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19/02/2014 | FRANCE | N°12-22709

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 février 2014, 12-22709


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2012), que M. X... a été employé, depuis le 4 juin 2002, par diverses sociétés exploitant des magasins sous l'enseigne Intermarché ; que le 2 février 2005, il a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec l'une d'entre elles ; que ce contrat, qui s'est poursuivi au delà de son terme, a été transféré à la société Martho qui exploite elle aussi un magasin sous cette enseigne ; que le 8 janvier 2008, le salarié a été lic

encié pour motif économique ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de di...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2012), que M. X... a été employé, depuis le 4 juin 2002, par diverses sociétés exploitant des magasins sous l'enseigne Intermarché ; que le 2 février 2005, il a conclu un contrat de travail à durée déterminée avec l'une d'entre elles ; que ce contrat, qui s'est poursuivi au delà de son terme, a été transféré à la société Martho qui exploite elle aussi un magasin sous cette enseigne ; que le 8 janvier 2008, le salarié a été licencié pour motif économique ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié abusif et de le condamner à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que le groupe au sein duquel l'employeur doit rechercher le reclassement du salarié qu'il envisage de licencier pour motif économique se caractérise par des entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que la seule appartenance d'entreprises franchisées à une même enseigne commerciale ne caractérise pas l'existence d'un tel groupe ; que la cour d'appel qui a relevé que la société Martho exerçait sous l'enseigne Intermarché mais était juridiquement indépendante des autres sociétés du groupement Intermarché et ne faisait pas partie d'un groupe juridiquement organisé, aurait du déduire de ses propres énonciations que l'employeur n'avait pas à rechercher des possibilités de reclassement parmi d'autres sociétés exerçant sous l'enseigne Intermarché ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ que l'activité de portage de magasins qui consiste pour un salarié à être successivement engagé par différentes entreprises totalement autonomes mais exerçant sous une même enseigne commerciale dans l'attente de l'acquisition de cette entreprise par une nouvelle société juridiquement indépendante, ne caractérise pas la permutabilité du personnel exigée pour la reconnaissance d'un groupe ; qu'en affirmant que le salarié avait assuré la direction de sept magasins du groupement pour en déduire la permutabilité du personnel, alors même qu'elle relevait que l'intéressé avait assuré le portage de ces sept magasins sous l'enseigne Intermarché, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la permutabilité du personnel entre ces différentes sociétés, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°/ que l'obligation de reclassement à laquelle est tenue l'employeur qui envisage de licencier un salarié pour motif économique est une obligation de moyens ; que l'employeur est tenu d'effectuer une recherche sérieuse et loyale de reclassement ; qu'à supposer même que l'on puisse considérer qu'il incombait à l'employeur d'effectuer des recherches de reclassement au sein du groupement Intermarché composé d'entreprises juridiquement autonomes exerçant sous l'enseigne Intermarché, la cour d'appel a relevé que l'employeur avait procédé à de « louables » recherches de reclassement au sein des sociétés du groupement Intermarché et que trois attestations d'adhérents Intermarché confirmaient l'absence de poste disponible ; qu'il s'évinçait des propres énonciations de la cour d'appel que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, que les entreprises membres du groupement Intermarché étaient liées par des intérêts communs, entretenaient des relations étroites notamment par l'intermédiaire de la société qui leur consent la franchise et que leur communauté notamment d'organisation, d'objectifs, d'approvisionnement et de politiques commerciales assurait entre elles la permutabilité de leur personnel dont témoignait d'ailleurs le fait que le salarié avait pu assurer la direction de sept magasins du groupement en un peu plus de cinq ans, et qui a relevé, d'autre part, que l'employeur n'avait pas organisé efficacement la diffusion de ses recherches de reclassement, lesquelles manquaient du caractère systématique et de la rigueur qui s'imposent, a pu en déduire que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Martho aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Martho
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR jugé que le licenciement du salarié était abusif et condamné la société Martho au paiement de la somme de 35.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la somme de 3.000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement du 8 janvier 2008 vise le motif économique et l'impossibilité de reclassement. Elle mentionne la nécessité de préserver la compétitivité de l'entreprise face à la concurrence et des difficultés économiques du point de vente liées à l'impossibilité d'atteindre le seuil de rentabilité du magasin en raison de l'importance de la concurrence alentour". Elle énumère les grandes surfaces alimentaires existant à proximité ainsi que les points de vente récemment créés. Elle mentionne des pertes en 2005 à hauteur de 513.189 ¿ et en 2006 à hauteur de 504.988 ¿ qu'elle met en parallèle avec les frais de personnel qui représentent respectivement 565.082 et 580.650 ¿. Elle relève encore des pertes de 340.564 ¿ avant impôts au 30 avril 2007. Elle vise enfin la nécessité de la suppression du poste dont les missions seront assumées par le dirigeant de la société. Ces éléments ne sont pas utilement critiqués par Monsieur X... qui fait valoir que cette situation existait déjà au jour de la reprise du point de vente par la SAS Martho et que le vrai motif de son licenciement tient au fait que la direction de cette entreprise ne pensait pas avoir à assumer les frais de son salaire dans la mesure où il devait quitter les lieux pour rejoindre un autre poste. Cette affirmation est vraisemblable, mais sans effet dans la mesure où les difficultés économiques de l'entreprise telle qu'elle fonctionnait depuis le transfert, en l'état de ses charges salariales induites par la subsistance des contrats de travail existants, étaient réelles et menaçaient la pérennité de l'entreprise. Monsieur X... invoque encore une méconnaissance de l'obligation de reclassement. L'employeur a formalisé deux offres de reclassement: Un poste d'employé de nettoyage à temps partiel avec une rémunération brute mensuelle de 804,60 ¿; un poste d'employé commercial avec une rémunération brute de 1.344 ¿. Monsieur X... a refusé ces propositions à des emplois de niveau très inférieurs à celui qu'il occupait, de directeur du magasin avec une rémunération de 3.787 ¿ brut par mois. Il considère que ces propositions étaient déloyales et que l'employeur n'a effectué aucune recherche de reclassement au sein du groupe Intermarché. L'intimée considère qu'elle a présenté les offres de reclassement possibles au sein de l'entreprise et que, n'étant pas membre d'un groupe Intermarché, mais société autonome, elle n'était pas tenue d'effectuer la recherche d'un reclassement extérieur. Elle expose néanmoins avoir procédé à cette recherche non obligatoire, fructueusement puisqu'elle a débouché sur une offre de poste de directeur de magasin dans une autre structure, offre également déclinée par Monsieur X.... Cette dernière proposition a cependant été faite en des termes sensiblement différents puisque la lettre de licenciement du 8 janvier 2008 mentionne: "Nous vous avons proposé de postuler pour un poste qui était susceptible de se libérer dans une autre entreprise indépendante à savoir le Bricomarché de Roye. Il s'agissait d'un poste de directeur à temps complet." Offrir à un salarié licencié la possibilité de postuler pour un poste susceptible de se libérer ne constitue pas une proposition de reclassement. Reste que deux propositions ont été faites, à un niveau très inférieur à celui occupé jusque là par l'intéressé, dont le sérieux et la loyauté dépendent entièrement du point de savoir si l'entreprise était astreinte à d'autres recherches, au sein, non d'un groupe dont il est constant qu'il n'existe pas au sens juridique du terme, mais du "groupement" comme les courriers entre entreprises de l'enseigne désignent leur entité. Le périmètre de reclassement au sein d'un groupe auquel appartient l'employeur comprend les entreprises dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Même en l'absence d'un groupe juridiquement organisé, un groupement d'entreprises liées par des intérêts communs et des relations étroites assurant la permutabilité du personnel caractérise également le périmètre de reclassement d'un salarié d'une des entreprises appartenant à ce groupement. En l'espèce, les entreprises membres du groupement Intermarché sont liées par des intérêts communs relevant du sort de l'enseigne dont la bonne image générale rejaillit sur leur propre exploitation; elles entretiennent des relations étroites notamment par l'intermédiaire de la société qui leur consent la franchise. Leur communauté d'organisation, d'objectifs, d'approvisionnement, de politiques commerciales¿ assure entre ces différentes entités la permutabilité de leur personnel dont témoigne d'ailleurs le fait que Monsieur X... a pu assurer la direction de 7 magasins du groupement en un peu plus de 5 ans, presque sans solution de continuité entre ses missions. Dès lors c'est bien au sein du groupement des entreprises juridiquement indépendantes mais arborant l'enseigne Intermarché que devait s'effectuer le reclassement. La SAS Martho soutient s'être spontanément acquittée de cette obligation. Elle produit plusieurs documents à l'appui de cette affirmation : Un courrier électronique adressé à trois personnes ainsi libellé : "la société Martho (IM Ostricourt) est dans l'obligation de supprimer son poste de directeur (...) Nous vous proposons d'étudier sa candidature (...) Merci de diffuser cette annonce autour de vous". 3 attestations d'adhérents Intermarché qui déclarent avoir été contactés par Monsieur Y... qui recherchait une solution de reclassement pour son directeur et qui confirment qu'ils ne disposaient pas de poste. Ces recherches, pour louables qu'elles soient, manquent du caractère systématique et de la rigueur qui s'imposent. On ne peut se contenter dans un tel contexte d'un appel à bien vouloir diffuser une information, il faut organiser efficacement sa diffusion. Ces éléments ne permettent pas de retenir une recherche sérieuse de reclassement au sein du groupement Intermarché. Dès lors, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle ni sérieuse. Monsieur X..., âgé de 51 ans au jour du licenciement, percevait une rémunération mensuelle de 3.787 ¿. Son ancienneté dans l'entreprise atteignait trois ans moins un mois. Ces éléments justifient l'allocation d'une somme de 35.000 ¿ à titre de dommages et intérêts » ;
ALORS QUE le groupe au sein duquel l'employeur doit rechercher le reclassement du salarié qu'il envisage de licencier pour motif économique se caractérise par des entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que la seule appartenance d'entreprises franchisées à une même enseigne commerciale ne caractérise pas l'existence d'un tel groupe; que la Cour d'appel qui a relevé que la société Martho exerçait sous l'enseigne Intermarché mais était juridiquement indépendante des autres sociétés du groupement Intermarché et ne faisait pas partie d'un groupe juridiquement organisé, aurait du déduire de ses propres énonciations que l'employeur n'avait pas à rechercher des possibilités de reclassement parmi d'autres sociétés exerçant sous l'enseigne Intermarché ; que la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1233-4 du Code du travail ;
ET ALORS QUE l'activité de portage de magasins qui consiste pour un salarié à être successivement engagé par différentes entreprises totalement autonomes mais exerçant sous une même enseigne commerciale dans l'attente de l'acquisition de cette entreprise par une nouvelle société juridiquement indépendante, ne caractérise pas la permutabilité du personnel exigée pour la reconnaissance d'un groupe ; qu'en affirmant que le salarié avait assuré la direction de sept magasins du groupement pour en déduire la permutabilité du personnel, lors même qu'elle relevait que l'intéressé avait assuré le portage de ces sept magasins sous l'enseigne Intermarché, la Cour d'appel qui n'a pas caractérisé la permutabilité du personnel entre ces différentes sociétés, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-4 du Code du travail ;
ALORS, en toute hypothèse, QUE l'obligation de reclassement à laquelle est tenue l'employeur qui envisage de licencier un salarié pour motif économique est une obligation de moyens ; que l'employeur est tenu d'effectuer une recherche sérieuse et loyale de reclassement ; qu'à supposer même que l'on puisse considérer qu'il incombait à l'employeur d'effectuer des recherches de reclassement au sein du groupement Intermarché composé d'entreprises juridiquement autonomes exerçant sous l'enseigne Intermarché, la Cour d'appel a relevé que l'employeur avait procédé à de « louables » recherches de reclassement au sein des sociétés du groupement Intermarché et que trois attestations d'adhérents Intermarché confirmaient l'absence de poste disponible ; qu'il s'évinçait des propres énonciations de la Cour d'appel que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, à nouveau, violé l'article L.1233-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-22709
Date de la décision : 19/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 fév. 2014, pourvoi n°12-22709


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.22709
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