LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel, recherchant la véritable cause de licenciement de la salariée qui, occupant un poste à mi-temps préconisé par le médecin du travail, avait refusé une proposition de modification de son contrat de travail pour un autre poste qui serait devenu à temps plein, n'a pas dénaturé la lettre de licenciement en retenant souverainement que celui-ci était en réalité motivé par une autre cause que celle résultant des motifs relatant des fautes professionnelles ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compagnie méditerranéenne des cafés Malongo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Compagnie méditerranéenne des cafés Malongo et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie méditerranéenne des cafés Malongo
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société CMC MALONGO à lui payer la somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts;
AUX MOTIFS QUE "la teneur de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est la suivante: "Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 juin 2008, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 23 juin 2008 à 9 heures. Lors de cet entretien, auquel vous vous être présentée seule, vous avez été reçue par Patrick Y..., Directeur Administratif et Financier et Laetitia Z..., Adjointe Responsable Ressources Humaines. Les faits ayant motivé votre convocation ont été expliqués et vos explications des faits ont été recueillies. Nous avons tout d'abord abordé le problème de la tarification: dès votre retour d'arrêt maladie, nous vous avons demandé de contrôler tous les tarifs et de les corriger si nécessaire. Or à de nombreuses reprises, nous avons pu constater que les tarifs appliqués n'étaient pas les bons (par exemple, HEDIARD), ceci venant provoquer de nombreux incidents de paiement. De plus, la validation des tarifs n'est intervenue qu'à la fin du mois de mai 2008, c'est à dire plus de 7 mois après votre retour. Cela démontre d'une part votre manque de réactivité sur ce dossier et, d'autre part, une inexécution des consignes de travail qui vous avaient été données. Par ailleurs, nous vous avions demandé de solutionner le problème des avoirs, vous rappelant à plusieurs reprises que ceux-ci bloquaient le recouvrement de nos créances et par là-même, alourdissaient les comptes clients. Il a fallu vous rappeler à l'ordre plusieurs fois à ce sujet, tant vous ne respectiez pas les délais communiqués par la Direction Financière. De plus, il a été nécessaire de vous rappeler pour la énième fois, la procédure liée aux avoirs, le contrôle de gestion ayant relevé des doublons de votre part. Nous avons même eu à déplorer un incident avec l'Elysée : Gilles A... vous avait demandé à plusieurs reprises d'établir des avoirs concernant ce client. Non seulement vous n'avez pas honoré cette demande, mais en outre, vous êtes allée jusqu'à adresser une mise en demeure à l'Elysée, heureusement stoppée par Mr A.... A titre d'exemple également, à ce jour, une cliente attend toujours un avoir depuis mars 2008 ! De plus, les attachés commerciaux se sont plaints de ne plus avoir de soutien de votre part : manque de réactivité, absence de réponse, manque de disponibilité pour les commerciaux, qui doivent appeler un autre service pour avoir des réponses ! Or, le rôle de l'Assistante commerciale est bien d'intervenir en soutien des commerciaux. Enfin, nous avons relevé que votre comportement ne correspondait pas aux exigences du poste : il est nécessaire de garder son calme avec les clients et les collègues de travail, alors que vous êtes très souvent paniquée. Pourtant, nous avions aménagé votre poste et pris les dispositions nécessaires au bon déroulement de votre mi-temps thérapeutique. Nous avons même procédé à l'embauche d'une personne supplémentaire à temps plein pour alléger votre charge de travail. Malgré nos efforts, nous avons constaté que vous ne parvenez pas à réussir votre mission d'Attachée commerciale, commettant de nombreuses erreurs et ne respectant pas les consignes de travail. Lors de l'entretien, vous avez expliqué que selon vous, vous n'aviez rien à vous reprocher et que vous aviez toujours fait votre travail consciencieusement. Malheureusement, cette impression n'est pas partagée par votre Direction et vos collègues de travail. L'inexécution des consignes de travail qui vous ont été données, votre manque de réactivité, les erreurs que vous avez commises constituent des fautes professionnelles. Les faits précités, ainsi que votre attitude inadaptée aux exigences du poste rendent impossible le maintien de votre contrat de travail. En effet votre comportement perturbe le bon fonctionnement du service et rendent difficiles les relations de travail au sein de celui-ci. Toutefois, compte tenu de votre ancienneté au sein de la Compagnie Méditerranéenne des Cafés, nous avons souhaité vous proposer un reclassement au sein même de la société. Nous vous avons proposé, par courrier du 26 juin dernier, un poste d'Assistante Administrative à temps plein (soit 35 heures par semaine, du lundi au vendredi): vous auriez été amenée à travailler pour le département Formation sous la direction de Christian B... (pour 80% de votre temps de travail) et pour le service communication-culture (pour les 20% de votre temps de travail restant). Les missions liées à ce poste étaient détaillées dans notre courrier: nous vous avions indiqué également que votre rémunération brute annuelle serait maintenue, ainsi que votre statut et votre coefficient. Nous avions attiré votre attention sur le fait que cette proposition de reclassement était la seule alternative possible à la rupture du contrat de travail vous liant à la société : dans le cas où vous refuseriez cette proposition, nous serions contraints de procéder à votre licenciement. Nous vous avions précisé que cette proposition avait une durée de validité limitée, et que celle-ci prenait fin le 1er juillet 2008 au soir. Or, cette lettre recommandée avec accusé de réception n'a été présentée à votre domicile que le 1er juillet: aussi, bien que nous vous ayons remis une copie de cette lettre pour information le vendredi 27 juin, nous avons considéré que votre délai de réflexion n'avait pas été suffisant, et, par courrier du 3 juillet 2008, nous vous informions que ce délai était prolongé jusqu'au 11 juillet au soir. Par courrier du 7 juillet, vous nous demandiez pour toute réponse de "lire attentivement les conclusions écrites du médecin du travail". Comme nous l'avons indiqué dans notre lettre du 9 juillet 2008, avant de vous proposer ce poste d'Assistante Administrative, nous avons bien entendu tenu compte de vos propres observations et de celles du médecin du travail. En effet, celui-ci nous avait demandé, lors de votre dernière visite, de vous "ménager", et vous-même vous étiez plainte du contenu du poste d'Assistante Commerciale, notamment dans votre courrier du 17 mai dernier. Lorsque dans le cadre de la procédure initiée à votre encontre, nous avions décidé de vous proposer une mesure de reclassement, ces raisons avaient motivé notre choix pour un poste d'Assistante Administrative, moins sollicité par la clientèle, et plus souple dans le contenu même des fonctions. Vous précisant ces points, nous avons reporté une nouvelle fois la tenue de la proposition et de votre délai de réflexion au 15 juillet 2008 au soir. Le 16 juillet 2008, nous avons reçu votre réponse par courrier recommandé avec accusé de réception: vous nous indiquiez que vous ne pouvez pas répondre à notre proposition si celle-ci ne tient pas compte des aménagements préconisés par le Médecin du Travail. Nous considérons avoir respecté les observations du médecin du travail et vos propres remarques dans le cadre de cette proposition. Votre réponse étant négative, comme nous vous l'avons indiqué, précédemment, nous n'avons pas d'autre choix que de vous notifier votre licenciement pour faute professionnelle. Votre préavis de deux mois débutera dès la première présentation de cette lettre à votre domicile. A l'expiration de ce préavis, vous cesserez de faire partie de nos effectifs. A compter de cette date, nous vous adresserons votre reçu pour solde de tout compte, votre certificat de travail ainsi que l'attestation ASSEDIC. Nous vous informons par ailleurs que vous avez acquis à ce jour 90 heures au titre du droit individuel à la formation: vous pouvez demander à utiliser ces heures pour bénéficier notamment d'une action de formation, d'un bilan de compétence ou d'un validation des acquis de l'expérience". Attendu que, au vu de cette lettre, dont la motivation est pour le moins contournée, le licenciement est motivé, non pas par les fautes professionnelles alléguées, tenant, selon les énonciations de celle-ci, à l'inexécution des consignes de travail données, à un manque de réactivité et à des erreurs, lesquelles, aux yeux de l'employeur justifiaient seulement, compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, un "reclassement" sur un autre poste de l'entreprise, "reclassement "qui, s'effectuant en dehors de toute déclaration d'inaptitude, sans déplacement géographique, à salaire, qualification, coefficient et statut identique, ne constituait ni une rétrogradation ni même une véritable sanction mais sous couvert d'une telle mesure, une simple modification des attributions de la salariée pour des fonctions correspondant mieux, selon l'employeur, à ses capacités, mais, en réalité, ainsi que le fait valoir l'intimée, sur le refus que la salariée a opposé à cette proposition de modification, ce que l'employeur exprime en indiquant "votre réponse étant négative, comme nous vous l'avons indiqué précédemment, nous n'avons d'autre choix que de vous notifier votre licenciement pour faute professionnelles", ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse; qu'il doit être relevé au surplus que le refus de la salariée était justifié, contrairement à ce que soutient l'employeur, dès lors que le changement proposé emportant passage d'un temps partiel (mi-temps thérapeutique ayant fait l'objet de l'avenant du 17 septembre 2007) à un temps complet, l'accord exprès du salarié était requis (ce que l'employeur n'ignore pas puisqu'il faisait état dans sa proposition de la signature d'un nouvel avenant en cas d'acceptation), que cette proposition initiale de temps complet était contraire aux conclusions du médecin du travail et que la lettre du 9 juillet 2008, que la salariée a reçue le 12 juillet suivant, dans laquelle l'employeur indiquait que "si le mi-temps thérapeutique était prolongé, confirmé par le médecin du travail, le poste serait aménagé" apparaît comme bien tardive, obligation ayant été faite à la salariée, laquelle se trouvait en outre en arrêt maladie depuis le 30 juin 2008, d'opter avant le 15 juillet 2008, soit dans un délai particulièrement bref; que par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré le licenciement de Josette X... comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse" (arrêt p. 5 à 7),
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause; qu'en l'espèce, alors que la lettre de licenciement adressée à Mme X... indiquait "nous n'avons pas d'autre choix que de vous notifier votre licenciement pour fautes professionnelles", la cour d'appel a estimé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse car motivé "non pas par les fautes professionnelles alléguées, tenant, selon les énonciations de celle-ci, à l'inexécution des consignes de travail données, à un manque de réactivité et à des erreurs", mais par le refus d'une mesure de reclassement "qui, s'effectuant en dehors de toute déclaration d'inaptitude, sans déplacement géographique, à salaire, qualification, coefficient et statut identique, ne constituait ni une rétrogradation ni même une véritable sanction mais sous couvert d'une telle mesure, une simple modification des attributions de la salariée pour des fonctions correspondant mieux, selon l'employeur, à ses capacités, mais, en réalité, ainsi que le fait valoir l'intimée, sur le refus que la salariée a opposé à cette proposition de modification"; qu'en statuant ainsi, la cour a dénaturé la lettre de licenciement, en violation de l'article 1134 du code civil;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le refus par le salarié d'une modification de ses conditions de travail peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement; qu'en considérant que le licenciement de Mme X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse car motivé par le refus d'une mesure de reclassement s'effectuant sans déplacement géographique, à salaire, qualification, coefficient et statut identique, ne constituait ni une rétrogradation ni même une véritable sanction mais une simple modification des attributions, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer que la proposition de l'employeur ait emporté modification du contrat de travail, au motif qu'il avait proposé un passage à temps plein et que la salariée pouvait légitimement la refuser dès lors qu'elle ne tenait pas compte des préconisations du médecin du travail relatif à la nécessité de la faire travailler à mi-temps, alors qu'il résultait de ses constatations qu'un courrier du 9 juillet 2008 adressé à la salariée lui précisait que si le médecin du travail préconisait un travail à mi-temps, son poste serait aménagé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1134 du code civil;
ALORS, ENFIN, QUE si un salarié peut toujours refuser la modification de son contrat de travail, fût-elle proposée à titre de sanction disciplinaire, et si l'employeur, qui entend maintenir la modification, est alors tenu de licencier l'intéressé, ce licenciement n'est pas, en soi, dépourvu de cause réelle et sérieuse; qu'il appartient alors au juge de rechercher si le motif de la modification tel qu'énoncé dans la lettre de licenciement constitue une cause réelle et sérieuse; qu'en affirmant que Mme X... était en droit de refuser la proposition de reclassement et en déduisant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif que cette proposition se traduisait par le passage d'un contrat de travail à temps partiel vers un contrat de travail à temps plein, sans examiner les motifs de la modification proposée qui étaient mentionnés dans la lettre de licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail.