LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 septembre 2012), que Mme Elisabeth X... s'est opposée à la vente par ses cohéritiers, M. Bernard X..., Mme Christiane X..., Mme Colette X... et Mme Lucienne X... (les consorts X...), d'un immeuble indivis dépendant de la succession de leurs parents, que les consorts X... ont saisi un tribunal aux fins de licitation du bien immobilier en application des dispositions de l'article 815-5-1 du code civil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Elisabeth X... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action formée par les consorts X... et d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, qu'en vertu du principe de non-rétroactivité prévu à l'article 2 du code civil, une loi qui a consacré un principe nouveau n'est applicable aux situations et aux rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation qu'autant qu'il n'en doit pas résulter la lésion de droits acquis ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-526 du 10 12 mai 2009 dont est issu l'article 815-5-1 du code civil, l'aliénation d'un bien indivis, en cas de désaccord entre les indivisaires, ne pouvait avoir lieu que lors du partage de l'indivision ; que tout indivisaire a donc un droit acquis à s'opposer à l'aliénation d'un bien appartenant à une indivision existante à la date d'entrée en vigueur de la loi du 10 12 mai 2009 ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que l'indivision litigieuse avait pris naissance en 2003, soit avant l'entrée en vigueur de cette loi, ce dont il résulte que Mme Elisabeth X... avait un droit acquis à s'opposer à l'aliénation, hors partage, de l'immeuble dont la licitation était demandée ; qu'en considérant toutefois que l'article 815-5-1 du code civil s'appliquait immédiatement à l'indivision litigieuse et que, par conséquent, la licitation pouvait être ordonnée, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé, à bon droit, par motifs tant propres qu'adoptés, que, sauf si elle en dispose autrement, une loi nouvelle s'applique immédiatement aux situations juridiques non contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à défaut de dispositions contraires, l'article 815-5-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, était applicable aux effets à venir d'une indivision existante au jour de l'entrée en vigueur de cette loi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le second moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Elisabeth X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Elisabeth X... à payer à M. Bernard X... et à Mmes Christiane, Colette et Lucienne X... la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour Mme Elisabeth X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action formée par M. Bernard X..., Mme Christiane X..., Mme Colette X... et Mme Lucienne X... sur le fondement de l'article 815-5-1 du code civil, visant à ce que le tribunal ordonne la licitation de l'immeuble situé... et cadastré ... section AB n° 151 et 152 et d'avoir fait droit à cette demande ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE le principe de l'application immédiate de la loi nouvelle aux situations juridiques non contractuelles existantes au moment de l'entrée en vigueur de cette loi, ne se heurte aucunement au paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui consacre le droit à un procès équitable ; que l'application immédiate d'un texte de loi ne signifie pas sa rétroactivité, seule prohibée par l'article 2 du code civil ; que la loi n° 2009-526 du 10 mai 2009 dont est issu l'article 815-5-1 du code civil s'applique immédiatement aux indivisions existantes au moment de son entrée en vigueur et donc à l'indivision litigieuse qui a pris naissance en 2003 ;
ALORS QUE, en vertu du principe de non-rétroactivité prévu à l'article 2 du code civil, une loi qui a consacré un principe nouveau n'est applicable aux situations et aux rapports juridiques établis ou formés avant sa promulgation qu'autant qu'il n'en doit pas résulter la lésion de droits acquis ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-526 du 10 mai 2009 dont est issu l'article 815-5-1 du code civil, l'aliénation d'un bien indivis, en cas de désaccord entre les indivisaires, ne pouvait avoir lieu que lors du partage de l'indivision ; que tout indivisaire a donc un droit acquis à s'opposer à l'aliénation d'un bien appartenant à une indivision existante à la date d'entrée en vigueur de la loi du 10 mai 2009 ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que l'indivision litigieuse avait pris naissance en 2003, soit avant l'entrée en vigueur de cette loi, ce dont il résulte que Mme Elisabeth X... avait un droit acquis à s'opposer à l'aliénation, hors partage, de l'immeuble dont la licitation était demandée ; qu'en considérant toutefois que l'article 815-5-1 du code civil s'appliquait immédiatement à l'indivision litigieuse et que, par conséquent, la licitation pouvait être ordonnée, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la licitation de l'immeuble situé... et cadastré ... section AB n° 151 et 152 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'aliénation envisagée par les autres indivisaires ne porte pas une atteinte excessive aux droits de Mme Elisabeth X... ; que, notamment, celle-ci ne produit aucune pièce justificative à l'appui de ses dires et que le seul fait que l'immeuble ait appartenu à ses parents et qu'elle y ait vécu pendant sa jeunesse, ne peut caractériser une atteinte excessive à ses droits ; qu'en cause d'appel, la carence de Mme Elisabeth X... dans l'administration de la preuve de ses allégations est restée la même ; que le fait que Mme Elisabeth X... soit très attachée à l'immeuble familial et qu'elle ait souhaité venir y habiter pendant sa retraite, ne peut contraindre les autres indivisaires à rester en indivision alors qu'elle n'a pu leur proposer aucune solution de rachat de leurs droits indivis ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'immeuble, acquis en 1966 pendant le mariage des parents des parties, n'appartient à la famille que depuis une date récente et que Mme Elisabeth X... n'y a pas fixé sa résidence ; que le fait que la commune du Vigan qui se porte acquéreur souhaite transformer le jardin privatif en jardin public ne constitue pas sur le principe une atteinte à la qualité du bien et devrait permettre au contraire à Mme Elisabeth X... de continuer à profiter avec d'autres d'un lieu qui lui est cher ;
ALORS QU'en se bornant à considérer que l'attachement personnel de Mme Elisabeth X... à l'immeuble familial n'était pas un élément suffisant pour caractériser une atteinte excessive à ses droits, sans rechercher, ainsi que l'y invitait Mme Elisabeth X... dans ses conclusions (p. 7), si la circonstance que ses parents aient toujours souhaité que le bien immobilier reste dans la famille et que les cendres de sa mère aient été répandues dans le jardin, où son père avait travaillé de 1966 jusqu'à sa mort en 1983, ne caractérisait pas, en elle-même, une atteinte excessive aux droits de Mme Elisabeth X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 815-5-1 du code civil.