LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 461 du code de procédure civile ;
Attendu que les juges, saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peuvent, sous le prétexte d'en déterminer le sens, modifier les droits et obligations des parties ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un précédent arrêt, la créance de la Société générale, résultant d'un contrat de prêt, a été admise au passif du redressement judiciaire de la société Fava-frères du Bas Breau (la société) à concurrence de la somme de 81 540, 90 euros, à titre privilégié, représentant les échéances à échoir du 25 février 2010 au 25 août 2013, outre intérêts en cas de retard et jusqu'à complet règlement, au taux de 5, 2 % majoré de 1 % ; que M. X...et la SCP Philippe Y...et Denis Z... agissant en la personne de M. Y..., le premier en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société et la seconde en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société, ont saisi la cour d'appel d'une requête en rectification d'erreur matérielle et en tant que de besoin en interprétation de cette décision ;
Attendu que l'arrêt, accueillant la requête, décide que le taux de 5, 2 % majoré de 1 % ne peut être appliqué qu'en cas de retard et jusqu'à complet paiement des versements effectués au titre des échéances du plan de redressement arrêté le 4 avril 2011 ;
Attendu qu'en modifiant ainsi les droits et obligations reconnus aux parties par son précédent arrêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° 12/ 10742 rendu le 18 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la requête de M. X...et de la SCP Philippe Y...et Denis Z... agissant en la personne de M. Y..., le premier en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Fava-frères-Hôtellerie du Bas Breau et la seconde, en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société ;
Condamne M. X..., ès qualités, et la SCP Philippe Y...et Denis Z... agissant en la personne de M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Met en outre à leur charge les dépens afférents à l'instance devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR interprété le précédent arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 2 février 2012 « en ce sens que le taux de 5, 20 % majoré de 1 % ne peut être appliqué qu'en cas de retard et jusqu'à complet paiement des versements effectués au titre des échéances du plan de redressement arrêté le 4 avril 2011 » ;
AUX MOTIFS QUE « l'arrêt du 2 février 2012 ne contient aucune erreur matérielle ; qu'il doit, en revanche, être interprété puisque les mandataires judiciaires et la banque ont deux lectures différentes de son dispositif, les premiers estimant que la somme de 81. 450, 90 euros comprend le montant de la créance en principal plus les intérêts conventionnels pour l'intégralité des échéances à échoir, la seconde prétendant à majoration des intérêts à l'occasion du paiement de chaque annuité ; que le taux majoré ne peut être appliqué qu'en cas de retard et jusqu'à complet paiement des versements effectués au titre des échéances du plan ; que la banque est manifestement de mauvaise foi, la clause pénale ayant déjà été jugé excessive » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne peut, sous couvert d'interprétation d'une précédente décision, modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient de celle-ci ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 2 février 2012 avait admis la créance de la SOCIETE GENERALE au titre du prêt du 23 juillet 2008 au passif de la société FAVA FRERES ¿ HOSTELLERIE DU BAS BREAU « pour 81. 540, 90 euros à titre privilégié, somme représentant 43 échéances de 1. 896, 30 euros à échoir du 25 février 2010 au 25 août 2013, outre intérêts, en cas de retard et jusqu'à complet règlement, au taux de 5, 20 % majoré de 1 % » ; qu'il résultait de cet arrêt que les intérêts de retard majorés couraient en cas de retard de paiement entre les mains de la SOCIETE GENERALE des échéances du prêt à leur date d'exigibilité contractuelle ; qu'en prétendant interpréter ce dispositif en ce sens que les intérêts au taux de 5, 20 % majoré de 1 % ne pouvaient être appliqués qu'en cas de retard et jusqu'à complet paiement des versements effectués au titre des échéances du plan de redressement arrêté le 4 avril 2011, la Cour d'appel a modifié les droits de la SOCIETE GENERALE tels qu'ils résultaient de l'arrêt du 2 février 2012, en y apportant une restriction que cette décision ne comportait pas, violant ainsi l'article 461 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 2 février 2012 avait admis la créance de la SOCIETE GENERALE au titre du prêt litigieux « pour 81. 540, 90 euros à titre privilégié, somme représentant 43 échéances de 1. 896, 30 euros à échoir du 25 février 2010 au 25 août 2013, outre intérêts, en cas de retard et jusqu'à complet règlement, au taux de 5, 20 % majoré de 1 % » ; que cet arrêt ayant décidé que l'intérêt majoré, fixé par le contrat de prêt en cas de non-paiement d'une échéance contractuelle, devait être réduit de 4 % à 1 %, le chef de dispositif de cette décision admettant la créance de la banque à hauteur de 81. 450, 90 ¿ « outre intérêts, en cas de retard et jusqu'à complet règlement, au taux de 5, 20 % majoré de 1 % », visait nécessairement le non-paiement des échéances à la date d'exigibilité fixée par le contrat de prêt ; qu'en jugeant que le taux majoré ne devait être appliqué qu'en cas de non-respect des échéances fixées par le plan de redressement, la Cour d'appel a dénaturé le précédent arrêt du 2 février 2012, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en présence d'une décision admettant une créance sans en prévoir les modalités de versement, le juge à qui il est demandé d'interpréter ladite décision doit retenir la solution que dicte la loi sur le point considéré ; que selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le créancier, qui a consenti au débiteur, avant son redressement judiciaire, un prêt pour une durée d'au moins un an et auquel sont imposés par le plan de redressement des délais de remboursement plus longs que ceux contractuellement prévus, a droit au paiement des intérêts prévus par le contrat à raison de l'allongement de ces délais ; qu'en l'espèce, l'arrêt du 2 février 2012 s'étant borné à réduire le taux de l'intérêt majoré prévu en cas de retard, sans spécifier que le retard s'entendait du non-paiement des échéances du plan de redressement imposées aux créanciers, la Cour d'appel ne pouvait, sans dénaturer cet arrêt, et modifier les droits et obligations de la SOCIETE GENERALE tels qu'ils résultaient de celui-ci, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, décider qu'il devait s'interpréter en ce sens que « le taux de 5, 20 % majoré de 1 % ne peut être appliqué qu'en cas de retard et jusqu'à complet paiement des versements effectués au titre des échéances du plan de redressement arrêté le 4 avril 2011 » ;
4°) ALORS QU'en se bornant à affirmer que « le taux de 5, 20 % majoré de 1 % ne peut être appliqué qu'en cas de retard et jusqu'à complet paiement des versements effectués au titre des échéances du plan de redressement arrêté le 4 avril 2011 », sans indiquer sur quel motif ou chef de dispositif de l'arrêt du 2 février 2012 elle se fondait pour interpréter cette décision de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS, EN OUTRE, QUE le jugement du tribunal de commerce de MELUN du 4 avril 2011 arrêtant le plan de redressement de la société FAVA FRERES ¿ HOTELLERIE DU BAS BREAU ne comporte aucune disposition prévoyant que le paiement des intérêts contractuels de retard ne serait exigible qu'en cas de non-respect des échéances du plan ; qu'en subordonnant l'application des intérêts conventionnels de retard à la défaillance de la société FAVA FRERES ¿ HOTELLERIE DU BAS BREAU dans l'exécution du plan de redressement, quand le jugement arrêtant le plan ne comportait aucune mention en ce sens, la Cour d'appel a violé les articles L. 622-24, L. 622-25, L. 622-28 et L. 626-18 du code de commerce, ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la détermination des modalités d'apurement du passif du débiteur relève de la compétence du tribunal de la procédure collective, seul habilité à arrêter le plan de redressement et à statuer sur les litiges résultant de son exécution ; qu'en jugeant que les intérêts de retard majorés, régulièrement déclarés au passif de la société FAVA FRERES ¿ HOTELLERIE DU BAS BREAU par la SOCIETE GENERALE et ayant été admis par l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 2 février 2012, n'étaient dus par le débiteur qu'en cas de non9 paiement des échéances du plan, et non sur chacune des annuités de ce dernier, la Cour d'appel, qui statuait sur requête en interprétation de l'arrêt du 2 février 2012, intervenu sur appel de l'ordonnance du juge-commissaire rendue dans le cadre de la procédure d'admission des créances, a excédé ses pouvoirs, violant les articles 4, 5 et 461 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 626-9 et L. 626-27 du code de commerce.