliation, alors que [M] [X] n'avait toujours pas de recul suffisant, et, d'autre part, que ses déclarations ont été effectuées à des fins que l'on peut qualifier de « publicitaires », et non dans le cadre d'échanges privés avec la SAS  LES AUBAINES ;

Que certes, [M] [X] s'est porté candidat pour l'ouverture d'un troisième magasin, sur [Localité 11], en décembre 2007, sur proposition formulée par la société LES AUBAINES ; que cependant, non seulement c'est sur la même période de temps que ses déclarations sus évoquées, mais en outre, dans son courrier de réponse de janvier 2008, [M] [X] fait expressément part de ses « très fortes inquiétudes sur l'avenir » suscitées par les mauvais résultats d'exploitation enregistrés dans les magasins de [Localité 10] et de [Localité 9], et il explique que, dans ce contexte, sa candidature sur [Localité 11] vise à équilibrer les comptes de la SARL FLOPOL ;

Qu'enfin et surtout, il n'est ni prétendu, ni établi qu'à la date des déclarations effectuées par [M] [X] en novembre 2007, ou lorsque ce dernier a postulé pour l'ouverture d'un troisième magasin sur [Localité 11] en décembre 2007, l'intéressé avait eu connaissance des informations occultées par la société LES AUBAINES en septembre 2006 lors de la signature du premier contrat, et en juillet 2007 à l'occasion de la conclusion du second contrat ;

Qu'ainsi, aucun de ces événements ne saurait être interprété comme valant ratification a posteriori desdites conventions ' la ratification exigeant à la fois la connaissance du vice au consentement commis et l'intention de le réparer ;

Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, la Cour estime qu'il est démontré que la société LES AUBAINES a sciemment dissimulé à son cocontractant des informations essentielles et lui a communiqué des prévisions optimistes dépourvues de toute crédibilité et manifestement contraires à la réalité économique de son réseau d'affiliation tout juste naissant ; que de la sorte, elle s'est volontairement livrée à une présentation inexacte de ce réseau, à dessein d'inciter la SARL FLOPOL et les époux [X] à s'engager et à investir dans l'exploitation de deux magasins franchisés ; que ces informations sciemment tues ou erronées, en ce qu'elles portaient sur la santé financière du groupe et la rentabilité du concept proposé par la société LES AUBAINES, revêtaient un caractère déterminant du consentement de la SARL FLOPOL ; que ce comportement dolosif a vicié le consentement de celle-ci tant lors de la conclusion du premier contrat d'affiliation qu'à l'occasion de la conclusion du second ; qu'il convient dès lors, par voie de réformation du jugement entrepris, de prononcer la nullité desdits contrats ;

B ' Sur les demandes indemnitaires présentées par les appelants

Attendu que le droit de demander la nullité d'un contrat pour dol n'exclut pas l'exercice, par la victime des man'uvres dolosives, d'une action en responsabilité pour obtenir, de leur auteur, réparation du préjudice qu'elle subit, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ' texte dûment visé par les appelants dans le dispositif de leurs conclusions ;

1°/ Sur les préjudices subis par la SARL FLOPOL

Attendu qu'en raison de la faute commise par la société LES AUBAINES, la SARL FLOPOL a subi un préjudice consistant en des pertes d'un montant de 1.469.149,00 euros arrêté au 31 décembre 2009, cette somme intégrant les dépréciations des immobilisations et des marchandises ;

Attendu que ces travaux et investissements correspondent au coût d'aménagement des locaux exploités sur [Localité 10] et [Localité 9], notamment pour la mise aux normes du local de [Localité 9], et l'achat de matériel destiné à l'exploitation de ces fonds ; qu'au surplus, il n'est pas démontré que ces dépenses fussent somptuaires ; que ces dépenses, en lien direct avec l'exploitation des fonds de commerce franchisés, trouvent donc leur cause, fut-ce pour partie, dans la signature des contrats de franchise annulés ; que ces dépenses sont donc directement imputables à la faute commise par la société LES AUBAINES ; que c'est dès lors à tort que celle-ci, qui est tenue de réparer intégralement les préjudices subis, soutient que ces sommes ont artificiellement été intégrées au bilan comptable de la SARL FLOPOL ;

Que par ailleurs, c'est à tort qu'il est reproché à la SARL FLOPOL d'avoir acquis les murs du local de Niort, alors que cet achat a été réalisé via la SCI [X] à laquelle la société FLOPOL payait des loyers conformes à ceux pratiqués en la matière ; qu'ainsi, les moyens soulevés sur ce point par la société LES AUBAINES seront écartés ;

Qu'enfin, une rémunération mensuelle de 5.828,57 euros pour deux personnes exerçant en qualité de co-gérants de deux magasins distincts n'apparaît pas excessive ;

Qu'il échet par conséquent de faire droit à la demande indemnitaire formée par la SARL FLOPOL et de condamner la société LES AUBAINES à lui payer la somme de 1.469.149,00 euros correspondant aux pertes subies par la première nommée  ;

2°/ Sur les préjudices subis par les époux [X] :

Attendu que les époux [X] ont cessé de percevoir toute rémunération depuis le mois de mars 2009, alors qu'ils auraient pu continuer d'en percevoir jusqu'au terme normal du second contrat d'affiliation ' soit jusqu'en juillet 2010 ; qu'au vu des pièces comptables fournies, ils ont perçu, pendant la période d'exploitation, une rémunération mensuelle de 5.828,57 euros par mois pour deux personnes ; que cette rémunération n'apparaît nullement excessive compte tenu des responsabilités assumées par ces co-gérants de deux magasins ; que la perte de revenus subie peut donc être évaluée à 5.828,57 X 17 mois = 99.085,69 euros, somme au paiement de laquelle doit être condamnée la société LES AUBAINES ;

Attendu par ailleurs que les époux [X], qui invoquent s'être portés cautions de la société FLOPOL et de la SCI [X], ne versent pas aux débats les contrats y afférents ; qu'ils ne peuvent donc qu'être déboutés de leur demande tendant à obtenir la garantie de la société LES AUBAINES à ce titre ;

Attendu enfin que les époux [X] réclament une indemnisation globale à hauteur de 200 000 euros au titre d'un préjudice moral et d'une perte de chance [cf page 39, dernier § de leurs conclusions] ;

Mais attendu qu'indépendamment de toute faute de la société LES AUBAINES, si les conventions d'affiliation avaient été valables et avaient pris fin au terme de trois ans contractuellement prévu, les époux [X] n'auraient pas davantage perçu d'indemnité de l'ASSEDIC compte tenu du statut de gérant dont ils avaient librement fait choix dès l'origine - étant rappelé qu'ils ont été indemnisés ci-dessus de la perte de revenus subie sur la durée du contrat qui restait normalement à courir ;

Attendu en revanche que les époux [X] ont subi un préjudice moral indéniable en raison de la nécessité pour eux de mettre fin de manière anticipée à l'exploitation de leurs fonds, déficitaires, après y avoir investi du temps et de l'argent, et en raison de la nécessité de recourir à justice pour faire valoir leurs droits ;

Que par ailleurs, la faute de la société LES AUBAINES a contribué à la déconfiture de la SARL FLOPOL, les époux [X] ayant de la sorte perdu la chance de réussir dans leur affaire et d'éviter le redressement judiciaire de leur société ; qu'en outre, en raison de l'enregistrement de la liquidation judiciaire de leur société sur le fichier FIBEN tenu par la Banque de France, ils ont également perdu la chance de pouvoir souscrire de nouveaux emprunts et de pouvoir se relancer dans le monde des affaires en créant une nouvelle société ;

Qu'en considération des éléments mis à la disposition de la cour, ce préjudice moral et cette perte de chance seront réparés par l'octroi d'une somme de 120.000,00 euros ;

Attendu qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, l'ensemble des indemnisations ci-dessus accordées portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée, conformément à l'article 1154 dudit code ;

IV' Sur les demandes reconventionnelles formées par la société LES AUBAINES

A - Sur la demande d'indemnisation au titre de la cessation anticipée de son activité par la SARL FLOPOL

Attendu qu'en raison du dol par elle commis, la société LES AUBAINES n'est pas fondée à réclamer la condamnation de la SARL FLOPOL au paiement d'une indemnité pour cessation anticipée de contrats déclarés nuls par sa propre faute ;

Que le jugement entrepris sera donc également infirmé de ce chef ;

B ' Sur la créance invoquée au titre des marchandises

Attendu que les marchandises dont s'agit correspondent à des produits livrés dans le cadre des contrats annulés par la cour ;

Que si les contrats n'avaient pas été conclus, aucune commande n'aurait été effectuée par la SARL FLOPOL ;

Qu'en tout état de cause, il ressort des e-mails versés aux débats par les appelants que, par courrier du 24 juillet 2008, la société LES AUBAINES avait initialement consenti à reprendre lesdites marchandises, en imposant d'ailleurs une procédure de reprise spécifique incluant un inventaire (cf pièces n°26 et 27 des appelants) ; que la société LES AUBAINES s'est ensuite rétractée, refusant de reprendre ces marchandises en dépit des mises en demeure qui lui ont été envoyées en ce sens par la SARL FLOPOL (cf ses courriers des 26 février 2009, 23 mars 2009 et 5 juin 2009) ; que la société LES AUBAINES ne justifie d'aucune raison légitime à ce revirement d'attitude ; qu'en particulier, il n'est pas démontré que son accord, manifesté dans le courrier sus visé et ensuite confirmé par des courriers électroniques ultérieurs du mois d'août 2008, fût donné dans le cadre d'un protocole transactionnel qui n'a jamais vu le jour ; que dès lors, il est inopérant de venir à présent contester l'inventaire et la valeur des marchandises y figurant, en opposant notamment le caractère non contradictoire dudit inventaire ; que cette conclusion s'impose de plus fort que la condition d'inventaire contradictoire n'avait jamais été posée par la société LES AUBAINES lorsque celle-ci a donné son consentement à la reprise des marchandises, et que l'un de ses représentants, M. [V], a avalisé cet inventaire en septembre 2008, ainsi qu'il résulte de l'attestation d'un ancien salarié de la société FLOPOL établie conformément aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile (pièce n°40 des appelants) ;

Que par conséquent, c'est à mauvais escient que la société LES AUBAINES réclame une indemnisation correspondant à la valeur de ces marchandises ; que le jugement mérite donc encore infirmation de ce chef ;

III - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que, succombant, la société LES AUBAINES sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 10.000,00 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle sera en revanche déboutée de sa propre demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

- DECLARE recevables les écritures signifiées le 6 août 2012 par la SELARL [E] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FLOPOL ;

- REJETTE l'exception de nullité du jugement entrepris soulevée par la SELARL [E] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL FLOPOL, les époux [X] et la SCI [X] ;

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant de nouveau, par voie de réformation,

- DECLARE nuls les contrat d'affiliation conclus les 5 octobre 2006 et 13 juillet 2007 entre la SARL FLOPOL et la SAS LES AUBAINES MAGASINS ;

- CONDAMNE la SAS LES AUBAINES MAGASINS à payer à la SARL FLOPOL la somme de 1.469.149,00 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant aux pertes enregistrées par celle-ci ;

- DEBOUTE les époux [X] de leur demande tendant à obtenir la garantie de la société LES AUBAINES au titre de cautionnements qu'ils auraient consentis au profit de la société FLOPOL et de la SCI [X] ;

- CONDAMNE la SAS LES AUBAINES MAGASINS à payer aux époux [X] les sommes suivantes :

* en réparation de leur perte de revenus :  99.085,69 euros

* au titre de leur préjudice moral et de leur perte de chance : 120.000,00 euros,

- DIT que les sommes allouées à à la SARL FLOPOL et aux époux [X] porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, en application de l'article 1154 du code civil ;

- DEBOUTE la SAS LES AUBAINES MAGASINS de sa demande en fixation de sa créance au titre d'une indemnité pour cessation anticipée des conventions d'affiliation, ainsi que de sa créance au titre de marchandises livrées à la SARL FLOPOL ;

- DEBOUTE la SAS LES AUBAINES MAGASINS de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SAS LES AUBAINES MAGASINS à payer à la SELARL [E] [U] ès qualités de liquidateur de la SARL FLOPOL, et aux époux [X] la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SAS LES AUBAINES MAGASINS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Marguerite Marie HAINAUTPatrick BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 10/04080
Date de la décision : 30/10/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°10/04080 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-30;10.04080 ?
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