LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 21-2, 108 et 215 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., de nationalité algérienne, s'est mariée le 5 mars 2005 avec M. Y..., de nationalité française ; que le 12 juin 2009, Mme X...a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, en sa qualité de conjoint d'un ressortissant français, qui a été rejetée le 3 novembre 2009 au motif que la preuve de la communauté de vie tant matérielle qu'affective des deux époux n'était pas établie, l'épouse travaillant en région parisienne alors que son mari habite dans la Creuse ; que par acte délivré le 28 avril 2010, M. et Mme Y...ont assigné le ministère public aux fins de contester le refus d'enregistrement de la déclaration de l'épouse ;
Attendu que, pour constater l'extranéité de Mme X..., l'arrêt retient que les époux n'ont plus habité ensemble depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari restant vivre dans la Creuse, que les époux ont choisi de vivre séparés la plupart du temps et ont accepté ce mode de vie résultant selon eux de l'impossibilité de trouver un travail à proximité, mais que cette pratique ne correspond pas à la communauté de vie « tant affective que matérielle » et ininterrompue exigée par la loi, distincte de la seule obligation mutuelle du mariage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, pour des motifs d'ordre professionnel, les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans qu'il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X... et M. Y....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté l'extranéité de Madame X..., épouse Y..., et ordonné, en conséquence, la mention de l'article 28 du code civil ;
Aux motifs que, « L'article 215 du code civil, placé par le législateur au sein des " devoirs et des droits respectifs des époux ", stipule qu'ils s'obligent mutuellement à une communauté de vie, sans définir davantage cette " communauté de vie ". Les intimés font exactement valoir que la jurisprudence relative au mariage aborde cette notion de façon extensive. Et l'article 108 du code civil admet que deux époux aient des domiciles distincts " sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ". Cela tient à cette absence de définition ainsi qu'au caractère mutuel de l'obligation de cohabitation.
Une telle jurisprudence extensive ne peut être appliquée à l'article 21-2 du code civil, pas davantage que l'article 108 ne peut lui être opposé, et il n'existe entre ces deux textes aucune contrariété.
En effet, le mariage avec une personne de nationalité française n'entraîne pas, à lui seul, la nationalité française.
L'article 21-2 du code civil, qui édicte un délai d'attente de quatre ans, soumet cette acquisition à deux conditions :
- d'une part la conservation par le conjoint français de sa nationalité,- d'autre part l'existence " d'une communauté de vie tant affective que matérielle " ininterrompue depuis le mariage.
Il appartient donc au juge, statuant en matière de nationalité à raison du mariage, de vérifier non seulement l'existence du mariage pendant le délai d'attente mais encore l'existence de cette " communauté de vie tant affective que matérielle " ininterrompue, imposée par la loi et non pas résultant de l'obligation mutuelle des époux.
Or, en l'espèce, il est constant que, mariés le 5 mars 2005, les époux n'ont plus habité ensemble depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari restant vivre dans la Creuse.
Sur son passeport algérien, la femme a déclaré pour domicile la ville de Fontenay-sous-Bois (94). Il en est de même pour son immatriculation au consulat d'Algérie. Sur ces deux documents, établis après son mariage, elle n'a pas fait mentionner son nom d'épouse.
Sa carte vitale la domicilie à Champigny-sur-Marne (94), ce qui correspond à son lieu de travail depuis le 24 avril 2006.
Lors de l'enquête diligentée elle a déclaré rejoindre son mari dans la Creuse lors de vacances scolaires, longs week-end et congés et a montré les justificatifs de quinze voyages aller-retour.
En cours de procédure, elle communique une attestation collective de voisins, dactylographiée et signée à la manière d'une pétition, selon laquelle elle vit avec son mari " une vie commune, les absences de Mme Y...étant dues à des raisons professionnelles " et selon laquelle elle " vient régulièrement rejoindre son mari ". Plusieurs autres témoignages, ainsi que le maire de Saint-Sulpice-Laurière (87) en attestent.
Il en résulte que les époux Y...ont choisi de vivre séparés la plupart du temps, pendant que la femme travaille en région parisienne, et que tous deux ont accepté ce mode de vie résultant selon eux de l'impossibilité de trouver un travail à proximité. Aucun des deux ne s'en plaint et aucun des deux ne déclare estimer que l'autre enfreint l'obligation mutuelle de communauté de vie au sens de l'article 215 du code civil.
Cependant la cour, qui ne se prononce pas sur leur vie maritale mais sur la demande d'acquisition de la nationalité française par l'épouse, ne peut que constater que cette pratique ne correspond pas à la communauté de vie " tant affective que matérielle " et ininterrompue exigée par la loi, distincte de la seule obligation mutuelle du mariage.
À défaut de remplir cette condition, sa demande sera rejetée, par infirmation ; »
Alors que, l'étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage ; que le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct, notamment pour des raisons professionnelles, sans pour autant que cesse la communauté de vie ; qu'en retenant, pour juger que la preuve d'une communauté de vie affective et matérielle n'était pas rapportée, que Madame
X...
n'avait pas le même domicile que son époux, Monsieur Y..., après avoir pourtant relevé que la différence de domicile s'expliquait par des raisons professionnelles, la Cour d'appel a violé les articles 21-2 et 108 du code civil.