LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 459-2 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Valentin X..., né le 15 février 1989, a été placé sous tutelle le 11 mars 2008 ; que, par ordonnance du 18 mai 2011, le juge des tutelles a autorisé son tuteur à accomplir les démarches en vue de son admission au sein de l'internat du foyer d'accueil médicalisé de l'ADAPT situé à la Seyne-sur-Mer (83) ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, la cour d'appel retient que l'accueil du majeur protégé en internat devrait garantir son accès à l'autonomie et une stabilité de sa vie affective et matérielle, à l'abri des tensions familiales ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la structure d'accueil envisagée comportait un internat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. Eric X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR habilité Monsieur Gérard Y..., ès qualités de tuteur, à accomplir les démarches nécessaires en vue de l'admission de Valentin X...au sein de l'internat du foyer d'accueil médicalisé géré par l'ADAPT à la Seyne-sur-mer,
AUX MOTIFS QUE « Il ressort des débats et des éléments versés au dossier que depuis l'accident de Valentin, ses parents ont tout mis en oeuvre pour favoriser sa rééducation et son accès à une plus grande autonomie. L'affection qu'ils lui témoignent est certaine. Il apparaît toutefois que ce drame a entraîné des bouleversements qui ont affecté durablement la vie de famille et le couple parental. Dès l'introduction de la requête début 2008, Eric et Bénédicte X...vivaient séparés, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Ultérieurement, Bénédicte X...a fui du domicile familial avec les enfants en Vendée. Il ressort, par ailleurs, de différents courriers adressés par Eric X...au juge des tutelles que les deux parents avaient des points de vue divergents sur les décisions à prendre pour assurer l'avenir de leur fils dans les meilleurs conditions possibles. Le contexte de conflits existant entre eux est récurrent et transparaît dans toute la procédure. Par ailleurs, Monsieur et Madame X...ont construit des projets pour Valentin qui n'ont pas abouti, en raison probablement de cette mésentente et de cette divergence de points de vue. C'est ainsi qu'il y a eu le projet d'achat d'une maison de village au Castellet (83) moyennant la somme de 370 000 ¿, projet qui avait le mérite de maintenir Valentin sur le lieu d'accueil de jour et de préserver les suivis mis en place. Dès 2008, il a été question d'un départ dans les Pyrénées Orientales et d'une installation à Céret. Enfin, Monsieur et Madame X...ont informé le juge des tutelles, par courrier du 24 septembre 2009, du projet qu'ils ont concrétisé à ce jour, à savoir celui d'une installation en zone semi-rurale, à une vingtaine de kilomètres d'Argelès sur Mer (66), afin de favoriser la proximité de Valentin avec la nature, notamment. Ils ont même fait part, en cours de procédure, de leur projet, non abouti, de transformer leur future habitation, qui aurait été acquise au nom de Valentin, en chambre d'hôtes pour assurer des revenus à ce dernier. Il doit être rappelé que Monsieur et Madame X...avaient quitté le Var à la suite de l'accident, et que ce n'est qu'après avoir séjourné quelques années à La Réunion qu'ils sont revenus dans ce département. Monsieur X...a abandonné son métier d'origine pour se consacrer à l'éducation de Valentin. Il est actuellement aide médico-psychologique et a exprimé, à l'occasion, le projet d'accueillir à son domicile, en tant que professionnel, des personnes handicapées lors des vacances (audition du 1er décembre 2009). Ces différents projets traduisent des tergiversations induites par leurs difficultés à se projeter durablement dans l'avenir, dans l'intérêt de leur fils, sachant qu'une certaine stabilité est nécessaire à Valentin, au regard de la fragilité qui l'affecte. Eric et Bénédicte X...ne contestent pas les conflits qui les opposent et les tensions au sein du couple dans la mesure où ils ont rappelé, à l'audience, qu'ils suivaient une thérapie systémique. Dans ces conditions, le constat peut être fait de la cohérence du projet d'orientation de Valentin dans une structure qui devrait garantir son accès à l'autonomie, et une stabilité dans sa vie affective et matérielle, à l'abri des tensions familiales qui mettent à mal son évolution. De ce point de vue, le certificat du docteur Z..., psychiatre des Hôpitaux, responsable du pôle de psychiatrie infanto-juvénile de Toulon-La Seyne sur Mer, confirme cette approche du contexte de vie de Valentin. Dès septembre 2009, ce praticien indiquait que la place de ce jeune devait être dans un lieu de type " foyer occupationnel ", c'est à dire en internat. Cette indication paraît toujours d'actualité à la lecture du certificat médical du docteur Marie-Françoise A...du 31 janvier 2011 qui indique que Valentin s'est plaint à de nombreuses reprises " du climat de violence qui règne au domicile familial évoquant des cris et parfois des coups ". Les deux courriers, adressés par Sophie B...au juge des tutelles le 23 août 2011, au terme desquels elle indique, notamment, " qu'il n'est pas nécessaire voire pertinent d'extraire Valentin de son milieu familial dès lors qu'il est mis en place des activités lui permettant de bénéficier de rééducation et d'espaces de vie sociale ", ne tiennent pas compte des nombreux constats, faits dans la durée, de l'impossibilité pour Monsieur et Madame X...d'inscrire leur vie conjugale et familiale dans une harmonie, a minima relative, afin de répondre de manière adaptée aux besoins de leur fils dont l'intérêt les préoccupe au plus haut point. Les nombreuses attestations qu'ils versent à la procédure, notamment celles émanant des auxiliaires de vie qui accompagnaient Valentin au quotidien (F... Frédérique, C...Geneviève, D...Martine) ne font que confirmer les qualités parentales dans une certain approche des besoins de leur fils, qui reste malgré tout insuffisante au regard de ce qui vient d'être énoncé. Le certificat médical établi le 17 juin 2011 par le docteur E..., médecin psychiatre, évoque le souhait, librement exprimé par Valentin lors de la consultation, de vivre au sein de sa famille, l'attachement dans une relation adaptée, qu'il manifeste à sa mère, et la souffrance psychique qui résulterait de la simple menace d'une séparation. Toutefois, ce certificat ne s'inscrit pas dans une démarche pertinente et adaptée d'un suivi régulier tel qu'on peut l'attendre dans une situation de grand handicap. Dans ces conditions, au regard de ce qui vient d'être énoncé qui rend inutile toutes investigations supplémentaires, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise » (arrêt, p. 4 et 5),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « en vertu de l'article 415 du code civil les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne que leur état et leur situation rend nécessaire afin de favoriser leur autonomie dans toute la mesure du possible ; que selon l'article 459-2 du même code, le majeur protégé choisit librement le lieu de sa résidence, sauf la faculté pour le juge des tutelles de statuer en cas de difficulté ; que le juge des tutelles a été saisi courant juillet 2009 d'un rapport d'enquête sociale faisant état d'une souffrance psychologique subie par Valentin X...en raison du climat de violence existant au sein de sa famille ; qu'un rapport d'expertise en date du 21 septembre 2009 du docteur Z..., psychiatre des hôpitaux, responsable du pôle de psychiatrie infanto-juvénile de Toulon ¿ La Seyne, a conclu que le handicap présenté par le majeur protégé justifiait d'une prise en charge en internat au sein d'un foyer occupationnel ; que ce projet n'a pas été mené à terme en raison de l'opposition des parents, et d'une évolution positive de la situation au cours des mois suivants ; que, cependant, le nouveau tuteur Mr Y...a été destinataire le 1er février 2011 d'un courrier de la directrice de d'ADAPT du Var, en charge de l'accueil de jour de Valentin, faisant état d'une nouvelle dégradation du climat familial, se traduisant par un comportement régressif, voire agressif, du majeur protégé ; que le docteur A..., médecin coordonnateur au sein de l'ADAPT, a établi le 31 janvier 2011 un certificat circonstancié indiquant que Valentin se plaignait de plus en plus fréquemment de ce qu'il vivait chez lui, et qui générait pour sa part un comportement angoissé et agité ; ce médecin ajoutait que la souffrance vécue par le majeur protégé nuisait incontestablement à son développement psychique, alors qu'il commençait à effectuer des progrès sensibles dans la voie de l'autonomie ; que lors du débat contradictoire organisé le 10 mars 2011 en notre cabinet, les parents de Valentin ont certes admis l'existence de tensions au sein de leur foyer, mais en ont largement relativisé la portée, plaçant leurs espoirs dans l'acquisition d'une maison plus spacieuse (sur les fonds propres de leur fils) ; que, cependant, un tel projet n'apparait pas de nature à résoudre les difficultés précédemment décrites ; que la MDPH du Var a accepté le 13 avril 2011 de revoir l'orientation de Valentin X...et de permettre son accueil en internat au sein d'un foyer d'accueil médicalisé du type de celui qui est géré par 1'ADAPT a La Seyne-sur-mer ; que le tuteur Monsieur Y...est favorable à un tel placement » (ordonnance, p. 1 et 2).
1°) ALORS QUE la personne protégée choisit le lieu de sa résidence, sauf la faculté pour le juge de statuer en cas de difficulté ;
Que les premiers juges avaient décidé du placement de Valentin X...en internat au sein du foyer de l'ADAPT à la Seyne-surmer ; que la première présidence de la cour d'appel d'Aix en Provence avait prononcé la suspension de l'exécution provisoire de cette décision par ordonnance du 18 juillet 2011 au regard du fait que la décision des premiers juges était inexécutable, faute pour l'ADAPT de la Seyne-sur-mer de disposer d'un internat ; que les époux X...soutenaient dans leurs conclusions d'appelants, à titre principal, que le placement décidé par les premiers juges était impossible faute d'internat au sein du foyer de l'ADAPT à la Seyne-sur-mer ;
Qu'en décidant cependant de prononcer de plus fort le placement de Valentin X...en internat au sein de l'ADAPT de la Seyne-sur-mer, sans s'expliquer sur l'absence d'internat au sein de cette structure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil ;
2°) ALORS QUE la personne protégée entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non ;
Que Monsieur et Madame X...faisaient valoir qu'ils avaient déménagé à Palau del Vidre, dans les Pyrénées Orientales, en raison de leurs projets professionnels, et que le placement de Valentin X...en internat à la Seyne-sur-mer, dans le Var, serait de nature à couper les liens familiaux ;
Qu'en décidant cependant de placer Valentin X...en internat à la Seyne-sur-mer, sans s'expliquer sur l'éloignement géographique par rapport au domicile familial, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 459-2 du code civil ;
3°) ALORS QUE la personne protégée choisit le lieu de sa résidence, et elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non ;
Que Valentin X..., qui est doué d'une volonté propre, a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de vouloir vivre en famille et de ne pas vouloir vivre seul dans un foyer ; que la cour d'appel avait elle-même relevé « le souhait, librement exprimé par Valentin lors de la consultation chez le docteur E..., psychiatre, de vivre au sein de sa famille » et « la souffrance psychique qui résulterait de la simple menace d'une séparation » ;
Qu'en décidant cependant de placer Valentin X...en internat, malgré sa volonté contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 459-2 du code civil.