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21/01/2014 | FRANCE | N°12-24505

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 janvier 2014, 12-24505


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par convention du 18 janvier 2001, M. X... a ouvert dans les livres de la société Dubus un compte de dépôt au nom de sa fille mineure et opté pour la possibilité de passer des ordres de service à règlement différé (OSRD) ainsi que des opérations à découvert ; qu'un arrêt irrévocable du 11 octobre 2007 a déclaré nuls les OSRD et les ventes à découvert passés sans autorisat

ion judiciaire et condamné la société Dubus à payer à M. X..., en sa qualité de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par convention du 18 janvier 2001, M. X... a ouvert dans les livres de la société Dubus un compte de dépôt au nom de sa fille mineure et opté pour la possibilité de passer des ordres de service à règlement différé (OSRD) ainsi que des opérations à découvert ; qu'un arrêt irrévocable du 11 octobre 2007 a déclaré nuls les OSRD et les ventes à découvert passés sans autorisation judiciaire et condamné la société Dubus à payer à M. X..., en sa qualité de représentant légal de sa fille mineure, une certaine somme en restitution des sommes investies au titre de ces opérations ; que soutenant que M. X... avait engagé sa responsabilité en ne s'assurant pas que l'ouverture du compte et l'exécution des ordres de bourse avaient été autorisées par le juge de paix belge, la société Dubus l'a fait assigner en dommages-intérêts ;
Attendu que pour dire que M. X... n'avait pas engagé sa responsabilité envers la société Dubus, l'arrêt retient qu'il ne peut lui être imputé une quelconque rétention d'information sur sa qualité de représentant légal de sa fille mineure ni un manquement au devoir de loyauté envers sa cocontractante ; qu'il retient encore qu'en sa qualité de professionnel des transactions, et compte tenu de la nature des opérations boursières envisagées par M. X..., la société Dubus devait s'interroger sur l'aptitude de ce dernier à accomplir des actes de disposition pour le compte de sa fille mineure et, le cas échéant, requérir de son client la production de documents judiciaires utiles ; qu'il ajoute que l'arrêt du 11 octobre 2007 a précisé que la société Dubus ne pouvait se retrancher derrière son ignorance du droit belge, lequel était, sur la question de l'administration légale des biens sous contrôle judiciaire, similaire au droit français ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. X..., qui était légalement tenu d'obtenir une autorisation judiciaire pour pouvoir passer des opérations à haut risque sur le compte de sa fille mineure, ne justifiait pas d'une telle autorisation, ce dont il résultait qu'il avait commis une faute engageant sa responsabilité dont ne pouvait l'exonérer que partiellement la faute de la société Dubus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Dubus la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Dubus
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société DUBUS de ses demandes de dommages-intérêts et de sa demande relative au paiement du solde débiteur du compte portefeuille n° 2243845100 ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « la société DUBUS entend mettre enjeu la responsabilité personnelle de Monsieur Pascal X... en ce qu'il a sollicité l'ouverture pour le compte de sa fille mineure et sans aucune autorisation judiciaire d'un compte portefeuille tout en optant pour la possibilité de passer des ordres de service à règlement différé (O. S. R. D.) ainsi que des achats/ ventes dits « à découvert », c'est-à-dire des opérations à haut risque pour qui ne maîtrise pas la technique boursière, plus spécifiquement les régimes particuliers ; que s'il est acquis que la seule ouverture d'un compte au nom d'un mineur n'impose pas la justification d'une autorisation judiciaire préalable s'agissant d'un acte d'administration tant en droit belge qu'en droit français, l'accomplissement sur ce compte des opérations sus-visées rendait nécessaire la justification d'une autorisation du juge de paix s'agissant d'actes de disposition compte tenu notamment des risques attachés à de telles opérations engageant les biens du mineur ; qu'il est acquis que Monsieur Pascal X... ne peut justifier d'une telle autorisation judiciaire relativement au fonctionnement du compte ouvert dans les livres de la société prestataire, ce fait étant constant et admis par les parties ; que toutefois, pour voir engager la responsabilité de son cocontractant, la société prestataire doit démontrer contre celui-ci une faute voire un manquement à ses propres obligations ; que l'examen du document intitulé « La Charte DUBUS S. A. » (pièce n° 1) transmis par la personne morale enseigne que Monsieur X... a bien révélé son état de conjoint veuf ainsi que la minorité de sa fille Margaux pour le compte de laquelle il entendait ouvrir le compte litigieux et passer des opérations sur le marché financier ; que Pascal X... précisait dans la pièce n° 19 datée du 18 janvier 2001 également transmise par la société DUBUS qu'il « souhaitait ouvrir un compte pour sa fille, Melle X... Margaux. Sa fille étant mineure, il était le tuteur légal, et il reste donc le seul mandataire jusqu'à sa majorité » ; qu'en l'état de ces renseignements, la société DUBUS avait forcément saisi que Margaux X... était orpheline et que Monsieur Pascal X... en était le seul représentant légal et donc seul administrateur des biens ; qu'il apparaît au contrat conclu avec la société prestataire que Monsieur X... a déclaré exercer une profession indépendante, ce qui ne permet aucunement d'en déduire qu'il disposait de connaissances juridiques particulières relatives à la gestion des biens de sa fille ni même qu'il maîtrisait la distinction juridique entre les actes d'administration et ceux de disposition ; qu'ainsi, il ne peut être retenu contre Monsieur X... une quelconque rétention d'information ou quelque manquement au devoir de loyauté qui gouverne les relations entre des cocontractants ; qu'en sa qualité de professionnel des transactions et compte tenu de la nature des opérations boursières envisagées par Monsieur X..., la société DUBUS devait s'interroger sur la capacité de son cocontractant à accomplir des actes de disposition pour le compte de sa fille mineure et, le cas échéant, requérir de son client la production des documents judiciaires utiles ; qu'il ne peut être question dans ce contexte de consacrer un transfert de responsabilité de la société prestataire à son client, cette cour, par arrêt du 11 octobre 2007 aujourd'hui définitif, ayant annulé sur le fondement des dispositions du Code civil belge les O. R. S. D. et ventes à découvert effectués sans autorisation du juge de paix, la juridiction du second degré ayant précisé que la société DUBUS ne pouvait se retrancher derrière son ignorance du droit belge, lequel était, sur la question de l'administration légale des biens sous contrôle judiciaire, similaire au droit français ; qu'en définitive, la responsabilité personnelle de Monsieur Pascal X... n'est pas engagée et c'est donc à tort que la société DUBUS a entendu poursuivre son client pour obtenir sa condamnation à lui restituer la somme de 80. 624, 36 euros déboursée suite au précédent arrêt ou encore à lui régler le solde débiteur du compte portefeuille arrêté au 31 décembre 2007 à la somme de 99. 986, 03 euros ; que c'est donc à raison que les premiers juges ont débouté la société DUBUS de ses demandes principales en paiement, le jugement déféré étant en cela confirmé » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'argumentation développée à ce titre par la société demanderesse ne saurait cependant prospérer, puisque :- d'une part, selon les termes clairs de l'arrêt rendu le 11 octobre 2007 revêtu de la force de chose jugée, la Cour d'Appel de DOUAI a retenu qu'en application du droit belge, le représentant légal du mineur n'est pas tenu de disposer d'une autorisation spéciale du juge de paix pour ouvrir un compte au nom de l'enfant mineur ;- et d'autre part, si les ordres d'achat et de vente de titres pour le compte de la mineure sont des actes de disposition soumis à une telle autorisation faisant défaut en l'espèce, la Cour d'Appel a imputé ce manquement à la société DUBUS SA ; qu'aujourd'hui, cette dernière ne peut rejeter sa propre responsabilité sur le défendeur alors qu'il lui appartenait en sa qualité de professionnel de se conformer aux réglementations applicables en vérifiant notamment la capacité de ses clients mineurs à effectuer d'importants investissements boursiers » ;

ALORS en premier lieu QU'en jugeant que Monsieur X... était légalement tenu d'obtenir une autorisation judiciaire préalable pour pouvoir passer des ordres de service à règlement différé sur le compte de sa fille ainsi que des achats/ ventes dits « à découvert » et qu'il ne pouvait justifier d'une telle autorisation, raison pour laquelle la cour d'appel de DOUAI, par un arrêt du 11 octobre 2007, a déclaré nuls les ordres litigieux et a condamné la société DUBUS à rembourser à Monsieur X..., ès qualités de représentant de sa fille, les sommes illégalement investies par celui-ci, mais qu'aucune faute ne pourrait cependant être retenue à son encontre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1382 du Code civil ;
ALORS en second lieu QUE le refus d'exonérer l'auteur d'un dommage de sa responsabilité à l'égard de la victime est sans incidence sur le sort de l'action en garantie exercée par celui-ci à l'encontre d'un tiers pour avoir fautivement concouru à la réalisation du même dommage et sur l'éventuel partage à s'en suivre entre eux ; qu'en jugeant qu'il ne peut être question de « consacrer un transfert de responsabilité de la société prestataire à son client », la cour d'appel ayant précédemment « annulé sur le fondement des dispositions du Code civil belge les ORSD et ventes à découvert effectuées sans autorisation du juge de paix, la juridiction du second degré ayant précisé que la société DUBUS ne pouvait se retrancher derrière son ignorance du droit belge » (arrêt, p. 6 § 4), la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-24505
Date de la décision : 21/01/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 23 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jan. 2014, pourvoi n°12-24505


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.24505
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