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22/01/2014 | FRANCE | N°13-10658

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 janvier 2014, 13-10658


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 janvier 2012), que Mme X... engagée le 9 février 2006 en qualité d'auxiliaire de vie par l'association La Pierre angulaire a été licenciée après mise à pied conservatoire par lettre du 13 juin 2009 pour faute grave ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut exclusivement se fonder sur des témoignages indirect

s pour retenir que la preuve de ce que le salarié a commis une faute grave es...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 janvier 2012), que Mme X... engagée le 9 février 2006 en qualité d'auxiliaire de vie par l'association La Pierre angulaire a été licenciée après mise à pied conservatoire par lettre du 13 juin 2009 pour faute grave ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut exclusivement se fonder sur des témoignages indirects pour retenir que la preuve de ce que le salarié a commis une faute grave est apportée par l'employeur ; qu'en se fondant exclusivement sur des témoignages indirects, pour retenir que les faits reprochés, qu'elle a considéré comme constitutifs d'une faute grave de la part de la salariée, tenant à son prétendu refus d'emmener M. Vincent Y... aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et au fait qu'il aurait été blessé, à deux reprises, à la suite de son comportement brutal, étaient établis, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail et de l'article 1315 du code civil ;
2°/ qu'elle avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le ministère public avait classé sans suite les plaintes déposées auprès de lui à raison des prétendus faits de maltraitance qui lui étaient reprochés et que cette circonstance, compte tenu de la sévérité dont fait preuve le ministère public, lorsqu'il se voit soumis des faits de maltraitance de personnes âgées qui sont avérés, établissait que ces faits n'étaient pas démontrés ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu qu'il résultait de l'ensemble des pièces qui lui étaient transmises la matérialité de mauvais traitements à l'un des pensionnaires dont la salariée avait la charge ; que c'est sans méconnaître les règles de preuve et sans avoir à suivre la salariée dans toutes ses allégations, qu'elle a pu décider que ce comportement maltraitant était constitutif de faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR jugé que le licenciement de Mlle Laetitia X... reposait sur une faute grave et D'AVOIR débouté Mlle Laetitia X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des dispositions combinées des articles L. 1234-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans sa lettre, d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise./ La faute grave est ainsi énoncée dans la lettre de licenciement : " Nous avons dû à plusieurs reprises vous rappeler à l'ordre, notamment en raison du non-respect des consignes et de graves négligences dans la prise des résidents. Non seulement, vous avez pris votre poste avec respectivement 30 minutes de retard le jeudi 30 avril 2009 et une heure le 1er mai 2009 sans justificatif, mais surtout, un résident s'est plaint que vous le malmeniez régulièrement, que vous refusiez de l'emmener aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et qu'il a été blessé à deux reprises suite à votre comportement brutal, ce que deux médecins ont pu constater. Dans la mesure où vous nous avez informés que vous ne pourriez pas vous présenter à l'entretien préalable, nous vous avons demandé par courrier du 9 juin 2009 de nous présenter vos explications d'ici le vendredi 12 juin 2009. Vous n'avez pas donné suite à cette demande. Compte tenu de votre comportement de vos responsabilités et de la fragilité des résidents que nous accueillons, votre maintien dans l'établissement est impossible. La rupture de nos relations prend donc effet ce jour "./ Sur les retards, l'association La pierre angulaire fait valoir qu'il résulte du cahier de liaison que Laetitia X... a pris son poste avec 20 minutes de retard le 2 mai 2009 et avec une heure de retard le 3 mai 2009 et qu'elle avait déjà fait l'objet de plusieurs avertissements pour des faits similaires./ Elle ajoute que la réitération de ces seuls faits justifie le licenciement pour faute grave./ Sur les actes de maltraitance à l'égard d'un résident, l'association La pierre angulaire soutient que les faits sont établis par une plainte de Jean-Yves Y..., frère du résident concerné, et les constats de Magali Z..., psychologue de l'établissement et des docteurs Dominique A... et Véronique B...
C..., tous deux médecins./ Par lettre datée du 29 mai 2009 adressée au directeur de la maison de retraite, Jean-Yves Y... a exposé qu'après une fracture inexpliquée à un pied, il avait constaté que son frère Vincent présentait des hématomes sur les bras et des écorchures sur le dessus des mains, que le 26 mai 2009, l'aide soignante du matin, s'étant aperçue de l'existence d'égratignures sur les faces externes et internes du bras gauche de son frère, a fait appeler le médecin, que son frère a refusé de ses confier à l'équipe par peur de représailles mais que pressé de questions par les siens, il a avoué que deux aides soignantes le secouaient et le traitaient sans ménagement allant jusqu'à refuser de l'installer le soir sur les toilettes sous prétexte qu'on lui mettait une couche de protection, qu'il s'agissait de Laetitia et de Marine qui avaient un comportement douteux, que son frère a affirmé que c'est Laetitia, qui en 2008, avait provoqué la fracture du pied et qui avait également fait la blessure au bras le 25 mai 2009./ Lors d'un dépôt de plainte, Jean-Yves Y... a précisé aux services de police que le 14 octobre 2008, son frère avait été victime d'une fracture des métatarsiens du pied droit due, selon le médecin de l'établissement, à un coup sur un encadrement de porte lié au passage de son fauteuil roulant qui aurait été trop brutal et qui était conduit par Laetitia X..../ Magali Z..., psychologue de l'établissement, atteste avoir reçu Vincent Y..., les 25 mai, 29 mai et 6 juin 2009, à la demande du directeur de l'établissement, que cette personne lui a confié que Laetitia X... lui avait fait mal à la jambe (trois fractures) et une autre fois au bras en l'emmenant aux toilettes, que Laetitia X... et Marine D... lui disaient souvent d'attendre alors qu'il demandait à être accompagné aux toilettes, qu'au cours des entretiens, elle a pu constater que Vincent Y... était en souffrance et très inquiet pour l'avenir, s'attardant plus longtemps sur les craintes liées à la suite des événements plutôt que sur les faits et qu'il avait gardé longtemps le silence par peur des représailles./ Par télécopie du 29 mai 2009, le docteur Véronique B...
C... a informé l'association La pierre angulaire qu'elle avait examiné Vincent Y..., lequel lui avait dit avoir été malmené par deux membres du personnel soignant à plusieurs reprises, qu'il avait présenté une fracture du pied droit (3 têtes de métatarsiens) le 14 octobre 2008 qui aurait été due à un coup sur un encadrement de porte lié au passage de son fauteuil roulant qui aurait été trop brutal, qu'au jour de l'examen, il présentait quatre égratignures autour du coude gauche, qu'il a rapporté avoir été oublié aux toilettes longuement ou qu'il n'y aurait pas été placé à sa demande, qu'il dit également présenter un choc psychologique et qu'il exprimait une peur quasi permanente./ Le docteur Dominique A... atteste avoir rencontré en entretien Vincent Y... le 28 mai 2009, à la demande du directeur de l'établissement à la suite du signalement de faits de maltraitance par sa famille, avoir observé que Vincent Y... était porteur d'excoriations cutanées à la face externe de son bras gauche, qu'il lui a confié qu'il pensait que ces lésions avaient été faites par Laetitia X... avec laquelle " ça ne se passe pas bien ", que le traumatisme du pied droit avec fracture de trois métatarsiens (radiographie du 18 octobre 2008) serait survenue avec cette salariée, renseignement qu'il n'avait pas donné à l'époque lorsqu'il avait été interrogé sur les circonstances de cette fracture, qu'il a également signalé que " ça ne se passait pas bien " avec une autre salariée, Marine D..../ Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Laetitia X... refusait d'emmener Vincent Y... aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et qu'il avait été blessé à deux reprises suite à son comportement brutal./ Ces faits qui sont invoqués à l'appui du licenciement et qui sont donc établis constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de Laetitia X... dans l'entreprise./ En conséquence, et pour ces seuls faits, le licenciement de Laetitia X... repose sur une cause réelle et sérieuse ce qui conduit au débouté de l'ensemble des demandes de Laetitia X... et à l'infirmation de la décision déférée » (cf., arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;
ALORS QUE, de première part, le juge ne peut exclusivement se fonder sur des témoignages indirects pour retenir que la preuve de ce que le salarié a commis une faute grave est apportée par l'employeur ; qu'en se fondant exclusivement sur des témoignages indirects, pour retenir que les faits reprochés à Mme Laetitia X..., qu'elle a considéré comme constitutifs d'une faute grave de la part de cette dernière, tenant à son prétendu refus d'emmener M. Vincent Y... aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et au fait que M. Vincent Y... aurait été blessé, à deux reprises, à la suite de son comportement brutal, étaient établis, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail et de l'article 1315 du code civil ;
ALORS QUE, de seconde part, Mme Laetitia X... avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le ministère public avait classé sans suite les plaintes déposées auprès de lui à raison des prétendus faits de maltraitance qui lui étaient reprochés et que cette circonstance, compte tenu de la sévérité dont fait preuve le ministère public, lorsqu'il se voit soumis des faits de maltraitance de personnes âgées qui sont avérés, établissait que ces faits n'étaient pas démontrés ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
3. La valeur probante des témoignages est douteuse, voire inexistante : effectivement, le témoin indirect ne fait que rapporter ce qu'un tiers aurait vu ou entendu, et nullement des faits qu'il a lui-même personnellement constatés.
Dans ces conditions, l'employeur, qui prétend qu'un salarié a commis une faute grave, ne peut être regardé comme ayant apporté la preuve en produisant uniquement des témoignages indirects : en décider autrement reviendrait, effectivement, à remettre indirectement en cause le principe selon lequel c'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve de ce que le salarié a commis une faute grave : cf., notamment, Soc., 9 octobre 2001, cassation (Bull., n° 306, p. 245, pourvoi n° 99-42. 204).
Il y a donc lieu de retenir que le juge ne peut exclusivement se fonder sur des témoignages indirects pour retenir que la preuve de ce que le salarié a commis une faute grave est apportée par l'employeur.
Or, en l'espèce, pour retenir que les faits reprochés à Mme Laetitia X..., qu'elle a considéré comme constitutifs d'une faute grave de la part de cette dernière, tenant à son prétendu refus d'emmener M. Vincent Y... aux toilettes au prétexte qu'il portait des protections et au fait que M. Vincent Y... aurait été blessé, à deux reprises, à la suite de son comportement brutal, étaient établis, la cour d'appel de Lyon s'est exclusivement fondée sur des témoignages indirects (cf., arrêt attaqué, p. 3 à 5).
En se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel de Lyon a donc violé les dispositions des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail et de l'article 1315 du code civil D'où le premier élément du moyen de cassation.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-10658
Date de la décision : 22/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 jan. 2014, pourvoi n°13-10658


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.10658
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