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04/02/2014 | FRANCE | N°12-27900

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 février 2014, 12-27900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée, qui est préalable :

Vu l'article L. 1332-4 du code du travail, ensemble l'article L. 1224-1 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en 1980 par la compagnie immobilière de la Madeleine en qualité de gestionnaire ; que la société a été mise en liquidation et cédée à la société Etude du Théâtre ; qu'à la suite d'un rapport d'audit comptable, la salariée a été licenciée par le nouvel employeur pour f

aute grave ;
Attendu que pour dire que les faits reprochés à la salariée n'étaient pas pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée, qui est préalable :

Vu l'article L. 1332-4 du code du travail, ensemble l'article L. 1224-1 du même code ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée en 1980 par la compagnie immobilière de la Madeleine en qualité de gestionnaire ; que la société a été mise en liquidation et cédée à la société Etude du Théâtre ; qu'à la suite d'un rapport d'audit comptable, la salariée a été licenciée par le nouvel employeur pour faute grave ;
Attendu que pour dire que les faits reprochés à la salariée n'étaient pas prescrits, la cour d'appel retient que ceux-ci ne pouvaient être sanctionnés par l'ancien employeur, lui-même impliqué, et qu'un délai de moins de deux mois s'est écoulé entre le dépôt du rapport d'audit et le licenciement de la salariée par l'employeur ayant repris son contrat ;
Attendu cependant que le nouvel employeur ne peut invoquer à l'appui du licenciement du salarié des manquements commis par celui-ci alors qu'il se trouvait sous l'autorité de l'ancien employeur, que si le délai de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant n'est pas écoulé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Etude du Théâtre aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Etude du Théâtre.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... ne reposait pas sur une faute grave, et d'AVOIR condamné la SARL ETUDE DU THEATRE à lui verser les sommes de 26.429,17 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis de 11.700 ¿, outre les congés payés y afférents, 2.080 ¿ de rappel de salaire pour sa période de mise à pied, outre les congés payés y afférents, un rappel de 13e mois de 796,76 ¿, outre les congés payés y afférents, et les intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QU'« il ressort du compte rendu de l'entretien préalable au licenciement et de différents procès-verbaux au dossier (pièces 78 et 79 notamment) que Madame X... a accepté en suivant les consignes de son employeur, de présenter de fausses situations de trésorerie à des assemblée générales de copropriétaires : "C'est moi qui passais toutes les écritures comptables au sein de la CIM, pour tous les immeubles, même celles des immeubles de M. Y..." ; "pour présenter la comptabilité aux copropriétaires en fin d'exercice, nous regroupions les comptes non-soldés en un seul compte (¿) C'était la seule façon de présenter des comptes qui tenaient la route (¿) Cela camouflait les écritures douteuses au moment des assemblées générales, je le dis honnêtement. Les écritures relatives aux avances d'honoraires étaient regroupées avec les comptes bancaires non soldés". Attendu cependant qu'il apparaît que Madame X... a, en commettant les irrégularités rappelées dans la lettre de licenciement, exécuté les ordres de son ancien employeur, M. Y..., et qu'elle ne s'est pas en favorisant des détournements de fonds enrichie personnellement ; qu'il y a lieu de requalifier le licenciement prononcé à son encontre pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse » ;
1°) ALORS QUE le fait qu'un salarié ait commis des actes sur instruction d'un dirigeant ou d'un supérieur hiérarchique ne leur retire pas leur caractère fautif en l'absence de contrainte irrésistible et n'exclut pas la qualification de faute grave lorsque lesdits faits rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, et ce même en l'absence d'enrichissement personnel du salarié, puisque l'existence d'un préjudice n'est pas une condition de la qualification de faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Madame X... avait camouflé en comptabilité par des écritures fictives des prélèvements d'honoraires indus évalués à une somme proche de 950.000 ¿ et avait présenté de fausses situations de trésorerie à des assemblées générales de copropriétés clientes de la société CIM ; qu'en considérant que ces faits ne pouvaient être qualifiés de faute grave, aux motifs inopérants que Madame X... avait, en agissant ainsi, exécuté les instructions de son ancien « employeur », Monsieur Y..., et qu'elle ne s'était pas enrichie personnellement, ce qui n'était pourtant pas de nature à rendre possible son maintien dans l'entreprise au vu de la nature et de la gravité de ses actes, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE les juges du fond sont, dans les procédures orales, tenus par les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions reprises oralement des parties ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient, dans leurs conclusions reprises oralement à l'audience (V. concl. p. 9, §2.6, al. 2 ; v. concl. adv., p. 8, §5), à considérer que Monsieur Y... n'était que le gérant de fait de la société CIM, dont Madame Z... était la gérante de droit ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur Y... aurait été l'employeur de Madame X..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le pouvoir de direction est exercé exclusivement par l'employeur et par ses représentants dument habilités ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, pour atténuer la gravité des fautes commises par Madame X..., affirmé que cette dernière avait ainsi « exécuté les ordres de son ancien employeur, Monsieur Y... » ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il ressorte du procès-verbal de la Brigade financière du 9 novembre 2010 et des conclusions des parties (V. concl. p. 9, §2.6, al.2 ; v. concl. adv., p. 8, §5) que ce dernier n'était en réalité qu'un gérant de fait de la société CIM, dont Madame Z... était la gérante de droit, sans caractériser en quoi Monsieur Y... exerçait légalement ou même effectivement un pouvoir de direction sur Madame X... qui ait pu légitimement la contraindre à effectuer les actes litigieux pendant deux ans et la dissuader de le dénoncer à son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
4°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le fait qu'un salarié ait commis des actes sur instruction d'un dirigeant ou d'un supérieur hiérarchique ne leur retire pas leur caractère fautif en l'absence de contrainte irrésistible et n'exclut pas la qualification de faute grave lorsqu'il est démontré qu'il a activement, consciemment et volontairement participé à la commission des faits ; qu'en l'espèce, l'exposante soutenait que Madame X..., qui avait déclaré aux enquêteurs travailler « en toute autonomie » et qui, leur décrivant l'opération, n'ayant fait état ni d'une contrainte, ni d'aucune menace exercée à son encontre par Monsieur Y..., ni d'aucun signe de rébellion de sa part face aux instructions manifestement illicites de ce dernier, avait une parfaite conscience de l'illégalité des actes qu'elle commettait, comme le démontrait le procès-verbal des déclarations faites le 22 janvier 2010 par Madame X... à la Brigade financière de PARIS, où elle reconnaissait notamment avoir trouvé elle-même l'intitulé comptable « d'acompte sur honoraires », par lequel elle camouflait plusieurs fois par mois les détournements de fonds effectués au préjudice des copropriétés clientes de la société CIM ; qu'en ne recherchant pas si cette initiative, son autonomie, l'absence d'allégation du moindre refus de sa part et de contraintes exercées à son encontre par Monsieur Y... ne démontraient pas que Madame X..., loin de se contenter d'exécuter les instructions illégales de ce dernier, avait en réalité contribué d'elle-même activement, volontairement et consciemment à la commission des actes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'exposante faisait valoir que Madame X... étant un cadre expérimenté, elle aurait dû dénoncer depuis longtemps les faits délictueux qu'elle camouflait en comptabilité et que si elle ne l'avait pas fait, c'est qu'elle en bénéficiait directement puisque ces opérations permettaient d'assurer le paiement de son salaire (V. concl. p. 8, §2) ; qu'en se contentant cependant d'affirmer que Madame X... ne s'était pas personnellement enrichie dans ces opérations, sans rechercher si celles-ci n'assuraient pas en réalité le paiement des salaires et charges de la société CIM, dont les pièces versées aux débats démontraient qu'elle se trouvait en état de cessation des paiements depuis 2004, de sorte que la salariée avait bien agi, en partie au moins, dans un intérêt personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail.
Moyen produit au POURVOI INCIDENT par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les faits reprochés dans la lettre de licenciement de Mme Marie-Claude X... n'étaient pas prescrits et d'avoir débouté la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que Mme X... fait valoir que les faits de détournements de fonds et les irrégularités comptables qui lui sont reprochés sont prescrits dans la mesure où ils étaient connus par son ancien employeur, lui-même mis en cause pour ces faits ; cependant que ceux-ci, qui ne pouvaient être sanctionnés par l'ancien employeur lui-même impliqué, M. Y..., ne sont pas prescrits pour la société Etude du Théâtre, repreneur de l'entreprise, un délai de moins de deux mois s'étant écoulé entre le dépôt du rapport d'audit du cabinet Cannac, le 31 août 2007, et le licenciement de Mme X... prononcé le 8 octobre 2007 ; que l'exception de prescription soulevée doit être rejetée ;
ALORS QUE le nouvel employeur ne peut invoquer à l'appui du licenciement du salarié des manquements commis par celui-ci, alors qu'il se trouvait sous l'autorité de l'ancien employeur, que si le délai de deux mois depuis la connaissance des faits par le cédant n'est pas écoulé ; qu'en l'espèce, il est constant que le cédant avait connaissance depuis plus de deux mois des faits reprochés à la salariée ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que ces faits ne pouvaient être sanctionnés par l'ancien employeur, M. Y..., lui-même impliqué, pour en déduire qu'ils n'étaient pas prescrits pour la société Etude du Théâtre, repreneur de l'entreprise, un délai de moins de deux mois s'étant écoulé entre le dépôt du rapport d'audit du cabinet Cannac, le 31 août 2007, et le licenciement de la salariée le 8 octobre 2007, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1332-4 du code du travail, ensemble l'article L. 1224-1 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-27900
Date de la décision : 04/02/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 fév. 2014, pourvoi n°12-27900


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.27900
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