La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2014 | FRANCE | N°13-13950

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 février 2014, 13-13950


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2013), qu'en 2000 et 2001, la société Lumière Paris (le bailleur) a donné à bail pour neuf ans à la société Edifinance participation (le preneur sortant) des locaux à usage de bureaux, entrepôts et parking ; que par un accord conclu en 2004 entre le bailleur, le preneur sortant et la société Crédit foncier de France (le preneur entrant), il a été convenu que les baux consentis à la société Edifinance feraient l'objet d'une résiliation anticipée e

t qu'un bail commercial serait conclu sur les mêmes locaux entre le bailleur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2013), qu'en 2000 et 2001, la société Lumière Paris (le bailleur) a donné à bail pour neuf ans à la société Edifinance participation (le preneur sortant) des locaux à usage de bureaux, entrepôts et parking ; que par un accord conclu en 2004 entre le bailleur, le preneur sortant et la société Crédit foncier de France (le preneur entrant), il a été convenu que les baux consentis à la société Edifinance feraient l'objet d'une résiliation anticipée et qu'un bail commercial serait conclu sur les mêmes locaux entre le bailleur et le preneur entrant ; qu'après exécution de ces accords, l'administration fiscale a adressé au preneur entrant une proposition de rectification mettant à sa charge les droits d'enregistrement afférents au transfert du droit de jouissance des lieux loués ; qu'après le rejet de sa réclamation, le preneur entrant a saisi le tribunal de grande instance aux fins d'être déchargé de cette imposition ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Crédit foncier de France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que les actes et conventions qui, selon les termes de l'article 725, alinéa 3, du code général des impôts, « ont pour effet, direct ou indirect, de transférer le droit à la jouissance d'immeubles ou de locaux entrant dans les prévisions des articles L. 145-1 à L. 145-3 du code de commerce » s'entendent, selon les termes mêmes de la doctrine administrative (7 D 421, 15 juin 2000 ; BOI-ENR-DMTOM-30), de ceux qui emportent la transmission par l'ancien locataire au nouvel occupant d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux ; que le simple fait pour un preneur de locaux commerciaux de négocier avec le bailleur une résiliation amiable du bail accompagnée d'une réduction de l'indemnité de résiliation dont il lui est redevable en contrepartie de l'assistance qu'il lui a procurée dans la recherche d'un successeur ne caractérise pas une opération de transfert du droit à la jouissance des locaux, en l'absence de transmission par le preneur sortant au preneur entrant d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté par motifs propres et adoptés que, souhaitant mettre fin par anticipation aux baux commerciaux qui lui avaient été consentis entre 2001 et 2002 par la SCI Lumière Paris, la société Edifinance a mandaté deux sociétés en vue de lui rechercher un successeur et que par un protocole d'accord tripartite du 20 juillet 2004, il a été convenu, d'une part, entre la société Edifinance et la SCI, que les baux en cours seraient résiliés et que l'indemnité de résiliation due par la première à la seconde serait réduite à une somme forfaitaire de 23 250 925 euros, et, d'autre part entre la SCI et le Crédit foncier de France, qu'un nouveau bail d'une durée de neuf ans et demi serait consenti en faveur de celui-ci, moyennant une franchise de loyers d'un montant de 30 534 859 euros TTC offerte par le bailleur au preneur entrant ; que, pour analyser ces accords en une opération de transfert d'un droit à la jouissance d'immeubles intervenu entre la société Edifinance et le Crédit foncier de France, la cour d'appel a énoncé que le lien existant entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante d'un nouveau bail ne pouvait être contesté dès lors que, par l'effet de ces accords, le preneur sortant avait obtenu de se libérer par anticipation de son engagement envers le bailleur sans avoir à lui payer la totalité des loyers restant à courir et que le montant de l'indemnité de résiliation acquittée par le preneur sortant au bailleur était sensiblement équivalent au montant de la franchise de loyers consentie par le bailleur au preneur entrant ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la seule mise en évidence d'un « lien » entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante d'un nouveau bail était impropre à caractériser la volonté commune des parties d'opérer entre le preneur sortant et le preneur entrant le transfert d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 725, alinéa 3, du code général des impôts ;
2°/ qu'en se bornant à relever le lien existant entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante du nouveau bail relativement aux mêmes locaux, sans constater l'existence d'engagements réciproques contractés entre le preneur sortant et le preneur entrant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 725, alinéa 3, du code général des impôts ;
3°/ qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en vertu du protocole d'accord tripartite du 20 juillet 2004, il avait été convenu, d'une part, entre la société Edifinance et la SCI Lumière Paris, que les baux en cours seraient résiliés et que l'indemnité de résiliation due par la première à la seconde serait réduite à une somme forfaitaire de 23 250 925 euros, et, d'autre part entre la SCI Lumière Paris et le Crédit foncier de France, qu'un nouveau bail d'une durée de neuf ans et demi serait consenti en faveur de celui-ci, moyennant une franchise de loyers d'un montant de 30 534 859 euros TTC offerte par le bailleur au preneur entrant ; qu'il s'évinçait ainsi de l'économie même de ce protocole d'accord que loin de constituer une dette contractée par le nouvel occupant en faveur du preneur sortant en contrepartie d'un prétendu transfert d'un droit à la jouissance des locaux de bureaux en cause qui serait intervenu entre eux, la franchise de 30 534 859 euros TTC offerte par le bailleur avait été au contraire contractée à l'avantage du preneur entrant ; qu'en qualifiant néanmoins cette franchise de « compensation financière liée au transfert du droit au bail », la cour d'appel, qui a par-là méconnu l'économie générale du protocole d'accord susvisé, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 725, alinéa 3, du code général des impôts ;
Mais attendu que l'arrêt retient que par l'effet des accords conclus entre les parties, le preneur sortant a été libéré de son obligation contractuelle de paiement des loyers jusqu'au terme du bail et a versé au bailleur une indemnité forfaitaire de résiliation anticipée limitée, que le preneur entrant a de son côté obtenu du bailleur une franchise de loyers dont le montant est sensiblement équivalent à celui de l'indemnité de résiliation, que compte tenu de ces éléments, le preneur entrant ne peut contester le lien existant entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante du nouveau bail relativement aux mêmes lieux et qu'est ainsi établi le transfert du droit de jouissance des locaux commerciaux du preneur sortant au preneur entrant ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations relevant de son pouvoir souverain, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Crédit foncier de France fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'il résultait des constatations mêmes de la cour d'appel qu'en vertu du protocole d'accord tripartite du 20 juillet 2004, il avait été convenu, d'une part, entre la société Edifinance et la SCI Lumière Paris, que les baux en cours seraient résiliés et que l'indemnité de résiliation due par la première à la seconde serait réduite à une somme forfaitaire de 23 250 925 euros, et, d'autre part entre la SCI Lumière Paris et le Crédit foncier de France, qu'un nouveau bail d'une durée de neuf ans et demi serait consenti en faveur de celui-ci, moyennant une franchise de loyers d'un montant de 30 534 859 euros TTC offerte par le bailleur au preneur entrant ; que pour juger l'administration fiscale fondée à mettre à la charge du Crédit foncier de France un rappel de droits d'enregistrement calculés sur une assiette constituée du montant de cette franchise de loyers, de 30 534 859 euros TTC, la cour d'appel a énoncé que « la durée de la franchise octroyée, qui correspond à environ trois années de loyers, permet d'affirmer qu'il s'agit d'une compensation financière liée au transfert du droit au bail » ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il s'évinçait de ses propres constatations que loin de constituer une dette contractée par le nouvel occupant en faveur du preneur sortant, la franchise de 30 534 859 euros TTC offerte par le bailleur avait été au contraire contractée à l'avantage du preneur entrant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 725, alinéa 3, du code général des impôts ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la valeur du droit au bail correspond à la différence existant pour l'acquéreur entre la valeur locative du marché et le loyer effectivement payé, que le loyer convenu entre le bailleur et le preneur entrant est conforme au prix du marché et que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'une pratique courante permettant d'accorder au locataire une franchise de loyers, l'arrêt retient que la durée de la franchise octroyée au preneur, qui correspond à environ trois années de loyers, s'analyse en une compensation financière liée au transfert du droit au bail ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 725 du code général des impôts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit foncier de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour le Crédit foncier de France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(Sur l'existence prétendue d'une convention assimilable à une cession du droit au bail)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté le CREDIT FONCIER DE FRANCE de ses demandes et de l'avoir condamné au paiement des frais visés à l'article R. 207-1 du Livre des procédures fiscales et des dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'appelante fait valoir que l'application de l'article 725 du CGI est subordonnée à la démonstration d'éléments pertinents permettant de considérer que la double opération (résiliation amiable du bail et prise du bail par un autre preneur) constitue en réalité un transfert du droit à jouissance de l'immeuble ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, en l'absence de preuve d'un quelconque avantage financier ou de l'intention des sociétés CFF et Edifinance de procéder à un tel transfert ; qu'en effet, le protocole du 20 juillet 2004 ne crée aucune relation contractuelle entre ces deux sociétés, son seul objet étant que chacune d'entre elles contracte individuellement avec la SCI ; qu'aucun lien ne peut être établi entre l'indemnité de résiliation et la franchise ; que la concomitance entre la résiliation des baux et la conclusion du nouveau bail n'établit pas davantage l'existence d'obligations réciproques entre les deux sociétés ; qu'en outre, il convient de prendre en compte le fait que le nouveau bail a été conclu pour une période sans rapport avec la durée résiduelle des précédents baux et qu'enfin, la réduction du montant de l'indemnité de résiliation due par Edifinance, issue d'une négociation à laquelle la société CFF n'a pas pris part, résulte du seul fait que la SCI a subi un préjudice limité ; que, par application des dispositions de l'article 725 du code général des impôts, toute cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble, quelle que soit la forme qui lui est donnée par les parties est soumise à un droit d'enregistrement déterminé selon le tarif prévu à l'article 719 ; qu'aux termes du dernier alinéa de cet article, ces dispositions concernant le régime fiscal des cessions de droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble, sont applicables à tous actes ou conventions, quelles qu'en soient la nature, les modalités, la forme ou la qualification, qui ont pour effet, direct ou indirect, de transférer le droit à la jouissance d'immeubles ou de locaux entrant dans les prévisions des articles L145-1 à L145-3 du code de commerce ; en l'espèce, que le protocole d'accord tripartite signé le 20 juillet 2004 par la SCI (bailleur), la société Edifinance (locataire) et la société CFF (preneur) subordonne la fin des obligations du locataire vis à vis du bailleur à la prise de possession effective des locaux par le preneur (article 1) ; qu'il prévoit notamment, d'une part, la résiliation anticipée des baux liant la SCI à Edifinance moyennant versement par le locataire au bailleur d'une indemnité de 23 250 925 euros et, d'autre part, la prise à bail des lieux par le preneur moyennant un loyer annuel de 7 843 329,37 euros HT et une franchise de loyer de 30 534 859 euros TTC consentie par le bailleur au preneur ; qu'il est précisé au paragraphe 3.2 que l'indemnité, la franchise et les conditions financières du bail ont été calculées sur la base d'une résiliation des baux au 30 septembre 2004 et de la conclusion du nouveau bail le 1er octobre 2004 ; que, si, ainsi que le souligne l'appelante, la résiliation et la conclusion du bail sont intervenues concomitamment en novembre 2004 alors que le protocole du 20 juillet 2004 était devenu caduc en octobre 2004, il n'en demeure pas moins que, conformément aux dispositions dudit protocole, les baux ont été résiliés moyennant versement par la société Edifinance au bailleur d'une indemnité forfaitaire pour résiliation anticipée de 23 250 925 euros et qu'en vertu du bail conclu avec la société CFF, le bailleur a accepté de consentir au preneur "une franchise de loyer (TVA incluse) et de taxes de manière à ce que ladite franchise corresponde à la somme totale TTC de 30 534 859 euros"; que, par l'effet de ces accords :- la société Edifinance, qui était engagée à l'égard du bailleur pour une durée de 9 années sans faculté de résiliation, a été libérée de son obligation contractuelle de paiement des loyers jusqu'au terme du bail (soit la somme totale de 71 964 474 euros) et a versé au bailleur une indemnité forfaitaire de résiliation anticipée limitée à 23 250 925 euros ;- la société CFF a obtenu du bailleur une franchise de loyers et de taxes de 30 534 859 euros toutes taxes comprises, franchise qui, calculée hors taxes (25 527 142 euros), est sensiblement équivalente au montant de l'indemnité de résiliation versée au bailleur par la société Edifinance ;Que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société CFF ne peut contester le lien existant entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante du nouveau bail relativement aux mêmes lieux, peu important à cet égard que le nouveau bail soit conclu pour une durée de 9 ans et 9mois et non pour la durée qui restait à courir sur les anciens baux ; qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient l'appelante, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les éléments versés aux débats établissent le transfert du droit de jouissance des locaux commerciaux de la société Edifinance locataire sortant au profit de la société CFF locataire entrant et qu'il appartient, par conséquent, à la société CFF de supporter la charge de l'impôt conformément à l'article 1712 du code général des impôts » ;
AUX MOTIFS EGALEMENT PROPRES « qu'ainsi que le relève le tribunal, la durée de la franchise octroyée, qui correspond à environ trois années de loyers, permet d'affirmer qu'il s'agit d'une compensation financière liée au transfert du droit au bail » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les dispositions de l'article 725 du CGI n'instituent qu'une présomption relative de cession qui doit être corroborée par des présomptions simples tirées des circonstances de fait ; que les éléments apportés par l'administration dans le cadre de la présente procédure permettent de caractériser l'intention commune des parties de transférer le droit au bail entre la société EDIFINANCE et le Crédit Foncier de France ; qu'en effet, le 20 juillet 2004, un protocole est signé entre la SCI LUMIÈRE PARIS, en qualité de bailleur, la société EDITIS devenue EDIFINANCE en qualité de locataire et le Crédit Foncier de France désigné comme "le preneur" ; que ce protocole prévoit (page 4/8) que « le locataire n'ayant plus besoin des locaux objets des trois baux et ne les occupant pas, il s'est rapproché du bailleur pour obtenir la résiliation anticipée. Le preneur est interessé par la prise à bail de la totalité des locaux faisant l'objet des baux. Les parties s'engagent donc respectivement sur les termes et conditions ci-après » ; qu'à l'article 1 du protocole, il est expressément prévu que « le locataire sera libre de tout engagement et de toute obligation vis à vis du bailleur uniquement une fois que le preneur prendra possession effective des locaux » ; que cette possession effective s'entend par la signature du bail entre la SCI et le preneur ; que ces dispositions démontrent que ce n'est que du fait de la reprise par le Crédit Foncier de France du bail que la société EDIFINANCE a pu s'en dégager de manière anticipée et éviter d'avoir à verser l'intégralité de la réparation due au bailleur, celle-ci ayant été limitée à la somme de 23.250.925 euros ; que cette somme correspond à la valeur de la franchise accordée par la SCI au Crédit Foncier ce qui démontre une fois de plus l'existence d'obligations réciproques entre les parties ; que de même, au chapitre 3 du protocole, il est prévu que celui-ci deviendra caduc dès lors qu'un des actes (résiliation du bail et signature du nouveau bail) n'aura pas été réalisé ; que seule la nécessité de procéder au transfert du bail peut par ailleurs justifier la signature d'un protocole commune entre les trois parties, dès lors que la société EDIFINANCE aurait pu procéder à la résiliation de ses baux en dehors de tout acte de cession ; que s'agissant de la concomitance des actes, il sera relevé que le 30 novembre 2004, les baux commerciaux entre la société EDIFINANCE et la SCI LUMIERE PARIS ont été résiliés, et le même jour a été signé le bail commercial entre cette dernière et le Crédit Foncier de France ; que la brièveté du délai entre la signature de ces deux actes, si elle ne peut suffire à caractériser la cession de droit au bail, révèle les liens entre les trois parties pour le transfert du bail, et ce sans que la caducité du protocole ne puisse avoir, au moment de la signature un quelconque effet ; qu'enfin, l'article 725-3 du Code Général des Impôts vise le transfert du droit à la jouissance de locaux et non de tous les droits que l'ancien locataire tient de son bail ; que dès lors le texte peut recevoir application même si les conditions du nouveau bail sont différentes de celles de l'ancien ; que ces éléments permettent de caractériser la cession de droit au bail emportant transfert de jouissance de l'immeuble entre la société EDIFINANCE et le Crédit Foncier de France » ;
1. ALORS QUE les actes et conventions qui, selon les termes de l'article 725, alinéa 3 du Code général des impôts, « ont pour effet, direct ou indirect, de transférer le droit à la jouissance d'immeubles ou de locaux entrant dans les prévisions des articles L. 145-1 à L. 145-3 du code de commerce » s'entendent, selon les termes mêmes de la doctrine administrative (7 D 421, 15 juin 2000 ; BOI-ENR-DMTOM-30), de ceux qui emportent la transmission par l'ancien locataire au nouvel occupant d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux ; que le simple fait pour un preneur de locaux commerciaux de négocier avec le bailleur une résiliation amiable du bail accompagnée d'une réduction de l'indemnité de résiliation dont il lui est redevable en contrepartie de l'assistance qu'il lui a procurée dans la recherche d'un successeur ne caractérise pas une opération de transfert du droit à la jouissance des locaux, en l'absence de transmission par le preneur sortant au preneur entrant d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté par motifs propres et adoptés que, souhaitant mettre fin par anticipation aux baux commerciaux qui lui avaient été consentis entre 2001 et 2002 par la SCI Lumière Paris, la société Edifinance a mandaté deux sociétés en vue de lui rechercher un successeur et que par un protocole d'accord tripartite du 20 juillet 2004, il a été convenu, d'une part, entre la société Edifinance et la SCI, que les baux en cours seraient résiliés et que l'indemnité de résiliation due par la première à la seconde serait réduite à une somme forfaitaire de 23.250.925 ¿, et, d'autre part entre la SCI et le Crédit Foncier de France, qu'un nouveau bail d'une durée de 9 ans et demi serait consenti en faveur de celui-ci, moyennant une franchise de loyers d'un montant de 30.534.859 ¿ TTC offerte par le bailleur au preneur entrant ; que, pour analyser ces accords en une opération de transfert d'un droit à la jouissance d'immeubles intervenu entre la société Edifinance et le Crédit Foncier de France, la Cour d'appel a énoncé que le lien existant entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante d'un nouveau bail ne pouvait être contesté dès lors que, par l'effet de ces accords, le preneur sortant avait obtenu de se libérer par anticipation de son engagement envers le bailleur sans avoir à lui payer la totalité des loyers restant à courir et que le montant de l'indemnité de résiliation acquittée par le preneur sortant au bailleur était sensiblement équivalent au montant de la franchise de loyers consentie par le bailleur au preneur entrant ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la seule mise en évidence d'un « lien » entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante d'un nouveau bail était impropre à caractériser la volonté commune des parties d'opérer entre le preneur sortant et le preneur entrant le transfert d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 725, alinéa 3 du Code général des impôts.
2. ALORS, de surcroît, QU'EN se bornant à relever le lien existant entre la résiliation des anciens baux et la signature concomitante du nouveau bail relativement aux mêmes locaux, sans constater l'existence d'engagements réciproques contractés entre le preneur sortant et le preneur entrant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 725, alinéa 3 du Code général des impôts.
3. ALORS, enfin et en toute hypothèse, QU'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'en vertu du protocole d'accord tripartite du 20 juillet 2004, il avait été convenu, d'une part, entre la société Edifinance et la SCI LUMIERE PARIS, que les baux en cours seraient résiliés et que l'indemnité de résiliation due par la première à la seconde serait réduite à une somme forfaitaire de 23.250.925 ¿, et, d'autre part entre la SCI LUMIERE PARIS et le Crédit Foncier de France, qu'un nouveau bail d'une durée de 9 ans et demi serait consenti en faveur de celui-ci, moyennant une franchise de loyers d'un montant de 30.534.859 ¿ TTC offerte par le bailleur au preneur entrant ; qu'il s'évinçait ainsi de l'économie même de ce protocole d'accord que loin de constituer une dette contractée par le nouvel occupant en faveur du preneur sortant en contrepartie d'un prétendu transfert d'un droit à la jouissance des locaux de bureaux en cause qui serait intervenu entre eux, la franchise de 30.534.859 ¿ TTC offerte par le bailleur avait été au contraire contractée à l'avantage du preneur entrant ; qu'en qualifiant néanmoins cette franchise de « compensation financière liée au transfert du droit au bail », la Cour d'appel, qui a par-là méconnu l'économie générale du protocole d'accord susvisé, a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 725, alinéa 3 du Code général des impôts.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

(Sur l'assiette de l'imposition)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté le CREDIT FONCIER DE FRANCE de ses demandes et de l'avoir condamné au paiement des frais visés à l'article R. 207-1 du Livre des procédures fiscales et des dépens ;
AUX MOTIFS QUE « l'appelante fait valoir qu'à supposer établie une cession de droit au bail, sa valeur ne pourrait être que symbolique dès lors que le montant des loyers à sa charge correspond à leur valeur de marché et que la pratique des franchises de loyer accordée par les bailleurs est une pratique courante ; qu'ainsi qu'il a été dit, la cession de droit au bail est en l'espèce établie ; qu'il n'est pas contesté que la valeur du droit au bail correspond à la différence existant pour l'acquéreur entre la valeur locative du marché et le loyer effectivement payé ; Qu'il n'est pas davantage contesté que le prix de 413 euros par m2/an convenu entre le bailleur et la société CFF est conforme au prix du marché ; en revanche, que les éléments versés aux débats par l'appelante ne permettent pas d'établir l'existence en 2004 d'une pratique courante consistant pour les bailleurs à accorder aux nouveaux locataires une franchise de loyers ; en l'espèce, qu'ainsi que le relève le tribunal, la durée de la franchise octroyée, qui correspond à environ trois années de loyers, permet d'affirmer qu'il s'agit d'une compensation financière liée au transfert du droit au bail ; Qu'enfin, l'appelante ne peut invoquer une immixtion injustifiée dans sa gestion par l'administration fiscale, alors qu'il appartient à cette dernière de procéder à la vérification des droits dus par les contribuables ; qu'en calculant la valeur vénale du droit au bail par la différence entre le montant des loyers dus au titre du bail pendant 9 ans et 9 mois et le montant réel des loyers dus en raison de la franchise, l'administration a fait une juste appréciation de la valeur du droit au bail acquis par la société CFF » ;
ALORS QU'IL résultait des constatations mêmes de la Cour d'appel qu'en vertu du protocole d'accord tripartite du 20 juillet 2004, il avait été convenu, d'une part, entre la société Edifinance et la SCI LUMIERE PARIS, que les baux en cours seraient résiliés et que l'indemnité de résiliation due par la première à la seconde serait réduite à une somme forfaitaire de 23.250.925 ¿, et, d'autre part entre la SCI LUMIERE PARIS et le Crédit Foncier de France, qu'un nouveau bail d'une durée de 9 ans et demi serait consenti en faveur de celui-ci, moyennant une franchise de loyers d'un montant de 30.534.859 ¿ TTC offerte par le bailleur au preneur entrant ; que pour juger l'administration fiscale fondée à mettre à la charge du Crédit Foncier de France un rappel de droits d'enregistrement calculés sur une assiette constituée du montant de cette franchise de loyers, de 30.534.859 ¿ TTC, la Cour d'appel a énoncé que « la durée de la franchise octroyée, qui correspond à environ trois années de loyers, permet d'affirmer qu'il s'agit d'une compensation financière liée au transfert du droit au bail » ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant qu'il s'évinçait de ses propres constatations que loin de constituer une dette contractée par le nouvel occupant en faveur du preneur sortant, la franchise de 30.534.859 ¿ TTC offerte par le bailleur avait été au contraire contractée à l'avantage du preneur entrant, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 725, alinéa 3 du Code général des impôts.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-13950
Date de la décision : 04/02/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 fév. 2014, pourvoi n°13-13950


Composition du Tribunal
Président : M. Petit (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13950
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award