LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Sollac, devenue Arcelormittal méditerranée (l'employeur), de 1976 à 2007, a déclaré le 11 février 2008 une affection liée à l'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) a prise en charge au titre du tableau n° 30 B des maladies professionnelles ; que l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie de M. X... par la caisse lui est opposable, alors, selon le moyen, qu'il avait fait valoir que le colloque médico-administratif qui retenait une maladie différente de celle ayant fait l'objet du certificat médical initial du 9 mai 2007 et d'un scanner thoracique daté du 30 avril 2007 n'apportait nullement la preuve que le médecin-conseil avait eu cet examen obligatoire entre les mains de sorte qu'en se bornant à viser l'avis du docteur Y..., délivré en cours d'instance, sans vérifier, comme il le lui était demandé, que ce praticien avait bien eu en mains au moment de la décision de la caisse, un examen tomodensitométrique correspondant effectivement à la maladie litigieuse et si les conditions du tableau 30 B, alinéa 2, étaient effectivement satisfaites, la cour, qui a autorisé la caisse a se prévaloir d'une preuve qu'elle s'est constituée à elle-même, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la caisse a demandé confirmation au service médical de la réalisation d'un examen tomodensitométrique ayant fondé le diagnostic ; que le docteur Y... a confirmé que "l'avis favorable est donné pour plaques pleurales code 030ABJ920 qui correspondent à un épaississement de la plèvre pariétale et non de la plèvre viscérale tel que demandé sur le certificat médical initial, constatation sur le scanner thoracique du 30 avril 2007" ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu décider que les conditions requises par le tableau n° 30 B étant réunies, la décision de la caisse était opposable à l'employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte des trois premiers de ces textes que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément réparable en application du quatrième de ces textes est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que sont réparables en application du même texte les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Attendu que pour allouer à M. X... les sommes de 20 000 euros au titre du préjudice physique et moral et 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément, l'arrêt retient que la victime se plaint de dyspnée et d'une fatigabilité à l'effort ; que ce type de maladie entraîne une atteinte réelle généralisée à l'appareil respiratoire ; qu'eu égard au caractère incurable, irréversible et évolutif de cette pathologie, la victime subit un incontestable préjudice moral ; que concernant le préjudice d'agrément, il est constant que les difficultés respiratoires entraînées par la maladie constituent une gêne importante dans les actes de la vie quotidienne ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au titre du préjudice d'agrément, la victime justifiait d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie et si les souffrances invoquées par elle n'étaient pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé les dispositions du jugement ayant alloué à M. X... les sommes de 20 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice physique et moral et de 4 000 euros au titre de l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 7 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Arcelormittal méditerranée
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la Société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE, de faire déclarer inopposable à son égard la prise en charge opérée par la Caisse ;
AUX MOTIFS QUE « sur le chef de contestation de la pathologie prise en charge, que la société employeur fait ressortir que le certificat médical initial du 9 mai 2007 fait état « d'un épaississement pleural viscéral, associé à des bandes parenchymateuses », portant le code 030ABJ948, alors que la Caisse notifie une prise en charge de plaques pleurales portant le code 030ABJ920 ; qu'ainsi l'employeur affirme que dans le cadre de son instruction la caisse a changé la pathologie instruite, sans l'avoir informé d'un changement de qualification de la maladie, sans avoir procédé à l'examen tomodensitométrique exigé par le tableau 30 B, et que la décision de prise en charge du 28 août 2008 est inopposable ; que la caisse répond que certes le tableau 30 B subordonne la prise en charge de la maladie professionnelle en question, à un examen tomodensitométrique, mais que cet examen étant un élément de diagnostic du dossier, il doit faire l'objet du secret médical ; qu'ainsi l'employeur ne peut se voir communiquer ce document, et ne peut se prévaloir d'une inopposabilité de la reconnaissance de la maladie professionnelle pour défaut de preuve de la réalisation de cet examen ; qu'il est à rappeler que s'il est indispensable que l'employeur soit à même de formuler toutes observations techniques relatives à la déclaration, à l'enquête et aux éléments du dossier ayant amené la caisse à prendre sa décision, incluant d'ailleurs l'avis du médecin-conseil de la caisse, cette information ne peut se faire que sous réserve effectivement du principe du secret médical ; que la confusion ne saurait être admise entre le contenu du dossier communiqué et le dossier strictement médical ; qu'à cet effet, l'examen tomodensitométrique constitue bien un élément du diagnostic et ce diagnostic doit faire l'objet du secret médical ; que si cet examen doit faire partie intégrante de la déclaration d'une maladie, il convient de distinguer entre d'une part, l'obligation administrative conditionnant la recevabilité même du dossier présenté par le salarié à la caisse, et d'autre part, son contenu technique ; que cette obligation administrative doit nécessairement être constituée par l'indication de l'existence de cet examen et sa production à la caisse préalablement à tout commencement d'instruction ; en l'espèce que la caisse a demandé confirmation au service médical de la réalisation d'un examen tomodensitométrique ayant fondé le diagnostic ; que le Docteur François Y... a confirmé que « l'avis favorable est donné pour plaques pleurales code 030ABJ920 qui correspondent à un épaississement de la plèvre pariétale et non la plèvre viscérale tel que demandé sur le certificat médical initial, constatation sur le scanner thoracique du 30/04/07 ; qu'en conséquence, il doit être affirmé que la caisse a respecté les dispositions relatives au contenu de l'information devant être fournie à l'employeur » ;
ALORS QUE la Société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE avait fait valoir que le colloque médico-administratif qui retenait une maladie différente de celle ayant fait l'objet du certificat médical initial du 9 mai 2007 et d'un scanner thoracique daté du 30 avril 2007 n'apportait nullement la preuve que le médecin-conseil avait eu cet examen obligatoire entre les mains de sorte qu'en se bornant à viser l'avis du Docteur Y..., délivré en cours d'instance, sans vérifier, comme il le lui était demandé, que praticien avait bien eu en mains au moment de la décision de la Caisse, un examen tomodensitométrique correspondant effectivement à la maladie litigieuse et si les conditions du tableau 30 B, alinéa 2 étaient effectivement satisfaites, la Cour, qui a autorisé la Caisse a se prévaloir d'une preuve qu'elle s'est constituée à elle-même, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.461-1 et L.461-2 de la Sécurité Sociale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnisation des préjudices subis par Monsieur X... aux sommes de 20.000 € au titre du préjudice physique et moral et 4.000 € au titre du préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE « concernant l'appel sur le quantum de l'indemnisation des préjudices personnels de la victime, que la société employeur sollicite que ses indemnisations soient réduites ; qu'il est à rappeler que Jean X... a été reconnu atteint de sa maladie professionnelle le 9 mai 2007 à l'âge de 56 ans, et qu'un taux d'IPP de 5 % lui a été octroyé ; que le jugement déféré a fixé l'indemnisation du préjudice moral et physique à la somme de 20.000 €, et du préjudice d'agrément à la somme de 4.000 € ; que cette indemnisation représente une indemnisation habituellement accordée au regard de l'âge et du taux d'incapacité rappelés ci-dessus ; qu'il convient en conséquence de considérer que le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée » ;
AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTÉS, QU'« en l'état des dispositions de l'article L.452-2 DU Code de la Sécurité Sociale et du taux d'incapacité de 5 % reconnu à Monsieur Jean X..., il y a lieu de faire droit à sa demande de majoration du capital au taux maximum avec évolution en cas d'aggravation du taux d'IPP ; que Monsieur Jean X... avait 56 ans lorsque sa maladie professionnelle a été reconnue et qu'il a présenté des épaississements pleuraux ; qu'il se plaint d'une dyspnée qui va en s'aggravant et d'une fatigabilité à l'effort ; que ce type de maladie entraîne une atteinte réelle généralisée à l'appareil respiratoire et s'accompagne d'une réduction des volumes pulmonaires ; qu'enfin, eu égard au caractère incurable, irréversible et évolutive de cette pathologie, la victime subi un incontestable préjudice moral ; que concernant le préjudice d'agrément, il est constant que les difficultés respiratoire entraînées par la maladie constituent une gêne importante dans les actes de la vie quotidienne ; que compte tenu de ces éléments, de la nécessité d'un contrôle médical constant, il convient de faire droit à ses demandes d'indemnisation à hauteur des sommes suivantes : préjudice physique et moral : 20.000 €, préjudice d'agrément : 4.000 € » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément est celui qui résulte de l'impossibilité de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir ; qu'il en résulte que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut obtenir, en plus de la rente majorée, de dommages-intérêts au titre d'un préjudice d'agrément qu'à condition d'établir judiciairement l'existence de troubles spécifiques distincts du déficit fonctionnel consécutif aux séquelles de la maladie ; qu'au cas présent, la société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE exposait que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve d'un quelconque préjudice d'agrément ; qu'en lui allouant néanmoins des dommages-intérêts pour le préjudice d'agrément, sans caractériser l'existence d'une impossibilité de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente n'indemnise nécessairement que le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprend les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent ; qu'au cas présent, la société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE exposait que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve de souffrances physiques ou morales réparables ; qu'en ne caractérisant pas l'existence de souffrances distinctes du déficit fonctionnel permanent déjà réparé par le versement d'une rente majorée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des L. 434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.