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05/02/2014 | FRANCE | N°12-27251

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2014, 12-27251


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée en 1991 en qualité d'aide-soignante par la société Clinique Saint-Jean, Mme X... a exercé à compter de 2001 différents mandats de représentation du personnel ; que le 10 juillet 2007, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements de l'employeur à ses obligations ; que par un jugement du 26 octobre 2010, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement nul ;

Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée en 1991 en qualité d'aide-soignante par la société Clinique Saint-Jean, Mme X... a exercé à compter de 2001 différents mandats de représentation du personnel ; que le 10 juillet 2007, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements de l'employeur à ses obligations ; que par un jugement du 26 octobre 2010, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement nul ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'avertissement du 7 juillet 2004, alors, selon le moyen, que si le juge ne peut modifier une sanction disciplinaire, il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a relevé que Mme X... à qui l'employeur avait reproché l'utilisation de son téléphone portable dans l'entreprise, qu'elle n'avait pas contestée, tout en précisant qu'elle n'était pas sous l'autorité de l'employeur, a décidé que le premier juge n'avait pas, justement, annulé l'avertissement du 7 juillet 2004 en considérant qu'en sa qualité d'aide-soignante, elle se devait de respecter la consigne consistant dans le fait que chacun sait qu'un téléphone portable ne peut être utilisé dans l'enceinte d'une clinique dans l'intérêt supérieur des patients ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'avertissement était justifié ou proportionné à la faute commise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1333-2 du code du travail ;
Mais attendu que la salariée ne contestant pas avoir utilisé son téléphone portable au mépris des consignes imposées à toutes les personnes présentes dans l'enceinte de la clinique, mais soutenant seulement qu'elle n'était plus sous la subordination de son employeur lors de cette utilisation, le moyen est inopérant à critiquer le rattachement fait par les juges du fond de cette faute à la vie de l'entreprise ;

Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de prime de sujétion de nuit et de dommages-intérêts pour absence de surveillance médicale des travailleurs de nuit, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la clinique Saint-Jean était condamnée à payer à Mme X... la somme de 247,15 euros au titre de la prime de sujétion de nuit pour la période du 1er janvier au 10 juillet 2007 et celle de 24,71 euros au titre des congés payés correspondants tout en la déboutant de ses demandes à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que les manquement de l'employeur au titre de la surveillance médicale renforcée pour les travailleurs de nuit ayant causé un préjudice à Mme X... devait être réparé par une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts tout en la déboutant de sa demande à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sous couvert du grief de défaut de motifs, le moyen critique une omission de statuer sur certains chefs de demande qui ne peut donner lieu à ouverture à cassation et peut être réparée dans les conditions prévues à l'article 463 du code de procédure civile ; que le moyen est dès lors irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à l'employeur une somme à titre d'heures de délégation non précisées, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur a l'obligation de payer à l'échéance normale le temps alloué pour l'exercice de leurs fonctions aux représentants du personnel ; que si cette obligation ne dispense pas les bénéficiaires de ce versement, de préciser, à la demande de l'employeur, les activités exercées pendant leur temps de délégation, ce dernier conserve la charge d'établir devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non-conformité de l'utilisation de ce temps avec l'objet du mandat représentatif ; qu'en l'espèce, l'employeur avait demandé par lettre du 11 décembre 2003 à Mme X... de lui préciser les activités exercées lors de la prise de ses heures de délégation ; qu'en considérant que la réponse donnée par la salariée pour les nuits des 22 et 23 septembre 2003, et du 13 octobre 2003, pouvait s'analyser en un refus de réponse justifiant le remboursement des heures à l'employeur quand ce dernier n'avait pas rapporté la preuve de la non-conformité de l'utilisation des heures de délégation concernées avec leur objet, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 2315-1 et L. 2315-3 du code du travail ;
2°/ que c'est à l'employeur qu'il appartient de renverser la présomption de bonne utilisation des heures de délégation ; qu'en décidant que le salarié doit apporter des indications précises permettant un réel contrôle de l'utilisation des heures demandées, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi que celle-ci ne prévoit pas ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 2315-1 et L. 2315-3 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait indiqué qu'elle « dormait chez elle, ayant effectué sa mission par ailleurs », a relevé, sans inverser la charge de la preuve, qu'elle n'avait pas satisfait à la demande de l'employeur qui sollicitait des précisions sur les heures de délégation prises les nuits du 22 au 23 septembre 2003, du 23 au 24 septembre 2004, puis du 16 au 17 octobre 2004 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation des temps d'habillage et de déshabillage, alors, selon le moyen, que lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire à ces opérations fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, devant être déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif ; que, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement au titre du temps d'habillage et de déshabillage, en jugeant qu'elle ne démontrait pas avoir subi une perte de salaire du fait de la décision de l'employeur de prévoir de considérer le temps d'habillage et de déshabillage comme du temps de travail effectif dans une correspondance du 20 juillet 2007 quand c'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve de ce qu'il a rémunéré ces temps comme du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 3121-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés, que le règlement intérieur précisait que le temps d'habillage et de déshabillage devait être de cinq minutes et que ce temps était ajouté à l'heure pointée, ce qui démontrait que le temps d'habillage et de déshabillage était inclus dans le temps de travail effectif, la cour d'appel n'encourt pas le grief du moyen ;
Mais sur le cinquième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour réformer le jugement en ce qu'il avait fait droit à la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination, la cour d'appel énonce que la salariée a indéniablement fait l'objet de harcèlement et de discrimination ainsi que l'a relevé le premier juge ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le sixième moyen :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme X... devait produire les effets d'une démission et la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que, si certains points de la lettre énonçant les manquements de l'employeur sont justifiés et si elle a indéniablement fait l'objet d'un harcèlement et de discrimination, cependant, au regard de sa forte personnalité qui transparaît dans ses courriers et au regard de sa demande de réintégration, il apparaît que les agissements reprochés à l'employeur ne se sont pas révélés suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles ;
Qu'en statuant ainsi, alors que manque gravement à ses obligations l'employeur qui porte atteinte à l'intégrité physique et morale de son salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a réformé le jugement ayant fait droit aux demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale, ainsi qu'en ce qu'il a dit que la prise d'acte s'analysait en une démission et débouté la salariée de ses demandes en découlant, l'arrêt rendu le 4 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Clinique Saint-Jean aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 7 juillet 2004 ;
AUX MOTIFS QUE sur l'avertissement du 7/07/2004: l'employeur reproche à Mme X... d'avoir utilisé son téléphone portable dans l'enceinte de l'entreprise, ce qui n'est pas contesté par cette dernière qui rétorque qu'à ce moment-là elle n'était pas sous l'autorité de son employeur; que c'est justement que le premier juge n'a pas annulé cet avertissement en relevant qu'en sa qualité de personnel soignant, elle se devait de respecter cette consigne qui s'adresse à quiconque pénètre dans une clinique;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE toutefois, tout un chacun sait qu'un téléphone portable ne peut être utilisé dans l'enceinte d'une clinique dans l'intérêt supérieur des patients; que madame X... aurait dû respecter cette consigne en sa qualité de personnel soignant; qu'elle ne l'a pas fait; que l'avertissement était donc justifié;
ALORS QUE si le juge ne peut modifier une sanction disciplinaire, il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a relevé que Madame X... à qui l'employeur avait reproché l'utilisation de son téléphone portable dans l'entreprise, qu'elle n'avait pas contestée, tout en précisant qu'elle n'était pas sous l'autorité de l'employeur, a décidé que le premier juge n'avait pas, justement, annulé l'avertissement du 7 juillet 2004 en considérant qu'en sa qualité d'aide soignante, elle se devait de respecter la consigne consistant dans le fait que chacun sait qu'un téléphone portable ne peut être utilisé dans l'enceinte d'une clinique dans l'intérêt supérieur des patients; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'avertissement était justifié ou proportionné à la faute commise, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1333-2 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes salariales de 247,15 euros au titre de la prime de sujétion de nuit pour la période du 1er janvier au 10 juillet 2007 et de celle de 24,71 euros au titre des congés payés correspondants et de la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de surveillance médicale des travailleurs de nuit;
AUX MOTIFS QUE Mme X... réclame la somme de 247,15 ¿ au titre de la prime de sujétion de nuit pour la période du 1er janvier au 10 juillet 2007 et celle de 24,71 ¿ au titre des congés payés correspondants; que selon l'article 82-1 de la convention collective, les salariés affectés au poste de travail de nuit percevront pour chaque heure effectuée entre 19 heures et 8 heures, une indemnité égale à 10% du salaire horaire; qu'il est par ailleurs de jurisprudence constante que les heures de délégation d'un salarié travaillant la nuit, exécutées de jour, sont payées au tarif de nuit; qu'en l'espèce, s'il fait valoir qu'il a régulièrement payé cette indemnité, l'employeur ne conteste nullement l'affirmation de la salariée selon laquelle il n'a pris en compte que les heures comprises entre 21 heures et 6 heures, alors que Mme X... travaillait exclusivement de nuit entre 19h et 8h; que ne discutant pas la somme réclamée par l'appelante, la SA CLINIQUE SAINT-JEAN sera condamnée à lui payer les sommes mentionnées plus haut;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs; qu'en jugeant que la CLINIQUE SAINT-JEAN était condamnée à payer à Madame X... la somme de 247,15 ¿ au titre de la prime de sujétion de nuit pour la période du 1er janvier au 10 juillet 2007 et celle de 24,71 ¿ au titre des congés payés correspondants tout en la déboutant de ses demandes à ce titre, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile;
ET AUX MOTIFS QUE selon les anciens articles L.213-5 et R.213-6 du code du travail et l'article 53-6 de la convention collective, les travailleurs de nuit bénéficient d'une surveillance médicale renforcée ayant pour objet de permettre au médecin du travail d'apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit sur leur santé et leur sécurité et imposant tous les six mois une visite médicale par le médecin du travail; qu'en l'espèce, l'employeur ne discute pas ne pas avoir complètement satisfait à ses obligations dans ce domaine; que le préjudice nécessairement causé à la salariée par ces manquements sera réparé par une somme de 300 ¿ à titre de dommages et intérêts;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs; qu'en jugeant que les manquement de l'employeur au titre de la surveillance médicale renforcée pour les travailleurs de nuit ayant causé un préjudice à Madame X... devait être réparé par une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts tout en la déboutant de sa demande à ce titre, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Madame X... au remboursement de la somme de 396,38 euros au titre d'heures de délégation non justifiées ;
AUX MOTIFS QUE le premier juge a fait une appréciation juste des éléments qui lui ont été soumis et s'est décidé sur des motifs que la cour adopte, étant rappelé que sur la demande d'utilisation des heures de délégation que l'employeur est en droit de faire, le salarié doit apporter des indications précises permettant un réel contrôle de l'utilisation des heures demandées;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L.2315-1 du Code du travail dispose que « l'employeur laisse aux délégués du personnel le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions dans les limites d'une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder : 10 heures par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés; 15 heures par mois dans les entreprises de 50 salariés et plus »; qu'en application de ce texte, il est de jurisprudence constante que « les dispositions légales instituant une présomption de bon emploi des heures de délégation, elles doivent être payées à l'échéance normale. Si l'employeur conteste l'utilisation qui en a été effectuée, il lui appartient de saisir la juridiction prud'homale et de justifier du bien fondé de sa demande en remboursement de la somme indûment payée »; que les heures de délégation peuvent être effectuées hors du temps de travail, avec récupération pendant le temps de travail; qu'il n'est donc pas illicite de récupérer des heures de délégation pendant la nuit lorsque l'on travaille la nuit et que le travail syndical a été effectué de jour ; que la procédure des bons de délégation est également licite, à condition d'avoir fait l'objet d'une concertation préalable; qu'enfin il est de jurisprudence constante que l'employeur ne peut saisir le juge du fond d'une action en remboursement d'heures de délégation prétendues mal utilisées qu'après avoir préalablement demandé à l'intéressé, fût-ce en cas de refus, par voie judiciaire, l'indication pour lesquelles elles ont été utilisées »; que cela sous-entend que la première demande, en cas de doute de l'employeur sur l'utilisation des heures de délégation, doit être amiable et qu'une fois que l'employeur a connaissance de l'usage qui a été fait des heures de délégation, il peut agir en justice à charge pour lui de rapporter la preuve que ces heures n'ont pas été utilisées conformément à leur objet; que la clinique Saint-Jean sollicite dans un premier temps le remboursement des heures de délégation pour les nuits des 22 septembre 2003, 23 septembre 2003, 13 octobre 2003, 3 novembre 2003 et 4 novembre 2003 pour un montant de 493,08 euros; que, par lettre du 11 décembre 2003, elle a demandé à madame X... de « préciser les activités exercées lors de la prise de ses heures de délégation », et ce conformément à la dernière jurisprudence citée, pour les nuits des 22, 23 septembre et 13 octobre; que la réponse de madame X... a été la suivante: « pour l'heure, je vous informe que les nuits du 22 au 23 septembre, et du 23 au 24 septembre, je dormais chez moi. J'avais effectué ma mission par ailleurs; pour la nuit du 13 au 14 octobre, j'étais au repos et je dormais chez moi; pour la nuit du 16 au 17 octobre, ce qui représente 10 heures 50 et non 12 heures 30, j'étais également chez moi, mais je ne dormais pas; j'étudiais le code du travail, puis je me suis déplacée à la clinique pour consulter les archives du CE calmement »; que la réponse laconique de madame X... pour les nuits des 22 et septembre (« j'avais effectué ma mission par ailleurs »), si elle est conforme au droit des délégués syndicaux et des représentants du personnel d'exercer leur mandat hors du temps de travail, peut toutefois s'analyser en un refus de réponse justifiant le remboursement des heures à l'employeur, soit la somme de 263,55 euros brut; qu'il en va de même pour la nuit du 13 octobre, pour laquelle le remboursement d'une somme de 132,83 euros est due; ¿ qu'il en ressort que, pour ce qui est du remboursement des heures de délégation, madame X... sera condamnée à payer à la clinique Saint-Jean la somme totale de 396,38 euros avec intérêts de droit au taux légal à compter du 13 septembre 2005, date de la première demande chiffrée présentée devant le Conseil à ce titre;
ALORS QUE l'employeur a l'obligation de payer à l'échéance normale le temps alloué pour l'exercice de leurs fonctions aux représentants du personnel; que si cette obligation ne dispense pas les bénéficiaires de ce versement, de préciser, à la demande de l'employeur, les activités exercées pendant leur temps de délégation, ce dernier conserve la charge d'établir devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non conformité de l'utilisation de ce temps avec l'objet du mandat représentatif; qu'en l'espèce, l'employeur avait demandé par lettre du 11 décembre 2003 à Madame X... de lui préciser les activités exercées lors de la prise de ses heures de délégation; qu'en considérant que la réponse donnée par la salariée pour les nuits des 22 et 23 septembre 2003, et du 13 octobre 2003, pouvait s'analyser en un refus de réponse justifiant le remboursement des heures à l'employeur quand ce dernier n'avait pas rapporté la preuve de la non conformité de l'utilisation des heures de délégation concernées avec leur objet, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L.2315-1 et L.2315-3 du Code du travail;
ALORS encore QUE c'est à l'employeur qu'il appartient de renverser la présomption de bonne utilisation des heures de délégation; qu'en décidant que le salarié doit apporter des indications précises permettant un réel contrôle de l'utilisation des heures demandées, la Cour d'appel a ajouté une condition à la loi que celle-ci ne prévoit pas ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles L.2315-1 et L.2315-3 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts de 15.000 euros au titre de la perte de paiement du temps d'habillage et de déshabillage ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L.212-4 al.3 devenu L.3121-3 du Code du travail, dont les dispositions sont reprises à l'accord de branche du 27 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail, dès lors que le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire à ces opérations fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit sous forme financière, qui sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif; qu'en l'espèce, l'employeur, qui a reconnu la nécessité d'une contrepartie dans sa correspondance du 20 juillet 2007, fait valoir qu'il est allé au-delà de celle que les salariés auraient pu obtenir, « en prévoyant de considérer le temps consacré à l'habillage comme du temps de travail effectif », étant précisé qu'il a « jugé utile de limiter ce temps d'habillage et de déshabillage à 10 minutes par jour (2x5 minutes), temps largement suffisant pour s'habiller et se déshabiller »; que Madame X... qui demande un rappel de salaire calculé de manière forfaitaire, sans démontrer qu'elle a effectivement subi une perte de salaire du fait de cette décision unilatérale, la salariée sera déboutée de ce chef;
ALORS QUE lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire à ces opérations fait l'objet de contreparties soit sous forme de repos, soit financières, devant être déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif; que, pour débouter Madame X... de sa demande en paiement au titre du temps d'habillage et de déshabillage, en jugeant qu'elle ne démontrait pas avoir subi une perte de salaire du fait de la décision de l'employeur de prévoir de considérer le temps d'habillage et de déshabillage comme du temps de travail effectif dans une correspondance du 20 juillet 2007 quand c'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve de ce qu'il a rémunéré ces temps comme du temps de travail effectif, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L.3121-3 du Code du travail.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de sa demande de condamnation de son employeur à lui verser 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale;
AUX MOTIFS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission; que les faits reprochés doivent être suffisamment graves pour rendre impossible la continuation du lien contractuel; que seuls les points et 3 de cette lettre sont justifiés, les autres ressortant des seules allégations de Mme X..., qui insiste plus particulièrement dans ses conclusions sur le harcèlement et la discrimination syndicale dont elle a indéniablement fait l'objet ainsi que l'a relevé le premier juge;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs; qu'en jugeant que Madame X... avait indéniablement fait l'objet d'un harcèlement moral et d'une discrimination syndicale tout en la déboutant de ses demandes à ce titre, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile;
SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de Madame X... s'analysait en une démission et de l'avoir débouté de sa demande de de nullité de la rupture de son contrat de travail et de sa demande de réintégration sous astreinte de 100 euros par jour, et de sa demande de condamnation de la CLINIQUE SAINT JEAN à lui payer les sommes de 121.652,20 euros au titre des salaires dus jusqu'au 31 juillet 2012, de 12.165,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
AUX MOTIFS QUE par lettre du 10/06/2007, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants: « Vous n'avez pas réussi à obtenir l'autorisation de me licencier mais vous êtes parvenu à me rendre malade, à me contraindre à quitter l'entreprise, c'est bien votre but:

1. Vous persistez à me refuser l'octroi du repos compensateur d'une heure dont dispose l'article R213-14 du code du travail; qu'il s'agit d'un grave manquement car le texte précise que cette mesure a pour objet de préserver la santé du travailleur de nuit que je suis.
2. Les conditions de travail me rendent son exécution impossible; - les glissements des tâches est dangereux « j'ai autour de moi une atmosphère détestable, sous produit des pressions exercées pour obtenir de mes collègues et des médecins des attestations mensongères.
3. Malgré les multiples condamnations en référé dont vous avez été l'objet, vous persistez à faire entrave à mes fonctions par un usage abusif des « bons de délégation » et je suis la seule à recevoir chaque mois une LRAR de demande de justificatif sans que jamais vous n'ayez formulé la moindre critique sur les justificatifs fournis.
4. Vous persistez à refuser de me régler le temps d'habillage et de déshabillage alors qu'il est incontestablement du temps de travail effectif puisque le port de la tenue est obligatoire.
5. Vous critiquez mes actions en faveur des salariés, prétendez que « je n'y comprends rien », que « je provoque des procès ruineux », que notre syndicat et ma personne sont « une nuisance » alors que vous refusez de répondre à toutes nos propositions, multipliez les entraves, les litiges de toute sorte, ce qui s'est passé le mois dernier (NCAO) en atteste. J'ai été informé du décès de votre épouse par des bruits de couloir, si je l'avais été directement par une de vos collaboratrices ou même par Josette A..., je n'aurais pas manqué de vous présenter mes condoléances.
6. Vous m'adressez une télécopie d'indignation, je la trouve délirante; vous savez très bien que je considère que vous agissez sur ordre, que l'histoire du ressentiment personnel est une fable. Josette A... n'a aucunement pu me prévenir, je n'ai aucun contact avec elle, et pour cause! Vous le savez bien.
7. Si vous n'avez pas 5 minutes pour signer une lettre sollicitant l'annulation de cette réunion vous l'avez pris pour signer celle me demandant ce que j'avais fait de mes heures! Votre mépris des institutions représentatives est avéré: vous n'avez pas tenu de réunion mensuelle DP pendant des mois en prétextant qu'il n'y avait aucune question! Evidemment le cahier DP est inaccessible! Je constate également que vous m'adressez cette télécopie dans les heures qui suivent la communication de notre tract sur le temps d'habillage et de déshabillage.
Coïncidence? Cette liste n'est hélas pas limitative. Vous trouvez le temps de vous indigner à tort pour couvrir une entrave (parmi tant d'autres d'ailleurs) soit, j'en ai vu et subi d'autres. M'adresser un bulletin de salaire de 31,67¿ pour juin, c'en est une autre: je ne vis pas que d'amour et d'eau fraîche. Ma prise d'acte prend effet immédiatement. Je n'ai pas l'intention d'attendre plus longtemps votre bon vouloir : je vous assigne en référé afin d'obtenir mon dû et disposer des documents qui me seront nécessaires. Vous trouverez ci-joint ma dernière demande de paiement d'heures de délégation et une déclaration d'AT. Vous savez que je suis logique, je n'ai pas une seconde envisagé de bénéficier d'une sortie en douceur pour inaptitude définitive médicalement constatée. Evidemment je serai indemnisée, probablement très rapidement, vous ne manquerez pas de la faire remarquer, de crier au scandale etc...; entre nous si tel était mon but je l'aurais fait depuis longtemps! Veuillez... »; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission; que les faits reprochés doivent être suffisamment graves pour rendre impossible la continuation du lien contractuel; que seuls les points 1 et 3 de cette lettre sont justifiés, les autres ressortant des seules allégations de Mme X..., qui insiste plus particulièrement dans ses conclusions sur le harcèlement et la discrimination syndicale dont elle a indéniablement fait l'objet ainsi que l'a relevé le premier juge; que cependant, au regard de la forte personnalité de Mme X... qui transparaît dans ses courriers et dans sa lettre de rupture du contrat de travail, au regard de la réintégration qu'elle a obtenue une première fois par ordonnance de référé du 3/06/2011, laquelle réintégration a été effective à compter du 7/06/2011 jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel en date du 24/01/2012 qui a réformé l'ordonnance précitée en rejetant la demande de réintégration et dans le fait qu'elle déclare que pendant cette période tout s'est bien passé sans qu'elle argue d'un changement de l'attitude de l'employeur à son égard, il apparaît que les agissements reprochés à ce dernier ne sont pas révélés suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles qu'elle appelle de ses voeux, ce qui est contradictoire avec une prise d'acte de rupture; qu'en conséquence, la prise d'acte de la rupture ne s'analyse pas en un licenciement de surcroît nul de sorte que le jugement déféré sera réformé sur ce point et Mme X... déboutée de ses demandes indemnitaires découlant d'un licenciement illégitime;
ALORS encore QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, ceux d'une démission; que le juge est tenu d'examiner l'ensemble des griefs invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte; que, pour dire que les griefs invoqués par Madame X... dans sa lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail n'étaient pas suffisamment graves pour produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en relevant les seuls points 1 et 3 de cette lettre et en estimant que les autres points ressortaient des seuls allégations de la salarié, sans examiner l'ensemble des griefs invoqués, la Cour d'appel n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle, et partant a violé les articles 1134 du Code civil et L.1231-1 du Code du travail ;
ALORS surtout QUE manque gravement à ses obligations l'employeur qui porte atteinte à l'intégrité physique ou morale de son salarié ; qu'en constatant que Madame X... avait indéniablement fait l'objet de harcèlement moral et de discrimination syndicale tout en considérant que sa forte personnalité et sa demande de réintégration, effective entre le 7 juin 2011 et le 24 janvier 2012 pendant laquelle tout s'était bien passé, avaient eu pour conséquence que les agissements reprochés à son employeur ne s'étaient pas révélés suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles, contradictoire avec une prise d'acte, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations, et a violé les articles 1134 du Code civil, L.1132-1, L.1152-1 et L.1231-1 du Code du travail ;
ALORS enfin QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail a pour effet de rompre immédiatement le contrat de travail; que lorsque la prise d'acte de la rupture du contrat de travail émane d'un salarié protégé, elle produit les effets d'un licenciement nul si les faits invoqués par le salarié contre l'employeur sont suffisamment graves; que parallèlement, la demande de réintégration est un droit qu'il appartient au salarié dont le licenciement est nul, en raison de la violation de son statut protecteur, d'exercer; qu'en jugeant que la demande de réintégration de Madame X... postérieure à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, et son effectivité postérieurement à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, ajoutés à sa forte personnalité, démontraient que les agissements reprochés à l'employeur n'étaient pas si graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles induites par la demande de réintégration de la salariée quand celle-ci constitue un droit qu'il appartient au salarié d'exercer ou non sans qu'il puisse avoir d'effet quant à la nature des effets de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L.2411-5 et L.2411-8 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27251
Date de la décision : 05/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 04 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2014, pourvoi n°12-27251


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.27251
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