LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... a été nommé par le recteur d'académie en qualité de maître contractuel dans un établissement d'enseignement privé sous contrat d'association avec l'Etat, exploité par l'institution Sainte-Clotilde, du 1er septembre 2001 au 30 juin 2002, puis du 1er septembre 2002 au 30 juin 2003 ; que par lettre du 29 janvier 2003 qu'il a adressée à l'institution Sainte-Clotilde, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à cet établissement de ne plus le rémunérer depuis le mois de novembre 2002 et s'est prévalu de son statut de salarié protégé à raison de sa qualité de conseiller prud'homme ; qu'il a ensuite introduit deux instances au fond, la première pour obtenir sa réintégration, de laquelle il s'est désisté, ce qui a été constaté par jugement du 21 septembre 2004, et la seconde, le 29 août 2006 ; que par arrêt du 29 janvier 2009, la cour d'appel de Colmar, statuant sur contredit, a déclaré la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige ; que par arrêt du 22 février 2011, la même cour, statuant au fond, a déclaré irrecevables en vertu du principe de l'unicité de l'instance les demandes de M. X... qui tendaient notamment au paiement d'une indemnité compensatrice des salaires non versés depuis le 1er septembre 2002 jusqu'au 21 décembre 2010, d'une indemnité de requalification de contrat à durée indéterminée, de dommages et intérêts et à sa réintégration ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'institution Sainte-Clotilde, qui est préalable :
Vu l'article L. 442-5 du code de l'éducation, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que l'article 1er de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 qui a modifié l'article L. 442-5 du code de l'éducation, d'application immédiate en raison de son caractère d'ordre public, dispose que les maîtres liés à l'Etat par contrat, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié ; qu'il en résulte que le juge judiciaire ne peut connaître des différends nés de l'exécution du contrat de travail qui liait l'agent à l'établissement privé avant l'entrée en vigueur de la loi lorsque ses demandes se fondent sur la requalification d'un tel contrat et tendent non à la réparation du préjudice résultant de sa rupture mais à la poursuite d'une relation de travail au-delà de cette date ;
Attendu que pour confirmer le jugement rendu le 6 novembre 2008 par le conseil de prud'hommes se déclarant compétent pour connaître des demandes de M. X..., l'arrêt rendu le 29 janvier 2009, sur contredit, retient que l'incompatibilité entre un statut d'agent public et un contrat de travail au sein d'un établissement d'enseignement privé sous contrat avec l'Etat ne joue que pour les agents employés dans de tels établissements à compter du 1er septembre 2005, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005, qu'avant cette date, le cumul du statut d'agent public et d'un contrat de travail était possible s'il existait un lien de subordination entre l'établissement d'enseignement scolaire et l'enseignant et que tel était le cas en l'espèce ; que le différend trouvant sa source dans un contrat de travail, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les demandes de l'enseignant, tendaient, à travers la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, à la poursuite au-delà du 31 août 2005 des relations contractuelles avec l'établissement d'enseignement privé dans lequel il sollicitait sa réintégration, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le pourvoi principal de M. X... :
Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt rendu le 29 janvier 2009 sur la compétence entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rendu sur le fond le 22 février 2011 entre les mêmes parties, qui en est la suite ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 29 janvier 2009 et le 22 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour connaître du litige ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré M. Yves X... irrecevable en toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'« une fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond. / Selon l'article 123 du code de procédure civile, une fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause. / Il s'ensuit qu'en l'espèce, nonobstant les dispositions de l'article 74 du même code qui imposent de soulever les exceptions de procédure avant toute défense au fonds, et nonobstant la circonstance que l'Institution Sainte-Clotilde a invoqué devant les premiers juges l'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale, l'appelante reste admissible à présenter, à hauteur d'appel, les fins de non-recevoir qu'elle tire de l'extinction d'instance précédemment constatée et de l'application du principe d'unicité. / D'une part, l'appelante rappelle avec pertinence que selon l'article R. 1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, sauf si le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. / Tout moyen de défense tiré de ces dispositions constitue une fin de non-recevoir (Cass. Soc. 25 avril 1986). / D'autre part, l'appelante fait justement observer que Monsieur Yves X... a déjà saisi la juridiction prud'homale sur le fond du litige le 7 mai 2004, mais qu'il s'est désisté, que son désistement a été accepté, et que le conseil de prud'hommes de Strasbourg a constaté le désistement d'instance par décision du 21 septembre 2004. / Le désistement d'instance emporte désistement de l'action, ce qui constitue également une fin de non-recevoir faisant obstacle à une nouvelle demande sur le même fondement. / L'intimé tente néanmoins de soutenir que ses prétentions trouve un fondement né ou révélé postérieurement au désistement, comme dérivant d'un droit à réintégration que, statuant en référé, le conseil de prud'hommes de Strasbourg a admis dans ses ordonnances du 19 octobre 2003, du 31 décembre 2004 et du 28 octobre 2005, et la cour de céans par arrêts du 9 septembre 2004. / Mais ces décisions de référé ont un caractère nécessairement provisoire, elles sont dépourvues de l'autorité de la chose jugée au principal, et elles ne peuvent servir de fondement aux prétentions de l'intimé. / En réalité, les actuelles prétentions de l'intimé ne peuvent se détacher du litige qu'il a initialement soumis au conseil de prud'hommes en introduisant l'instance dont il s'est ultérieurement désisté. / En premier lieu, l'intimé demande qu'il soit déclaré que son contrat de travail n'a jamais été rompu, et que lui soit reconnu un droit à réintégration dans l'entreprise. / La prétention tire directement son fondement dans le contrat de travail par lequel l'intimé affirme avoir été lié à l'Institution Sainte-Clotilde, et dans la contestation qu'il a élevée sur la portée de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail dont il a pris l'instance le 29 janvier 2003. / Ces causes sont nées et révélées bien antérieurement au désistement constaté par décision du 21 septembre 2004, et même à la date du 24 juin 2004 dont l'intimé se prévaut comme étant le jour de réunion du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes. / À titre subsidiaire, l'intimé invoque le délit intentionnel et continu de refus de réintégration qui ferait perdurer le litige. / Mais sa demande subsidiaire trouve nécessairement son fondement dans la prétention à réintégration liée à la contestation de la portée de la prise d'acte de rupture du 29 janvier 2003, pour des causes qui restent nées et révélées antérieurement au désistement constaté et même à la saisine du bureau de conciliation. / En deuxième lieu, l'intimé réclame une indemnité compensatrice des salaires qui, selon lui, auraient dû lui être maintenus depuis le 1er septembre 2002 jusqu'au 31 décembre 2010, subsidiairement jusqu'au 1er septembre 2005, date d'entrée en vigueur du nouveau statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat, ainsi que le remboursement d'intérêts sur une provision précédemment restituée. / Cette prétention trouve également son fondement dans le cadre du contrat de travail par lequel l'intimé considère avoir été lié à l'appelant, et dans sa contestation des effets à donner à sa prise d'acte de rupture en date du 29 janvier 2003, ces causes étant antérieures au désistement constaté le 21 septembre 2004, et même à la date du 24 juin 2004 dont l'intimé se prévaut. / En troisième lieu, l'intimé sollicite une indemnité de requalification de son contrat de travail, qu'il considère conclu pour une durée déterminée, en contrat à durée indéterminée. / Il invoque expressément la prohibition du recours au travail à durée déterminée pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. / Sa prétention se rattache à l'origine même des relations entre les parties, sur des causes très antérieures à l'instance prud'homale que Monsieur Yves X... a introduite le 7 mai 2004 et dont il s'est ultérieurement désisté, ce qui a été constaté le 21 septembre 2004. / Dès lors que ces trois demandes principales de l'intimé dérivent du contrat de travail et de l'état des relations contractuelles que Monsieur Yves X... a déjà soumis à l'examen de la juridiction prud'homale, et que leur fondement n'est ni révélé postérieurement au désistement constaté le 21 septembre 2004, ni même à la date du 24 juin 2004 dont l'intimé se prévaut, elles se heurtent aux fins de non-recevoir élevées par l'appelante. / Quant aux autres demandes de l'intimé, qui visent à écarter certaines pièces des débats, à faire produire d'autres pour la partie défenderesse, et à faire supprimer certains passages des conclusions adverses, elles sont entièrement liées à la nouvelle instance que l'intimé a introduite et à laquelle les fins de non-recevoir font obstacle. / Il s'ensuit qu'aucune des prétentions de l'intimé ne peut être examinée au fond. / Monsieur Yves X... doit donc être déclaré irrecevable en toutes ses demandes, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la question de savoir si la prise d'acte de rupture a emporté renonciation à être réintégré dans l'entreprise » (cf., arrêt attaqué, p. 5 à 7) ;
ALORS QUE, de première part, la règle de l'unicité de l'instance n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'en considérant, par conséquent, que les demandes de M. Yves X... étaient irrecevables en application de la règle de l'unicité de l'instance, dès lors que M. Yves X... s'était désisté des demandes sur le fond du litige qu'il avait formées le 7 mai 2004 devant le conseil de prud'hommes de Strasbourg, que ce désistement avait été accepté et que, par un jugement du 21 septembre 2004, le conseil de prud'hommes de Strasbourg avait constaté ce désistement d'instance, quand, par son jugement du 21 septembre 2004, le conseil de prud'hommes de Strasbourg n'avait pas statué sur le fond, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail ;
ALORS QUE, de seconde part, le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance ; qu'en énonçant, dès lors, pour déclarer M. Yves X... irrecevable en toutes ses demandes, que le désistement d'instance emporte désistement de l'action, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 398 du code de procédure civile.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'institution Sainte-Clotilde.
Il est reproché à l'arrêt avant dire droit attaqué d'avoir dit que la juridiction prud'homale était compétente pour connaître du litige opposant le lycée Sainte-Clotilde, établissement d'enseignement privé sous contrat, à M. X..., enseignant ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1er de la loi n" 2005-5 du 5 janvier 2005 dispose que : "le Code de l'éducation est ainsi modifié : 1°)· le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : Ces derniers les maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat , en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etal, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié " ; QUE cet article ne pouvait, en l'absence de dispositions spéciales, s'appliquer à des faits antérieurs au 1er septembre 2005, date fixée par la loi pour son entrée en vigueur, comme en a jugé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 mars 2007 ; QU'ainsi l'incompatibilité entre un statut d'agent public et un contrat de travail au sein d'un établissement d'enseignement privé sous contrat avec l'Etat ne joue que pour les agents employés dans de tels établissements à compter du 1er septembre 2005, ce dont ne relève pas M. X... qui a été nommé agent temporaire pour assurer un service d'enseignement d'économie et de gestion au sein de l'association Institution Sainte-Clotilde du 1er septembre 2001 au 30 juin 2002, puis du 1er septembre 2002 au 30 juin 2003, par des arrêtés du recteur de l'académie de Strasbourg antérieurs au 1er septembre 2005 ; QU'avant cette date, le cumul du statut d'agent public et d'un contrat de travail était possible pour peu qu'il existe un lien de subordination entre l'enseignant et l'établissement d'enseignement sous contrat avec l'Etat ; QU'il ressort des pièces versées aux débats que M. Yves X... réalisait son travail d'enseignement sous l'autorité de l'association Institution Sainte-Clotilde qui lui imposait son lieu de travail et son emploi du temps et contrôlait la bonne exécution de son travail de sorte qu'il se trouvait bien sous la subordination de cet établissement scolaire ; QUE le différend opposant les parties trouvant sa source dans un contrat de travail, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de Strasbourg s'est déclaré compétent pour en connaître ;
ALORS QUE les dispositions de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat qui écartent l'existence d'un contrat de travail entre les maîtres et les établissements privés d'enseignement sous contrat d'association sont purement interprétatives des dispositions légales et réglementaires antérieures ; qu'en lui déniant ce caractère interprétatif pour écarter son application au litige, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 et l'article 2 du code civil.